II- Eudes de Châteauroux et Louis IX face à la croisade: des intérêts partiellement contradictoires (juillet 1246-juin 1247)

a) L’affaire des barons français (1246-1247)

Cinq sermons du légat, pour lesquels aucun doute n’est possible quant à leur date, sauf le dernier 525 , s’inscrivent dans la volonté royale, bien étudiée des historiens, de laisser derrière lui un royaume apaisé, cela dans deux buts: assurer à sa mère Blanche de Castille, régente désignée, un gouvernement calme en l’absence du souverain; permettre la préparation matérielle la plus adéquate du negocium crucisen assurant, grâce aux impôts consentis par le pape au concile de Lyon, le financement de l’ensemble des dépenses nécessaires au départ puis au maintien en état de fonctionnement, durant une durée indéterminée et à l’étranger, de l’armée croisée.

Ce dessein harmonieux, s’il a dans l’ensemble fonctionné, a connu toutefois des interférences, certaines totalement étrangères à l’expédition elle-même mais menaçant de la compromettre, c’est le cas de la succession disputée du comté de Flandre, d’autres plus ou moins liées aux conditions de réalisation de la croisade: il s’agit du mouvement des grands barons récriminant contre les empiètements de l’Eglise sur leurs juridictions, grief ancien mais relayé par celui plus récent de l’intervention pontificale multiforme dans la collation des bénéfices des églises de France. Le légat occupe à ce moment une posture inconfortable, que reflète bien sa prédication, laquelle en est aussi gauchie: de sermons de recrutement, ses discours se transforment en appels pathétiques à l’unité du royaume chrétien puis, l’affaire calmée, en dures remontrances à l’égard d’une noblesse qui, oublieuse des exemples passés, met ainsi en cause l’ordre du monde et le plan de salut établi par Dieu pour l’humanité.

L’affaire de Flandre fut facilement réglée. Son intérêt pour notre propos réside moins dans son issue que dans ses attendus et la part qu’y prit Eudes de Châteauroux, révélatrice de son statut. L’origine en remonte à l’héritage de la Flandre et du Hainaut, échu à Jeanne, fille ainée du comte Baudouin, lorsque celui-ci devint empereur latin de Constantinople en 1204; en 1244, Jeanne meurt et c’est sa cadette Marguerite qui recueille l’héritage; or cette dernière a contracté successivement deux mariages: du premier, annulé dès 1216, elle a deux enfants, Jean et Baudouin d’Avesnes; du second avec Guillaume de Dampierre, elle a eu trois fils. Les enfants des deux lits s’opposent pour revendiquer, en faveur d’une unique descendance paternelle, l’intégralité du comté; un premier accord en 1235 ayant échoué, Marguerite s’en remet à Louis IX en 1246 pour arbitrer leur querelle 526 . C’est ainsi qu’en juillet, le roi et son légat rendent côte à côte une sentence d’arbitrage, allouant le Hainaut aux Avesnes et la Flandre à Guy de Dampierre, fils du précédent, qui prête hommage au roi dès la fin de 1246 et décide de le suivre en croisade 527 ; l’affaire devait rebondir ultérieurement, Eudes de Châteauroux n’y jouant plus aucun rôle. La présence du légat lors de cet arbitrage démontre qu’on ne peut dissocier, dans cette fonction, les tâches politiques de celles plus strictement religieuses; le constat, dira-t-on, n’est pas nouveau, il suffit de songer au rôle politique des papes du XIIIe siècle et à celui de leurs cardinaux, notamment de ceux qu’ils chargeaient de légations dans les Etats pontificaux et plus généralement en Occident; mais la formation de ces derniers les y prédispose souvent, qu’ils soient issus de la noblesse romaine et italienne et à ce titre familiers des intrigues politiques, ou qu’ils aient reçu une formation de juristes, civilistes et/ou canonistes; ici, c’est un théologien, certes très interessé aux affaires de l’Etat, qui doit décider aux côtés du roi. L’époque balance encore, visiblement, entre une conception du conseil politique clérical d’inspiration grégorienne, et une autre, qu’on nommera post-grégorienne, où le pape met davantage l’accent sur ses fonctions de gouvernement que sur son pouvoir de sanctification de la société, conception qu’Innocent IV inaugure probablement 528 . Si j’interprète bien le choix du roi de France, par ailleurs très jaloux des droits temporels de la monarchie, d’associer le légat à son arbitrage concernant la Flandre, on y verra le signe qu’il conçoit son idéal de gouvernement chrétien sur le mode grégorien et accepte de placer Eudes de Châteauroux dans la position, traditionnelle depuis les Carolingiens, de conseiller du Prince, à charge, dans une affaire sortie d’un contexte purement féodal, de mettre sa sagesse et ses connaissances bibliques au service de l’Etat chrétien 529 .

Je ne crois pas trop solliciter le jugement et le rôle du légat en les interprétant ainsi: l’une des preuves de cette répartition des rôles sur un pied d’égalité, pleinement acceptée par Louis IX, c’est la façon dont les impôts pour la croisade ont été collectés. Lors du concile de Lyon, le pape dans sa constitution relative à la croisade 530 avait attribué un impôt d’un vingtième sur les revenus ecclésiastiques 531 , rapidement transformé en un dixième, dès avant l’été 1246 et peut-être dès octobre 1245, lors du parlement convoqué par le roi pour inaugurer la prédication de croisade 532 . Quelles qu’aient été les récriminations des clercs sur lesquelles je reviendrai, le fait notable en l’espèce, c’est que cet argent, qui sert avant tout aux roi et par son intermédiaire aux grands et petits nobles pour financer leur participation, a été intégralement collecté par le légat et les collecteurs pontificaux sous ses ordres, puis reversé au pouvoir laïc 533 . Là encore, nous sommes à mi-chemin, ou plutôt au point d’équilibre, de l’évolution qui devait mener au conflit entre Philippe le Bel et Boniface VIII: Louis IX respecte la prérogative cléricale, même s’il sait très bien qu’en définitive c’est lui qui bénéficie de la manne; Innocent IV, dont a vu qu’au plan conceptuel il a franchi cette limite et « absolutisé » en droit canon la monarchie pontificale, concède cependant au roi de France le double de ce qui avait été prévu; on peut dire qu’il s’en tient encore à une ligne grégorienne dans le cas précis; la personnalité de son légat, qui jouit de la pleine confiance du souverain, a dû jouer un rôle important dans ce résultat. Les impôts sont un point névralgique pour juger des rapports entre les deux pouvoirs: E. Kantorowicz a bien montré 534 que, dans ce cas comme dans bien d’autres, la théologie politique en faveur des Etats séculiers a beaucoup emprunté à la théologie pontificale; car la justification d’un impôt pour défendre le roi, ou la couronne, ou très explicitement la patrie, qui est l’une des clefs du triomphe de la souveraineté royale en France à la fin du XIIIe siècle, s’opère entre autres par glissement à partir de l’argument pontifical qui justifie l’établissement d’un impôt pour le secours de la Terre sainte, patrie de tous les chrétiens car héritage du Christ 535 ; on a vu plus haut, avec le SERMO n° 3, qu’Eudes de Châteauroux développait ce thème de Jérusalem patrie des saints et des chrétiens; on peut en faire une interprétation spirituelle, eschatologique, mais on doit aussi ne pas négliger les résonnances concrètes d’un tel vocabulaire, au plan de la fibre patriotique: le lexique du sermon oscille d’ailleurs constamment entre la spiritualisation de l’expédition et une description très terre-à-terre des réalités chevaleresques 536 .

Cet accord idéal entre le roi et le légat devait toutefois être rapidement mis à l’épreuve des faits: la conjuration en novembre 1246 de nombreux nobles contre l’Eglise, menée par les principaux barons du royaume, oblige apparemment le légat à choisir l’Eglise contre l’Etat; il est d’autant plus intéressant de le voir plaider en faveur de leur union. La querelle n’est pas nouvelle: tous les débuts du règne de Louis IX ont résonné des plaintes des grands contre les officialités ecclésiastiques, d’où une première coalition des nobles en 1235 537 . Les participants à celle de 1246, mis à part les leaders, sont mal identifiés 538 ; différents textes permettent de connaître leurs griefs 539 . La réponse d’Innocent IV ne se fait pas attendre: par une lettre en date du 4 janvier 1247, il envoie ses intsructions sur la conduite à tenir à son légat Eudes de Châteauroux 540 ; il y évoque notamment la nécessité de tenir une assemblée des prélats de l’Eglise de France, auxquels il s’adresse dans une autre missive 541 . Ce parlement a lieu, selon Matthieu Paris, durant le Carême de 1247, c’est à dire entre le 17 février, premier dimanche de Carême, et le 31 mars, date de Pâques 542 .

C’est durant ce Carême et lors de ces assemblées que les SERMONES n° 4, 5 et 6 ont de toute évidence été prononcés. Plusieurs indices l’attestent: les prises de position du légat, s’inspirant de la lettre d’Innocent IV de janvier 543 , contredisent les arguments des nobles dans leurs manifestes 544 ; surtout, les rubriques des sermons dans les manuscrits indiquent que les discours ont été tenus in parlamento. Pour les analyser judicieusement, un bref retour sur les griefs baroniaux s’impose.

En termes brefs et plutôt guerriers 545 , les nobles confédérés affirment que l’Eglise de France doit son existence aux guerres de Charlemagne et des autres rois; que l’humilité initiale des clercs a fait place à leurs ruses, grâce auxquelles ils se sont appropriés les châteaux et la juridiction y attenante qu’avaient fondés les Nobles; qu’au nom du droit écrit, invention récente en comparaison de l’ancienneté des guerres qui ont établi le royaume, la juridiction cléricale a accaparé la justice: hormis les cas relatifs à l’hérésie, à l’usure et au mariage, l’ordinaire ou le juge délégué ne doivent connaître d’aucun jugement, mais retourner à leur fonction originelle, la contemplation, afin de procurer au royaume les miracles dont la source est tarie désormais.

Le pape répond dans sa lettre au légat 546 : sa douleur est grande de voir l’Eglise attaquée par ses propres fils; autrefois les ancêtres des barons avaient défendu l’Eglise et l’avaient richement dotée, que ne suivent-ils leur exemple ? Le moment choisi, où l’Eglise est menacée, exigeait plutôt de la secourir 547 ; s’attachant plus précisément aux arguments des Nobles, le pape rappelle que Charlemagne a protégé l’Eglise et reconnu ses droits 548 . D’où les conseils au légat: lors de l’assemblée des prélats, il les avertira que l’excommunication menace ceux qui attentent aux libertés de l’Eglise; ils déclarera nuls tous statuts qui menaceraient ces libertés; il excommuniera tous ceux qui les établissent ou les soutiennent; ainsi que ceux qui s’opposeraient à la juridiction ecclésiastique; il privera de leurs bénéfices les clercs qui les assisteraient.

Dans trois sermons extrêmement brefs, marqués du sceau de l’urgence, le légat témoigne d’un certain affolement, qui dit assez combien il est convaincu que seule la pacification intégrale et préalable du royaume garantit à l’expédition des chances de succès. Ils sont rubriqués « sermones legati in parlamento prelatorum parisiensium quando barones conspirauerunt contra ecclesiam » 549 . Rien n’assure que l’orde des textes dans les manuscrits correspond à la chronologie; aucun indice ne permet de la conjecturer; je les évoquerai donc dans cet ordre, en tentant d’en faire la synthèse et en insistant particulièrement sur le SERMO n° 5, le plus long et le plus riche 550 . Un point commun à ces trois discours, c’est leur brièveté et leur structure: les thèmes bibliques choisis, particulièrement adaptés à la situation, se prêtent à une exégèse quasi-littérale, de sorte que l’orateur enchaîne ex abruptoaprès l’énoncé de ses citations, sans prendre la peine d’annoncer le moindre plan; l’architecture en est cependant claire, car les discours suivent de près le découpage de chaque verset en séquences: c’est très net pour le SERMO n° 4 551 ; un peu moins pour le SERMO n° 6, qui traite l’ensemble du verset dans son premier point, et développe dans le second et le troisième des arguments qui se rapportent en fait à la mention de la rubrique: « Avertissement aux prélats de France », en leur indiquant comment réagir (point 2), et réagir vite (point 3), car les barons ont pris une longueur d’avance en agissant les premiers; le SERMO n° 5 reprend lui aussi le verset thématique entier dans son premier point, en substituant dans on développement, à la seconde partie de ce verset, une autre citation biblique qui a exactement le même sens 552 ; par contre, l’orateur y prend la peine de davantage fouiller son argumentaire, en faisant suivre cette première exégèse, montrant en substance qu’un peuple doit demeurer uni comme le furent les différentes tribus d’Israel 553 , par deux autres points qui appliquent au temps présent le type vétéro-testamentaire représenté par la royauté biblique: le second point du sermon décrit le peuple chrétien comme composé d’un double élément, clérical et laïc, dont l’entente a assuré jadis la domination sur les peuples barbares; le dernier point met en exergue le caractère infiniment dommageable que la division contemporaine de ce peuple revêt pour le royaume, reprenant dans l’histoire biblique mais aussi antique des exemples et des contre-exemples du paradigme qui structure le sermon, la force de l’unité des clercs et des laïcs, la faiblesse qui découle de leur adversité. Malgré ces différences, les trois sermons présentent de fortes ressemblances au niveau des conceptions et des techniques d’exégèse, offrant une démonstration supplémentaire de la manière si particulière de procéder de l’orateur, illustrant aussi le caractère plastique de ce genre littéraire et son évolution possible vers un discours de propagande, expression dont le contenu des textes dans le cas précis justifie tout à fait l’emploi.

Les barons sont d’emblée violemment pris à partie: leur fureur, semblable à celle des vipères, a bouché leurs oreilles qui n’entendent plus les ordres de l’Eglise; ils veulent briser leurs liens et s’émanciper des sentences des prélats 554 . Si ce complot, comparé à la toile que tissent les araignées, n’a pas plus de consistance qu’elle, il faut toutefois se méfier de ses conséquences à terme, car de l’oeuf sort un serpent 555 . Ailleurs, les barons sont comparés à la tribu de Juda, la plus noble de celles d’Israël: Eudes de Châteauroux réutilise clairement l’argument d’Innocent IV dans sa lettre citée, en expliquant que le choix des rois d’Israël en son sein, le fait qu’elle soit entrée la première dans la Mer Rouge, témoignaient de cette élection; mais de Juda, « c’est à dire des nobles », est sortie une conjuration, « ils sont retournés aux iniquités de leurs premiers pères, c’est à dire des antiques tyrans qui promulguèrent des statuts contre le Christ et l’Eglise »; aux nobles qui prétendaient que la royauté avait précédé l’Eglise, Eudes de Châteauroux, en spécialiste de la Bible, démontre le contraire 556 .

On aura noté que nulle part le roi n’est nommément mis en cause; on verra pourtant qu’il a sur certains points pris parti pour ses barons et soutenu auprès de la papauté leurs revendications; d’autre part, l’insistance avec laquelle le légat invite les prélats français à réagir, dans le SERMO n° 6 notamment, montre que tous n’étaient pas insensibles aux reproches faits à Innocent IV, sans doute concernant les provisions pontificales aux bénéfices en faveur d’étarngers, qui privaient les clercs du royaume de revenus et menaçaient la cure d’âmes. Ce passage sous silence n’est sans doute pas fortuit. La collaboration du clergé dans le versement du dixième octroyé ainsi que l’accord du roi et du légat étaient une impérieuse necessité, et surtout, leurs intimes convictions sur l’indispensable unité des deux principales composantes du royaume, les clercs et les nobles, se rejoignaient: Eudes de Châteauroux doit donc se montrer ferme tout en ménageant le roi et son Eglise; de même le roi doit soutenir les droits du pouvoir temporel sans donner à ses barons d’arguments qui pourraient saper les fondements de la monarchie française 557 , car il est prévenu par la façon dont l’empereur tâchait de rameuter autour de lui une « respublica » des Princes séculiers contre le pape 558 . C’est le SERMO n° 5 qui illustre le mieux cet essai de conciliation des points de vue, et s’avère à ce titre le plus fouillé des trois.

Son verset thématique est une prophétie d’Ezechiel, suivant le goût éprouvé de l’auteur pour l’interprétation quasi littérale de ce genre de textes: « Rapproche-les l’un de l’autre pour faire un seul morceau de bois: qu’ils soient unis dans ta main » 559 . L’argumentation en est tellement significative, à la fois des opinions de l’orateur comme des ressources qu’offre l’exégèse biblique en la matière, que j’en donne une traduction quasi intégrale:

‘« Si seulement cette prophétie pouvait s’accomplir ces jours-ci ! De même en effet qu’autrefois le peuple de Dieu fut construit et composé de deux tribus qui s’appelaient Juda et de dix nommées Effraïm, serviteurs d’Israel, qui tant qu’elles conservèrent leur unité ne rencontrèrent personne pour leur résister..., de même tant que ce peuple fut semblable au rhinocéros, stable dans l’unité de la monarchie, il n’a craint personne... ; mais après qu’au temps de Roboam, le fils de Salomon, ils se sont divisés les uns contre les autres, ils sont devenus la proie de toutes les nations..., car il n’était pas de peuple qui n’obtînt un morceau de la terre des Juifs; de sorte qu’à la fin, chaque partie fut détruite 560 . Aussi le Seigneur, promettant à ce peuple la récupération [de son territoire] s’il faisait pénitence de ses péchés, leur assura qu’ils retourneraient à l’unité: ils n’ont été capables d’aucune autre façon de retrouver leur force, leur honneur et leur statut antiques... A l’exemple de ce peuple, le peuple chrétien est constitué pour ainsi dire de deux parties, le Regnumet le Sacerdotium . D’où la première épitre de Pierre:Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis . Et tant que le Regnum et le Sacerdotium , c’est à dire les guerriers et les clercs, ne feront qu’un par le lien de charité, de sorte que le Regnumsoit inclus dans le Sacerdotium et la chevalerie dans le clergé grâce à l’amour et à la concorde, et le Sacerdotiumdans le Regnum et le clergé dans la chevalerie, alors le peuple chrétien sera une nation sainte, un peuple acquis ; alors les Chrétiens acquerront des royaumes et soumettront les nations barbares. Seul le Seigneur peut accomplir cela, dont l’Apocalypse dit: Il a fait de nous une royauté de prêtres . Mais après que la division sera intervenue, alors le peuple chrétien ne pourra contenir les ennemis de la foi chrétienne, comme l’atteste le Seigneur par Matthieu: Tout royaume divisé contre lui-mêmecourra à sa perte, et toute maison s’effondrera sur sa voisine . A coup sûr, nous voyons se réaliser aujourd’hui ce que le Seigneur avait prédit par Osée, 12; nous pouvons nous lamenter avec ce prophète: Hélas, la compassion se dérobe à mes yeux , car lui, c’est à dire le Diable, dont il est ici question, sème la division entre frères..., c’est à dire entre le clergé et la chevalerie. Voulez-vous constater que le clergé et la chevalerie sont frères, mieux, jumeaux, qui plus est nés simultanément ? Cette évidence apparaît si l’on observe qu’ils se sont toujours fait escorte et que l’un ne peut exister sans l’autre. Ils ont d’abord coexisté en Grèce, ensuite à Rome, enfin chez les Français. Tant que ces deux frères ont maintenu la paix et l’unité, le peuple chrétien n’a craint personne. Mais la discorde installée entre eux, ils ont des raisons et le devoir d’avoir peur. On lit dans Daniel, 8: Et le bouc avait une corne magnifique entre les yeux et se dirigea vers le bélier cornu que j’avais vu; comme il s’en approchait, il se jeta avec force contre lui et le percuta, lui brisant les deux cornes; le bélier ne pouvait lui résisteret personne ne pouvait libérer le bélier de l’emprise du bouc . Par la suite, quatre cornesse développèrent, et la puissance du bouc fut alors détruite 561 . Ce bouc, c’est le royaume des Grecs, qui tant qu’il eut un seul roi et chef, soumit deux royaumes extrêmement puissants, celui des Mèdes et celui des Perses, cela au temps d’Alexandre. Mais après Alexandre, le royaume des Grecs fut divisé en quatre, comme on le lit dans le premier Livre des Maccabées 562 , et perdit alors sa force, ou plutôt fut détruit. De même le royaume des Juifs, divisé en quatre tétrarchies, en fut irrémédiablement détruit. De même, un royaume doté de deux, trois ou quatre chefs ne peut se maintenir. La nature a donné aux animaux une seule tête, mais plusieurs membres ou bras; voir l’exemple du serpent aux cinquante têtes, qui ne pouvait trainer son unique et petite queue, car les têtes partaient en tous sens; alors que le serpent à une seule tête menait où il le voulait ses cinquante queues. Nous lisons, très chers, que Moïse en prière pour son peuple et les mains levées se rendit maître d’Abimelech, Exode, 17. Mais que serait-il advenu, si Moïse avait levé les mains pour maudire son peuple ? Il est à craindre, si le clergé couvre la chevalerie d’imprécations, qu’elle ne soit vaincue par les ennemis de la foi chrétienne. Le Seigneur a prescrit dans le Deutéronome que les prêtres précèdent en cortèges le peuple en soufflant dans les trompettes. Qu’est-ce à dire, sinon que les clercs doivent par les trompettes de leurs prières crier au ciel ? On lit à la fin des Maccabées qu’au son retentissant des trompettes des prêtres, Kendébée fut mis en fuite . Très chers, si vous avez à coeur l’affaire de terre sainte et les autres affaires de la Chrétienté, revenez à l’unité et à la paix: c’est ainsi que prospérera l’affaire de terre sainte. Autrement, vous travailleriez en vain. Nous vous adjurons donc, tant le clergé que la chevalerie, de par l’effusion du sang de Celui qui a uni deux natures en une, de tendre à la paix, pour parvenir à la paix éternelle avec l’aide de notre Seigneur qui vit dans les siècles des siècles, Amen » 563 .’

Ce texte fournit une première synthèse des ingrédients, exprimés isolément dans des sermons antérieurs, dont la propagande politique capétienne devait faire un si grand usage. De la lecture typologique de l’ancien testament, il ressort un double schéma historique aboutissant au royaume de France: l’histoire sainte préfigure en Israël le nouveau peuple élu des Gallici; elle rejoint l’histoire profane pour prouver que le transfertde clergie comme de chevalerie, depuis la Grèce via Rome, trouvent leur origine à la mort d’Alexandre; aujourd’hui comme hier, l’unité du Regnumet du Sacerdotiumest seul garant de la victoire. Cette exégèse comporte une réelle originalité, non dans les matériaux qu’elle emploie, déjà connus, mais dans leur orchestration. En effet, l’explication relative au sort de la Grèce et de l’Empire d’Alexandre à partir de la prophétie de Daniel ne correspond pas à la tradition médiévale la plus répandue, qui estime que la mort prématurée de ce roi l’empêche d’accomplir ce que devaient réaliser les Romains, à savoir la monarchie universelle; c’est Dieu qui a voulu cela, afin que l’Empire universel des Romains coïncidât avec l’incarnation et la fondation de l’Eglise par le Christ; à quoi s’ajoutent, en guise d’explications morales, les défauts d’Alexandre, son injustice, son ambition effrénée, sa propension à la traîtrise; c’est bien sûr la version des hommes d’Église, car les sources laïques célèbrent en général avec plus d’éclat la royauté d’Alexandre, dont elles expliquent la chute par le thème traditionnel de la roue de la Fortune 564 . Il semble que Raban Maur soit à l’origine de l’interprétation du premier livre des Macchabées, qui replace ce dernier dans le cadre de la prophétie de Daniel, tout en s’en tenant à une lecture strictement historique de l’ancien testament 565 . Plus tard, Richard de Saint-Victor 566 dans ses Allegoriae in Vetus Testamentumintroduit l’interprétation spirituelle de la figure d’Alexandre, précurseur d’Antiochus l’ennemi des Macchabées, à ce titre figure du Diable: grâce à cette diabolisation d’Alexandre, la division de son Empire donnée comme un simple fait dans la Bible trouve désormais son explication 567 . On voit bien ce qui conduit Eudes de Châteauroux à se tenir à mi-distance de ces deux interprétations: il en reste à la lettre et à Raban Maur en ce qui concerne les données factuelles; mais son allégorisation de l’épisode n’est pas celle de Richard de Saint-Victor: s’adaptant parfaitement à son auditoire, il explique que le transfert de clergie s’est accompli de la Grèce à Rome puis chez les Français; si ce thème n’est pas nouveau, puisque mis en oeuvre dès 1229 par l’auteur, il se double désormais de celui de la translatio imperii, thème neuf qu’engendre l’interprétation spirituelle proposée: l’alliance de chevalerie et de clergie a historiquement constitué le gage de la force des Empires, comme l’attestent les exemples historiques allégués; leur disjonction devient la source de leur déclin, très précisément de leur éclatement; l’exégèse de type spirituel, ici appliquée au temps présent, s’apparente en fait aux nouvelles conceptions qui font des prophéties des éléments de la lettre du texte, entendue comme l’ensemble de ce que Dieu voulait signifier au moment où il les faisait énoncer par les prophètes. Ce qui fait la force de ce type d’exégèse apparaît nettement dans ce sermon: en utilisant dans un contexte contemporain deux prophéties jusqu’ici lues dans une toute autre optique et en incluant, comme Hugues de Saint-Victor l’avait préconisé et comme Thomas d’Aquin devait s’y rallier, la métaphore et sa sententiacomme parties constituantes de la lettre, elle transforme la Bible en outil de propagande politique efficace, auréolé d’une légitimité à laquelle aucun autre texte ne peut prétendre.

Sur le fond, comme on pouvait s’y attendre, Eudes de Châteauroux se montre modéré: plutôt que de s’en tenir à une revendication stricte de la supériorité des prêtres sur les laïcs, il préfère sur un fondement scripturaire exalter leur entente; on peut estimer qu’il porte une appréciation réaliste sur les forces en présence; mais il me semble qu’on doit aller plus loin, et prendre au sérieux le ton parfois pathétique qui est le sien; au cœur de son raisonnement, gît le lien de charité qui doit unir clercs et guerriers, et les chrétiens tous ensemble; la problématique est exactement celle, analysée par E. Kantorowicz, de l’amour de la patrie, le mot « patrie » étant ici remplacé par la mention, à deux reprises, des Galliciqui ont hérité de la royauté biblique 568 .

Rien ne permet d’évaluer ce que fut la réaction de Louis IX à ces sermons, dont les échos lui sont forcément parvenus 569 . Par contre, on comprend qu’il ne pouvait rester insensible aux griefs des nobles: de leur coopération dépendait l’avenir de la croisade. Il a donc recherché, un peu comme son légat mais en partant de la situation inverse, une position médiane 570 . Il envoie une première ambassade à Lyon où réside toujours la Curie début mai 1247, significativement composée de clercs et d’un milesdu roi, un certain Ferricus Paste 571 . La lettre qui nous informe de cette recherche du compromis fait état d’une possible venue à Lyon, en juin, des barons confédérés, excommuniés par Innocent IV en janvier 572 ; c’est de ce passage que la plupart des historiens ont tiré la datation, fixée au début de juin, de la célèbre « protestation de saint Louis », seconde démarche, beaucoup plus vigoureuse, succédant à l’échec de mai. Je pense que cette protestation est un peu plus tardive dans l’année 573 ; quoi qu’il en soit, il est évident que la réponse insatisfaisante du pape n’a provoqué que mécontentement; l’initiative royale dont la protestation témoigne est hors de doute. Les historiens on beaucoup débattu pour savoir si le roi lui-même pouvait être l’auteur des positions extrêmes affirmées dans le texte de la protestation, et ont conclu que non 574 . Ce qui est sûr, c’est que le SERMO n° 7, donné en décembre 1247 pour la fête de Thomas Becket, est en dépendance de ce texte et de l’ambassade qui le présente en Curie.

Le principal argument des historiens pour ne pas attribuer la protestation directement à Louis IX est de fond; le contexte me paraît aller dans le même sens.

Sur le fond, tous ont été frappés par l’extraordinaire violence du ton, mais aussi le caractère extrêmiste des positions adoptées dans ce texte concernant les rapports Eglise-Etat, peu compatible avec ce que l’on sait par ailleurs des conceptions de Louis et de son action 575 . En substance, l’ambassadeur, sans doute un officier de l’entourage royal, regroupe sous deux têtes de chapitre les griefs: les exactions fiscales; la collation des bénéfices ecclésiastiques, notamment, scandale des scandales, les grâces expectatives en faveur de clercs italiens. L’intérêt principal de l’argumentaire tient dans sa nature historique: les excès de la fiscalité pontificale ont irrité à un tel point l’ensemble des sujets français 576 que le Saint-Siège risque de perdre l’affection de ce royaume naguère fidèle entre tous et d’un dévouement spécial à l’Eglise romaine; remontant à l’exemple de Charlemagne, l’orateur affirme que de toute antiquité, les églises ont été fondées par les nobles et les ancêtres du roi: leur trésor et leurs biens temporels venant d’eux, elles leur doivent en retour, outre des services spirituels, l’usage premier de ces biens en cas de nécessité pour le royaume; un prédécesseur d’Innocent IV, Alexandre III, a trouvé refuge en France sous la protection de Louis VII, certains vivent encore pour s’en souvenir: jamais il n’y a conféré une seule prébende ou un seul bénéfice; les abus ont commencé avec Innocent III suivi par ses successeurs, mais le pape actuel à lui seul a conféré plus de bénéfices de l’église de France que tous ces papes réunis 577 . A la plenitudo potestatis mise en avant par Innocent IV pour justifier ces exactions, l’ambassadeur oppose l’ecclesiæ consensus, un longævus usus et prisca consuetudo , et conclut sur ce point que cette prétendue plenitudo potestatisainsi utilisée doit être réduite.

Au plan du contexte général, la France n’est pas le seul royaume à cette époque dont les chefs laïcs, mais aussi les prélats, aient protesté contre les abus de la fiscalité et de la juridiction pontificales, qu’on songe à la venue à la cour pontificale en 1250 de l’évêque de Lincoln Robert Grosseteste ou au sermon que le Franciscain Hugues de Digne adressa sur ces points au pape et aux cardinaux réunis en consistoire, en 1248 578 . Si l’on considère précisément l’évolution des relations entre le pape et le roi avant le départ en croisade, et si l’on se fonde sur la documentation pontificale relative aux problèmes qui suscitent leur querelle, les mois de juin et juillet 1247 ne paraissent pas les plus critiques: on a vu l’échec de la première ambassade de mai, mais la relation de Matthieu Paris lorsqu’il évoque l’action du pape, crédible sur le fond, est par définition suspecte dans le détail, tant son hostilité à l’Eglise romaine est patente 579 . Or à ce moment précis, Innocent IV a un besoin impérieux du soutien du roi de France: Frédéric II a décidé, pour contrer le pape, de marcher sur Lyon et le fait publiquement annoncer dès le début de mai 1247 580 ; le pape dès la fin du mois demande de l’aide aux prélats géographiquement les plus proches de Lyon, mais surtout s’adresse au roi de France par l’entremise des cardinaux présents début juin à l’abbaye de Pontigny, pour la translation des restes de saint Edmond, archevêque de Canterbury, mort en France en 1240; événement où le roi de France, ses frères et sa mère sont présents 581 . Louis IX est convaincu au plus tard à la mi-juin et fait connaître au pape sa décision de s’opposer à toute tentative impériale de passer les Alpes 582 . C’est après l’annonce officielle de cet appui qu’il était le mieux placé pour faire pression sur Innocent IV concernant les griefs des nobles et de l’église de France, non juste après avoir essuyé un premier échec. D’autre part, l’étude de la documentation pontificale qui nous renseigne sur ce que le roi considère commes des abus insupportables prouve que l’utlisation maximale de ces prérogatives papales fut l’œuvre des années antérieures à 1248, puis postérieures à 1250 583 . Le texte connu sous le nom de « protestation de Louis IX » a donc toutes chances d’être postérieur à ces événements, au plus tôt de juillet 1247, sans qu’on puisse le dater mieux; il modifia pour peu de temps la pratique pontificale.

Notes
525.

SERMONES n° 4 à 8. Pour les dates, voir ci-dessous.

526.

Le détail du contentieux et des arguments respectifs dans L. S. Le Nain de Tillemont, La vie... op. cit., t. III, p. 131-142, surtout p. 139-140; voir aussi J. Le Goff, Saint Louis... op. cit., p. 252-253; J. Richard, Saint Louis... op. cit., p. 192 et p. 329-337 (sur le rebondissement de l’affaire au retour de la croisade, aboutissant au célèbre « Dit de Péronne » du roi, en 1256).

527.

Le texte de la sentence se lit dans les Layettes du Trésor des chartes, t. II (éd. A. Teulet), Paris, 1866, n° 3534 p. 630a (ouvrage désormais cité Layettesavec le tome et le n° de l’acte); son protocole implique une mise sur le même plan du roi et du prêtre: « Ludovicus, dei gratia Francie rex, et Odo, eadem gratia Tusculanus episcopus, Apostolice sedis legatus... Notum facimus quod ... ».

528.

Voir E. Delaruelle, L’idée de croisade chez saint Louis... art. cit. , surtout p. 197 et note 22; A. Melloni, Innocenzo IV... op. cit. , lit de la même façon la conception de l’Eglise et de son gouvernement chez Innocent IV, cf. p. 128: le pape aboutit dans son Apparatusà une élaboration exclusivement juridique de la notion d’Eglise, dont l’être est entièrement extérieur aux fidèles et au clergé, au contraire totalement concentré dans le Christ et son vicaire, à partir duquel l’Eglise se diffuse; c’est pourquoi le pape renonce sur le fond à la catégorie de réforme si caractéristique de la pensée grégorienne au profit d’une élaboration purement canonique du regimen ecclesiae, ne laissant aucune place au compromis avec les puissances laïques, Ibidem p. 143 et passim ; le point d’aboutissement de ce cheminement doctrinal consiste en la « déseschatologisation » de la théologie politique et en une mise sur le même plan de l’Ecriture et des Décrétales: on mesure la distance séparant de telles conceptions de celles d’Eudes de Châteauroux telles que ses sermons les révèlent, ainsi que de celles de Louis IX, voir sur ce point J. Le Goff, Saint Louis... op. cit., passim.

529.

Pour le legs carolingien en matière de conseil du Prince, voir K. F. Werner, Hludovicus Augustus. Gouverner l’Empire chrétien - Idées et réalités, dans Charlemagne’s Heir. New perspectives on the Reign of Louis the Pious (814-840), éd. P. Godman et R. Collins, Oxford, 1990, p. 4-123.

530.

COD éd. cit. , p. 297-301.

531.

Ibidem, p. 299, lignes 6-12; cf. E. Berger, Saint Louis... op. cit., p. 189, qui signale qu’il s’agit d’une reprise quasi intégrale ds dispositions de Latran IV en la matière

532.

E. Berger, Ibidem p. 190.

533.

Idem, Ibidemp. 171-237, qui cite de nombreuses lettres pontifcales et insiste sur ce point où il voit le signe d’une coopération harmonieuse entre les deux pouvoirs.

534.

Mourir pour la patrie... art. cit., note 107.

535.

Ibidem, surtout p. 117-118.

536.

Pour le problème du rôle idéologique des impôts dans l’établissement de la souveraineté royale, voir aussi les articles de J. R. Strayer, Defense of the Realm and Royal Power in France, dans Studi in onore di Gino Luzzato, Milan, 1949, t. IV, p. 289-296; Idem, France: The Holy Land, the Chosen People, and the Most Christian King, dans Action and Conviction in Early Modern Europe(T. K. Rabb and J. E. Seigel éd.), Princeton, 1969, p. 3-16 (les deux articles réimprimés dans Idem, Medieval Statecraft and the Perspective of History, Princeton, 1971, p. 291-299 et p. 300-314; je citerai désormais J. R. Strayer d’après ce recueil d’articles).

537.

Cf. E. Berger, Saint Louis... op. cit., p. 245 s.; W. C. Jordan, Louis IX and the Challenge... op. cit., p. 14-34, surtout p. 20 s.

538.

W. C. Jordan, Ibidem, p. 20 et note 29: on possède l’acte original en français de la conjuration, mais les dix-neuf sceaux manquent; on ne connait que les principaux barons, qui sont Hugues IV, duc de Bourgogne, Pierre Mauclerc, ancien comte de Bretagne, Hugues X de Lusignan et Hugues de Châtillon, comte de Saint-Pol (cf. E. Berger, Ibidem, p. 246); géographiquement, la coalition semble toucher tout le royaume.

539.

Un texte français, dans M. Paris, Chronica... éd. cit., t. IV, p. 591-592, qui correspond à l’acte cité note précédente (= Layettes, t. II, n° 3569); le même texte en latin, cf. E. Berger, Saint Louis... op. cit., p. 247 note 1 (l’auteur cite l’éd. de Varin, Archives administratives de la ville de Reims, t. I, 2e partie, p. 690 n° 210, que je n’ai pas vue); un manifeste en latin toujours dans M. Paris, Ibidem, p. 592-593; voir le commentaire détaillé d’E. Berger, Ibidem, p. 247-248.

540.

Reg. Innocent IV, n° 2952.

541.

Reg. Innocent IV, n° 2951; voir W. C. Jordan, Louis IX and the Challenge... op. cit., p. 22 note 39, on lira dans E. Berger, Saint Louis... op. cit., p. 250-253,un commentaire général de la réaction pontificale,.

542.

M. Paris, Chronica... éd. cit., t. IV, p. 607-608: l’assemblée est convoquée « circa medium Quadragesimum » (p. 607); on notera que selon le chroniqueur, c’est le roi qui convoque les clercs comme les laïcs; il peut s’agir de deux assemblées différentes, mais qui ont probablement le même objet; trois sermons du légat sont consacrés à cette affaire et leurs rubriques indiquent qu’ils ont bien été donnés, sinon le même jour, du moins durant cette période et concernant le même problème; d’autre part, on verra que le roi a dans l’ensemble soutenu ses barons, ce qui expliquerait que des assemblées de nobles se soient tenues concuremment; le légat y fait lui-même allusion, semble-t-il, dans un de ses trois sermons, voir ci-dessous.

543.

Une évolution toutefois se dessine entre les textes: la position du légat ne demeure pas figée, ne serait-ce qu’à cause de sa nécessaire collaboration avec le roi pour la croisade; il est d’ailleurs possible que l’un des sermons ait été donné en sa présence, voir ci-dessous.

544.

Très précisément, le SERMO n° 4 fait allusion à un parlement que les Nobles viennent de tenir et auquel celui des prélats réplique: « Les oeufs, c’est à dire les conseils de ces vipères, sont éclos dans le parlement récemment tenu à Paris, lorsqu’ils ont dévoilé, manifesté et mis en ordre ce qu’ils avaient depuis longtemps comploté » (lignes 16-18); il peut s’agir de la réunion que le texte en français de la conjuration de novembre 1246 prévoyait d’organiser à la Chandeleur, c’est à dire le 2 février, où ses membres devraient verser leur contribution financière à l’association, cf. E. Berger, Saint Louis... op. cit., p. 246; le Carême on l’a vu débute le 17 février.

545.

Cf. M. Paris, Chronica... éd. cit. , loc. cit. note 135.

546.

Texte citénote 133 supra.

547.

Allusion à la lutte contre Frédéric II, d’autant plus habile que le bruit courrait que l’empereur lui-même, sur la base de griefs identiques, manipulait en sous-main les barons français, cf. E. Berger, Saint Louis... op. cit., p. 248-249 et p. 253, qui partage cette opinion.

548.

Trait typique de la propagande pontificale qui retourne l’argument historique, de pleine actualité puisqu’il s’agit de comparer des empereurs, contre ses adversaires; le rôle traditionnel d’avoué de l’Eglise que le grégorianisme accorde à l’empereur était rappelé par Eudes de Châteauroux dans ses sermons de 1241 consécutifs à la mort de Célestin IV, cf. chapitre I.

549.

Avec des variantes qui prouvent que le légat a pris la parole à des dates et dans des lieux différents durant le carême de 1247: le premier dans l’ordre des mss porte la rubrique indiquée; le second raccourcit la rubrique: « Sermo ad eosdem et de eodem sed in alio loco » ; le troisième est sur le même sujet, insistant sur l’urgence: « De eodem; admonitio scilicet legati ad prelatos Francie » .

550.

On peut toutefois émettre l’hypothèse que le premier (n° 4) et le troisième (n° 6) sont proches chronologiquement, car la même inquiétude les domine: le danger pour l’Eglise de la conjuration baroniale, et la nécessité pour les prélats de réagir; le SERMO n° 4 montre toutefois plus d’optimisme sur la capacité de l’Eglise à faire front (voir le point 2: les toiles d’araignée tissées par les barons n’ont pas de solidité et peuvent être aisément rompues). Le SERMO n° 5 quant à lui prend le temps de l’analyse et de l’argumentation, voir ci-dessous.

551.

Ce sermon paraît bien être le premier en termes chronologiques, certaines expressions semblant indiquer que les prélats se réunissent pour la première fois: « De sorte qu’il nous faut parer au plus vite à ce fléau; c’est pourquoi nous vous avons convoqués et fait venir ici: pour que vous apportiez votre conseil sans retard, tant que l’affaire est fraiche et pour ainsi dire à ses débuts » (lignes 28-30).

552.

La seconde partie du verset: « Unum ad alterum tibi in lignum unum et erunt in unionem in manu tua », est remplacée par une citation d’Osée à la fin du premier du premier point (lignes 25-26): « Congregabuntur filii Iuda et filii Israel pariter et ponent sibimet caput unum » (Os. 1, 11).

553.

La technique de la contextualisation chère à Eudes de Châteauroux est ici de nouveau mise en oeuvre: avant de commenter son verset thématique, il cite le texte biblique qui le précède immédiatement (Ez. 35, 15-17 = lignes 4-7).

554.

Sermo n° 4, point 1.

555.

Sermo n° 4, point 3.

556.

SERMO n° 6, point 1. L’argument des nobles sur l’antériorite du pouvoir laïc est porté au plus haut niveau par la propagande de Frédéric II, cf. E. Kantorowicz, L’empereur... op. cit., en particulier p. 467 s.; cela même si l’empereur n’aurait jamais consenti à accorder les mêmes droits aux féodaux qu’aux rois, à plus forte raison à la dignité impériale. Cette question d’histoire, pour savoir qui des rois ou des prêtres a d’abord exercé le pouvoir, est cruciale dans la controverse Eglise-Etat du XIIIe siècle, et Eudes de Châteauroux à la suite des papes ne se fera pas faute d’asséner un avis tranché sur ce point, lorsqu’il aura à traiter du choix de Charles d’Anjou comme roi de Sicile, voir le chapitre V.

557.

Tout le début du règne de Louis IX est caractérisé par ces révoltes, rappelons-le; le fait d’abandonner son royaume pour la croisade n’est pas sans risques de ce point de vue.

558.

Sur ces tentatives de Frédéric II de confédérer les rois autour de l’Empire et de son point de vue, cf. E. Kantorowicz, L’empereur... op. cit., p. 506-513; sur l’attitude de Louis IX face à ces tentatives, Ibidem p. 514-515.

559.

Ez. 37, 17; « les » désigne les deux morceaux de bois. Lignes 1-3 du SERMO n° 5.

560.

Allusion à la division d’Israël en deux royaumes distincts après le règne de Salomon et à leur disparition finale sous les coups des Assyriens et plus tard des Romains.

561.

Cette prophétie de Daniel est classiquement appliquée à Alexandre le Grand, cf. G. Cary, The Medieval... op. cit., p. 118 s. et p. 292 note 40, comme le prouve la suite du sermon.

562.

Cf. 1. Mcc. 1-10.

563.

Lignes 8-72.

564.

Cf. G. Cary, The Medieval... op. cit., p. 103 s.

565.

Cf. G. Cary, Ibidem, p. 122.

566.

Et non Hugues de Saint-Victor, comme l’allègue G. Cary, loc. cit. note précédente. Voir, sur l’attribution des Allegoriae(= PLt. clxxv, col. 638-828) à Richard, B. Smalley, The Study... op. cit. , p. 106 et note 1. A titre de comparaison et d’opposition, voir pour une exégèse strictement littérale d’une autre prophétie de Daniel (7, 7-8) les extraits d’André de Saint-Victor donnés Ibidem, p. 380-382.

567.

Cf. G. Cary, The Medieval... op. cit., p. 123-125.

568.

Cf. E. Kantorowicz, Mourir pour la patrie... art. cit., en particulier p. 133 citant Tolomeo de Lucques dans sa continuation du De regimine principumde saint Thomas, un ouvrage de théologie politique à proprement parler.

569.

Voir les paroles du roi en juin 1249 au moment d’arriver Damiette, selon M. Paris qui a dû les inventer pour le détail, mais doit être fidèle en substance: « Mes amis et fidèles, nous serons invincibles si nous sommes inséparables dans la charité (...) je ne suis pas le roi de France, je ne suis pas la sainte Eglise: c’est vous qui êtes tous le roi, vous qui êtes la sainte Eglise... » (cité par Y. Congar, L’Eglise et l’Etat... art. cit., p. 265 et note 1). D’autre part, en même temps que le légat rassemblait les prélats français durant le Carême, le roi faisait de même selon M. Paris, Chronica... éd. cit., t. IV, p. 607, invitant clercs et laïcs à se réunir; la question des différends avec le pape n’est pas évoquée par le chroniqueur; il me paraît impossible qu’aucun contact n’ait eu lieu entre l’assemblée royale et celles, strictement cléricales, convoquées par Eudes de Châteauroux.

570.

De façon générale, si un adjectif doit caractériser la voie politico-religieuse suivie par ce souverain, c’est bien celui de « médiane » ou de « moyenne »: la fermeté sur les principes de gouvernement et les compétences respectives de l’Eglise et de l’Etat, loin de faire obstacle à la recherche de compromis, constitue au contraire la condition de leur viabilité; peut-être est-ce le sens que pouvait recouvrir au plan ecclésiologique, dans les conditions de l’époque, le concept de laïcité: Louis négocie sans faiblesse mais sans arrogance face à la papauté parce que, selon le Père Congar, « chez saint Louis, le christianisme déborde et surclasse, non certes l’Eglise, mais la cléricature » (L’Eglise et L’Etat... art. cit., p. 264); sa vue porte loin et l’on ne peut, quelque rôle que l’on doive accorder aux circonstances politiques, interpréter son action comme un aveu de faiblesse face aux nobles: leur conception exclusivement spirituelle de l’Eglise, qui est aussi celle de Frédéric II, n’est pas partagée par le roi; au titre de sa fonction, il assume personellement les idéaux de justice, de service et de pauvreté, auxquels d’autres voudraient cantonner l’Eglise; de sorte qu’ il respecte aussi sa puissance, dans la limite des compétences propres du pouvoir temporel; je souscris à l’avis du Père Congar (Ibidem p. 265): « Son règne, tout marqué par sa sainteté, doit être considéré comme un moment fécond dans le processus de distinction des domaines entre l’Eglise et l’ordre temporel ». Voir aussi Ibidem, p. 266-267, son analyse du comportement du roi dans l’affaire qui nous occupe.

571.

Récit et contenu des grauaminadu roi et du clergé dans M. Paris, Chronica... éd. cit., t. VI, p. 131-132, grâce à une letrre de Boniface, archevêque de Canterbury alors en Curie; ils se ramènent aux principaux points suivants: usurpation en matière de juridiction; abus des juges apostoliques, notamment de l’arme de l’excommunication; collation de bénéfices à des clercs italiens; voir l’analyse de Y. Congar, L’Eglise et l’Etat... art. cit., p. 267.

572.

M. Paris, loc. cit.note précédente, p. 132: « ingressuri erant curiam proximis diebus ».

573.

Le document est dans M. Paris, Chronica... éd. cit., t. VI, p. 99-112; la datation est d’E. Berger, Saint Louis... op. cit., p. 270 et note 1; reprise par Y. Congar, L’Eglise et l’Etat... art. cit., p. 267; et par G. J. Campbell, The Protest of saint Louis, dans Traditio t. XV (1959), p. 405-418, qui fournit l’analyse la plus récente du document, de son auteur et de son contexte (voir aussi E. Berger, Ibidem p. 270 s.). Selon E. Berger, des allusions l’encadrent chronologiquement entre la menace ouverte que fait peser l’empereur sur Lyon, en mai 1247, et la décision officielle du roi de France d’appuyer le pape en cas d’attaque de Frédéric II, prise à l’occasion de la translation des restes d’Edmond de Canterbury à Pontigny, à la mi-juin. W. C. Jordan, Louis IX and the Challenge... op. cit., p. 23 s., s’il accepte les conclusions de G. J. Campbell sur la portée du document, le retarde à la fin de l’année, il est vrai sans arguments; je pense, lorsqu’on lit attentivement les sources, que la plupart des historiens ont confondu l’ambassade projetée par les nobles confédérés, évoquée dans la lettre de Boniface de Savoie, avec la seconde démarche de Louis IX; j’aurais donc tendance à suivre W. C. Jordan en datant la « protestation » plus tardivement et en ajoutant à cet argument le contenu et la date du SERMO n° 7, voir ci-dessous.

574.

G. J. Campbell, The Protest... art. cit., me paraît totalement convaincant sur ce point; voir aussi W. Kienast, Deutschland und Frankreich in der Kaiserzeit (900-1270), t. III: Weltkaiser und Einzelkönige, p. 635-636 et note 1830, qui reprend la date traditionnelle de l’été 1247.

575.

Voir notes 166 et 167 ci-dessus pour la source et les références bibliographiques; sur l’auteur, cf. G. J. Campbell, The Protest... art. cit., p. 416. L’argument principal de Campbell concernant le rédacteur montre que le texte revendique la levée d’impôts sur les biens de l’Eglise comme dépendant du roi seul en ultime instance, et s’apparente de ce point de vue à ce qu’on devait lire quelques décennies plus tard sous la plume des légistes de Philippe le Bel; alors que Louis IX s’est toujours montré beaucoup plus prudent et n’a procédé à la collecte du dixième sur les revenus des églises, destiné à financer la croisade, que sous le strict contrôle pontifical, en l’occurrence celui d’Eudes de Châteauroux; de même il a intercédé en faveur des monastères trop pauvres, notamment cisterciens, voir surtout les p. 414-415; Campbell juge en dernier lieu la protestation « authentique en substance » (p. 416), mais non ratifiée dans sa forme définitive par le roi; il attribue ses excès, au choix, soit au genre littéraire auquel appartient ce texte, ce que les historiens allemands ont nommé la Publizistiket dont l’équivalent le plus proche est à mon sens « littérature de propagande »; soit à des interpolations de contenu extrêmiste, qui ne peuvent cependant être l’oeuvre de M. Paris (Ibidemp. 417).

576.

Le document est clairement présenté au nom de toutes les catégories, clercs et laïcs, du royaume, cf. J. G. Campbell, The Protest... art. cit., p. 412-413.

577.

Voir M. Paris, Chronica... éd. cit., t. VI, p. 105; plus loin (p. 107-110), l’orateur renvoie le pape aux registres et aux chroniqueurs romains, qui fournissent moult exemples de la protection accordée par les rois de France aux papes, sans que cela n’entraîne d’abus; E. Berger, Saint Louis... op. cit., p. 270s., traduit de longs passages, significatifs, de ce document.

578.

Pour Grosseteste et la Papauté, cf. W. A. Pantin, Grosseteste’s Relations with the Papacy and the Crown, dans Robert Grosseteste, Scholar and Bischop. Essays in Commemoration of the Seventh Centenary of his Death, D. A. Callus éd., Oxford, 1955, p. 178-215 (l’intégralité des documents regardant l’intervention de l’évêque anglais à la cour pontificale en 1250 est publiée par S. Gieben, Robert Grossesteste at the Papal Curia, Lyons 1250, dans Collectanea franciscana, t. XLI (1971), p. 340-392); pour le prélat en général, R. W. Southern, Robert Grosseteste. The Growth of an English Mind in Medieval Europe, Oxford, 19922, p. 274-291; voir aussi la p. 63 pour les origines sociales très modestes de l’évêque de Lincoln: ce point, ainsi que sa formation universitaire de bibliste (à Oxford, Ibidem p. 70 s.), ses préoccupations relatives à la réforme du clergé et son goût pour la prophétie (Ibidem p. 272 s.), en font une figure de prélat proche de celle d’Eudes de Châteauroux. Pour l’intervention d’Hugues de Digne sous la forme d’un sermon, le témoignage est celui de Salimbene (Salimbene de Adam, Cronica, éd. G. Scalia, 2 t., Turnhout, 1998 [CCCM , n° 125 et 125a]; désormais cité Salimbene, avec la pagination) p. 341-348; voir une analyse des sources relatives à ce moine et de sa personnalité par J. Paul, Hugues de Digne, dans Franciscains d’Oc. Les Spirituels, ca. 1280-1324, Toulouse, 1975, p. 69-97 (Cahier de Fanjeaux n° 10), surtout p. 81 s. pour son intervention en Curie; Idem, Le Joachimisme et les Joachimites au milieu du XIII e siècle d’après le témoignage de fra Salimbene , dans 1274, année charnière, mutations et continuités, Actes du colloque (Lyon-Paris, 30 septembre-5 octobre 1974), Paris, 1977 (Colloques internationaux du CNRS, n° 558), p. 797-813. L’auteur montre que Robert Grossesteste et Hugues de Digne se sont connus et appréciés, Hugues de Digne... art. cit., p. 84 s. J’ajoute que le SERMO n° 7 d’Eudes de Châteauroux, que je date de fin décembre 1247 et qui découle directement à mon avis de cette querelle roi de France-pape (voir son analyse dans ce paragraphe), a pour thème biblique deux versets de l’Ecclésiastique 48, 13-14, (In diebus suis non pertimuit principem, et potentia nemo vicit illum, nec superauit illum verbum aliquod ) qui se retrouvent dans la narration de Salimbene concernant Hugues de Digne (Salimbene, p. 341 lignes 27-29). On doit exclure un rapport de dépendance du chroniqueur au légat, que ni les circonstances ni le contexte précis de la citation sur Hugues n’autorisent; le chroniqueur met la citation dans la bouche du Franciscain à l’occasion d’un sermon donné en consistoire, mais évoque deux prises de parole de ce type, à Lyon et à Rome (juste après la citation il écrit: « Ita enim loquebatur in consistorio pape et cardinalibus, sicut pueris congregatis ad ludum, et hoc apud Lugdunum et priori tempore, quando curia fuit Rome », loc. cit. lignes 29-32); or Eudes de Châteauroux ne pouvait être présent ni à Rome, n’étant pas encore devenu cardinal, ni à Lyon qu’il quitte on l’a vu dès l’été 1245. D’autre part, rien n’indique que Salimbene et le cardinal Eudes de Châteauroux aient pu se connaître intimement, même s’ils se rencontrés au chapitre général des Mineurs à Sens en 1248, voir la fin de ce chapitre. par contre, l’usage de la même « preuve » biblique est significatif d’une culture et de préoccupations communes: le chroniqueur compare Hugues de Digne à un autre Elisée (c’est à l’action de ce prophète que se rapporte la citation de l’Ecclésiastique) pour son audace face aux puissants, ici le collège cardinalice; Eudes de Châteauroux utilise ce type biblique pour exalter l’attitude de T. Becket face au roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt, voir ci-dessous.

579.

Sans compter les erreurs chronologiques possibles: c’est évidemment le cas ici, comme l’ont fait remarquer tous les historiens, puisque le chroniqueur anglais date la protestation du roi de France de 1245.

580.

E. Berger, Saint Louis... op. cit., p. 258 s.

581.

Ibidem, p. 260 pour les lettres aux prélats; p. 261 s. pour la translation à Pontigny; l’auteur souligne p. 262 le rôle important que durent jouer auprès du roi, en faveur de la demande du pape, les cardinaux-évêques d’Albano et de Tusculum, c’est à dire Pietro da Collomezzo, un proche de Louis IX (voir chapitre I) et le légat Eudes de Châteauroux. La translation de Pontigny revêt dans le cadre de notre travail d’autres intérêts: parmi les prélats anglais, très peu nombreux, venus assister à la cérémonie, figure l’ancien chancelier d’Edmond de Canterbury devenu depuis évêque de Chichester, Richard de Wych; Eudes de Châteauroux l’a donc rencontré, avant de précher avec succès à la Curie, en 1262, en vue de sa canonisation, cf. infra la transcription du SERMO n° 25 (sur la présence de Richard à la cérémonie de Pontigny, voir E. Berger, Ibidem, p. 262 note 1; A. Dimier, Saint Louis... op. cit., p. 115-117, ici p. 117 note 12). Richard de Wych a narré dans une lettre cette translation, voir le texte latin dans M. Paris, Chronica... op. cit., t. VI, p. 128-129, traduction anglaise par C. H. Lawrence, The Life of Saint Edmund by Matthew Paris, Oxford, 1996, p. 166-167; outre les allusions dans sa vie d’Edmond, M. Paris évoque le rôle de R. de Wych comme chancelier du saint et son décès en 1253 dans sa chronique, Ibidem, t. V, p. 369.

582.

E. Berger, Saint Louis... op. cit., p. 262.

583.

Ibidem, p. 270-298, surtout p. 293; les deux excès les plus voyants, les grâces exspectatives et la collation de bénéfices à des clercs étrangers au royaume, se révèlent surtout dans ces années-là, p. 291; les abus reprennent à la fin du pontificat, p. 293; on ne sera pas surpris de constater avec l’auteur que le légat Eudes de Châteauroux use très rarement de sa position pour solliciter en faveur de ses « clients » la grâce du pape, p. 298.