Au frontispice, une même finalité

L’unité de la nouvelle maquette est repérable à une inclusion. La récurrence porte sur les finalités éducatives inscrites dans une vision de l’histoire. En voici la représentation.

  introduction conclusion

vision du monde

Le genre humain est affronté aujourd’hui à l’immense problème du développement sous toutes ses formes. L’histoire du salut est inscrite au cœur de ce mouvement continu d’évolution.
« C’est en effet l’homme qu’il s’agit de sauver, la société humaine qu’il faut renouveler. » (Gaudium et Spes, 3)

C’est donc avec « joie et espérance » qu’il faut nous ouvrir aux progrès des temps...
L’humanité monte vers le Christ à travers ces développements. L’Eglise fait route avec elle « et partage le sort terrestre du monde. Elle est comme le ferment et pour ainsi dire l’âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu » (Gaudium et Spes, 40-42)

finalités éducatives

comprendre le « sens de la mission » dans ce monde pluraliste et sécularisé qui monte vers le Christ, et où nous réalisons de plus en plus la valeur de la personne humaine.
C’est à cette lumière que nous devrons accomplir le renouveau et l’adaptation de notre œuvre éducatrice.

Un champ immense nous est ouvert. Nous pouvons y voir le signe que le Christ veut se servir de nous aujourd’hui.
... avec « joie et espérance », créer ce climat de charité et de liberté qui permet à chaque personne d’atteindre toute sa dimension humaine et chrétienne.
Remplies des sentiments du Cœur transpercé du Christ, nous serons fidèles à la voie tracée par sainte Madeleine Sophie au service du monde que « Dieu a tant aimé ».

Deux paradigmes, progrès et histoire du salut, y sont associés, comme le fil et la trame d’une même toile. Dès l’introduction, ils dessinent à grands traits l’arrière-plan du champ éducatif : une dramaturgie à enjeu ecclésial. L’horizon est ainsi, d’entrée de jeu, universel. Trois acteurs y apparaissent : les éducatrices, le Christ et l’humanité. L’objet de l’intrigue est identifié : «  le genre humain est affronté aujourd’hui à l’immense problème du développement sous toutes ses formes ». Du Christ, figure centrale de la mise en scène, vient le dénouement. Mais comment ? Le choix textuel est significatif de la visée des rédactrices. La sortie de l’intrigue est de l’ordre de la visitation, de la rencontre et de la reconnaissance. L’errance actuelle semble provenir de l’éclatement culturel dû «  au développement sous toutes ses formes ». Car les références traditionnelles ne fonctionnent plus comme indicateur de sens. Et les nouvelles idéologies semblent en être taries. Alors, comment sortir de ce no man’s land, de ce nouveau vide éthique ? En un extrême condensé, s’affirme l’idéal éducatif institutionnel. La conviction centrale arrive, en premier, sans ambages : c’est le Christ qui «  manifeste pleinement l’homme à lui-même ». De lui relève cette capacité de dévoiler le sens de notre humanité. A cette expérience de visitation est jointe, de manière intrinsèque, la reconnaissance de la dignité de l’être humain. En un seul et même acte l’existence humaine, réordonnée au Créateur, est investie de nouvelles responsabilités.

Cette deuxième affirmation est si forte qu’elle surgit de manière inattendue, en finale d’une citation de Gaudium et Spes. « C’est donc l’homme, considéré dans son unicité et sa totalité, corps et âme, cœur et conscience, pensée et volonté » qui doit continuer l’Incarnation » 686 . La proposition « qui doit continuer l’Incarnation » se substitue à : « qui constituera l’axe de tout notre exposé » du texte conciliaire 687 . Cette transformation est significative de l’intention des rédactrices. En tant que fait textuel, elle reçoit la même valeur que l’inférence signalée ci-dessus : « alors, le service de l’homme dans l’Eglise devient central ». La force de conviction sous-jacente surgit comme de dessous le boisseau. Elle s’affirme de manière impérative, pour mettre en valeur le service éducatif de l’Institut. En qualifiant de « sublime » la vocation des Dames du Sacré-Cœur, J. Druilhet avait autrefois donné au service éducatif de l’Institut, un label de noblesse  688 . L’imaginaire collectif vient de trouver un digne substitut : la voix du Concile Vatican II.

Mais en quoi consiste le mandat donné aux religieuses par le Christ lui-même ? Il est contextualisé, resitué dans cette geste universelle où les êtres humains sont acteurs, non seulement du devenir de l’humanité, mais aussi et en même temps de la réalisation de la promesse faite en Jésus-Christ. L’agir institutionnel y trouve une place de choix. Il est considéré comme lieu potentiel de révélation et de découverte du sens de l’existence. «  C’est l’éducation qui aide l’homme à se découvrir et le rend capable de forger sa propre destinée. » y est-il affirmé. Par là même, l’éducation coopère à renouveler la société humaine.En focalisant ainsi dès les premières lignes de l’article sur la finalité sociale, les rédactrices ouvrent un espace où s’affirme, en un nouveau langage, une identité éducative. La synthèse des travaux préparatoires au Chapitre spécial avait mentionné l’opacité de certains termes de la tradition. La critique, émise par la majorité des membres de l’Institut, était ainsi formulée : «   une révision et une mise à jour du vocabulaire s’imposent ; nous sommes prisonnières d’un langage du 19 e siècle » 689 . En réponse à cette demande, une nouvelle conceptualisation des finalités sociale et spirituelle se fait jour. Mais les effets de l’action sociale sont portés par le même geste d’intériorité : reconnaître le sens de l’histoire et, dans cette cohérence, finaliser ses engagements. De même, la dévotion au Sacré-Cœur est traduite par les expressions : «  révéler l’amour humain de Dieu ; centrer le service éducatif sur la charité »  690 .De toute évidence, les rédactrices ont tenu compte des recommandations des provinces, où il était demandé de «  s’attacher moins au mot Cœur qu’à la réalité profonde ». Toutefois, ces modifications langagières ne semblent pas aller de soi, à en juger par cette remarque située dans l’introduction générale du document. «  Dans ce travail, est-il précisé, l’esprit et la fin de la Société sont présents, même s’ils ne se dégagent pas à la première lecture ». Pour faciliter la réception du texte, il est ajouté : «  cet esprit d’union et de conformité au Cœur de Jésus transfigure notre vie apostolique, lui donne, à cette heure où le rythme du monde s’accélère, une impulsion plus missionnaire, plus pauvre, plus évangélique »  691 .

Un autre déplacement notoire apparaît dans le sixième article. Ce qui, autrefois, faisait l’objet des réflexions capitulaires en vue d’applications uniformes, est relégué dans une sorte d’annexe : un paragraphe situé après la conclusion, sans cohérence textuelle avec l’unité du nouveau projet. Cet appendice est constitué d’une liste de questions :

‘- « formation de nos enfants,
- organisation des pensionnats,
- rôle de la maîtresse générale et de la maîtresse des études, etc.
- réunion des anciennes,
- enfants de Marie,
- affiliées » 692 .

Dorénavant, «  à cause des grandes différences locales », ces questions sont à traiter au niveau provincial. Pour leur étude, il est conseillé de se «  référer utilement aux directives de la 26  è congrégation générale ». La pluralité est ainsi reconnue et implique la décentralisation.

Notes
686.

La vie apostolique, idem, p.53.

687.

Gaudium et Spes, Avant-propos, Le service de l'homme, &1, p. .

688.

J. Druilhet, Conférences aux maîtresses de classe, supra, 1ère partie, p.

689.

Travaux préparatoires au chapitre spécial, I. Fin et esprit de la Société, p.3.

690.

Le 3è paragraphe de ce même article préliminaire cite les orientations prises "ad experimentum" et utilise la même traduction de la finalité ordonnatrice : "l'œuvre d'éducation, centrée sur la charité", Plan de travail du Chapitre spécial. III. orientations ad experimentum, ibidem, p.14.

691.

Ibid., p.11.

692.

Supra, idem,, p. 59.