Une suite raisonnée

Comme le précise F. de Dainville, « le Ratio n'a rien d'un traité des études, c'est un code, un code pédagogique, exposant, sous la forme concise de règles, des méthodes et des industries ayant fait leurs preuves. Rédigées par des hommes de collège pour des hommes de collège, tout orientées vers la pratique, elles ne sont pas groupées par matières, mais polarisées par juridiction, chaque charge, ou plus exactement chaque officier a ses règles et celles de son office 234  ». Et puisque le principe de division des classes, selon la Ratio, est celui de la grammaire latine, la comparaison portera sur le programme de latin, exposé aux articles intitulés : « objets d'enseignement, division des classes, livres propres à chaque classe » de la première partie du plan d'études.

Mais tout d'abord, pour faciliter la représentation de cette étude comparative, précisons les équivalences des classes. D'après l'article sur la didactique de la langue latine, situé à la deuxième partie du plan de l'Argentière, le cycle d'études est réparti selon trois degrés, recevant les appellations de : Basses Classes, Hautes Classes et Classe d'Humanités 235 . Voici les passages qui le mentionnent :

Basses classes «  Dès que les enfants comprennent bien ces règles (déclinaisons, conju­gaisons régulières), on les met à l'explication d'un auteur facile tel que l'Epitome Historiae Sacræ.
Ce qui a été dit de l'explication regarde principalement les basses classes, (...) quand l'exercice les aura familiarisés avec la construction latine, comme ils doivent l'être avant la fin de la cinquième » 
236 .
Hautes classes «  Dans les hautes classes, aux observations sur les règles de la syntaxe, le maître substitue des remarques sur les figures grammaticales, poé­tiques ou oratoires, sur les tours extraordinaires, sur les hellénismes, sur la structure des vers latins. Sur le style de la poésie ou de l'élo­quence, il prend occasion pour développer les règles générales du goût sur les pensées et sur le style, et le tout proportionné à la force de la quatrième ou de la cinquième » 237 .
Classe d'humanités «  C'est en quatrième que les jeunes gens, après avoir pris une idée des systèmes de la Mythologie ancienne, commencent à étudier la prosodie.
Cette étude sera comme le passage de la grammaire à la littérature » 
238 .

Comme dans la Ratio studiorum de 1599, l'étude de la prosodie mar­que le passage des classes de grammaire à celles d'humanités. Ce qui a lieu en troisième classe, avec l'étude de la littérature.

Il nous est donc possible d'établir ces équivalences :

Plan de l'Argentière Ratio studiorum
8e, 7e Basse classe de Grammaire
6e, 5e Classe moyenne de Grammaire
fin 5e, 4e Classe supérieure de Grammaire
3e, 2e Humanités
Rhétorique Rhétorique

Mais que recouvraient, alors, les dénominations de classes de « grammaire » et « d'humanités »  ?

D'après Gabriel Codina Mir, « le mot « grammaire » n’est plus synonyme de petites écoles et de l’enseignement que nous appellerions aujourd’hui primaire, mais bel et bien une discipline au rang pré-universitaire. C'est en quelque sorte par cette mise en valeur de la grammaire, et par le démembrement des arts des autres Facultés, que prend corps notre enseignement secondaire, en fonction toujours de l’enseignement supérieur »  239 . C'est pourquoi, « grammaire et rhétorique vont ensemble : il y a entre les deux une différence de degré plutôt qu’une véritable ligne de séparation » 240 . A l’arrivée de la Renaissance, sous l'appellation de classe d'humanités, « on commença à ranger toute cette nouvelle branche du savoir, si complexe et si riche, sous un titre très éloquent malgré son imprécision : les  humanités ou les « lettres d’humanité ». Sous cette dénomination prennent rang aussi bien la rhétorique que l’histoire, ou l’étude des langues anciennes, ou bien encore les poètes grecs et latins. Parfois aussi même la philosophie : mais il s’agit alors de la philosophie non scolastique, nouvelle »  241 .

Mais précise Codina Mir, « bien avant la Renaissance et l’introduction des classes, les études étaient traitées à Paris avec un ordre et un sérieux qu’on chercherait en vain dans d’autres Universités »  242 . Toutefois, « c’est dans le programme de Montaigu de 1509 que l’on trouve pour la première fois à Paris de façon précise et claire une stricte division des élèves en classes, dans le sens moderne du mot. C’est-à-dire la répartition graduée d’une même matière à des paliers ou niveaux successifs, dans un ordre de complexité croissante, en fonction de l’âge et du degré de connaissance acquis par les élèves ». On y trouve les principes qui conduiront à la division des classes des humanités 243 . Voici la définition donnée à ce terme : « Une classe dit ordre progressif dans le développement d’une matière, enseignée par degré, fondements solides avant de monter à l’échelon suivant » 244 . La dénomination des classes de la Ratio studiorum suit l’usage de Montaigu et des Collèges parisiens du XVI e siècle.

Avec cette représentation de la division des classes, nous pouvons engager l'étude comparative du programme de latin. Dans la Ratio studiorum, la manière de procéder est exposée au moyen de règles. « Disposées dans un ordre identique, (celles-ci) énoncent pour chaque degré le programme et son esprit, les auteurs, l'emploi du temps, les exercices de la classe, les devoirs et les concerta­tions. Sous leur apparente sécheresse elles nous montrent donc le maître dirigeant, éveillant et soutenant l'activité de l'élève  245  ». En comparant les directives du plan du collège de l'Argentière, selon deux paramètres, la bibliographie et les normes didactiques, nous obtenons les correspondances suivantes, niveau par niveau.

Etude du premier niveau appelé "Classes inférieures"
PLAN D'ETUDES  DE 1808 RATIO STUDIORUM DE 1599
8e : Classes élémentaires, 2e cours
7e : Classes élémentaires, 1e cours
Les classes inférieures de Grammaire
Livres propres à chaque classe  246  
8e : Catéchisme du diocèse, Grammaire française et latine de Lhomond, Dictionnaire des commençants, Fable de La Fontaine.
7e : Catéchisme, livre d'Evangile, Grammaire française et latine. Epitome Historiae Sacrae. Epitome de Diis et Heroibus Poeticis (en attendant qu'il puisse être remplacé par un plus convenable), Dictionnaire des Commençants, Abrégé de Boudot, Tableau chronologique de l'histoire ancienne et moderne, Fables de La Fontaine.
Livres  247
Répartition de la grammaire en trois livres.
Le premier livre, destiné à la classe inférieure (de grammaire), contiendra le premier livre d'Emmanuel (Alvarez) et une brève introduction à la syntaxe, tirée du second.
Prélection : de courts extraits de Cicéron.
Objet d'enseignement et division des classes Niveau 248
8e : Les premiers mois de l'année scholastique sont consacrés aux principes de la langue française. Vers le mois de janvier, on y ajoutera ceux de la langue latine. A la fin de l'année, les enfants doivent bien savoir les déclinaisons et les conjugaisons, les noms et les verbes irréguliers et la petite règle adaptée à chacune des parties du discours.
Si, avant la fin de l'année, ils possédaient suffisamment ces principes, le professeur pourrait leur faire voir les premières pages de l'Epitome Historiae Sacrae.
Ils apprennent de mémoire quelques fables des deux premiers livres de La Fontaine.
7e : Au premier cours élémentaire, on commence, si on ne l'a déjà fait l'année précédente, à traduire l'Epitome Historiae Sacrae, dont la première partie comme plus facile peut servir à la version et la seconde à l'explication. Si cet auteur ne suffit pas, on y ajoute le Diis et Heroibus Poeticis. En même temps que les élèves revoient la première partie de la grammaire latine, ils apprennent la syntaxe et on la leur éclaircit par de petites phrases données et mises en latin de vive voix, et qu'on fait rapporter, si l'on veut, par écrit pour la classe suivante. L'étude du français fait encore partie essentielle de l'enseignement de cette classe. On y voit la première partie du tableau chronologique. On apprend quelques fables dans les 3e et 4e livres de La Fontaine.
Le niveau de cette classe est la connaissance parfaite des rudiments et une première connaissance de la syntaxe. Le professeur commence en effet par les déclinaisons et va jusqu'à la construction commune des verbes, l'étude des noms, des verbes. Là où il y aura deux divisions, on attribuera à la division inférieure, dans le premier livre, l'étude des noms, des verbes, des rudiments, des quatorze règles de la construction, des genres des noms ; à la division supérieure, dans le premier livre, la déclinaison des noms, sans les appendices, les prétérits et les supins ; dans le second livre, l'introduction à la syntaxe, sans les appendices, jusqu'aux verbes impersonnels.
Prélection
La prélection de Cicéron ne dépassera pas quatre lignes environ.
Premiers principes
"On se borne dans les commencements aux déclinaisons et aux conjugaisons régulières.
"Dès qu'ils y sont fermes, il est tenu de passer à une autre opération" "Les règles les plus communes du latin ont été placées à dessein, dans la grammaire, à la suite de chaque partie du discours.
"Dès que les enfants comprennent bien ces règles, on les met à l'explication d'un auteur facile tel que l'Epitome Historiæ Sacraæ".
Argument du devoir
Il faut dicter mot à mot l'argument du devoir ; il aura généralement la forme d'une lettre en langue vulgaire, et se rapportera aux règles de la syntaxe et à l'imitation de Cicéron 249 .

A ce premier niveau, appelé "classes inférieures", la convergence est manifeste en ce qui concerne la progressivité de l'enseignement du latin, base de la formation des grammairiens. Toutefois, une légère variation peut s'observer :

En ce qui concerne la place accordée à la langue française, une variation est nette. Dans la Ratio, l'usage de celle-ci est toléré dans les classes où les élèves ne savent pas le latin  250 . Ce qui a lieu en basse classe de grammaire pour l'explication de la grammaire latine, du catéchisme et de la prélection de Cicéron en langue vulgaire  251 . Dans la classe moyenne et dans la classe supérieure, l'usage de la langue française est encore toléré dans les devoirs et pour la prélection  252 . Mais pour les hautes classes, en dehors de ces deux exceptions, la règle générale est de garder «  rigoureusement l'usage de parler latin ». En bref, si la langue française est utilisée comme langue auxiliaire, il n'est pas procédé à son étude.

Par contre, au plan d'études du Collège de l'Argentière, J-N. Loriquet fonde son option sur l'autorité de Rollin, en citant ces propos du Traité :

« Quels sont les premiers principes des langues qu'il convient de leur donner ? Il n'est pas douteux que ce ne soit ceux de la langue française qui méritent la préférence. Plusieurs de ces principes sont communs à toutes les langues ; la connaissance même imparfaite qu'on en aura dans la langue maternelle, rendra sans doute moins épineuse l'étude qu'on fera ensuite de ces mêmes principes appliqués au latin et au grec »  253 . L'étude de base est celle du français. Dans cette ligne, le modèle du rhéteur est tantôt Cicéron, tantôt Bossuet, comme le révèle le « Programme des Exercices du collège de Montdidier »  254 de 1806.

Le choix de la langue vernaculaire comme élément culturel de base, est partagé par Lhomond, pédagogue du début du 18ème, dont les ouvrages sont recommandés par J-N. Loriquet. Dans les premières lignes de la préface de «  la grammaire française, revue et augmentée », le grammairien recourt à la même référence pour motiver sa décision. « C'est par la Langue maternelle que doivent commencer les études, dit M. Rollin. Les enfants comprennent plus aisément les Principes de la Grammaire, quand ils les voient appliqués à une Langue qu'ils entendent déjà, et cette connoissance leur sert comme d'introduction aux langues anciennes qu'on veut leur enseigner »  255 .

Etude du second niveau appelé "classes moyennes"
PLAN D'ETUDES DE 1808 RATIO
6e : Sixième classe
5e : Début de cinquième classe
Classe moyenne de grammaire
Livres propres à chaque classe  256  
6e : Catéchisme, livre d'Evangile, grammaire française et latine, De Viris Illustribus, Phèdre, Dictionnaire de Noël de Lallemant ou de Boudot, Histoire Sainte par demandes et réponses, tableau chronologique, Fable de La Fontaine.
5e : Catéchisme, livre d'Evangile, grammaire française, latine et grammaire grecque de Giraudeau 1ère partie. Dictionnaire. Cornelius Nepos, Selecta a Profanis autoribus historiae en attendant un ouvrage plus convenable. Histoire ecclésiastique par demandes et par réponses, tableau chronologique et Fables de La Fontaine.
Livres  257
Le second livre, destiné à la classe moyenne de grammaire, contiendra le second livre d'Emmanuel (Alvarez), sur la construction des huit parties du discours jusqu'à la construction figurée, en ajoutant quelques appendices plus faciles.
Prélection :
Lettres familières de Cicéron ;
Poèmes d'Ovide.
Objets d'enseignement, division des classes  Niveau 258
La première moitié du De Viris est pour la version, la seconde est pour l'explication. Vers Pâques, même plus tôt, on y ajoute les fables de Phèdre. On voit la méthode, c'est-à-dire la troisième partie de la grammaire, et l'on commence à multiplier les thèmes dictés. Sans abandonner les principes du français et de l'orthographe, on insiste davantage sur ceux du latin. On apprend l'Histoire sainte, la seconde partie du tableau chronologique et quelques fables dans les 5e, 6e, 7e, 8e premiers livres de La Fontaine.
Sans négliger les principes du français et encore moins ceux du latin, on s'attache particulièrement à rendre en latin les gallicismes ; on remarque les mots composés et l'on remonte à leurs racines à mesure qu'il s'en rencontre. Cornelius Nepos est pour la version, et Selecta a profanis pour l'explication. Vers Pâques, on laisse la grammaire française pour la grammaire grecque et l'on voit les déclinaisons et les conjugaisons grecques, au moins les régulières. On repasse le tableau chronologique entier, on apprend l'histoire ecclésiastique et quelques fables de La Fontaine dans les quatre derniers livres.
Le niveau de cette classe est la connaissance de toute la grammaire, sans qu'elle soit cependant étudiée à fond ; on l'explique, en effet, depuis le commencement du livre second jusqu'à la construction figurée, en ajoutant seulement les appendices les plus faciles ou, selon la méthode romaine, depuis la construction commune des mots, jusqu'à la construction figurée, en ajoutant les appendices les plus faciles.

Prélection
La prélection de Cicéron ne dépassera pas sept lignes environ.
"Quand l'exercice les aura familiarisés avec la construction latine comme ils doivent l'être même avant la fin de la 5e, il vaut mieux leur faire expliquer à la fois chaque membre de phrase dont les mots sont naturellement liés par le sens, que d'expliquer séparément chaque mot français au mot latin qui lui correspond. Ce qui a été dit de l'explication regarde principalement les basses classes".
"Thèmes".
"Quand les enfants ont quelques teintures du latin et qu'ils ont été un peu formés à l'explication des auteurs, la composition des thèmes peut leur être fort utile".
Argument du devoir
Il faut dicter le sujet du devoir en langue vulgaire et mot à mot ; il sera très clair et ne dépassera pas sept lignes environ ; il aura rapport aux règles de la syntaxe et à l'imitation de Cicéron. On invitera, de temps à autre, les élèves à noter sous la dictée une courte version de Cicéron, ou la conjugaison d'un temps, ou la déclinaison d'un nom grec.

A ce second niveau, la gradation de l'enseignement reste en usage. L'étude de la langue française se poursuit. Les élèves commencent à étudier les auteurs latins mais, toutefois, dans une moindre proportion que dans la Ratio. Comme à la classe moyenne de grammaire, ils commencent à composer des thèmes latins. Pour cette étude, certains textes sont rédigés à leur usage. Se confirme l'équivalence entre les classes de sixième et de cinquième, d'une part, et la classe moyenne de grammaire, d'autre part. En est-il de même pour les classes de cinquième et de quatrième ?

Etude du troisième niveau appelé "classes supérieures de grammaire"
Plan d'Etudes de 1808 RATIO
Fin de cinquième classe
Quatrième classe
Classes supérieures de grammaire

Livres propres à chaque classe  259
Catéchisme, livre d'Evangile, grammaire latine, grammaire grecque de Giraudeau 1e et 2e parties, Quintus Curtius ou Caesar, Selecta Ciceronis Opera, 1e partie, Selecta ex Ovidis fabula, fables grecques d'Esope, traité des élégances latines et de la prosodie, Dictionnaire et Gradus, Lexique grec-français, tableau chronologique, Poème de la Religion.

Livres  260
Le troisième livre, destiné à la classe supérieure de grammaire, contiendra les appendices du second genre, tirés du second livre (d'Emmanuel Alvarez), et depuis la construction des figures jusqu'à la fin, plus le troisième livre, qui traite de la mesure des syllabes.

Objet d'enseignement, division des classes
On s'occupe de la propriété, de l'élégance, de la force des expressions et des tours propres à la langue latine. Caesar ou Quintus Curtius est pour la version, Cicéron pour l'explication latine, les Fables d'Esope pour l'explication grecque. Dans le courant de Janvier, on voit un petit abrégé de mythologie, puis on prend la Prosodie latine. Et bientôt après on explique Ovide, sans abandonner Ciceron, et l'on commence à retourner des vers. On apprend quelques morceaux du Poème de la Religion ; on repasse le tableau chronologique ; on voit l'histoire ancienne par forme de résumés.

Niveau  261
Le niveau de cette classe est la connaissance parfaite de toute la grammaire ; on y revoit en effet la syntaxe depuis le début, en y ajoutant tous les appendices ; ensuite, on expliquera la construction figurée et la métrique.

Dans les hautes classes, aux observations sur les règles de syntaxe, le maître substitue des remarques sur les figures grammaticales, poétiques ou oratoires sur les tours extraordinaires, sur les hellénismes, sur la structure des vers latins. Sur le style de la poésie ou de l'éloquence (...) et le tout proportionné à la force de la 4e ou de la 5e.

En ce qui concerne les leçons, on pourra expliquer au premier semestre, parmi les orateurs, les lettres les plus importantes de Cicéron : Lettres familières, Lettre à Atticus, Lettre à son frère Quintus ; pendant le second semestre, le livre de l'Amitié, de la Vieillesse, les Paradoxes, et d'autres du même genre. Parmi les poètes, au premier semestre, un choix d'élégies et d'épîtres expurgées d'Ovide ; de même, au second semestre, un choix de passages expurgés tirés de Catulle, de Tibulle, de Properce, et des églogues de Virgile, ou encore les livres les plus faciles du même Virgile, comme le quatrième des Géorgiques, le cinquième et le septième de l'Enéide  262 .

La fin de la cinquième classe et la quatrième classe correspondent à la classe supérieure de grammaire de la Ratio studiorum. L'étude de la poésie et de l'éloquence y est abordée, mais elle ne se restreint pas aux auteurs latins. La langue française prend une place de plus en plus importante dans le programme scolaire.

Ce tableau récapitulatif fait apparaître cette réduction sensible du latin.

1808 AUTEURS  RATIO  263

8e
7e

Epitome Historiae Sacrae
Epitome de Diis et Heroibus Poeticis
Basse classe de grammaire De courts extraits de Cicéron

6e
5e
Début

De Viris Illustribus
Cornelius Nepos : Selecta a
Profanis autoribus historiae
Phedri Fabulae

Classe moyenne de grammaire

Cicéron - Lettres familières
Ovide - Poèmes (faciles)

Fin 5e
4e

Quintus Curtius
Caesar
Selecta Ciceronis Opera
Selecta ex Ovidis fabula

Classe supérieure de grammaire

Cicéron: Lettres familières, Lettre à Atticus, Lettre à son frère Quintus, de l'Amitié, de la Vieillesse, les Paradoxes,
Ovide : Elogies, Epîtres choisies
Catulle
Properce
Virgile : Eglogues, Georgiques, Enéide (livres V et VII)

3e

2e

Narrationes e Tito Livio Collectae
Selecta Ciceronis Opera 1e et 2e parties
Enéïde 5e et 6e livres

Horace: Odes (1e et 2e livres) Art Poétique, Géorgiques.
Sallustius

Humanités

Cicéron : Lettres
Pline : Lettres
César
Salluste
Tite-Live
Quinte-Curce
Virgile : Eglogues, Enéide
Horace : Odes choisies, Elégies, Epigrammes
Discours de Cicéron : Pour la loi Manilia , Pour Archias, Pour Marcellus.

L'étude comparative a montré que le programme de latin du plan d'études du Collège de l'Argentière suit, en effet, celui de la Ratio studiorum, tout en étant moins ambitieux. La frontière entre les degrés est également plus souple. Néanmoins, le passage d'une classe à l'autre se fait en fonction de la progressivité appliquée à la langue latine. Ici et là, le principe de division des classes par la grammaire latine est à l'œuvre. Aussi, pouvons-nous affirmer que le plan d'études du Collège-Séminaire de l'Argentière est construit sur le modèle de la Ratio studiorum jésuite. Le principe intégrateur du cycle d'humanités est celui de la division des classes par la division de la grammaire.

Comme le signale Codina Mir, ce principe d'organisation du cursus scolaire n'est pas inventé par Ignace de Loyola et ses premiers compagnons. Il était utilisé dans la pédagogie des Frères de la Vie Commune. « Dans chaque classe, on fixe un niveau à atteindre : personne ne peut monter d’une classe inférieure à la suivante, sans qu’on soit assuré qu’il possède le degré de connaissances requis. D’où l’institution du système des promotiones, ou examens de passage d’une classe à une autre»  264 . C'est donc l'usage des Frères de la Vie Commune qui est à l'origine de cette institution. Or, une telle pédagogie est au service de leur spiritualité, appelée « dévotion moderne » et qui est un « effort de conciliation d'un christianisme pratique, s'incarnant dans des œuvres charitables, et d'une très riche culture antique »  265 . Le principe organisationnel de la division des classes en assure la cohérence. Il n'est donc pas étonnant qu'Ignace et ses premiers compagnons l'aient adopté. Mais, précise F. de Dainville,« les Jésuites s'attachèrent à donner à cette progression une efficacité nouvelle en l'adaptant avec plus de soin aux possibilités mentales de leurs écoliers. Il importe de verser goutte à goutte dans ces jeunes esprits, d'abord des choses faciles, puis peu à peu les difficiles. selon une image qu'ils aiment emprunter à Quintilien »  266 .

Cette métaphore du « goutte à goutte » se retrouve en termes presque identiques, dans l'un des livres de Lhomond, prescrit au plan d'études du pensionnat d'Amiens.

Dainville Naissance de l'humanisme moderne Lhomond Elémens de la grammaire française
"L'esprit de l'enfant est en effet comme un col étroit. Si l'on y verse trop abondamment, rien n'entre ; versez au contraire avec précaution ou même goutte à goutte, vous finirez par le remplir. Il faut de même calculer ce que l'esprit des enfants est capable de recevoir, car ce qui excédera n'entrera pas dans leur esprit, pour ainsi dire faute d'ouverture. ainsi l'enfant ne se dégoûtera pas, mais le désir d'apprendre grandira au contraire chez lui avec le jugement" . "Quand on parle à des enfans, il y a une mesure de connoissance à laquelle on doit se borner, parce qu'ils ne sont pas capables d'en recevoir davantage. Il est surtout important de ne pas leur présenter plusieurs objets à la fois : il faut, pour ainsi dire, faire entrer dans leur esprit les idées une à une, comme on introduit une liqueur goutte à goutte dans un vase dont l'embouchure est étroite : si vous en versez trop en même temps, la liqueur se répand, et rien n'entre dans le vase"  267 .

La "loi d'or" détermine les choix éducatifs : « une seule chose à la fois, pas à pas, à chacun selon ses capacités »  268 . Le degré de compréhension et l’avancement de l’élève sont donc au centre de leur méthodologie.

Jouvency est bien le «  guide » du rédacteur du plan d'études du collège-séminaire de l'Argentière.Mais en est-il de même pour le plan d'études du pensionnat d'Amiens ? Ce dernier présente-t-il le même héritage ? Ou les variations, déjà signalées, suggèrent-elles d'autres traditions ?

Notes
234.

F. de Dainville, La naissance de l'humanisme moderne, Slatkine Reprints, Genève, 1969, p.78.

235.

J-N. Loriquet, Plan d'Etudes pour le Collège-Séminaire de l'Argentière, Deuxième partie, article troisième, p.16-26.

236.

Ibidem, p.2I.

237.

Ibid., p.2I.

238.

Ibid., p.25.

239.

G. Codina Mir, Aux sources de la pédagogie des Jésuites, Le "modus parisiensis", Institutum historicum, Rome, p.74.

240.

Idem, p.78.

241.

Ibidem, p. 83.

242.

Ibid., p.101.

243.

Le terme utilisé n’est pas encore celui de classis, mais celui de regula ou de lectio.

244.

« C’est sur ce terrain si bien préparé que le système de classe est venu se greffer tout naturellement. Les exigences d’ordre et de méthode dans les études qui étaient propres à la manière de Paris, en avaient fourni les bases. A la suite de Montaigu, bientôt les autres Collèges mettent à profit une si heureuse découverte. Partout les études grammaticales s'organisent en classes, au début de façon encore fort empirique et hésitante, il faut bien en convenir. (...)

Quel que soit le nombre des classes, tout met en évidence que les Collèges parisiens ont adopté, depuis les débuts du XVI siècle, le système très précis de classes proposé par Montaigu : on utilise un numéro d'ordre (première, seconde, troisième...) au lieu du nom de la discipline qui est étudiée.(...)

La notion de classe, telle que Montaigu l’entend, implique une série d’éléments caractéristiques bien définis » Ibid., p. 104-105.

245.

Ibid., p. 80.

246.

J-N. Loriquet, Plan d'Etudes de l'Argentière, Objet d'enseignement - Division des classes, livres propres à chaque classe, p. 7-8.

247.

Ratio studiorum, Règles du Préfet des classes inférieures, (250) Répartition de la grammaire en trois livres : « Toutes les règles d'Emmanuel (Alvarez) doivent être divisées en trois livres, dont chacun sera propre à chaque classe », Belin, 1997, p.134.

248.

Ratio studiorum, Règles des professeurs de classe inférieure de grammaire, idem, p. 189.

249.

Ibid., p.182.

250.

Règle 18 des Règles communes aux professeurs des classes inférieures, ibid., p. 155.

251.

Règles 4, 6, 7 du professeur de la classe inférieure de grammaire, ibid., p. 191.

252.

Règles 4, 6 du professeur de la classe moyenne de grammaire, ibid., p. 186-187. Règles 4, 6, 7 du professeur de la classe supérieure, ibid., p. 182.

253.

Plan d'Etudes, Deuxième partie. Article 2. "De la langue française" , p. 14.

254.

Maison d'éducation établie ci-devant à Amiens, faubourg de Noyon, et transférée à Mondidier, Distribution solennelle des prix, précédée de différens exercices, sur les divers cours d'études, vendredi 22 et samedi 23 Août, An M. DCCC. VI.", AFSJ, p.11.

255.

Collection de classiques. A M.D.G. *** Grammaire française de Lhomond, revue et augmentée, Préface de l'auteur, AFSJ, p. IX.

256.

Plan d'Etudes, ibid., p. 8-9.

257.

Ratio studiorum, Règles du préfet des classes inférieures, p.134.

258.

Règles des professeurs de classe moyenne de grammaire, idem, p. 185 et 187.

259.

Plan d'Etudes, ibid., p. 9-10.

260.

Ratio studiorum, Règles du Préfet des classes inférieures, ibid., p.134.

261.

Règles des professeurs de la classe supérieure de grammaire, ibid., p. 180.

262.

Ratio studiorum, Règles des Professeurs des classes supérieures degGrammaire, ibid., p. 180.

263.

Ce tableau correspond très exactement à celui présenté par Marie-Madeleine Compère, Du Collège au Lycée (1500-1850), Gallimard-Julliard, Collection Archives, 1985, p.76.

264.

Gabriel Codina Mir, Aux sources de la pédagogie des Jésuites, supra, p.106.

265.

Ibid., p. 189.

266.

Ibid., p. 84-85.

267.

Lhomond, Elémens de la grammaire française, revus et augmentés par J-N. Loriquet, Préface de l'auteur, Rusand, Lyon, 1818, A.FSJ., E F 266, p. X.

268.

Codina Mir, ibid., p. 106.