d) Arts libéraux et philosophie

On vient de voir que l’orateur utilisait parfois le système de la division du thème selon les circonstances, inspiré de la rhétorique antique, et qu’il manifestait d’autre part un respect réel à l’égard des arts du triviumcorrectement utilisés; or les arts libéraux ont connu, depuis la fin du XIIe siècle, une impulsion nouvelle de l’introduction massive en Occident d’œuvres philosophiques souvent rangées sous le nom d’Aristote, en fait beaucoup plus composites (nombre de commentaires d’origine arabe ou juive y sont joints, par le canal de l’Espagne, mais aussi des textes d’inspiration platonicienne, comme le révèle l’affaire des Amauriciens), en tout cas jusqu’ici inconnues. On décèle des traces de cette intrusion et de ses retentissements sur la théologie, à vrai dire difficiles d’interprétation, dans la prédication d’Eudes de Châteauroux. Si l’on en juge par la documentation officielle 231 s’y rapportant, cette crue, au début du XIIIe siècle, de l’Aristotélisme entendu au sens large, ou plutôt cette découverte du « nouvel Aristote » 232 , a très tôt inquiété les maîtres en théologie et la papauté 233 . Robert de Courçon, légat pontifical et ancien maître en théologie de la faculté, a ainsi inclus dans ses statuts de 1215 l’interdiction de la Métaphysique et de la « philosophie naturelle ». Les historiens de la philosophie interprètent ces mesures restrictives comme émanant des « théologiens conservateurs » de l’école de Pierre le Chantre 234 . Etudiant la réception des textes produits par les autorités ecclésiastiques, Mgr Grabmann 235 a montré qu’Eudes de Châteauroux s’était dans ses sermons montré attentif aux condamnations pontificales d’un certain nombre d’œuvres d’Aristote, activement commentées depuis le début du siècle à la faculté des arts 236 . En effet, une seconde série de décisions doctrinales émane de la papauté dans les années 1228-1231, culminant dans certaines dispositions de la bulle « Parensscientiarum » 237 ; cette seconde vague atténue en fait les dispositions antérieures de 1215, en prenant acte de l’apport des méthodes scientifiques du Stagirite aux progrès des connaissances, notamment chez les Artiens 238 . La question centrale aux yeux de Grégoire IX consistait à ne pas mélanger les genres, entre philosophie et théologie, dans le cadre prescrit en 1228: la philosophie n’a d’utilité que comme servante de la science reine, la théologie. Le pape ordonne en conséquence de rechercher dans ces écrits les dispositions les plus évidemment contraires à la foi chrétienne, et de les en expurger 239 . Je crois utile de relever ici cette conception encore irénique des débats scientifiques qui avaient cours au sein des facultés parisiennes, sans masquer ses limites bien réelles. Il semble que la première frayeur passée, on ait cessé d’assimiler purement et simplement à l’hérésie les nouveaux courants de la connaissance transmis par l’apport de textes philosophiques durant le second XIIe siècle, confusion que la situation générale de la chrétienté dans les années 1210 n’avait pu que favoriser, puisqu’on est en plein déclenchement de la croisade albigeoise. L’hérésie paraît avoir été vaincue en 1226, à la fois politiquement et doctrinalement, et l’on a vu l’engagement d’Eudes de Châteauroux en ce sens. Dans ce climat nouveau, la résurgence de discussions de nature scientifique, inévitable ne serait-ce que parceque les théologiens viennent à la science sacrée sur le tard, après un cursus ès Arts, n’est plus connotée de la même manière; le climat, de ce point de vue, dans ce secteur de la pensée comme dans d’autres, change nettement au tournant des années 1230-1240.

Il n’est pas surprenant dans ces conditions de voir Eudes de Châteauroux s’inspirer de très près des paroles du pape dans au moins deux sermons 240 . Le premier a déjà été évoqué: c’est un sermon « in secunda dominica post Penthecosten », sur le thème biblique: « Homo quidam fecit cenam magnam et vocauit multos » (Lc. 14, 16), remontant très probablement à cette époque, même si la chronologie de l’oeuvre homilétique du maître-régent antérieure à la première édition de ses sermons, c’est à dire à 1260 environ, est et demeurera très difficile à dater précisément. L’expression, concernant les conceptions exégétiques comme les rapports des diverses sciences entre elles, en est en effet si semblable au vocabulaire des bulles pontificales que l’on ne peut guère hésiter 241 . Eudes de Châteauroux y définit nettement une méthode d’interprétation de l’Ecriture, ainsi qu’un programme d’accès à la théologie via les arts libéraux, décidément placés en position subalterne:

‘« Un homme faisait un grand dîner, auquel il invita beaucoup de monde. Ces mots peuvent être considérés de deux façons, d’abord allégoriquement, et dans ce sens ils conviennent spécialement aux étudiants... Selon la première intelligence, on doit considérer ce qu’est ce dîner, pourquoi il est dit grand, et quel est l’homme qui l’a fait; secondement, qui sont ceux qui ne veulent pas y venir; tertio, qui [sont ceux qui] viennent. Il dit donc: Un homme faisait un grand dîner. Qu’est-ce que ce dîner, sinon l’intelligence profonde et multiple de la sainte Ecriture, par laquelle l’homme intérieur retrouve des forces et se repaît, témoin le Seigneur dans le Deutéronome, 6: L’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de toute parole qui provient de la bouche de Dieu ; et dans le Deutéronome, 8: Moïse dit au peuple israëlite: Il t’a donné pour nourriture la manne, que toi et tes pères ignioriez, afin de te montrer que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout mot qui provient de la bouche de Dieu . Par la manne, c’est le verbe de Dieu qui était figuré, lequel transforme ceux qui le goûtent en admirateurs stupéfaits, de sorte qu’ils sont obligés de s’écrier, admiratifs: la manne, qu’est cela ? Car l’admiration génère la question et pousse l’admirateur à demander et enquêter, à preuve le psaume qui dit: Tes témoignages sont des merveilles, c’est l’expression de l’admiration; donc mon âme les a scrutés, c’est celle de la question et de l’enquête. La manne descendait en menus morceaux, à la façon de la gelée, et pourtant elle manquait d’une tonte, durcissait au feu, se liquéfiait au soleil. De même, la sainte Ecriture, même si elle peut apparaître tendre, facile et de nulle profondeur, manque pourtant de la tonte de l’exposition et de l’enquête laborieuse, studieuse et subtile, requise par un examen diligent, avant de devenir une nourriture convenable. Aussi, dans le livre des Nombres, 11 [on lit]: Le peuple s’égaillait pour la récolter, puis on la broyait à la meule ou on l’écrasait au pilon; on la faisait cuire dans un pot . Qu’est-ce qui est signifié par les meules, grâce auxquelles la manne de la sainte Ecriture doit être broyée, sinon les expositions des Saints, où ils ont à satiété et largement commenté la sainte Ecriture ? Ces meules dont le Seigneur prescrit dans le Deutéronome, 24: Tu n’accepteras pas en gage la meule inférieure ni la meule supérieure, car ce serait prendre la vie même en gage . Qu’entendre par la meule inférieure, sinon l’exposition du sens historique ? Que désigne la meule supérieure, sinon l’exposition mystique ? De ces deux meules, il ne faut recevoir aucune sans l’autre, afin, si l’on accepte la meule supérieure, de ne pas s’égarer dans les allégories avec Origène, témoin Jérôme qui déclare: Origène s’égare en commentant Isaïe, sous l’inspiration de l’allégorie; dans l’examen des noms, il substitue son esprit au sacrement de l’Eglise 242 . De même, la meule inférieure ne doit pas être acceptée sans la meule supérieure, pour éviter qu’on ne dise de nous ce qu’on dit des Juifs, dans Job, 30: Ils cueillaient des herbes et ramassaient l’écorce des arbres . L’intelligence historique est en effet de l’herbe ou du foin, dont l’homme se repaît au plan charnel, un peu comme les juments et les autres animaux sans raison. L’écorce est aussi ce dont est recouverte l’intelligence mystique. Ainsi donc, par les meules, les expositions complètes des Saints sont désignées. Mais on lit dans le livre des Juges, 16, que les Philistins ont conduit Samson, devenu aveugle et chargé de chaînes, dans une prison où il tournait la meule. C’est ce que le Diable s’efforce de faire: que des gens aveuglés par l’erreur ou l’ignorance tournent la meule de l’exposition de la sainte Ecriture, soit en lisant soit en prêchant; et qu’en résulte pour l’Eglise le reproche, et des dégâts non négligeables. Qu’y a-t-il en effet de plus risible, que de voir des ignorants accéder au grade où l’on l’enseigne ou prêche ? Quoi de plus dommageable pour l’Eglise, que de voir les hérétiques porter la main à la meule, c’est à dire oser exposer la sainte Ecriture ? » 243

Voilà pour l’exégèse; quant aux arts libéraux:

‘« L’exercice et l’étude des arts libéraux sont une sorte de première couche préparant l’étude de la sainte Ecriture; et de même que des couleurs moins précieuses sont d’abord étalées, pour former comme un support matériel et une base pour les couleurs précieuses, base sans laquelle les couleurs précieuses perdraient beaucoup de leur beauté, de même les âmes, qui doivent être peintes de la science de la sainte Ecriture comme de la plus belle des couleurs, doivent préalablement se colorer de la science des arts libéraux, afin qu’ainsi la beauté de la science sacrée brille. Qui, de fait, expert en arts libéraux, aborde la sainte Ecriture, ressemble à celui qui étalerait de précieuses couleurs sur un mur ou des pierres, sans autre couleur intermédiaire, ce qui serait (ms. illisible) et quasiment inutile » 244 .’

La métaphore se poursuit sous une autre forme un peu plus loin (f. 18v°), où les arts libéraux sont comparés à un déjeuner, les saintes écritures au dîner; il ne faut pas se gaver au déjeuner si l’on veut parvenir au dîner; Dieu est nommé « prince des cuisiniers », puisque celui qui prépare les aliments spirituels 245 . Conclusion:

‘« Ainsi méritent un grand blâme ceux qui demandent des titres académiques pour des personnes inhabiles, ignorantes, et qui, dans l’improbité de leur zèle, font introduire parmi les docteurs des gens qui ne savent pas même, pour filer la métaphore, préparer deux fèves; en d’autres termes, savent peu ou ne savent rien, et veulent devenir auriges quand ils ne connaissent pas les noms des chevaux, marins quand ils ignorent ceux des vents » 246 .’

Le second sermon cité par M. Grabmann, de par les manuscrits dans lesquels on le lit 247 , ne paraît pas pouvoir être rattaché à cette période. L’auteur déjà cardinal y dénonce ceux qui se « vendent » aux Grecs, assimilés aux philosophes. En fait, il me semble que ce à quoi il fait allusion, dans ce sermon de conclave, ce sont les négociations qu’une partie des cardinaux souhaiterait voir le Collège mener avec l’Eglise grecque, et dont il n’est pas partisan, comme il le montre à plusieurs reprises dans la série du ms. de Pise, en particulier les deux sermons adressés aux envoyés de l’Empereur grec, Michel Paléologue 248 .

Si ce second sermon, malgré des ressemblances superficielles, n’a donc rien à voir avec le premier, force est de constater que même suite à la lecture du premier, du tournant des années 1220-1230, on éprouve quelque difficulté à positionner précisément Eudes de Châteauroux dans un courant: sauf à l’apparenter, eu égard à ce que j’ai dit de sa formation et de ses conceptions éducatives, à l’école des théologiens conservateurs dérivée de Pierre le Chantre, on ne peut rien avancer de plus précis, et cette situation témoigne probablement d’une grande méconnaissance, chez beaucoup de théologiens de cette époque, des sources scientifiques nouvelles dont disposaient les Artiens, ainsi que d’une extrême sensibilité au positionnement doctrinal de la papauté. De sorte qu’on voit les mêmes évoluer rapidement, en fonction des événements. Quelques années plus tard, Hugues de Saint-Cher en fournit un bel exemple dans ses commentaires (ou plutôt ceux de l’équipe qu’il supervisait à Saint-Jacques) à l’Apocalypse antérieurs à sa Postille 249 . Dans le premier de ces commentaires, datant de 1236 et dont l’incipit est « Aser pinguis », il se positionne très favorablement par rapport à la philosophie grecque 250 ; il semble d’ailleurs s’agir, plutôt que de textes d’Aristote, du corpus dionysien dont dispose l’université de Paris au XIIIe siècle 251 . Mais le second commentaire, postérieur de quelques années seulement, puisque composé entre 1240 et 1244, désigné par son incipit comme « Vidit Iacob », est beaucoup plus restrictif: les références précises et les appréciations laudatives relatives à Denys et autres philosophes ont disparu 252 . Par contre, les catégories aristotéliciennes sont l’objet d’un usage plus fréquent dans le second commentaire que dans le premier, notamment le système des quatre causes, sans nommer Aristote lui-même 253 . Cet apparent paradoxe s’éclaire si l’on rapproche ces travaux de l’équipe d’Hugues de Saint-Cher de la chronologie des controverses doctrinales qui reprennent au début des années 1240. D’après les historiens de la philosophie on l’a vu, les décisions relatives à Aristote prises par Grégoire IX entre 1228 et 1231 lâchaient plutôt du lest: ce fait peut parfaitement expliquer la diffusion des schémas aristotéliciens les plus commodes et même leur emploi comme techniques d’exégèse; par contre, on assiste en 1241 à la condamnation des thèses philososphiques d’un frère dominicain, Etienne de Vernizy, qui paraissent s’inspirer davantage d’un panthéisme de type néo-platonicien que des raisons aristotéliciennes 254 . Cette affaire doit avoir incité les Dominicains de Saint-Jacques à se montrer nettement plus prudents dans l’utilisation de leurs sources. On retiendra, sur le fond, la conclusion que F. Van Steenberghen formule, concernant cette introduction du « nouvel Aristote » au tout début du XIIIe siècle et son impact 255 : les scolastiques n’ont pris que très progressivement conscience des problèmes redoutables posés, sur le fond, par l’Aristotélisme aux formulations chrétiennes traditionnelles qui résumaient l’orientation intellectuelle séculaire de la théologie: Crede ut intelligas(Augustin); Fides quaerens intellectum(Anselme) 256 ; ce sont là des formules qu’Eudes de Châteauroux, sur ce que révèlent ses sermons, aurait revendiquées. Quant à connaître précisément la façon dont il appréhendait voire utilisait les méthodes nouvelles du Stagirite, un sermon montre que, sur le tard au moins, il ne les ignorait pas, mais qu’il n’en avait pas forcément la maîtrise. J’ai déjà évoqué ce sermon en étudiant le contenu du ms. de 1230-1231 257 ; il est repris dans les éditions postérieures, dans une version légèrement différente 258 ; une note marginale, peut-être autographe, en face du texte où est écrit 259 : « Substantia rerum, id est subsistens veritas, non fantastica, et ideo fantasticam scientiam excludit », ajoute en effet les mots suivants: « Scriptum est : summus Aristoteles trucinando cacumina rerum in duo diuisit quicquid in orbe fuit, in substantiam scilicet et accidens. Substantia quid firmum est, nichil accidentis. Accidens autem quasi quiddam vanum est, quia accidens est quod adest et abest preter subiecti condicionem. Subiectum autem non corrumpitur, quin accidens quod in eo est corrumpatur. Substantia autem est subiectum accidentis et fundamentum. Ideo fides dicitur substantia, quia est de re firma et fixa, non de vanis et fictis, et est etiam fundamentum aliarum virtutum et donorum. Astucia vero mundi circa ficta et falsa et vana versatur, et ideo homines decipit; fides vero circa certa et firma » 260 . D’après B. Hauréau 261 , Eudes de Châteauroux, si la note est bien de sa main, confond, chez Aristote, la différence entre substance et accident avec celle entre matière et forme 262 .

Il est donc bien difficile d’identifier quelle philosophie grecque, lorsqu’elle n’était pas subordonnée à la théologie et tâchait de substituer son propre lexique et ses outils de travail à ceux fournis par la lectiobiblique, paraissait dangereuse au régent. La suite de son action tendrait à prouver qu’il se méfiait plutôt des débordements d’inspiration néo-platonicienne véhiculés par le corpus dionysien. Mais lui-même le savait-il exactement à cette époque ?

Cette entrée en matière parisienne fut donc assez spectaculaire, et mobilisa d’entrée des thèmes politiques et ecclésiologiques destinés à une longue fortune historiographique, on pourrait même dire à une transformation en thèmes de propagande capétiens; c’est la personnalité de Louis IX qui fut à l’origine probable de cette fortune: d’une possible catastrophe, sous la forme d’un divorce entre l’université et la royauté, le roi a fait désormais une alliance décisive, renforcée par l’appui pontifical. Bien sûr, la fonction politique de l’exégèse est aussi ancienne que le texte lui-même de la Bible 263 ; au XIIe siècle, toujours sous l’impulsion de l’école de Pierre le Chantre, les gloses politiques des Ecritures semblent avoir pris une nouvelle vigueur 264 . Mais la grande différence, c’est que ces réflexions d’intellectuels sont, grâce à la prédication, portées sur la place publique; l’incomparable medium 265 que constitue le commentaire public et autorisé de la Parole permet, en vue d’indiquer aux pouvoirs en quoi doit consister l’agencement de leurs rapports, de mobiliser les plus récents progrès réalisés par l’exégèse biblique. Dans cette veine, Eudes de Châteauroux devait s’avérer, conformément à ses titres universitaires, un maître.

On ne connait pas la date exacte à laquelle il a obtenu ce titre, même si l’on dispose probablement du sermon d’inceptio 266 qu’il a délivré à ce moment. De même la chronologie selon laquelle il a gravi les échelons à l’intérieur de l’église parisienne est incertaine: peut-être est-il chanoine dès 1226 267 ; il l’est à coup sûr en 1234, dans plusieurs documents 268 . C’est donc la décennie 1230 qui consacre son ascension définitive; elle mérite d’autant plus d’attention qu’elle le conduit au cardinalat.

Notes
231.

La plupart des textes sont dans CUP, t. I, en particulier la sentence de condamnation des Amauriciens par les maîtres en théologie de l’université à la suite du concile de Sens de 1210, ici p. 71 s.

232.

Cf. N. Bériou, L’avénement... op. cit., p. 51 note 163, sur la liste exacte des oeuvres du Stagirite traduites et disponibles vers 1200.

233.

Voir sur tout cela F. Van Steenberghen, La philosophie au XIII e siècle, Louvain-Paris, 1966, ici p. 72-117: analyses des premières condamnations de 1210 et 1215 p. 88 s.; point d’aboutissment de tous ces apports nouveaux dans le domaine de la philosophie, ce que l’auteur nomme un « aristotélisme éclectique », p. 119-189. Sur les événements de 1210 et 1215 autour des Amauriciens, voir aussi N. Bériou, L’avénement... op. cit.,p. 48 s.

234.

Cf. F. Van Steenberghen, La philosophie... op. cit., p. 94-95; l’auteur souligne l’appartenance de Robert de Courçon à cette école.

235.

M. Grabmann, I divieti ecclesiastici di Aristotele sotto Innocenzo III e Gregorio IX(= Miscellanea Historiae Pontificiae, vol. V), Rome, 1941.

236.

Cf. F. Van Steenberghen, La philosophie... op. cit., p. 97-98.

237.

M. Grabmann, I divieti... op. cit., p. 70-109.

238.

Idem, Ibidem, p. 99.

239.

Cf. Idem, Ibidem p. 100-101; suivi par F. Van Steenberghen, La philosophie... op. cit., p. 100-110, surtout 106-107 sur les passages à expurger; voir à la page 106 un extrait très clair de la bulle « Parensscientiarum ».

240.

Cf. M. Grabmann, I divieti... op. cit., p. 81.

241.

Le texte, RLS n° 409a, auquel renvoie M. Grabmann de façon imprécise, en laissant croire qu’il appartient à la série de 1230-1231 partiellement éditée par M.-M. Davy, a dû être en réalité repéré par l’historien dans l’article de B. Hauréau, Notices... II cité.

242.

Cf. Jérôme, In Is. l. V, prol. « liberis allegoriae spatiis euagatur » (= PL t. XXIV, p. 154C); en réalité, le reproche de Jérôme fait suite à celui d’Origène, tous deux visant Eusèbe de Césarée, cf. H. de Lubac, Exégèse... op. cit., t. I/1, p. 43 notes 6 et 7.

243.

Ms. de Paris, BNF lat. 15948 (f. 17rb-17vb): « Homo quidam fecit cenam magnam et vocauit multos. Verba ista duobus modis considerari possunt, primo allegorice et secundum hoc specialiter conueniunt studentibus... Secundum primam intelligen-(f. 17va)- ciam considerandum est que sit hec cena et quare magna et quis homo qui eam facit; secundo qui sunt qui nolunt venire; tercio qui veniunt. Dicit itaque: Homo quidam fecit cenam magnam. Que est hec cena nisi sacrarum scripturarum multiplex et profunda intelligencia, qua homo interior reficitur et sanatur, Domino attestante, Deureron. vi°: Non in solo pane viuit homo sed in omni verbo quod procedit ex ore Dei ; et in Deuteron. viii°: Dicit Moyses populo israelitico: Dedit tibi cibum, manna, quod ignorabas tu, et patres tui, ut ostenderet tibi quod non ex solo pane viuit hom,o sed in omni verbo quod procedit ex ore Dei. Per mahu figurabatur verbum Dei quod gustantes se in admiracionem et stuporem conuertit ut cogantur dicere per admiracionem: Mahu, quid est hoc ? Admiracio enim questionem generat et admirantem excitat ad querendum et ad inquirendum, teste psalmo qui ait: Mirabilia testimonia tua, ecce admiracio; ideo scrutata est ea anima mea, ecce questio et inquisicio. Mahu minutum ad modum pruine descendebat et tamen tonssione indigebat, ad ignem indurescebat, ad solem liquefiebat. Sic sacra scriptura et si tenuis et facilis appareat et nullius profunditatis, tamen indiget tonsione exposicionis et perscrutacionis laboriosa et studiosa et subtili indagacione, ad hoc ut fiat competens nutrimentum. Unde in libro Numerorum xi°: Circuibatque populus et colligens illud frangebat mola siue frangebat in mortariolo, decoquens in olla. Quid per molas quibus mahu sacre scripture frangendum est, nisi exposiciones Sanctorum, quibus plenissime et habundantissime sacram scripturam exposuerunt, de quibus molis precipit Dominus in Deuteron., xxiiii°: Non accipies loco pignoris inferiorem (f. 17vb) aut superiorem molam, quasi animam suam apposuit tibi. Quid per inferiorem molam, nisi exposicio ystorici intellectus ? Quid per superiorem molam, nisi mistica exposicio designatur ? Quarum neutra sine altera est accipienda, ne accepta superiori tantum cum Origene per allegorias euanescamus, teste Jeronimo qui dicit: ‘’Origenes libris allegorie spiratus in Ysa. euagatur et in temptatis nominibus ingenium suum facit ecclesie sacramentum’’. Similiter nec inferior mola sine superiori accipienda est, ne de nobis dicatur quod dicitur de Iudeis, Iob xxx°: Mandabant herbas et arborum cortices. Litteralis enim intelligencia herba est siue fenum, quo reficiuntur homines carnaliter, quasi iumenta et animalia irracionabilia. Cortex etiam est quo tegitur misticus intellectus. Sic ergo per molas plenarie exposiciones Sanctorum designantur. Sed legitur in libro Iudicum, xvi°, quod Philistei Samsonem excecatum duxerunt vinctum cathenis et clausum in carcere molere fecerunt. Sic procurat Dyabolus ut excecati per errorem et ignoranciam molam, id est sacras scripturas, exponant legendo vel predicando, ut per hoc vituperatur Ecclesia et eidem dampnum non modicum inferatur. Quod enim maius ludibrium est quam ut ignorantes gradum docendi vel predicandi ascendant ? Quod maius dampnum Ecclesie quam quod heretici manus audeant apponere ad molendum, id est ad exponendum sacram scripturam ? ».

244.

F. 18ra: « Sic exercicium et studium liberalium arcium quedam subtracio est ad studium sacre scripture; et sicut quidam colores minus preciosi prius ponuntur, quasi materialis disposicio et fundamentum preciosorum colorum, sine quibus preciosi colores multum decoris sui ammitterent (passage illisible: ms. abimé), sic anime, que scientia [scientiam/ms.] sacre scripture quasi colore obtimo debent picturari, prius debent scientia liberalium arcium depingi, ut sic venustas sacre sciencie elucescat. Qui enim expers liberalium arcium sacram scripturam addiscit, est sicut qui poneret preciosos colores super parietem vel lapides, nullo colore alio mediante, quod esset (illisible) et quasi inutile ».

245.

Cf. B. Hauréau, Notices... II cité, p. 231-232.

246.

F. 18vb: « Sic valde redarguendi sunt qui ineptos et minus sufficientes presentant et instancia sua improbi eos faciunt pertransire, qui nescirent ut sequar metaphoram duas fabas preparare, id est parum aut nichil sciunt et volunt aurige fieri qui nec nomina nouerunt equorum et naute cum non nouerunt nomina ventorum ». J’emprunte le début de ma traduction à B. Hauréau, Ibidem p. 232.

247.

RLS n° 786, « De beato Clemente », mss de Paris, Bibl. Mazarine 1010, f. 213rb-215va; de Pise, Bibl. Cateriniana 21, f. 95vb-97vb (cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., n° 46, p. 59, qui cite le texte mais ne l’édite pas).

248.

Voir le chapitre VI.

249.

Cf. R. E. Lerner, Poverty, Preaching, and Eschatology in the Revelation Commentaries of Hugh of Saint-Cher, dans The Bible in the Medieval World... op. cit., p. 157-189; sur le travail en équipe, voir surtout p. 182 s.

250.

Cf. R. E. Lerner, Poverty... art. cit., p. 165 pour la date; p. 166-167 pour la prise de position.

251.

Cf. sur la nature de ce corpus H. F. Dondaine, Le corpus dionysien de l’université de Paris au XIII e siècle, Rome, 1953; l’auteur étudie dans le détail la formation progressive du corpus et les traductions successives du grec au latin, mais point les aspects controversés de cette pensée dans les débats universitaires.

252.

Cf. R. E. Lerner, Poverty... art. cit. , p. 166 pour la datation de « Vidit Iacob »; p. 167 pour une comparaison des deux textes révélant les effets de la censure.

253.

Cf. Ibidem, p. 168; les quatre causes aritotéliciennes devaient rapidement devenir, chez un certain nombre de prédicateurs, l’un des moyens de diviser un thème et d’annoncer le plan d’un sermon.

254.

Je traite plus en détail cette question dans le § suivant, car Eudes de Châteauroux y a joué un rôle important.

255.

F. Van Steenberghen, La philosophie... op. cit., p. 87.

256.

Sur le sens de ces formules et leur rapport avec l’exégèse, cf. H. de Lubac, Exégèse... op. cit., t. I/1, p. 56 s.

257.

RLSn° 329, ms. de Paris, BNF nal 338, f. 166v°-170r° (n° 54 du ms. = éd. M.-M. Davy cit. , p. 201-205).

258.

Il devient le RLSn° 328a, contenu dans le ms de Rome, AGOP XIV, 33 f. 42rb-43vb.

259.

F. 42rb.

260.

J. B. Pitra, Analecta... op. cit., a trancrit cette note p. 244 en tête du sermon, juste après le thème, qui plus avec de nombreuses erreurs qui la rendent incompréhensible.

261.

Cf. B. Hauréau, Notices II... art. cit..

262.

Sur cette question des rapports entre les catégories de la philosophie et leur emploi dans les sermons, cf. L.-J. Bataillon, L’emploi du langage philosophique dans les sermons du XIII e siècle, dans Sprache und Erkenntnis im Mittelalter, hg. A. Zimmermann (= Miscellanae Mediaevalia, XIII/2), Berlin-New York, 1981, p. 983-991 (repris dans Idem, La prédication... op. cit., art. IX).

263.

Cf. par exemple l’étude que mène W. Affeldt, Die Weltliche Gewalt in der Paulus-Exegese, Göttingen, 1969, du célèbre passage de saint Paul (Romains 13, 1-7) sur le pouvoir séculier, du point de vue de l’exégèse politique dont ce texte biblique a été l’objet; on y retrouve naturellement Eudes de Châteauroux. Parmi une multitude d’exemples, je citerai, en général, W. Ullmann, The Bible and Principles of Government in the Middle Ages, dans La Bibbia nell’alto Medioevo, Spolète, 1963, p. 181-227 (= Settimana di studio sull’alto Medioevo, X, 1962); et sur l’utilisation de la Bible plus spécifiquement dans le contexte de la querelle des investitures, I. S. Robinson, The Bible in the Investiture Contest: the south German Gregorian Circle, dans The Bible in the Medieval World... op. cit., p. 61-84.

264.

Cf. P. Buc, L’ambiguïté du livre. Prince, pouvoir et peuple dans les commentaires de la Bible au Moyen Âge, Paris, 1994, passim.

265.

Sur le sermon comme principal medium médiéval, cf. D. L. d’Avray, The Preaching of the Friars, Oxford, 1985, p. 3-4, et à l’index p. 311, s.v°. « mass communication ».

266.

Sur cette cérémonie où les maîtres accueillaient le néo-licencié en théologie dans la corporation de ses pairs, cf. O. Weijers, Terminologie des universités au XIII e siècle, Rome, 1987, p. 407-422. Une édition du sermon d’inceptio d’Eudes de Châteauroux a été procurée par N. Spatz, Principia: A Study and Edition of Inception Speeches Delivered before the Faculty of Theology at the University of Paris, ca. 1180-1286 (Ph. D. Diss., Cornell University, Ithaca New York, 1992), p. 218-231.

267.

Cf. supra, note 88.

268.

Cf. A. Paravicini Bagliani, Cardinali... op. cit., p. 202 note 4; L. Auvray, Reg. Grégoire IX, doc. n° 2318, n° 2817, n° 2905, n° 3666. Ce fait confirme que les fonctions au sein du chapitre et celles d’enseignement de la théologie, loin de constituer en soi des germes d’affrontement, s’épaulent pour favoriser l’ascension des clercs-étudiants. A cet égard, les affirmations de M.-M. Dufeil, Guillaume... op. cit., p. 35-60, méritent sur une toute une série de points d’être nuancées. On a vu le cas de Philippe le Chancelier, archidiacre quasiment par héritage, c’est à dire titulaire de l’une des principales dignités du chapitre, avant d’être maître puis chancelier; Guillaume d’Auvergne a enseigné la théologie et fut chanoine avant de devenir évêque. Le fait que ces personnalités se soient parfois affrontées sur des questions de discipline ou pour des postes, cas de Guillaume d’Auvergne et Philippe le Chancelier pour l’évêché parisien, doit être imputé à des divergences réelles d’opinion, comme le suggère M.-M. Dufeil lui-même, Ibidem p. 41, à propos des archidiacres. Bien sûr, l’accès à une nouvelle fonction, avec les devoirs qu’elle comporte, peut infléchir les avis: un maître qui devient chancelier et octroie désormais la licence d’enseignement peut ainsi entrer en conflit avec ses anciens collègues à qui revient seuls la possibilité de promouvoir un licencié à une chaire (M.-M. Dufeil, Ibidem p. 46 et note 422, décision d’Innocent III; p. 47 sur le serment prêté par le chancelier à l’université lors de son entrée en charge après 1229; sur l’indépendance des maîtres vis-à-vis du chancelier, voir aussi J. Verger, Des écoles... art. cit., p. 827-828). Mais la répartition assez stricte des chaires entre le chapitre et les autres maïtres, que suggère M.-M. Dufeil (voir Ibidem, son tableau hors-texte à la fin de l’ouvrage) est contredite par ses propres constats, cf. p. 50 sur le cumul des écoles via des prête-noms, et la rotation des chaires qui masque leur multiplication à la faculté de théologie. Bref, ce sont les tempéraments qui décident des alliances et des ruptures, ainsi l’alliance objective, pourrait-on dire, scellée en 1238 entre Guillaume d’Auvergne et Eudes de Châteauroux sur la question du cumul, Ibidem p. 55. Comme exemple type des mutations induites par le changement de fonctions, on n’oubliera pas le retournement de T. Becket au siècle précédent, lorsqu’il passe de la chancellerie royale à l’archevêché de Canterbury où pourtant l’avait poussé le roi, attitude commentée par Eudes de Châteauroux, à la suite des hagiographes, dans les deux sermons qu’il consacre au saint, voir plus loin, SERMONES n° 7 et n° 29.