Chapitre premier : Renouveau et adaptation du service éducatif

Au cours de la période d’aggiornamento, trois supérieures générales accompagnent l’Institut : Sabine de Valon, Marie-Josèphe Bultó et Concepción Camacho. En 1964, Sabine de Valon ⁵⁹⁹ donne la première impulsion en mettant en place les conditions de possibilité des réalisations ultérieures. Auditrice à la troisième session du Concile Vatican II, elle est, à partir du 26 septembre 1964, la seule femme introduite et présente à l’assemblée conciliaire. Aussi est-elle témoin  ⁶⁰⁰ du dynamisme d’adaptation et de l’ouverture que l’Eglise manifeste au monde moderne. La Société du Sacré-Cœur en bénéficie par l’adoption d’une nouvelle problématique missionnaire. Le mandat de Marie-Josèphe Bultó est court mais non moins important : de 1967 à 1970, l’ancien système conventuel fait place à une autre forme de vie et d’action apostolique. Et, en ce sens, le généralat de M-J. Bultó peut être qualifié de « généralat du passage ». Lui succède Concepción Camacho de 1970 à 1982, c’est-à-dire jusqu’à la rédaction de nouvelles Constitutions. Ce dernier mandat correspond à l’étape, proprement dite, de refondation de l’Institut.

Pour réaliser le projet de fondation d’un Ordre féminin à structure ignatienne, l’obstacle rencontré par Léonor de Tournély en 1796 et ensuite par J. Varin et M-S Barat relevait, pour une part, du droit canonique. Or 150 ans après, l’obstacle est « ad intra » au sens où il provient de représentations relatives au rapport de l’Institut à la société globale ou à son fonctionnement interne  ⁶⁰¹ . Ces représentations atteignent bien sûr les rituels journaliers, les rites ou les formes de culte mais, plus profondément encore, les conceptions concernant la raison d’être des religieuses du Sacré-Cœur, les finalités spirituelles et sociales, fondement du « vivre-et-agir-ensemble ». Un bon nombre des religieuses ont conscience du problème et proposent des remédiations. C’est ce qui apparaîtra dans les synthèses des travaux préparatoires au chapitre spécial de 1967. Toutefois, les demandes de transformations sont loin d’atteindre l’unanimité. Risquer une nouveauté synonyme de « refondation » implique non seulement une « liberté vis-à-vis de tout schéma » préalable  ⁶⁰² mais surtout une juste conception de la fidélité au charisme fondateur. Là réside une difficulté majeure dont M-J. Bultó et C. Camacho sont bien conscientes. L’étude de leurs lettres circulaires  ⁶⁰³ montrera comment elles ont accompagné ce passage d’un imaginaire à un autre, afin d’éviter le tangage. Sur cet horizon en clair-obscur se dessinera une métaphore, à la manière d’un motif qui laisse apercevoir la richesse d’un patrimoine à redécouvrir.

Dans le même temps, associés à cette transformation de l’imaginaire collectif apparaissent une nouvelle conception et un élargissement de l’espace éducatif institutionnel. Même si des signes avant-coureurs avaient été donnés en 1964, la mutation du service éducatif n’est manifeste qu’en 1967. C’est la raison pour laquelle notre étude part du Chapitre spécial de 1967. Mais, dans la mesure où l’interprétation le nécessitera, des références seront faites au texte de 1964. Après cet examen des «  orientations ad experimentum » de 1967, l’étude précisera les orientations institutionnelles qui s’affirmeront, progressivement, dans les décisions prises.

Le corpus utilisé tout au long de ce premier chapitre, intitulé Renouveau et adaptation du service éducatif,comprend essentiellement les lettres circulaires des trois supérieures générales, les synthèses des travaux préparatoiresaux chapitres de 1967, 1970 et 1976 et les documents élaborés lors de ces réunions capitulaires.