Le futur "couvent à la mode"

Après l’ouverture de ce troisième Conseil général, commence le travail en assemblée. Certaines questions, présentant un caractère d'urgence, sont d’abord abordées et retardent l'étude des règlements et du plan d'études. Ce sont les demandes de fondation parvenues de plusieurs diocèses ainsi que l’achat de l’hôtel Biron, à Paris. Les procès verbaux communiquent bien l’atmosphère de ces débuts de délibération générale : «  Dans la première assemblée, notre Mère nous a présenté toutes les fondations demandées par les Evêques. Nous avons tout remis à un temps plus reculé. Nous sommes convaincues que nous n’accepterons que celles où l’on nous offrira maison, jardin etc... Celle du Mans a la première promesse, celle de Paris mérite tous les sacrifices ». A en juger par ce rapport, l'un des critères de choix d’un établissement est son caractère spacieux, rendu nécessaire par la clôture, interdisant aux éducatrices et à leurs pensionnaires, les promenades au dehors.

Le Conseil général examine ensuite l'acquisition de l'Hôtel de Biron, appartenant alors à la duchesse de Charost  460 . Il estime que la propriété « offre tous les avantages que l'on pouvait désirer et une étendue convenable à notre établissement. Et il fut décidé à l’unanimité des voix que la Société achèterait l’hôtel de Biron pour y faire un Etablissement chef lieu de notre Société »  461 . La décision, mise à exécution, exigeait, néanmoins, certains recours financiers. Mme la comtesse de Marbeuf, entrée au noviciat en cette année 1820 après son veuvage, est envoyée, à cet effet, au palais royal. «  Elle se rend aux Tuileries, relate le Journal de la Maison de Paris, entre seule chez le roi qui la fait asseoir. Elle lui exprime les vœux de notre Société consacrée à une dévotion qui avait été adoptée pour demander son retour. Vœux qui ont été exaucés puisqu’elle a le bonheur de le voir. Elle lui fait sa demande, lui remet son adresse qu’il lit attentivement, et lui, répond avec bonté qu’il s’en occupera et fera tout ce qu’il pourra. Elle se retira comme elle est entrée, le manteau traînant, et faisant trois révérences selon le cérémonial de la cour ». Mais Mme de Marbeuf craint avoir été trop timide, peu persuasive. Aussi, sur la demande expresse de sa belle-sœur, «  le duc de Gramont  (part) sur le champ trouver M  r de Pradel, ministre de la Maison du Roi, lui explique notre demande. Et il obtient la promesse de 50 000 tout de suite, et 50 000 frs l’année prochaine, avec promesse de laisser 5 places à la nomination du Roi, gratuites »  462 .

Les conditions financières de l'achat de l'hôtel Biron étant assurées 463 , « le 17 août, les fondations demandées par le Mans, Auxerre, Soissons et Autun (sont soumises) à l'examen du Conseil qui ne les rejette pas absolument, mais le défaut des sujets lui fait une loi de demander un délai. On fera néanmoins celle d'Autun le plutôt possible, à cause des avantages qu'offre cet établissement, à condition toutefois que la ville ajoute un jardin au local proposé. On a décidé encore dans cette réunion que l'on formerait un pensionnat à Bordeaux, si l'on peut se procurer un local convenable » 464 . En cette année 1820, le nombre de demandes dénote l'impact, auprès des familles, de l'éducation donnée dans les pensionnats de la Société du Sacré-Cœur.

Au pensionnat de la rue des Postes, les examens de fin d'année viennent, à leur tour, retarder l'évaluation des études. Alors supérieur ecclésiastique de la Maison de Paris  465 , vicaire général du diocèse et grand maître de l’Université, Mgr Frayssinous interroge sur la religion les élèves qui paraissent aux Exercices  466 . Le 16 septembre a lieu la Distribution des prix. Et le lendemain, l'étude des règlements des pensionnats est, enfin, à l’ordre du jour.

Notes
460.

Le 22 janvier 1894, le journal Le Figaro évoque ainsi ce fait : « Appelée à Paris par la faveur de la haute société, Mme Barat s’installe dans un vieux logis de la rue des Postes. Mais le nombre d’élèves augmenta si vite qu’elle dut se résigner, sur le conseil du duc de Rohan, du duc de Montmorency, du comte de la Ferronnays, habitués de sa chapelle, à chercher une résidence plus spacieuse. Pour la tirer d’embarras, la duchesse de Charost, qui vivait depuis vingt ans, veuve et solitaire, en son hôtel de la rue de Varenne, lui proposa de lui en faire l’abandon à un prix inférieur à la valeur de l’immeuble. L’offre était séduisante, car, en l’acceptant, les Dames du Sacré-Cœur allaient pouvoir placer leurs pupilles dans un bâtiment magnifique et qui, en plein Paris, possédait un jardin dont l’étendue dépassait dix arpents », Le Figaro, H. de Villemesant, fondateur, F. de Rodays, administrateur, « Le Monde, Les Dames du Sacré-Cœur », article de Septfontaines,40e année, 3e série, N° 22, p.2.

461.

‘ Journal de la Maison de Paris, Conseil de 1820, A.G.S-C, p. 5.

462.

Idem, p.8.

463.

Mais le Journal mentionne deux autres recours, à la date du 22 septembre. «  M r le Minsitre Eugène de Montmorency par zèle pour la gloire du Sacré-Cœur, désirait depuis longtemps l’acquisition de l’hôtel de Biron. En cette circonstance il a prouvé que la foi dirigeait les désirs puisqu’il a voulu y contibuer en nous prêtant 100 000 frs à rente constituée de 4 % d’intérêt. La providence nous a procuré 150 000 frs de M rs Laurent et Morand, d’Amiens, qui nous ont prêtés à 5% », ibidem, p. 14.

464.

Manuscrit dont l'écriture est celle de C. de Charbonnel, Arrêtés des Conseils généraux, 1815-1826, Rome, A.G.S-C, p.11.

465.

Le Journal de la Maison de Paris mentionne cette fonction, attribuée par le Cardinal protecteur, et relate ces propos qui reflètent les résistances de certains clercs, devant le régime de clôture :

« 18 Août. M r Frayssinous délégué par M r le Cardinal de Périgord comme archevêque de Paris pour être le supérieur local de la Maison, est venu faire la visite. Il a été reçu dans la salle des Exercices du Noviciat. Toute la communauté y a été appelée au nombre de 58. Il a parlé avec bonté et avec zèle, il a témoigné le plus grand intérêt et a dit une phrase bien remarquable : puisque vous voulez être de vraies Religieuses en conservant autant de rapports avec le monde, je puis donc dire que vous avez fait une entreprise hardie et même audacieuse. Et il nous a fait sentir combien nous devons être en garde contre cette influence presque insensible que le monde exerce sur les âmes les plus pieuses », Journal de la Maison de Paris, 3 è cahier, A.G.S-C.

466.

Idem, p.13.