II. 3. Une guérison de la mémoire collective

Le troisième temps de la refondation du service éducatif (1980-1982) est celui où le symbole fondateur retrouve son enracinement biblique et s’exprime de manière inédite dans les nouvelles Constitutions. Lors de ce troisième moment, comme en 1971-72, le nombre de lettres-circulaires s’accélère. Indice d’un moment sensible où il convient de faire participer le plus grand nombre, de communiquer à l’ensemble du corps apostolique la vie qui traverse les provinces. Cet enjeu n’est pas minime car le lieu où s’exprime et se développe constamment la métaphore est celui de l’action.

L’intuition initiale de Madeleine-Sophie était portée par l’image d’un ostensoir universel. Située dans l’imaginaire spirituel du XVIIIe et XIXe siècles, cette «  idée primordiale de l’Institut » était pertinente, sa force d’évocation relevant de l’universalité signifiée. Mais, transplantée dans la culture ecclésiale post-vaticane, l’image est devenue incongrue, « désuète ». Et, si le souci de la fidélité au charisme fondateur est vif, il en occulte parfois l’interprétation. De là relève une difficulté majeure, lors de ce processus de rénovation et d’adaptation de l’Institut. Car la conception de l’adoration 894 est un élément constitutif de l’imaginaire collectif, facteur de cohésion et de créativité.

Or, le consensus sur le sens de cette finalité ordonnatrice du service éducatif advient au moment où la métaphore se fait vive. Ce fait confirme l’affirmation de J-Y Fouilloux, déjà citée : «  nous ne pouvons accéder à la réalité que par elle et par elle seule nous pouvons résister à l’oubli »  895 . Car c’est bien d’une occultation de la mémoire dont parle la circulaire du 5 juin 1981. C. Camacho constate, en effet ceci : «  l’effort de communion que nous avons fait en travaillant aux Constitutions à la lumière de l’expérience - pauvre et réaliste - de ces années de recherche et de renouveau, est en train d’opérer une «  guérison de notre mémoire collective ». Et ce, par la libération d’idoles ou d’images passéistes, sédiments sous lesquels est enfoui le trésor à communiquer, vestiges d’une métaphore morte.Libérer la mémoire, tel est donc le résultat de cette démarche collective où il s’agissait de «  revenir à la source » d’une parole «  vive ».

«  Deux traits reflètent cette guérison ». Ils seront abordés successivement.

Le premier est un sens renouvelé de l’internationalité dans le fonctionnement interne de l’Institut. Il se fait jour dans l’acceptation sereine des orientations données au service éducatif.

Le deuxième trait est l’interprétation de la finalité ordonnatrice du plan fondateur. Le recueil des circulaires de C. Camacho et la contribution des provinces à l’assemblée de Mexico constitueront, de nouveau, le matériau de base de notre étude. Mais cette fois, l’étude se limitera aux moments sensibles, semblables à ces crêtes qui manifestent une vague de fond, à savoir la refondation institutionnelle.

Notes
894.

Voir les textes relatifs à la vie intérieure dans les Constitutions de 1815.

895.

Concepcion Camacho, Lettres à la Société, p.186.