La clé qui ouvre au trésor de famille

Faire connaître cette ultime destinée de l’être humain pour développer les lumières de la Foi dans un monde marqué par l’athéisme des Lumières, telle était la visée éducative des écoles externes et des pensionnats du Sacré-Cœur, au XIXe siècle. Tel est, aujourd’hui encore, le don gratuit à reconnaître et à partager, la promesse qui jaillit du «  Côté ouvert de Jésus »  930 . C’est ce que fait apparaître la lettre 46, où est identifiée la condition requise, la vulnérabilité.

Cette circulaire constitue un document unique en son genre. Elle n’a pas la valeur juridique d’un «  Plan abrégé » des Constitutions rédigées deux mois plus tard. Et pourtant, n’en a-t-elle pas la facture ? Au sujet de la contextualisation, une analogie peut s’établir entre les premiers paragraphes du Plan abrégé de 1815 et l’élaboration de la métaphore biblique (lettre 46), précédée d’un passage de la lettre 42. Voici la représentation de ces correspondances.

Plan abrégé de l’Institut (1815) correspondances Lettres 42 et 46 (1981-82)

I. Dieu qui dispose de tout avec sagesse pour le bien de son Eglise, lui a donné dans tous les temps des secours proportionnés à ses besoins ; mais c’est surtout dans ce dernier siècle qu’il a fait éclater envers elle sa bonté et sa magnificence, en lui découvrant les immenses trésors renfermés dans le Cœur de son Fils : il a voulu, par là, non seulement faire rendre à ce divin Cœur le culte d’amour et d’adoration qui lui est dû à tant de titres, mais aussi ranimer le flambeau de la foi et le feu sacré de la charité, que l’impiété s’efforçait d’éteindre dans tous les cœurs »
II. La dévotion au sacré-Cœur de Jésus est marquée par des caractères qui ne permettent pas d’y méconnaître le doigt de Dieu... ; la nature de cette dévotion, si propre à toucher les cœurs des pécheurs et à ranimer la ferveur des justes, tout prouve combien elle est agréable au Seigneur, et que c’est lui-même qui l’inspire.
III. C’est donc pour entrer dans ses desseins, si clairement manifestés de nos jours, que cette petite Société, formée sous l’autorité des évêques, avec le désir et l’espoir d’obtenir du souverain Pontife une approbation solennelle, s’est consacrée au divin Cœur de Jésus et à la propagation de son culte.
IV. La fin de la Société est donc de glorifier le sacré Cœur de Jésus, en travaillant au salut et à la perfection de ses membres par l’imitation des vertus dont ce divin Cœur est le modèle, et se consacrant, autant que cela peut convenir à des personnes du sexe, à la sanctification du prochain, comme à l’œuvre la plus chère au Cœur de Jésus ; elle se propose aussi d’honorer d’un culte particulier le très saint Cœur de Marie, si parfaitement conforme en tout au cœur adorable de Jésus son divin Fils.
V. Il s’ensuit que l’esprit de cette Société est essentiellement fondé sur l’oraison et la vie intérieure, puisqu’on ne peut dignement glorifier le Cœur adorable de Jésus qu’autant qu’on s’applique à en étudier les dispositions intérieures pour s’y unir et s’y conformer.



plan de salut
divin




contexte
historique




fin
de
l’Institut






conditions
de
réalisation
 
«  C’est un moment-clé pour l’histoire de notre Congrégation, et il est important que nous donnions dans notre vie à ce Chapitre la place qui lui revient : nous essayons en ce moment d’exprimer et de formuler pour notre temps les exigences du «  mystère caché de Dieu », ce trésor caché qui se manifeste peu à peu dans l’histoire et qui, lorsque nous le découvrons, est source pour nous de joie et de générosité nouvelle pour tout quitter. Ce trésor, comme disait sainte Madeleine Sophie, nous donne la force pour que «  tout ce que nous sommes et nous possédons (soit) employé pour sa gloire »  931 .
C’est un moment-clé dont nous sommes toutes responsables ; ...en tout événement, en toute réalité, dans la simplicité de chaque jour, regardez beaucoup le Christ pour répondre selon son Cœur. Ainsi notre mission prendra les traits de Jésus humble et modeste, mais puissant dans l’amour 
932  ».
«  Ces pensées d’amour et de libération sont l’oeuvre de son Coeur compatissant, fleuve qui traverse l’histoire, action de salut pour tous ceux qui espèrent.
J’ai constaté avec une force nouvelle que la contemplation du corps du Christ, de l’humanité, du monde qui nous entoure, nous fait sortir de nous-mêmes et nous donner aux autres ; c’est un chemin de salut. J’ai compris que s’adressent à nous de façon particulière, par vocation, les paroles suivantes ;
«  Voyez mes mains et mes pieds ; c’est bien moi ! » (Lc. 24, 39) Ce n’est qu’en étant vulnérables, en nous laissant toucher par les souffrances de son Corps, que nous pourrons vraiment répondre aux besoins du monde. Je n’insisterai jamais assez sur la nécessité de la contemplation dans la vie apostolique ; «  on ne peut dignement glorifier le Coeur adorable de Jésus qu’autant qu’on s’applique à en étudier les dispositions intérieures pour s’y unir et s’y conformer » (Const. 5). Ainsi seulement, nous laisserons passer force, liberté, guérison ; ainsi seulement, l’amour transformera notre vie et celle des autres »  933 .

L’économie salvifique est la référence de départ. Elle se déploie selon une problématique missionnaire. Ici et là, un trésor est découvert : le «  mystère caché de Dieu ». Il est à communiquer. Quels en sont les protagonistes ? Le texte de 1815 indique (sans la nommer) Marguerite-Marie Alacoque et les religieuses du Sacré-Cœur. Celui de 1981 mentionne uniquement la responsabilité qui incombe aux rscj. L’enjeu est de l’ordre de la reformulation d’une éthique évangélique : «  exprimer et formuler pour notre temps les exigences du «  mystère caché de Dieu », ce trésor caché qui se manifeste peu à peu dans l’histoire ». Il s’agit donc d’adopter un nouveau langage pour exprimer la finalité éducative des «  commencements » : «  faire connaître au monde les trésors de son coeur et Lui préparer une génération pleine de foi, en déposant de bonne heure le germe de cette même foi, dans ces jeunes élèves confiées à vos soins et où il doit un jour produire au centuple »  934 .

Aujourd’hui comme hier, « lorsque nous le découvrons, (ce) trésor caché est source de joie et de générosité nouvelle ». A ces fruits de la rencontre s’ajoutent les traits caractéristiques de cette mission : ceux de « Jésus humble et modeste mais puissant dans l’amour ». Une attitude est requise : « ce n’est qu’en étant vulnérables, en nous laissant toucher par les souffrances de son Corps, que nous pourrons vraiment répondre aux besoins du monde ». La conformité est à ce prix car « l’amour et la libération sont l’œuvre de son Cœur compatissant ».

Le symbole biblique donne, alors, la dimension ultime qui permet d’éviter tout anthropomorphisme. Ce «  Cœur compatissant, (est le) fleuve qui traverse l’histoire, action de salut pour tout ceux qui espèrent ». Le langage métaphorique, expression privilégiée «  pour notre temps », connecte en une évocation exemplaire le signifié et son image. Tel est le «  mystère caché de Dieu, ce trésor caché qui se manifeste peu à peu dans l’histoire ».

Si le texte des Constitutions de 1982 ne prescrit pas l’adoration en tant que dévotion particulière, il la situe néanmoins dansla dynamique missionnaire, dès le premier article intitulé «  Fin et mission de la Société du Sacré-Cœur ». Le Christ, y est-il attesté, « ouvre aux profondeurs de Dieu et à la détresse de l’humanité, attire dans son mouvement d’adoration du Père et d’amour pour tous, spécialement les pauvres »  935 .

A sa suite, conduire à « l’adoration du Dieu vivant » se traduira au moyen d’objectifs éducatifs ou formatifs, de stratégies pédagogiques qui ouvrent un espace où l’altérité divine puisse faire sens. La «  ratio à l’usage des demoiselles » n’était-elle pasun cursus ordonné de telle sorte que l’élève puisse découvrir «  sa place et son rôle »  dans l’univers et, par là même, y reconnaître une transcendance à l’œuvre ? Selon quel «  ordo » se trouve, désormais, organisé le service éducatif de la Société du Sacré-Cœur ? Quelles en sont les exigences et les règles ? A ces questions, répond l’étude suivante.

Notes
930.

Constitutions de 1982, 5, p. 168.

931.

Lettre de M-S Barat à M.A. de Saint-Victor, 9.06.1864, Rome, AGSC.

932.

Lettre 42, 8.09.1981, ibid., p.107.

933.

Lettre 46, 4.05.1982, ibid., p.117.

934.

F. Druilhet, Conférences aux Maîtresses de Classe et Surveillantes, AGSC, p.163.

935.

Société du Sacré-Cœur, Constitutions de 1982, approuvées le 1.01.1987, Fin et mission, 8., p. 169.