b) Le sermon pour la consécration de la Sainte-Chapelle (26 avril 1248)

Pour mesurer l’importance du SERMO n° 9, prononcé lors de la consécration de cette chapelle-reliquaire, il convient de restituer le contexte idéologique et politique dans lequel ont été acquises les reliques et édifiée cette construction: son programme iconographique, qu’il s’agisse des vitraux ou de l’autel majeur, reflète une théologie politique très cohérente; le sermon d’Eudes de Châteauroux en donne une autre traduction adéquate, illustrant la symbiose mentale du légat et du roi de France, désormais vérifiable à tous les moments de l’expédition.

L’accumulation des reliques trouve son origine dans les difficultés financières de l’empereur latin de Constantinople, Baudouin, qui propose au roi de France en 1237 l’achat de quelques unes des reliques de la Passion conservées depuis le très haut Moyen Age par l’empire grec, à commencer par la couronne d’épines 701 ; eu égard à la spiritualité de Louis IX et à l’attachement traditionnel des Capétiens aux trésors de ce type, il fait évidemment mouche. Sur cet arrière-plan, on ne peut négliger le « beau coup » politique réalisé par le souverain: à la suite de la translatio studiiet de la translatio imperiieffectuées depuis la Grèce, la capitale capétienne bénéficie de la « translatio sacratissimae Passionis instrumentorum », confirmant que le royaume est la terre d’élection du Seigneur et ses habitants le peuple élu 702 . Commence alors un « voyage merveilleux » de Constantinople à Paris via Venise, sous le signe de la protection divine. La susception à Villeneuve-l’Archevêque, le 9 août 1239, représente un événement considérable, que suit une procession jusqu’à Sens et, après une nuit d’exposition de la couronne dans la cathédrale Saint-Etienne, le transport par bateau jusqu’à Paris, Vincennes précisément. La châsse entre le 19 août à la chapelle Saint-Nicolas du Palais-Royal portée par les deux Princes capétiens ainés, le roi et son frère Robert d’Artois, afin d’y être exposée. D’autres reliques, évoquées par Eudes de Châteauroux dans le SERMO n° 9, devaient par la suite grossir le trésor: la vraie croix en 1241, le saint sang, la sainte éponge, le fer de la sainte lance, un fragment de la pierre du saint sépulcre 703 . C’est à l’arrivée de cette seconde série que le roi dut, pensent les historiens, concevoir le projet de la Sainte-Chapelle 704 , véritable reliquaire dont le programme iconographique trouve sa clef dans la verrière dite précisément « des reliques » 705 . Les motifs politiques de Louis IX sont désormais bien éclairés: au modèle de roi thaumaturge et sacralisé dont il hérite 706 , et que symbolise, aux plans architectural comme historiographique, le sanctuaire dionysien traditionnel, le souverain ajoute celui du roi-Christ, conforme à sa spiritualité personnelle et bien accordé à la dévotion dolente du XIIIe siècle, notamment celle des ordres mendiants, pour l’humanité souffrante et humble du Sauveur 707 ; une nouvelle chapelle royale, à l’image de ce que Charlemagne a fait construire à Aix, s’avère nécessaire.

La disposition du programme iconographique des vitraux ne doit donc rien au hasard 708 . Au nord et au sud, du côté de la nef 709 , figurent les scènes historique de la Vulgate 710 , car c’est là que se tient le public laïc présent aux cérémonies 711 ; le sens en est limpide: inscrire la royauté capétienne dans la continuité historique des rois oints de la Bible puis du Christ-roi, d’où la présence côté sud, en conclusion de ces vitraux, de scènes d’histoire contemporaine 712 . A l’est, du côté du choeur où se déroule la célébration liturgique, les scènes figurent, de part et d’autre de la Passion du Christ, les prophètes et les apôtres: même ici, le Nouveau Testament tient beaucoup moins de place que l’Ancien, les deux Jean, le Baptiste et l’Evangéliste, étant présentés davantage comme prophètes que comme saints 713 . Si le côté sud ne suit pas, contrairement aux verrières du nord, l’ordre des livres bibliques 714 , c’est que le concept que le commanditaire a voulu exprimer est celui de la persona mixtadu souverain, à la fois roi et prêtre sur le modèle de Melchisedek, double fonction revendiquée par les rois thaumaturges depuis deux siècles et demi 715 : Louis IX vicaire royal du Christ conduit son peuple au salut; cet aspect est particulièrement net en face de ces dernières scènes, dans la verrière des Nombres située juste au-dessus de la niche où le roi prenait place: scènes d’onction et évocations sacerdotales, associant Moïse et Aaron, signifient sans équivoque cette mixité de la personne du souverain 716 . La fonction eschatologique du Capétien, guidant son peuple vers le jugement, achève de trouver son expression dans la rosace de l’Apocalypse à l’ouest, redoublée à l’extérieur du bâtiment par la représentation du Jugement dernier sur le tympan. C’est bien l’Histoire, et à travers elle l’influence du renouveau de l’exégèse littérale à partir du second XIIIe siècle, qui est au centre de cette composition; de ce point de vue la présence des prophètes au milieu des scènes historiques ne constitue pas une rupture: d’une part parce que l’histoire et la prophétie, entendue dans son sens orthodoxe, ne sont pas de nature fondamentalement différente au Moyen Age 717 ; d’autre part parce que l’exégèse, Eudes de Châteauroux en fournit l’exemple éclatant, applique fréquemment les prophéties ou les actions de personnages historiques de l’Ancien Testament aux circonstances contemporaines. On a vu que la continuité historique entre royauté d’Israël et royauté capétienne ouvre le texte des indulgences que les prélats présents à la consécration, six archevêques et onze évêques, concèdent aux visiteurs en avril 1248 718 . Il est clair enfin que la croisade n’a pu que conforter et accélérer la réalisation d’un tel programme, puisqu’elle constitue la première étape de cette marche vers le Royaume.

Cette vision de l’Histoire et du sens précis de la croisade pleinement partagée par le légat, ce dernier les expose dans le SERMO n° 9 qu’il délivre, selon toute vraisemblance, le 26 avril 1248, à l’occasion de la consécration officielle de la Sainte-Chapelle 719 , et qui apparaît à beaucoup d’égards comme un exposé théologico-historique des vitraux que les présents ont sous les yeux. Le texte en est très proche par l’esprit de celui des indulgences qu’il concède le 27 mai 1248, où il rappelle sa consécration et adopte un ton très personnel 720 .

Le SERMO n° 2 exaltait le bois de la croix; celui-ci illustre la même réflexion théologique sur la Passion du Christ, attribuée sans doute trop unilatéralement à l’influence du cercle mendiant royal. Au-delà des vitraux à strictement parler, l’ensemble de la chapelle-reliquaire où il est prononcé constitue un hymne à ce mystère central de l’économie du salut chrétien, puisque quatre éléments structurent le message religieux de l’édifice 721 : la châsse contenant les reliques, où sont représentées la Crucifixion, la Flagellation et la Résurrection; les vitraux; la retombée des arcs, où figurent les apôtres, rarement présents dans les chapelles palatines existant antérieurement 722 ; des scènes de martyre dans des médaillons peints 723 . Or tout le sermon d’Eudes de Châteauroux, chef spirituel de la croisade, à la Sainte-Chapelle, est centré sur la sucession Passion-Résurrection-Rédemption, exactement comme la châsse contenant les reliques 724 . Sa valeur n’en est que soulignée.

Le caractère unique de la venue sur terre du Sauveur structure en deux parties le discours, en considérant dans un double sens littéral un verset des Psaumes, livre biblique cher au roi 725 : « Merveilleux sont tes témoignages, aussi mon âme les scrute »; c’est au sens strict du terme la littera , entendue comme l’étude grammaticale du sens des phrases, qui détermine les deux significations possibles de la citation: « tes merveilles, c’est à dire ce qui témoigne de toi »; ou bien: « tes merveilles, c’est à dire ce dont tu portes toi-même témoignage ». La suite du texte traite sans les distinguer explicitement ces deux catégories de témoignages; on s’aperçoit cependant que les operadu Seigneur se rapportent à la première catégorie, et ses verbaà la seconde, de sorte que l’orateur suit en fait deux pistes: la première interprétation mène à contempler la création, la seconde à la rédemption que le sacrifice du Christ a procuré aux hommes; l’introduction appuie ces deux interprétations par quatre citations de l’évangile de Jean 726 : on ne peut établir plus clairement le lien entre ancienne et nouvelle loi, entre Ancien et Nouveau Testament 727 . Le premier point du sermon consiste en une réflexion théologique sur la création, reprenant la conception augustinienne que l’apparence des créatures donne une idée du Créateur, qui en disposant tout en ordre, en poids et en mesure, a montré sa puissance, sa sagesse et sa bonté; de même Il a montré son éternité en créant tout sans que le principe de sa création puisse être compris des hommes, ainsi que son unicité, en étant au principe de tout le créé 728 . Le second point aborde les œuvres de la « recréation » 729 et compte au nombre de ces œuvres les saintes reliques énumérées: la sainte couronne, la croix, les clous, le suaire, le sépulcre, l’éponge, le fer de la lance, et d’autres encore 730 ; le caractère de preuves matérielles que ces reliques revêtent est souligné par un parallèle avec l’Ancien Testament: dans Josué (4, 1 sq.), les fils d’Israël ont extrait douze pierres du Jourdain pour prouver qu’il l’avaient effectivement traversé à pied sec 731 . La proximité du départ en croisade comme de la condamnation définitive, à peu près contemporaine, du Talmud, se devinent quand l’orateur affirme avec habileté que « C’est là l’œuvre de rédemption, un témoignage d’amour du Seigneur si violent que les Juifs, les Sarrasins et les autres infidèles ne peuvent croire que Dieu ait aimé les hommes à ce point » 732 . La comparaison de la même croisade avec l’Exode est implicite et assimile le peuple de France aux Hébreux; avec toutefois un avantage aux Chrétiens, car après l’évocation des grandes étapes de la fuite d’Egypte et de la traversée du désert, où Dieu a nourri Israël et ouvert devant elle la Mer Rouge 733 , l’auteur conclut que « Les fils d’Israël tenaient en grande vénération ces témoignages, la manne, la verge, les tables et le deutéronome; en beaucoup plus grande vénération devons-nous tenir ces témoignages que nous avons sous la main..., car ils sont de bien plus de valeur que ceux-là, eux qui témoignent de notre rédemption et de l’amour ineffable dont Dieu nous a aimés » 734 .

Le principal mérite de cette comparaison des deux Testaments ne consiste donc pas simplement à situer la royauté capétienne dans le droit fil de la royauté biblique, ce qui minorerait la signification théologique du sacrifice du Christ; sa valeur, rappelée dans les menus détails concrets que chaque relique signifie, marque un degré supérieur par rapport à l’amour dont le Dieu de l’Ancien Testament avait montré pour son peuple, en le soutenant dans les épreuves et en l’instruisant 735 .

Ce saut qualitatif d’un Testament à l’autre est bien l’exact correspondant du « saut herméneutique » accompli par l’exégète lorsqu’il interprète spirituellement la Bible. Un public en large part laïc se voit ainsi invité à retrouver, sous une forme renouvelée car beaucoup plus concrète, matérialisée, celle des instruments de la Passion, le sens de la Bible conduisant à la compréhension du mystère divin: par là le Chrétien s’identifie au Christ qui l’a créé puis recréé 736 .

On ne saurait me semble-t-il sous-estimer la densité du commentaire et du message, inscrit dans la tradition de la méditation de la Passion, mais renouvelé des tendances historicisantes de l’exégèse comme de la spiritualité doloriste du XIIIe siècle 737 ; synthèse qui donne sa pleine dimension eschatologique à la croisade.

Notes
701.

Sur le goût des reliques de Louis IX et l’accumulation de celles de la Passion à partir de 1239, amplifiée dès 1241 par la perspective de la construction de cette chapelle-reliquaire, cf. J. Le Goff, Saint Louis... op. cit., p. 140-148; sur l’édifice et les service liturgiques qui y étaient donnés (deux grandes fêtes: celle du 11 août, rappelant l'arrivée de la Sainte couronne en 1239, et celle du 30 septembre, anniversaire de la réception des autres grandes reliques en 1241), J.-M. Leniaud et F. Perrot, La Sainte-Chapelle... op. cit., surtout le chapitre 2: Reliques, reliquaires, cérémonies et vie quotidienne, p. 49-80 (voir ci-dessous pour le détail des reliques et des fêtes). Un extrait des indulgences octroyées par les prélats présents lors de la consécration aux futurs visiteurs montre l’état d’esprit qui présida à la dédicace: (éd. J. de Laborde, Layettes... t. III, Paris, 1875, p. 26, n° 3652): « Si populus Israel, qui sub legis umbra viuebat, frequenter accedens oraturus ad locum quem elegit Dominus ut ibi poneret nomen suum, vota et denaria plurima offerebat, multo fortius populus christianus... tenetur ecclesias... congruis honoribus frequentare... Sane, cum capella illustrissimi regis Francorum... fuerit a reuerendo patre Odone, Dei gratia Tusculanensi episcopo, legato sedis apostolice, nobis eidem assistentibus, dedicata... ».

702.

L’expression « beau coup » est de J. Le Goff, Saint Louis... op. cit., p. 141; celle relative à la « translation des instruments de la Passion très sacrée » se trouve dans le récit de l’archevêque de Sens Gautier Cornut (Historia susceptionis coronae spinae Iesu Christi, dans HFS, t. V, p. 407-414; autre édition dans RHGF t. XXII, p. 26-31, reprise par P. Riant, Exuviae... op. cit., t. I, p. 45-56: je cite d’après ce dernier), narrant les circonstances de l’acquisition de la couronne d’épines en 1239: « Sicut igitur Dominus Iesus Christus ad sue redemptionis exhibenda mysteria terram promissionis elegit, sic ad passionis sue triumphum deuotius venerandum nostram Galliam videtur et creditur specialiter elegisse, ut ab ortu solis ad occasum laudetur nomen Domini, dum a climate Græcie, que vicinior dicitur Orienti, in Galliam, partibus Occidentis contiguam aut confinem, ipse Dominus ac Redemptor noster sue sacratissime passionis sancta transmittere instrumenta... » (p. 47); voir la traduction de J. Le Goff, Saint Louis... op. cit., p. 142. Un peu plus loin (p. 51), G. Cornut évoque la joie du roi qui comprend que son royaume est choisi par Dieu: « His auditis, rex prudenter intelligens id a Domino fieri, gauisus est in hoc quod Ille, qui Coronam eandem pro nobis gesserat in opprobrium, volebat eam a suis fidelibus pie et reuerenter honorari in terris, donec ad iudicium veniens eam suo rursus imponeret capiti, iudicandis omnibus ostendendam. Gaudebat igitur quod, ad exhibendum honorem huiusmodi, suam Deus preelegerat Galliam, in qua per ipsius clementiam fides viget firmiter, et cultu deuotissimo salutis nostre mysteria celebrantur ». Le récit du prélat comporte un autre intérêt: l’oeuvre est composée de deux parties, un sermon puis un récit proprement dit (cf. P. Riant, Exuviae... op. cit., introductionp. lxviii-lxxi: « L'ouvrage de Gauthier Cornut a été écrit l'année même de la susception de la Sainte Couronne, 1239, ou au plus tard l'année suivante, puisque l'auteur est mort en avril 1241; il se compose de deux parties parfaitement distinctes: un préambule tout-à-fait parénétique et un récit circonstancié des événements qui précédèrent la susception, et de la susception elle-même »); prêcher sur les reliques parisiennes de la Passion était donc une tradition établie lorsqu’Eudes de Châteauroux donne son sermon de consécration.

703.

Cf. J. Le Goff, Saint Louis... op. cit., p. 146 s.; J.-M. Leniaud-F. Perrot, La Sainte-Chapelle... op. cit., p. 53 s.

704.

Cf. J. Le Goff, Saint Louis... op. cit., p. 146-148.; J.-M. Leniaud-F. Perrot, La Sainte-Chapelle... op. cit., p. 53 et p. 81-117.

705.

Cf. J.-M. Leniaud-F. Perrot, La Sainte-Chapelle... op. cit., p. 181. Voir aussi p. 184, où les auteurs après avoir montré que la « bande dessinée » en vitrail constituée par les 1113 panneaux figurés se répartit selon deux grands cycles, historique et spirituel, selon le schème exégétique chrétien traditionnel, insistent sur la différence qui existe pourtant entre ce programme et ceux alors connus, des XIIe et début du XIIIe siècles, par exemple ceux préconisés par Suger pour Saint-Denis. Selon eux, ce qui frappe est l’importance accordée à l’Ancien Testament et le caractère historique accentué de la narration, presqu’entièrement linéaire et centrée sur la royauté, phénomène qu’ils relient aux conceptions du souverain en la matière, surtout p. 192-193; ils qualifient l’ensemble p. 187 de « vaste mise en image de la théologie de l’histoire où le roi régnant trouve tout naturellement sa place ».

706.

Voir l’ouvrage toujours fondamental de M. Bloch, Les rois thaumaturges. Etude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre, Paris, 19832.

707.

Sur la culture historique et la spiritualité du roi, je suis en particulier J. Le Goff, Saint Louis... op. cit., p. 141 et p. 858-886; J.-M. Leniaud-F. Perrot, La Sainte-Chapelle... op. cit., p. 188-191; ces derniers citent la lettre d’Innocent IV du 24 mai 1244 où le pape écrit au roi que c’est le Christ lui-même qui le couronne à l’occasion de cette translation (la lettre est dans P. Riant, Exuviae... op. cit., p. 128-129: « ... nec immerito reputamus, quod te Dominus in sua Corona spinea, cuius custodiam ineffabili dispositione tue commisit excellentie, coronauit »). Pour l’influence de la spiritualité mendiante sur le roi, cf. L. K. Little, Saint Louis’ Involvement with the Friars, dans Church History,t. XXXIII/2 (1964), p. 125-148. Cette réflexion sur la royauté du Christ et ses rapports avec la royauté temporelle se manifeste particulièrement dans les sermons sur le verset de Zacharie (2, 19) inséré par Matthieu (21, 5) dans son récit de l’entrée du Christ à Jérusalem: Ecce rex tuus venit tibi mansuetus sedens super asinam, utilisé par les prédicateurs à deux occasions liturgiques, pour le premier dimanche d’Avent et pour celui des Rameaux, cf. J. Leclerq, Le sermon sur la royauté du Christ au moyen âge, dans AHDLMA, t. XIV (1943-1945), p. 143-180, surtout p. 148 s. pour le XIIIe siècle (repris dans Idem, L’idée de la royauté du Christ au Moyen Age, Paris, 1959, p. 109-155); l’auteur mentionne p. 149 un sermon d’Eudes de Châteauroux sur ce verset.

708.

Je suis ici l’analyse détaillée, très précieuse, de J.-M. Leniaud-F. Perrot, La Sainte-Chapelle... op. cit., p. 131-181.

709.

Voir Ibidem, p. 124 le plan qui permet de suivre les commentaires.

710.

L’ordre suit celui des livres de la Bible au nord, mais non au sud, voir les explications ci-dessous.

711.

Ibidem, p. 184; la verrière est celle dite « des reliques », où figure Louis IX avec les instruments de la Passion

712.

Ibidem, p. 192.

713.

Ibidem, p. 184.

714.

Dans l’ordre, des scènes de Tobie, Judith et Esther précèdent celles des Livres des Rois, juste avant la verrière des reliques.

715.

Ibidem, p. 192-193; voir sur ce thème, outre les travaux déjà cités, R. E. Lerner, Joachim of Fiore as a Link between St. Bernard and Innocent III on the Figural Significance of Melchisedech, dans Mediaeval Studies, t. XLII (1980), p. 471-476 (trad. italienne, Goacchino da Fiore come legame fra san Bernardo e Innocenzo III sul significato simbolico di Melchisedek, dans Refrigerio dei santi. Goacchino da Fiore e l’escatologia medievale, Rome, 1995, p. 137-143; je cite désormais les articles de R. E. Lerner qui y figurent d’après ce recueil commode); J. Funkenstein, Malkizedek in der Staatslehre, dans Archiv für Rechts- und Sozialphilosophie, t. XLI (1954), p. 32-36; G. Wuttke, Melchisedch der Priesterkönig von Salem: eine Studie zur Geschichte der Exegese, Giessen, 1927.

716.

Toute cette analyse, au-delà de J.-M. Leniaud-F. Perrot, La Sainte-Chapelle... op. cit., se rattache à l’ouvrage fondamental d’E. Kantorowicz, Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Age, Paris,1989 (traduction de The King’s two Bodies. A Study in Medieval Political Theology, Princeton, 1957) . Un bel exemple de cette assimilation au type de Melchisedek figure dans une enluminure du Psautier de Saint Louis(ms de Paris, BNF latin 10525, f. 6v), reproduite dans J.-M. Leniaud-F. Perrot, La Sainte-Chapelle... op. cit., p. 95.

717.

Sur la nature de l’histoire et son apparentement à la prophétie, voir B. Guenée, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris,1980, surtout p. 20 s; sur la prophétie que je qualifie d’« orthodoxe » , par opposition à une exégèse prophétique dissidente, voire hérétique, le plus souvent à usage politique elle aussi, voir le chapitre IV: Eudes de Châteauroux s’engage dans une sévère bataille théologico-politique pour défendre l’orthodoxie, contre l’Introduction à l’Evangile éterneldu Franciscain G. de Borgo San Donnnino, s’inspirant lui-même de Joachim de Fiore, puis contre les partisans impériaux et leurs manifestes prophétiques attribués à Joachim, dans le cadre de la conquête du royaume de Naples par Charles d’Anjou, frère de Louis IX..

718.

Cf. supra, note 294.

719.

Voir les lignes 70-71: « Nous devons avoir en beaucoup plus grande révérence encore ces témoignages merveilleux qui sont sous nos mains, à savoir la sainte couronne et la croix... ».

720.

Cf. P. Riant, Exuviae... op. cit., p. 136-137: « ... unde noster animus, in quadam magna extasi pre ammiratione suspensus, quodam modo expauescit, quia non potest tanta Dei magnalia dignis attollere laudibus, vel debita honorificencia resonare, licet assurgamus ad quas possumus gratiarum actiones multiplices exsoluendas; nos volentes ut eadem capella, quam in honore sancte Corone ac victoriosissime crucis prefatis consecrauimus, in octauis Resurrectionis dominice... ».

721.

J. M. Leniaud-F. Perrot, La Sainte-Chapelle... op. cit., p. 94-96.

722.

Ibidem, p. 96; les auteurs lisent à juste titre dans cette innovation la volonté d’insister sur le compagnonnage terrestre du Christ et la valeur de symbole ecclésiologique du collège apostolique.

723.

Ibidem, p. 96: la chapelle rejoint ici la fonction traditionnelle de martyrium, qui repose sur l’ancienne association du culte des saints et de celui des martyres, exprimant la victoire sur la mort par-delà le sacrifice; les sermons d’Eudes de Châteauroux que j’ai commentés, notamment le SERMO n° 2 et le SERMO n° 3 sur saint Georges, établissent clairement ce lien et associent dans la croisade royaume et sainteté.

724.

Cf. R. Branner, The Grande Châsse of the Sainte-Chapelle, dans Gazette des Beaux-Arts, t. LXXVII (1971), p. 5-18, surtout p. 15 s., où l’auteur démontre que la châsse n’est pas uniquement un reliquaire, réalisant l’équation couronne royale-couronne d’épines, mais aussi un manifeste exaltant le dogme de la Rédemption: « C’était plutôt le theme de la rédemption, Christ comme source de grâce à travers lequel l’humanité serait rachetée, Christ le prêtre-victime, médiateur des activités rédemptrices de Dieu » (« It was, rather, the theme of the Redemption, Christ as the source of grace through which mankind would be redeemed, Christ, the priest-victim, mediating God’s redemptive activities »); voir aussi la conclusion de l’auteur p. 16 sur la signification globale de la décoration de la châsse.

725.

Et qui réside à la base de l’éducation religieuse, puisque c’est là que les enfants chrétiens apprenaient à lire, cf. D. Alexandre-Bidon-D. Lett, Les enfants au Moyen Age, V e -XV e siècles, Paris, 1997, p. 85-86.

726.

Lignes 7-11.

727.

C’est une fois de plus l’occasion de noter qu’Eudes de Châteauroux aborde le sens littéral d’un point de vue englobant, très caractéristique, comme je l’ai plusieurs fois montré, de l’évolution de l’herméneutique biblique à partir d’Hugues de Saint-Victor; à strictement parler en effet, le nouveau testament n’est pas susceptible d’interprétation historique au sens traditionnel du terme, c’est à dire comme annonçant les événements à venir, s’accomplissant dans une révélation, puisqu’il est lui-même la révélation. Il ne peut que narrer la vie et les paroles du Christ venu sauver les hommes; à moins de s’engager dans la direction dangereuse d’une lecture prophétique de cette partie de la Bible et plus particulièrement de l’Apocalypse, comme s’y sont risqués divers exégètes, mais particulièrement Joachim de Fiore à la fin du XIIe siècle; chemin que refuse absolument d’emprunter, on le verra au chapitre suivant, notre auteur. Sur la tradition prophétisante de l’exégèse de l’Apocalypse, le meilleur résumé est à mon sens R. E. Lerner, Refrigerio dei santi: il tempo dopo l’Anticristo come tappa del progresso terreno nel pensiero mediecale, dans Refrigerio... op. cit., p. 19-66 (trad. de Refreshment of the Saints, dans Traditio, t. XXXII [1976], p. 97-144; cet article de R. Lerner porte un titre très voisin de celui, générique, donné par l’auteur au recueil de ses travaux sur Joachim; pour les distinguer, je citerai désormais l’article Refrigerio... tempo , l’ensemble étant simplement indiqué Refrigerio )

).

728.

Lignes 28-35.

729.

Lignes 50-51.

730.

Ce sont exactement les reliques dont les historiens décrivent l’accumulation successive par le roi de France, cf. J.-M. Leniaud-F. Perrot, La Sainte-Chapelle... op. cit., p. 50 s.

731.

Lignes 60-62.

732.

Lignes 56-58.; on notera ici la mise sur le même plan des Juifs et des Musulmans, éloquente: c’est bien la preuve que l’affaire du Talmud a profondément ébranlé la vision que l’auteur se fait de la Synagogue et de son rôle historique, cela d’autant plus que les développements qui suivent enchaînent les parallèles avec l’histoire du peuple hébreu et des témoignages de sa foi, qui préfigurent ceux du Christ.

733.

Lignes 63-68, en particulier: « De sorte que la tente sous laquelle elles [les reliques des Hébreux] reposaient était appelée tente du témoignage ».

734.

Lignes 69-73.

735.

Voir les lignes 73-75.

736.

Voir les lignes 76-79.

737.

Voir B. Smalley, The Study... op. cit., p. 284 s., sur le désir d’imitation « aussi littérale que possible » du Christ par saint François; je traduis: « Dans l’histoire des études bibliques, ce dépérissement de la lectioa son côté positif. Les vieilles allégories et moralités s’effacaient devant une intense actualisation du sens littéral. Le but de saint François était d’imiter le Christ aussi littéralement que possible. Il disait au novice qui désirait un Psautier que lui aussi aussi avait été tenté par le désir de tels livres; aussi pria-t-il pour connaître la volonté de Dieu d’après le premier texte de l’Ecriture qui viendrait sous ses yeux; ce fut: A vous il a été donné de connaître les mystères du royaume des Cieux, ... à ces gens-là je parle en paraboles(Mt. 13, 11-13), ce qu’il prit pour un commandement de pauvreté et de simplicité. Par un merveilleux renversement, le mystère de l’élu signifie pour saint François non le sens mystique, mais le sens le plus strictement littéral de compréhension de l’Ecriture. de même, dans leurs méditations, les Frères cherchent à partager les souffrances du Christ. L’idée n’est pas nouvelle, mais elle gagne du terrain au XIIIe siècle. Lire, c’est se laisser aller à la dévotion, signifiant une approche plus historique de l’Ecriture. Ce qu’évoquent la crêche, le crucifix, c’est l’Evangile au sens littéral du terme » (« In the history of Bible studies, this dwindling of lectiohas its positive side. The old allegories and moralities were fading before an intense realization of the literal meaning. The aim of St. Francis was to imitate Christ as ‘literally’ as possible. He told the novice who wanted a psalter that he too had been tempted to desire such books; so he prayed to know God’s will from the first text of Scripture that his eye should light on; it was: To you it is given to know the mysteries of the kingdom of Heaven: but to them in parables(Mt. 13, 11, 13), which he took as a command to poverty and simplicity. By a wonderful reversal, the mystery of the elect means to St. Francis, not the mystical, but the strictest literal understanding of Scripture. Similarly, in their meditations, the friars seek to share in the sufferings of Christ. The idea is not new, but it gains ground in the thirteenth century. Reading is giving way to devotions, which signifies a more historical approach to Scripture. What is evoked by the crib, the crucifix, is the Gospel in its literal sense »). La seule restriction à apporter à ce constat, c’est qu’il ne peut être réduit à l’exégèse des Mendiants; on a vu en outre qu’Eudes de Châteauroux se sent très proche d’eux au plan spirituel.