Objectifs et critères

Les sources qui ont servi à l’élaboration du projet éducatif, sont mentionnées :

  • les objectifs vécus au quotidien ces dernières années par les Religieuses du Sacré-Coeur et par ceux qui les entourent  760  ;
  • les textes fondateurs de la Société du Sacré-Coeur ;
  • les documents récents produits par les responsables des établissements ».

La spécificité des Ecoles du Sacré-Cœur est formulée au moyen de cinq objectifs éducatifs :

‘1. Une foi qui donne sens à un monde sécularisé.
2. Un profond respect des valeurs intellectuelles.
3. Une formation sociale qui pousse à l’action.
4. La construction d’une communauté aux valeurs chrétiennes.
5. Un épanouissement personnel dans une ambiance de sage liberté.’

Comme le précise le préambule, « les trois premiers objectifs sont directement issus de la section 761 concernant l’éducation du Chapitre Général de la Société du Sacré-Coeur, rédigé en 1970 ». L’expression des visées éducatives y est succincte et précise. Elle porte sur trois paramètres, déjà présents dans le texte de 1967 :

  • «  le développement d’une foi capable d’assumer un monde sécularisé,
  • une estime sérieuse des valeurs de l’esprit,
  • l’éducation du sens social qui engage à l’action.

Tournées vers l’avenir, nous sommes responsables de vivre cette mission dans la créativité, y déclarent les capitulantes ». Ce projet éducatif élaboré en 1975, en est une première forme communicable.

Examinons chaque paramètre et sa description. «  Les critères,est-il précisé dans le préambule, sont des signes qui indiquent que les objectifs sont bien poursuivis ». Ils servent donc au processus d’évaluation prévu «  pour permettre à chaque école et au réseau général de fonctionner ensemble de façon optimale ». L’intitulé du premier objectif est en référence directe avec le texte du Chapitre général de 1970, comme il vient d’être précisé. Le document de 1967 en appelait à la responsabilité des éducatrices pour « comprendre «  le sens de la mission» dans ce monde pluraliste et sécularisé qui monte vers le Christ ». Cette préoccupation est intégrée à la finalité elle-même. Les consonances avec la tradition apparaissent nettement dans l’expression des cinq critères que voici.

  • 1er Objectif : Une foi capable d'assumer un monde sécularisé

Critères :

1. L'Ecole reconnaît être fondée sur la force de l’amour de Jésus-Christ. Elle incite à la prière personnelle et communautaire, ainsi qu’à la réflexion.

2. Tout le programme éducatif exprime la conviction que la vie a un sens et fait grandir dans la communauté scolaire le sens de l’espérance.

3. Le programme d’éducation religieuse a pour but d'approfondir le rapport de Dieu à l'homme et au monde.

4. L’école favoris l'apprentissage de la prise de décision, à la lumière des valeurs évangéliques.

5. L’école se présente comme appartenant à une communauté plus vaste centrée sur le Christ, à l'intérieur de la tradition vivante de l’Eglise.

Ces cinq critères ont valeur de principes éducatifs. De même que le blason était gravé sur le fronton du bâtiment principal des Ecoles du Sacré-Cœur pour en indiquer l’identité, de même ce premier objectif ouvre l’espace éducatif en le définissant. En effet, une seule conviction s’y exprime : l’amour du Christ est au fondement de l’institution éducative. De plus, la description de cette finalité se développe sur un seul paradigme, celui de l’Alliance du Christ et de l’humanité, décliné sous les notions de : «  sens », «  espérance », «  relation », «  communauté centrée sur le Christ », «  tradition vivante de l’Eglise ». Cela ne fait que renforcer la marque de famille. Par ailleurs, ce texte n’est pas sans évoquer le programme de religion de 1805 : le 3è critère en est comme le libellé.

Le second critère traduirait-il, lui aussi, un élément de l’héritage ? Peut-être. Laissons, pour le moment, la question ouverte. Quant au premier critère, il rappelle, bien sûr, la nécessité d’une initiation théologique, chère à la tradition. Le quatrième critère apporterait-il, quant à lui, un élément nouveau ? A première vue, peut-être. Mais l’héritage ignatien s’y manifeste, en des termes non équivoques. Il traduit, au plan décisionnel, l’un des objectifs du projet fondateur : «  former des femmes de jugement ». Cette visée est aussi l’objet du second objectif.

  • 2è Objectif : Un profond respect des valeurs intellectuelles

Critères :

1. Etudier est un défi lancé à l'intelligence en vue de la développer.

2. Des études sérieuses et le goût d'apprendre sont encouragés.

3. Le programme d’études est basé sur la recherche et l'évaluation.

4. La manière d’enseigner et d’apprendre favorise le développement de personnalités riches de savoirs, avides d’apprendre, réfléchies et capables de s’intégrer dans la société.

5. L’école assure une éducation basée sur l’expérience à partir de laquelle on apprend à penser, à pratiquer analyses et synthèses.

6. Le programme scolaire vise à développer les valeurs esthétiques des élèves et à apprendre à utiliser de manière créative son imagination.

Le premier critère de ce second Objectif est, à lui seul, un ancrage dans la tradition éducative de l’Institut. L’on croirait entendre, en écho, les propos introductifs du plan d’études de 1852, rédigés par C. d’Avenas : «  Pour arrêter ce plan, on a consulté l’expérience, et, sans mépriser les anciennes méthodes, sans rejeter les nouvelles, on a demandé aux unes et aux autres ce qu’elles ont paru avoir de plus favorable au développement de l’intelligence ». Tel était, rappelons-le, le caractère novateur du plan d’études à l’usage de la Maison d’Amiens. Telle est encore, en 1970, la finalité des études féminines des écoles américaines du Sacré-Cœur. De même, l’on y retrouve deux éléments familiers : l’importance accordée à la formation du goût, c’est-à-dire au sens du beau, et l’usage créatif de l’imagination.

Néanmoins, des différences notoires apparaissent dans la manière de procéder. «  Le programme, est-il dit, est basé sur la recherche et l’évaluation ». Nous sommes bien loin du principe d’intégration par les règles de la grammaire. L’image de l’éduquée diffère aussi considérablement du type de femmes que l’institution se proposait, autrefois, de former. Le quatrième critère formule cette nouvelle visée : «  la manière d’enseigner et d’apprendre favorise, désormais, le développement de personnalités riches de savoirs, avides d’apprendre, réfléchies et capables de s’intégrer dans la société ». Les restrictions stipulées par Fénelon, dans « L’éducation des filles », reprises par les auteurs du plan fondateur, se sont évanouies.Toutefois, la méthode active qui y était préconisée, héritée de «  la manière de Paris », reste en application. «  L’école assure une éducation basée sur l’expérience à partir de laquelle on apprend à penser, à pratiquer analyses et synthèses ». Mais, certes, le langage a changé. Et la position de l’élève, situé acteur de la recherche et de l’évaluation, également.Cela réapparaît nettement au 4ème critère du cinquième objectif , avec l’intégration de l’autodiscipline dans la mise en pratique des objectifs. La même connotation se dégage du troisième Objectif où l’accent est mis sur la formation d’une conscience morale et politique, en vue d’un engagement social effectif. « La compétence nécessaire pour une action efficace » ne s’acquiert pas seulement au moyen de la réflexion mais aussi par l’expérience, au moyen d’engagements limités, vécus au sein d’autres institutions, avec d’autres partenaires sociaux. Voici cette finalité éducative et ses critères d’évaluation.

  • 3è Objectif : Une formation sociale qui pousse à l'action

Critères :

1. L’école éveille en l’élève une conscience critique qui conduit à la réflexion sur la société et ses valeurs.

2. Le programme inclut l’étude des problèmes de la communauté mondiale.

3. Le programme scolaire éveille les élèves aux problèmes d’oppression et d’injustice et développe la compétence nécessaire pour une action efficace.

4. L’école propose des programmes permettant à chaque élève de s’engager activement dans une communauté élargie.

Eveiller à une conscience critique est aussi un élément tout à fait nouveau. Il en est de même pour son corollaire, la sensibilisation «  aux problèmes d’oppression et d’injustice ». La réalité sur laquelle est appelée à s’exercer la capacité de jugement et d’intervention «  des jeunes demoiselles », n’est plus restreint à la vie domestique. Le domaine du politique est nettement franchi. L’objet de la réflexion, «  la société et ses valeurs », a comme horizon les enjeux d’une mondialisation en cours. Dans ce contexte, le fléau à combattre est devenu «  l’oppression et l’injustice ».

La cohérence entre les trois premiers Objectifs est nette. La formation chrétienne vise à «  une foi capable d’assumer un monde sécularisé ». Le Chapitre spécial de 1967 a souligné ce nouveau défi auquel les éducatrices sont confrontées 762 , «  le cri des «  35 millions de frères » atteints par les fléaux de la faim et de la misère »  763 . Celui de 1970 le reprend en ces termes : «  les besoins de tout homme opprimé par l’ignorance et la servitude et surtout à ceux des jeunes qui cherchent le sens de leur vie  764 . Tournées vers l’avenir, nous sommes responsables de vivre cette mission (éducatrice)dans la créativité » . La réponse à ce défi international est formulée en une seule phrase, comme pour en souligner la cohérence. «  Visons au développement d’une foi capable d’assumer un monde sécularisé, à une estime sérieuse des valeurs de l’esprit, et à l’éducation du sens social qui engage à l’action, est-il affirmé »  765 .

Si le registre de la réflexion collective qui s’y exprime est celui de l’utopie, néanmoinsla dérive idéologique est soigneusement évitée. En effet, cette réponse n’a pas pour seule détermination une réflexion socio-politique, mais d’abord celle qui vient du charisme fondateur de l’Institut. «  C’est l’Amour même du Christ qui nous presse de répondre aux besoins de tout homme opprimé par l’ignorance et la servitude, et surtout à ceux des jeunes .. ». Cette condition transcendante de détermination est clairement identifiée. Le projet éducatif de 1975 le rappelle à son tour sans équivoque : l’école est fondée sur la force de l’amour de Jésus-Christ  766 . L’institution le reconnaît. Et elle exprime cette re-connaissance dans le langage de la conviction et de l’espérance.

Letroisième Objectif  767 nomme l’outrage subi : «  l’oppression et l’injustice ». Nul doute, en effet, que la maquette de ce projet éducatif, soit construite à partir des 0ptions du Chapitre de 1970  768 . Une seule conviction s’y exprime : vivre en «  union et conformité au Cœur du Christ », c’est s’ouvrir à une attitude de solidarité envers tous ceux qui «  souffrent pauvreté et oppression »  769 .

  • 4è Objectif : La construction d'une communauté aux valeurs chrétiennes.

Critères :

1. Les compétences nécessaires à la construction de la communauté sont enseignées et les occasions de les mettre en œuvre sont offertes.

2. Les principes et les moyens d'action de l’Ecole sont établies et évalués régulièrement à la lumière des valeurs chrétiennes.

3. L’école donne aux élèves l’occasion de faire l'expérience de la diversité, de manière à développer la compréhension et l'estime des races, religions et cultures variées.

4. Un système d’aide financière efficace permet un recrutement socio-économique varié.

5. La compréhension des objectifs de la tradition vivante de l’éducation des Ecoles du Sacré-Coeur, nourrit la vie de la communauté éducative.

6. L’Ecole est membre actif du réseau national et international des Ecoles du Sacré-Coeur.

7. Le programme d’éducation vise à former des élèves capables d’assumer leur rôle de citoyens actifs et responsables dans un monde interdépendant.

L’intitulé de ce quatrième Objectif peut étonner. Il va de soi que la communauté éducative soit chrétienne puisque le premier Objectif annonçait ce label. De plus, ces Objectifs 4 et 5 ne sont pas directement issus des réflexions sur l’éducation du Chapitre général de 1970. Quelle est donc leur raison d’être ? Pour le percevoir, il est nécessaire, cette fois, de se référer à la tradition éducative de l’Institut. En effet, l’éducation des jeunes filles des Pensionnats du Sacré-Cœur s’est toujours réalisée au sien d’une communauté éducative et selon une certaine durée. Ces deux éléments, le contexte et le suivi, sont caractéristiques de la manière de procéder des éducatrices. Acquérir une certaine «  personnalité », comme il est dit dans le deuxième objectif, se réalise par et à travers les relations entretenues, soit à l’intérieur de la communauté éducative elle-même, soit à l’extérieur. Qu’il suffise de rappeler que les projets éducatifs pour externats ou écoles des pauvres, étaient essentiellement constitués par ce vecteur relationnel. Ce fait évoque l’importance attribuée à la relation, dans la formation, par cette tradition éducative. Le Chapitre spécial de 1967 a d’ailleurs repris cette priorité, en ces termes : «  Dans un monde où les relations interpersonnelles prennent une valeur croissante, un des premiers rôles de l’éducation est de rendre l’homme capable de dialogue. L’homme n’est pleinement lui-même qu’en relation avec les autres » 770 . Mais aussi et surtout, cette capacité relationnelle s’accomplit de manière privilégiée «  dans le dialogue avec Dieu dans la foi ». Or, la responsabilité incombe à la communauté éducative de «  préparer le terrain pour cette rencontre » 771 . Il est donc non seulement pertinent mais nécessaire, dans la description faite «  d’une école du Sacré-Coeur dans les années 70 », d’indiquer comment édifier cet espace.

Les compétences requises s’acquièrent, est-il affirmé sans ambages au premier critère, «  à l’aide d’expériences appropriées ». Ces compétences ne sont pas nommées. Les expériences appropriées ne sont pas détaillées. Car il est du ressort de chaque établissement de choisir les programmes et leurs objectifs d’apprentissage en fonction de la population scolaire et de son contexte. Le dernier paragraphe du préambule le spécifie en ces termes : les «  OBJECTIFS ET CRITERES sont les bases mêmes de chacune des écoles appartenant au Réseau du Sacré-Coeur. Ils représentent la trame qui permet à chaque école de mettre en place des Objectifs spécifiques appropriés à son environnement ».

Cette importance accordée à la rencontre et à l’expérience se retrouve dans l’apprentissage des différences. « L’école donne à ses élèves l’occasion de faire l’expérience de la diversité, de manière à développer la compréhension et l’estime des races, religions et cultures variées », précise le cinquième critère. Ces attitudes sont préconisées par le Chapitre spécial de 1967, comme par celui de 1970. Elles s’acquièrent par la rencontre et l’expérience, dans le cadre même de la communauté éducative. « Les principes et les moyens d’action sont basés et évalués régulièrement à la lumière des valeurs chrétiennes » 772 . L’un d’entre eux, le partage, est privilégié. Il est spécifié au quatrième critère : « un système d’aide financière efficace permet un recrutement socio-économique varié ». Il s’appuie sur les orientations prises en 1967 et 1970. Sur ce point comme sur d’autres, la communauté éducative trouve aide et stimulant dans une réflexion sur les valeurs et les objectifs de la tradition 773 . Cette identité se reçoit aussi par le biais des rencontres réalisées dans le cadre du réseau national et international des Ecoles du Sacré-Cœur. Certes, cet apprentissage de la communication ne recourt plus aux moyens pédagogiques en usage au 19è siècle. Mais la même priorité éducative est à l’œuvre.

Et là encore, les élèves sont situés acteurs de la construction de la communauté scolaire. Le but est de les préparer à «  assumer leur rôle de citoyens actifs et responsables dans un monde interdépendant ». Et, pour développer l’image utilisée ci-dessus (Objectif 1), disons que la construction de la communauté éducative est nécessaire pour pouvoir y situer le blason lui-même. Ce dernier indique une identité. A quoi servirait-il si la Maison d’Institution n’existait pas ou était en ruines ou n’existait qu’à l’état de projet continuellement différé pour laisser place à d’autres impératifs à caractère d’urgence ?

Le cinquième Objectif s’inscrit dans cette finalité. Il est un élément intrinsèque de cette manière de procéder.

  • 5è Objectif : Un épanouissement personnel dans une ambiance de sage liberté

Critères :

1. Un intérêt authentique pour chaque membre de la communauté scolaire est une priorité.

2. Les élèves apprennent à gérer leurs dons et leurs limites comme des chemins de croissance.

3. Les élèves sont encouragées à partager avec d'autres, leurs savoirs et leurs talents.

4. Les orientations éducatives et les apprentissages tendent à développer l'autodiscipline.

5. Les programmes visent au développement de personnalités capables de devenir des chefs.

L’intérêt porté à chaque membre de la communauté est l’expression de l’importance accordée à chaque personne dans son unicité. Cette éthique intègre la règle de la réciprocité, selon la logique de l’échange qui semble gérer les relations interpersonnelles. Cette règle est d’autant plus importante qu’elle implique l’exercice de la sollicitude pour ceux et celles qui sont appelés à «  devenir des chefs », à prendre des responsabilités dans la cité. De même, «  le partage des savoirs et des talents » est une expression concrète de l’estime à accorder à chaque personne. Il est aussi un moyen précieux, capable de contribuer à la bonne construction de l’édifice commun.

De plus, l’élève est situé comme co-responsable de la construction de cet espace relationnel. Pour cela, quelques attitudes sont à privilégier :

  • la reconnaissance de l’autre par l’intérêt qu’on lui accorde et par le partage de ses dons et de son savoir ;
  • l’acceptation de soi, dans ses richesses et ses limites ;
  • l’autodiscipline qui favorise l’autonomie et le respect de l’autre ;
  • la patience qui ouvre l’humble chemin de la croissance personnelle ;
  • l’apprentissage de responsabilités d’ordre collectif.

Chacun de ces éléments contribue à la construction de l’édifice commun. Ainsi, la croissance personnelle n’est pas égocentrique. Même la «  capacité à devenir des chefs » est ordonnée à la finalité sociale du projet éducatif. «  S’engager activement » et de manière «  efficace » dans un monde qui souffre de l’oppression et de l’injustice, c’est la manière d’agir par laquelle s’exprime un sens existentiel, une espérance à partager.

Ces «  Objectifs et critères » constituent, comme l’indique le préambule, «  la trame » commune de projets d’établissements diversifiés. La dialectique du particulier et de l’universel, du semblable et de l’autre, structure ce canevas.L’uniformité n’y a pas droit de cité. C’est donc une nouvelle conception de l’identité éducative qui s’y affirme. Mais, comme «  aux commencements », elle est basée sur le paradigme du charisme fondateur. Néanmoins, ce dernier se déploie selon d’autres concepts : la rencontre, la solidarité et la co-responsabilité, le partage et la créativité, la libération et la justice. La collaboration et l’évaluation transforment la manière de procéder. Cependant, le recours aux exercices pratiques en demeure un élément constitutif. Il en est de même pour l’intégration des sciences humaines contemporaines. Quant au «  cor unum » ou «  concert mutuel », cher à la tradition, il s’exprime dans le langage de l’interdépendance. En effet, «  un processus d’évaluation et de partage des responsabilités a été instauré pour permettre à chaque école et au réseau général de fonctionner ensemble de façon optimale ». L’ouverture à l’universel y apparaît structurelle, relevant à la fois de l’internationalité de l’Institut et de la conception de l’éducation. Elle est présente dans la formulation des critères de réalisation des cinq Objectifs.

Autre caractéristique, et non des moindres, de cette démarche éducative : l’ouverture à la transcendance. Elle est explicitée au premier Objectif, dans les critères 1-2-3-4 ; au second Objectif, dans le 6 ème critère ; au quatrième Objectif, dans le 2 ème critère. Une nouvelle figure se substitue à l’ancien blason des deux cœurs 774 . En effet, sous-jacente à cette description d’une Ecole du Sacré-Cœur, se profile la geste d’Incarnation et de service décryptée dans le mouvement des cinq Options du Chapitre général de 1970. Voici comment elle est repérable dans cette trame de projet éducatif à usage fédéral. La démarche éducative s’ouvre par la première finalité : reconnaître une transcendance à l’œuvre dans l’existence humaine (Objectif 1). Cette découverte est existentielle. Elle est de l’ordre de la rencontre. Elleimplique donc une formation intellectuelle sérieuse, intégrant les données récentes des sciences et des techniques, mais elle suppose aussi le goût d’apprendre, le sens de la recherche (Objectif 2). Cette découverte d’un sens à la vie, d’une espérance à partager trouve son accomplissement dans un engagement social et communautaire. Cette action efficace est rendue possible par l’acquisition de compétences appropriées, y compris relationnelles (Objectifs 3-4-5). Le bénéficiaire est donc l’élève. Sa croissance ouvre un à-venir à réaliser avec d’autres et pour d’autres.

A la lecture des textes congrégationnels rédigés entre 1967 et 1976, apparaît une vague de fond qui entraîne l’Institut dans un dynamisme d’adaptation et de créativité. Le choix de l’éducation, comme service institutionnel, est attesté. De réelles avancées ont lieu. Une maquette de projet éducatif est composée, à partir des «  orientations ad experimentum » de 1967 et des Options de 1970. Une philosophie de l’éducation s’élabore, selon une réinterprétation de la finalité ordonnatrice du plan fondateur, une adaptation de la manière de procéder et de nouveaux vecteurs institutionnels. «  Un champ immense » est ouvert, grâce à la rénovation canonique du statut des instituts religieux. L’ébauche de Léonor de Tournély et l’idée primordiale de la petite Société, selon Sophie Barat, trouveraient-elles, dans ces transformations, une autre étape de leur accomplissement ?

Par leur pouvoir mobilisateur, la figure de Philippine et la métaphore de la renaissance auraient-elles suffi à accompagner la réalisation du renouveau ? Une mutation aussi rapide est-elle envisageable et même souhaitable ? Car, dans tout travail de conscientisation et de développement, les effets durables ne se constatent qu’à long terme. Les adaptations trop rapides peuvent être passagères. Pour le renouveau entrepris par les religieuses du Sacré-Cœur, il en est de même. La transformation ne saurait être immédiate. Et, si la métaphore de la renaissance a pu opérer un certain travail sur l’imaginaire collectif, son pouvoir n’est pas magique. Elle a valeur de signifiant. Elle indique qu’une dynamique institutionnelle est en cours. Et, en ce sens, elle est plus image qu’agent de transformation. Elle est l’indice de l’ouverture institutionnelle à de nouvelles formes de vie et d’action éducative. Sa présence révèle une action en cours.

La culture institutionnelle est, en effet, loin d’être homogène. Elle continue à évoluer sur un horizon en clair-obscur. La pluriformité des lieux et des formes d’engagement est l’objet de fortes résistances idéologiques, parfois culpabilisantes. Quant à la nouvelle visée institutionnelle, est-elle acceptée ? La traduction de la «  réparation » par les termes de «  libération » et de « justice » est-elle même comprise par certaines personnes et certains groupes ? Les discussions et les demandes d’éclaircissement sont nombreuses. Une décontextualisation parodienne du symbole fondateur serait-elle à l’œuvre ? Est-ce sur ce point fondamental que l’imaginaire collectif est « en travail » ? Les doutes et les inquiétudes portent-ils sur cette transformation de la symbolique fondamentale, apparente dans le langage, ou relèvent-ils d’une autre cause ? A ce questionnement répond, maintenant, l’étude de la période de refondation du service éducatif de l’Institut.

Notes
760.

La 6è circulaire de C.Camacho, datée du 20.10.1971, le confirme. En voici un passage significatif : "Presque trois mois de contact vivant et réaliste avec la Société en Amérique du Nord et en Amérique latine ont fortifié notre espérance et notre joie. Nous avons touché du doigt la sincérité de la recherche et le désir de faire passer dans la vie les cinq chemins ouverts par le Chapitre :

- On prend de plus en plus conscience que l'éducation aujourd'hui suppose :

+ un effort de créativité en communauté,

+ de vraies communautés éducatrices ouvertes aux professeurs, aux parents, aux anciennes et aux élèves, dans un réel esprit de participation,

+ des communautés capables de communiquer un vrai sens social parce qu'elle essaie de le découvrir à la lumière de l'Evangile.

De sérieuses évaluations sont faites en ce sens", Lettres à la Société, 1970-1982, Rome, p.6.

761.

Il s'agit de la seconde option où est réaffirmée la "mission éducatrice comme service d'Eglise", ibid.,p.13.

762.

La responsabilité nous incombe de comprendre le "sens de la mission" dans ce monde pluraliste et sécularisé qui monte vers le Christ, et où nous réalisons de plus en plus la valeur de la personne humaine", Société du Sacré-Cœur Chapitre spécial, 1967, p. 53.

763.

Idem, p. 57.

764.

2è Option, supra, idem, p.13.

765.

Ibidem, p. 13.

766.

Critère n°1, du premier Objectif.

767.

Critère n°3, du troisième Objectif.

768.

La visée éducative de 1970 et son inscription dans le projet éducatif de 1975, anticipent, en quelque sorte, l'attestation collective de 1976. "Aujourd'hui, nous contemplons le Cœur blessé du Christ dans l'humanité déchirée par les injustices du monde; et notre charisme nous presse de nous faire solidaires des hommes dans leurs souffrances et dans la recherche d'un monde plus juste et plus fraternel". Société du Sacré-Cœur, Chapitre général de 1976, Rome,p.6.

769.

La visée éducative de 1970 et son inscription dans le projet éducatif de 1975, anticipent, en quelque sorte, l'attestation collective de 1976. "Aujourd'hui, nous contemplons le Cœur blessé du Christ dans l'humanité déchirée par les injustices du monde; et notre charisme nous presse de nous faire solidaires des hommes dans leurs souffrances et dans la recherche d'un monde plus juste et plus fraternel". Société du Sacré-Cœur, Chapitre général de 1976, Rome,p. 6.

770.

Ibid., p.54.

771.

Ibid., p. 54.

772.

Critère n°2 du 4è Objectif de ce projet éducatif.

773.

" La compréhension des objectifs, des valeurs et de la tradition vivante de l’éducation des Ecoles du Sacré-Coeur, nourrit la vie de la communauté éducative". Critère n°5 du 4è Objectif.

774.

Supra, étude du premier Objectif, p. 275.