c) Des horizons nouveaux: la mission outremer

Cette volonté est également et plus aisément décelable dans les rapports que le légat met en oeuvre vis-à-vis des Musulmans et surtout des Mongols, et qui doivent être comptés sans hésitation comme la manifestation d’une volonté missionnaire, avec toutes les ambiguïtés que l’adjectif revêt au XIIIe siècle 836 .

A l’égard des Musulmans, on ne dispose que d’un seul témoignage, toujours grâce à la lettre de mars 1249 envoyée à Innocent IV: le légat y précise, de façon un peu triomphaliste et naïve, que le jour de la fête de l’Epiphanie, symbole fort puisque c’est celui où le Christ fut baptisé, il a catéchisé cinquante-sept captifs sarrasins et en a lui-même baptisé trente, alors que ces catéchumènes n’ignoraient pas qu’ils n’obtiendraient pas pour autant leur libération 837 .

Mais c’est face au problème mongol que les espérances missionnaires nourries par Eudes de Châteauroux, en plein accord avec celles du roi, se révèlent le plus nettement. L’essentiel de la lettre à Innocent IV est consacré à cette question 838 ; ce que les autres sources apportent complémentairement permet de se faire une idée précise des illusions puis des désillusions suscitées chez Eudes de Châteauroux et Louis IX par l’arrivée à Caménoriaqui, le 14 décembre 1248 839 , de messagers envoyés par l’Il-Khan de Perse Erchalchaï, à l’origine des premiers véritables voyages au long cours d’Occidentaux à travers l’Asie intérieure, auteurs ensuite de relations qui figurent parmi les plus fascinantes des sources médiévales 840 . En substance, les faits suivants y sont narrés: les messagers du chef mongol de Perse, deux chrétiens de Mossoul 841 , ont été conduits à Nicosie, où le roi réside le plus volontiers, et lui sont présentés le dimanche 20 décembre; ils apportent des lettres en langue persane, écrites en arabe, de la part de leur maître, souhaitant à Louis IX victoire et prospérité 842 ; dans l’ensemble, les propos d’Erchalchaï laissent clairement entendre qu’une entente entre lui et les Mongols est possible et nécessaire dans l’unité des différentes confessions chrétiennes 843 .

Il semble bien que, d’emblée, le roi et le légat aient interprété à tort ces paroles comme une offre, sinon de soumission, du moins de coopération sous la bannière chrétienne; sur le fond, Erchalchaï ne fait que reprendre la terminologie habituelle du protocole mongol, prônant la tolérance et la cohabitation des différentes religions dans l’empire du Khan, qui permettrait la restauration du culte chrétien, admettant par là-même que ce culte a eu à souffrir de la grande invasion déclenchée à la fin des années vingt du siècle en direction de l’Occident et du Proche-Orient; il insiste en particulier sur le fait que les différentes confessions chrétiennes, Latins, Grecs, Arméniens, Nestoriens et Jacobites, « tous ceux qui adorent la croix », ne font qu’un 844 ; en même temps, certains aspects de cette lettre sont inhabituels: les références chrétiennes fonctionnent comme une captatio benevolentiæ , usage inhabituel à la chancellerie mongole 845 ; et surtout, au regard des réponses précédentes des Mongols aux messagers du pape Innocent IV, le premier à avoir tenté une ouverture de ce côté, le ton est très différent: au lieu d’adresser leurs sommations classiques à se soumettre, les Mongols reconnaissent la magnifiscence d’un roi d’Occident, expriment leur désir de le rencontrer et de « s’unir à lui pour ne faire qu’un », enfin substituent à leurs menaces d’usage des souhaits de victoire contre l’Islam 846 .

C’est l’entretien avec les messagers qui a distordu le sens réel des propositions de l’Il-Khan; cet entretien survient après l’intercalation, dans le compte-rendu du légat au pape, d’une autre missive provenant du connétable d’Arménie, Sempad, relatant les horreurs commises par les « Tartares » et le caractère menaçant, conforme aux usages diplomatiques et politiques mongols, de la réponse du grand Khan Güyük à l’envoyé d’Innocent IV, Jean de Plancarpin, même si sa partie finale invite à négocier avec eux 847 . Le ton plutôt amène du message de l’Il-Khan tranche évidemment, et le roi se montre en effet extrêmement curieux et intéressé; en présence du légat, d’autres prélats et de son conseil, il interroge les messagers et dialogue avec eux: quand leur maître a-t-il appris sa venue, d’où viennent les Tartares et pour quelles raisons sont-ils venus, quelle terre habitent-ils, quelle est l’origine de leur nom, quand leur roi est-il devenu chrétien, de quand date son baptême, dans quelles circonstances a-t-il fait le choix d’embrasser la religion chrétienne, pourquoi Bachon 848 a aussi mal reçu les envoyés du pape, est-ce que le sultan de Mossoul est chrétien 849 ?

Les messagers répondent à toutes les questions posées; si l’on veut juger de l’influence, à mon avis décisive, de leurs propos sur le roi et le légat, il en ressort avant tout que c’est une lettre du sultan de Babylone 850 à celui de Mossoul, lequel l’a transmise au Khan, qui a appris à ce dernier la venue du roi; comme représentant des Mongols en Perse, Erchalchaï a été mis au courant 851 . Son projet est d’assiéger l’été prochain Bagdad, il propose donc à Louix IX d’attaquer l’Egypte, afin d’empêcher son sultan de porter aide au Calife 852 .

Ces éléments sont d’autant plus crédibles qu’ils correspondent parfaitement à la situation du Proche-Orient et du Moyen-Orient de cette époque 853 . En 1238, à la mort en du sultan ayyoubide d’Egypte al-Kamil, auteur du traité avec Frédéric II qui garantissait aux Chrétiens l’accès aux lieux saints, son fils Salih Ayub a unifié Syrie et Egypte; malgré des péripéties où les Francs, au début des années 1240, se sont alliés aux Musulmans de Damas contre les Egyptiens, ces derniers ont finalement conservé la maîtrise de la situation, prenant à revers les Damascains: ils ont en effet conjugué leurs efforts avec les Khwarizmiens, cantonnés depuis 1220 en Mésopotamie du nord du fait de l’avancée mongole au Moyen-Orient, qui a provoqué la destruction de leur empire édifié à la fin du XIIe siècle 854 . Ce sont les débris des arméeskhwarizmiennes, désormais mercenaires, qui ont pris Jerusalem en 1244; Egyptiens et Khwarizmiens réunis infligent le 17 octobre de cette même année une sevère défaite aux Francs près de Gaza, la plus importante depuis celle de Hattin due à Saladin en 1187 855 ; bref, 1244 signe la réunification de l’empire ayyoubide un moment menacé de scission, et fait de l’Egypte, au moment où Louis IX décide de se croiser, le principal obstacle à la reconquête chrétienne des lieux saints. On conçoit dans ces conditions que les avances mongoles, du moins celles d’Erchalchaï, aient pu séduire le roi, qui s’interroge encore, à son arrivée à Chypre, sur le lieu le plus opportun où attaquer l’Islam 856 . Il me semble que cette ambassade, entendue par tous les grands laïcs et ecclésiastiques de l’entourage royal, et qui survient dès le début du séjour à Chypre, a dû jouer un grand rôle dans le choix final de débarquer en Egypte.

La réponse des deux messagers fournit encore d’autres précisions 857 . Les Tartares ont quitté leur terre d’origine depuis quarante ans 858 ; ils se contentaient d’y faire paître leurs troupeaux, car on n’y voit ni villes ni châteaux ni fermes, seulement des prés; le grand Khan a installé sa résidence à quarante journées 859 de cette terre, à Trahetar, d’où cette apellation de « Tartares » qui leur est donnée désormais. On ignore les raisons qui ont mis en marche ce peuple sans lois: leur premier fait d’armes a consisté à vaincre et passer par les armes le prêtre Jean et son armée 860 . Suit une description de l’organisation militaire des Mongols, qui effraie tant les Occidentaux: le grand Khan conserve autour de lui ses capitaines, lesquels envoient leurs soldats soumettre des territoires; cet organisme central continue malgré tout de constituer une armée de cavaliers nomades, vivant dans des tentes, car leurs chevaux sont si nombreux qu’ils doivent les laisser paître en liberté; les relais du pouvoir central sont assurés, dans les différents territoires ainsi soumis, par des membres de la famille royale que le grand Khan choisit comme ses représentants 861 .

Cette réponse s’achève par des renseignements de nature nettement plus légendaire ou ambiguë, qu’avait déjà annoncés la mention du Prêtre Jean; paradoxalement, ce furent sans doute ceux qui éveillèrent le plus l’attention des croisés et rencontrèrent leur crédulité, si l’on en juge par la suite: la mère du Khan régnant Kiokai, celui « qui tient actuellement le sceptre », était fille du défunt Prêtre Jean 862 ; sur son incitation et celle d’un évêque, un certain Malassias, le roi a reçu le baptême avec dix-huit de ses fils et de nombreux capitaines; Erchalchaï lui-même est chrétien depuis plusieurs années 863 ; s’il n’est pas de souche royale, sa puissance est grande comme maître de la Perse, tandis que Bachon est païen, et vit entouré de conseillers sarrrasins, d’où le mauvais accueil qu’il a réservé aux ambassadeurs pontificaux. Les croisés doivent être cependant rassurés: son pouvoir n’est à présent pas si important, subordonné qu’il se trouve à Erchalchaï. Quant au sultan de Mossoul, l’antique Ninive, il chérit les Chrétiens dont il suit les fêtes, n’obéissant pas à la loi musulmane; avec le temps et si l’occasion s’en présente, il se ferait volontiers baptiser. A l’appui de leurs dires, les messagers ajoutent à propos d’eux-mêmes qu’ils sont originaires d’une ville distante de Mossoul de deux jours de marche, et d’ascendance chrétienne. Ils assurent enfin les croisés que le nom du pape est désormais très connu chez les Tartares, et qu’Erchalchaï a pour ambition avouée d’attaquer Bagdad l’été prochain « pour venger l’injure faite au seigneur Jésus-Christ par les Khwarizmiens ».

La fin du compte-rendu du légat au pape ne laisse aucun doute sur le crédit accordé par les croisés à ce récit: à la fin de janvier 1249, le roi renvoie les messagers, qui quittent Nicosie, accompagnés des frères prêcheurs André, Jean et Guillaume 864 et de nombreux présents (un crucifix fait de la Vraie Croix, une tente-chapelle d’écarlate ornée de panneaux où sont représentées des scènes de la vie du Christ, et d’autres objets utiles et incitatifs à l’observance du culte chrétien), le 27 de ce mois; quant au légat, ils y joint des lettres annonçant au Khan et à Erchalchaï que l’Eglise romaine accueillerait avec joie leur conversion à la foi catholique, à condition qu’ils conservent la confession orthodoxe, qui reconnait en Rome la mère de toutes les églises, en son évêque le vicaire du Christ à qui tous ceux qui font profession de la foi chrétienne doivent obéissance, comme l’attestent les canons des premiers conciles généraux que Rome a approuvés 865 .

L’ensemble de ces données, tant celles qui procurent des Tartares une image proche de la réalité, du moins telle que pouvaient la connaître les messagers, que les autres mentions qui, en partie afin d’appâter les croisés, l’enjolivent voire lui substituent des traditions légendaires 866 , doit être interprété dans le cadre des missions pontificales préparant le concile de Lyon; par le bref Dei Virtusdu 3 janvier 1245, Innocent IV avait en effet inscrit à son ordre du jour, parmi les cinq questions majeures à traiter, le remedium contra Tartaros 867 . Eudes de Châteauroux, on l’a vu, se trouve avec le pape et ses collègues cardinaux à Lyon, à l’époque où ces premiers ambassadeurs-missionnaires quittent la Curie; il se trouve auprès du roi quand André de Longjumeau revient de sa première mission, qui s’est inscrite dans ce cadre; bref rien ne lui a échappé des différentes étapes qu’ont connues ces tentatives et des impressions contradictoires qu’elles ont produit en Occident. C’est pourquoi sa missive au pape ne peut être confondue avec les informations, parfois fantaisistes et marquées du sceau de l’apocalypse, qui ont d’abord carcatérisé l’irruption mongole en Europe centrale et ses répercussions en Occident, et dont il fut lui-même un bon témoin 868 . C’est pourquoi aussi quelques mots sur les résultats contradictoires de ces premières missions envoyées par Innocent IV permettent d’éclairer le contenu de la lettre du légat et d’expliquer les illusions qu’il a nourries en commun avec le roi.

L’accession de ce pape au siège de Pierre en 1243 correspond on l’a vu à une période de crise profonde dans les relations politiques et guerrières entre les Mongols et la Chrétienté 869 . Les hsitoriens s’accordent pour considérer que sans le décès opportun du grand Khan Ögödai le 11 décembre 1241, qui ramène en Extrême-Orient tous les chefs pour procéder selon la coutume à l’élection d’un nouveau Khan, le déferlement des troupes mongoles sur l’Occident eût pu réaliser cette apocalypse que les premières informations parvenues aux Occidentaux prédisaient 870 . Des dissensions importantes divisent les différentes branches de la famille royale mongole et procurent à l’Occident un répit de cinq ans 871 , mis à profit par Innocent IV pour essayer d’en savoir davantage sur ce peuple terrifiant. Il fait rédiger à l’intention du « roi et du peuple des Tartares » deux lettres, Dei patris immensadu 5 mars 1245 et Cum non solum homines, du 13 mars 1245, dont sont munis deux missions, celle du Franciscain Jean de Plancarpin partie de Lyon le 16 avril pour suivre un itinéraire continental par la Russie, et celle des Dominicains Ascelin de Crémone et André de Longjumeau, qui s’embarquent vraisemblablement au début du printemps pour la Syrie, d’où ils se proposaient de gagner le même but 872 . A partir de la Syrie, Ascelin et André se séparent, le premier cheminant par la Turquie et l’Arménie via Tiflis, le second par la Mésopotamie via Mossoul et Tabriz 873 . André de Longjumeau est de retour à Lyon au printemps 1247; de toutes les relations écrites, la sienne est la moins subtantielle: quelques notes recueillies par Matthieu Paris 874 . Plancarpin et Ascelin rapportent au contraire de leurs voyages des récits détaillés, correspondant aux instructions pontificales: les missionnaires devaient, en plus d’expliquer aux Mongols la teneur des lettres du pape, rapporter le plus de détails possible sur ce peuple 875 . Le personnage le plus intéressant pour ce qui concerne le roi de France est cependant André, car il rejoint rapidement l’entourage de Louis IX et lui procure, ainsi qu’à Eudes de Châteauroux qui prêche alors la croisade, des informations inédites, de première main, sur les Mongols 876 . En outre, alors que Plancarpin et Simon-Ascelin avaient fourni des nouvelles plutôt inquiétantes, confirmant ce que l’on savait de la cruauté de ce peuple, mais aussi annonçant un nouvel assaut imminent contre l’Occident, André sonne un tout autre ton 877 . Il a en effet rencontré durant son périple de très nombreux Chrétiens nestoriens, en particulier le David qui figure en 1248 parmi les deux ambassadeurs d’Erchalchaï à Louis IX et qu’il reconnait alors; devenu en quelque sorte le « conseiller pour les affaires mongoles » du roi de France 878 , c’est lui qui durant toute la croisade devait l’assister en la matière, et c’est naturellement lui que choisissent le roi et le légat pour une nouvelle ambassade, en réponse à la lettre d’Erchalchaï, en 1249. La direction vers laquelle il a dû le plus pousser les deux hommes, dans le cadre de tractations avec les Mongols, c’est la mission et la conversion; cette direction, la lettre d’Erchalchaï semblait la corroborer à peine le débarquement à Chypre effectué; et la spiritualité même du roi et du légat les y incitait. Car André a surtout été frappé, durant son séjour en Asie, par l’importance des communautés chrétiennes nestoriennes et leur rôle dans l’entourage des chefs mongols. Il a fait en particulier la connaissance d’un dignitaire important de cette église séparée de Rome, Siméon Rabban-ata, qui lui remet sa réponse à la bulle d’Innocent IV Cum simus super, par laquelle le pape invitait certains patriarches orientaux à participer au concile de Lyon en vue de l’union des églises 879 . Siméon transmettait ainsi au pape la profession de foi demandée et l’invitait à se réconcilier avec l’empereur Frédéric II et à protéger les fidèles des église chaldéennes situées dans les Etats latins d’Orient, dans un esprit très proche de l’égalité de traitement entre les diverses confessions chrétiennes préconisée par Erchalchaï dans sa lettre à Louis IX. Même Plancarpin et Simon de Saint-Quentin, très peu favorables aux Mongols, n’ont pu manquer de remarquer et de rapporter, pour le premier la présence de nombreux chrétiens, y compris au sein de sa chancellerie, dans l’entourage de Güyük; pour l’autre, leur rôle d’intermédiaires actifs, puisque l’un des deux messagers qui revient avec la mission d’Ascelin-Simon est un chrétien oriental du nom de Serge 880 .

En somme, un ensemble très compact de motifs était réuni pour rendre parfaitement crédible une démarche, celle d’Erchalchaï, que certains historiens ont longtemps jugée avec suspicion, soit que les messagers nestoriens auraient été de purs imposteurs; soit qu’ils auraient « trafiqué » le message de l’Il-Khan. L’authenticité de la lettre est aujourd’hui démontrée, ce qui ne signifie évidemment pas que le chef mongol de Perse ait été dénué d’arrière-pensées 881 . Tout y concourait pour exciter les illusions à la fois stratégiques et missionnaires du roi et de son alter egole légat.

Mais il faut sans doute faire remonter plus haut ces illusions, à l’arrivée à Paris d’André de Longjumeau, muni de « bonnes nouvelles » concernant les perspectives missionnaires en Orient; au contraire, les missionnaires arrivés après lui se montrent extrêmement pessimistes. Leur rapport a dû modifier l’appréciation d’Innocent IV, à l’origine de ces missions, si l’on en juge par un épisode que Salimbene est seul à narrer, et qui me paraît tout à fait crédible. Le chroniqueur raconte en effet que le pape aurait envoyé Jean de Plancarpin, après son passage par Lyon, comme légat auprès du roi pour le persuader de retarder son « passage », afin de lui prêter aide contre Frédéric II 882 . Le refus de Louis IX est net: il remet le sort de Frédéric à Dieu, citant le psaume 74 (8-9), Hunc humiliat et hunc exaltat 883 ; conclusion de Salimbene: « Donc le propos de Louis, roi de France, était irrévocable; son esprit demeurait obstinément et totalement disposé, dans l’ardeur de sa dévotion, à s’embarquer et porter secours, aussi vite qu’il le pouvait, à la terre sainte » 884 . Je ne crois pas, malgré ce qu’en ont dit d’excellents historiens, qu’on puisse réellement mettre en doute cette mission de Plancarpin et son échec 885 .

Au moment donc où le roi et le légat s’apprêtaient à prendre le chemin d’Aigues-Mortes, ils disposaient en fait de deux versions de la mission auprès des Mongols: celle de Plancarpin, extrêmement pessimiste et menaçante, dont à la limite la logique commandait de ne pas tenter l’aventure outremer 886 , et celle, beaucoup plus optimiste, d’André de Longjumeau; en choisissant de suivre l’opinion de ce dernier et en l’emmenant avec eux, les chefs de la croisade faisaient un pari sur l’avenir; qu’il se soit avéré infructueux n’enlève rien à la valeur de leur attitude et de leurs actions ultérieures, dans ce domaine. André de Longjumeau y gagne de repartir vers les steppes en 1249, chargé on l’a vu de présents du roi et d’un message du légat qui dénotent à la fois leur confiance, mais aussi leur sens des réalités politico-religieuses 887 . Eudes de Châteauroux ne peut en effet accepter sur le fond la demande du général mongol de Perse, qu’il sait entouré de Nestoriens, de traiter sur un pied d’égalité les différentes confessions chrétiennes; mais on l’a vu, face aux Grecs, capable de tolérance quand la situation l’exige; il comprend là aussi que l’heure n’est pas à la polémique, et s’il met en avant la primauté romaine, il accompagne son invite des cadeaux du roi, intéressants pour la conception qu’ils dénotent des voies de la catéchèse en direction de peuples païens, qui plus est massivement analphabètes: ce sont des objets et surtout des panneaux, « où sont figurés les actes que Jésus-Christ a accompli pour nous en son corps »; cet accent mis sur l’humanité du Christ et son histoire, comme sujet privilégié d’images visant la conversion, démontre, par comparaison avec les sermons du légat, qu’en dernière instance le contenu religieux qu’il expose n’est pas si différent selon qu’il s’adresse à des auditeurs chrétiens ou à des païens qui paraissent bien disposés à l’égard du Christianisme; c’est le support qui change; moins d’un an après la consécration de la Sainte-Chapelle, on ne peut s’empêcher de penser que la tente d’écarlate envoyée par Louis IX en fait fonction de substitut.

La crédibilité de l’ambassade d’Erchalchaï est encore renforcée par une précédente lettre dont les croisés ont eu connaissance à Chypre, et dont j’ai déjà fait mention; ce n’est sans doute pas un hasard si le légat, dans son compte-rendu au pape, l’intercale entre celle d’Erchalchaï et la discussion avec ses messagers. Il s’agit de la missive que le connétable d’Arménie Sempad a adressée à sa soeur et à son beau-frère Jean d’Ibelin, ainsi qu’à la reine et au roi de Chypre; c’est ce dernier et le comte de Jaffa qui l’ont fait connaître au roi et au légat 888 . Sempad y décrit certes les dévastations commises par les Mongols dont il a été le témoin, alors qu’il se rendait à la cour du Khan pour lui faire hommage; mais des monceaux d’ossements qu’il dit avoir vus, il déduit que si Dieu n’avait pas fait surgir les Mongols, ce sont autant de païens vivants qui auraient menacé les Chrétiens, suffisamment nombreux pour subjuguer les terres d’Orient 889 . Après une brève description physique du peuple mongol, peu amène mais conforme à ce qui circulait déjà, Sempad en vient longuement à ce qui, à ses yeux, constitue le plus remarquable: leur empire est à proprement parler immense, ce qu’attestent la durée de son voyage comme le temps nécessaire, cinq ans, pour rassembler les chefs mongols afin de procéder à l’élection d’un nouveau Khan; d’autre part et surtout, la plupart d’entre eux, sous l’influence des populations qu’ils ont conquises, notamment celle du pays de Chata 890 , se sont convertis au Christianisme; c’est d’un de ces territoires que sont venus les trois rois mages à Bethleem; bref on voit partout des églises, des images du Christ et des rois mages, et quiconque prétend s’approcher du Khan doit d’abord entrer dans une église et saluer le Christ. Cette attirance des Khans pour le Christianisme est ancienne et a valu aux Sarrasins, qui autrefois opprimaient les Chrétiens dans ces régions, de subir à leur tour en pire, par un juste retour des choses, ce qu’ils leur infligeaient. L’insuffisance et l’indignité des prédicateurs locaux n’a pas empêché la foi de se répandre, car le Christ lui-même s’en est chargé. En Inde même jadis évangélisée par l’apôtre Thomas, vit un roi chrétien autrefois encerclé par trois souverains sarrasins: entré dans la vassalité des Mongols, il l’a emporté sur ses ennemis, au point que l’Orient regorge à présent d’esclaves indiens vaincus. Sempad accrédite encore davantage la portée de son témoignage en signalant pour conclure que le messager envoyé par le pape au Khan a bien fait parvenir son message et reçu une réponse, plutôt évasive il est vrai, mais où Güyük invite le saint Père à venir le voir en personne. En somme, la politique extérieure proposée implicitement par Sempad, concernant les Etats chrétiens d’Orient, c’était de dépendre plutôt d’un souverain mongol ennemi acharné des Musulmans et ouvert au Christianisme, que de risquer de nouveaux massacres; la mission ferait son oeuvre 891 .

Les historiens ont bien éclairé la propagande habile dont il fait ici usage 892 , pour démontrer le bien-fondé de l’attitude politique de son royaume, qui avait choisi très tôt la soumission aux Mongols et l’entrée dans leur vassalité. Il n’en reste pas moins que son récit, teinté de références à l’histoire néo-testamentaire et à la prédication, non exempt de merveilleux et de légende, transmis à ses parents à Chypre et présenté au croisés par des autorités politiques fiables, ne pouvait manquer de les impressionner.

Quelle qu’ait été la déception postérieure du roi et du légat, il me paraît clair que, du point de vue de ce dernier, l’attitude de Louis IX face aux Mongols, certes habilement couplée à des considérations stratégiques, a dû paraître en 1248-1249 plus séduisante que celle d’Innocent IV, car davantage tournée vers le souci de l’évangélisation des peuples d’Orient 893 ; paradoxalement, c’est le pape qui a tenté de retarder le départ de la croisade pour des considérations plus étroitement politiques, et très tôt renoncé à poursuivre la politique missionnaire audacieuse qu’il avait initiée. Par un étrange retournement, du pape et du roi, le plus soucieux de répandre l’Evangile n’était pas celui que sa fonction destinait à cela, dans le cadre du partage des tâches que la coopération du Regnumet du Sacerdotiumexigeait; ce ne fut pas la moins importante des expériences d’Eudes de Châteauroux, que de constater que, parfois, hommes et fonctions ne sont pas en parfaite adéquation. Ses jugements postérieurs devaient, on le verra, s’en ressentir.

Notes
836.

Sur l’évolution décelable dans les attitudes de l’Eglise concernant la mission au XIIIe siècle, cf. J. Richard, La papauté... op. cit., p. 34 s., qui évoque les figures de Jacques de Vitry, Olivier de Paderborn et François d’Assise. Concernant l’épisode célèbre de la prédication du Poverello face au Sultan d’Egypte al-Kâmil, voir aussi C. Maier, The Preaching... op. cit., p. 9-17: contre certaines vues trop iréniques, l’auteur conclut à juste titre, après un examen détaillé des différentes sources relatant l’épisode, qu’en dernière instance le saint ne concevait pas d’autre issue que la soumission totale et la poursuite de la croisade en vue de la libération des lieux saints. La même hésitation se lit dans l’évolution des attitudes dominicaines au cours du siècle, cf. F. Cardini, I Domenicani nel XIII secolo fra crociata et missione, dans Studi sulla storia e sull’idea della crociata, Rome, 1993, p. 307-315.

837.

Cf. L. d’Achéry, Spicilegium... op. cit., t. VII, p. 223. Le tableau apparaît d’autant plus idyllique que juste après, le légat participe à une procession avec les Grecs, voir supra note 52. On notera aussi qu’il s’agit ici de catéchèse liée au baptême, non de prédication au sens où Eudes de Châteauroux et les clercs formés au sermo modernus la pratiquaient; les deux mots n’ont pas le même sens, comme le montrent d’autres exemples de ces conversions d’esclaves musulmans cités par J. Richard, La papauté... op. cit., p. 41 et note 92, p 42 note 97, etc.; dans ce sens, la catéchèse aux Musulmans est parfois désignée comme une « simple prédication », et doit correspondre, outre à l’enseignement du Credo et des principales prières, à des conseils de nature essentiellement morale appuyés sur l’Ecriture, ce que déjà les Pères de l’Eglise nommaient Exhortatio pour la distinguer de la Prædicatiodoctrinale, voir sur ce point M. Lauwers, Prædicatio-Exhortatio, dans La parole du prédicateur (V e -XV e siècle), Nice 1997, p. 187-232, ici p. 197-198 (je précise qu’au XIIIe siècle et dans le contexte qu’étudie l’auteur, cette distinction a pour but d’opposer le type de prise de parole publique autorisée aux laïcs à celle réservée à l’ordo sacerdotaliset formellement interdite aux premiers).

838.

Cf. L. d’Achéry, Spicilegium... op. cit., t. VII, p. 215-222, lettre apportée par les ambassadeurs de l’Il-Khan de Perse Erchalchaï, incluse dans la longue missive envoyée par le légat au pape le 31 mars 1249, cf. supra note 21; voir la pièce justificative n° 1, où je ne donne que les passages incluant la lettre de l’Il-Khan, et ceux contenant la lettre du connétable d’Arménie Sempad sur les Mongols (commentée plus loin), elle-même intercalée entre l’annonce au pape de l’arrivée des messagers d’Erchalchaï, et la narration du dialogue entre le roi de France et les dits messagers. Cette lettre de l’Il-Khan a été souvent évoquée par les historiens des missions chez les Mongols, mais très superficiellement étudiée; les seuls à l’avoir lue attentivement sontt à ma connaissance P. Pelliot, Les Mongols et la Papauté III, dans Revue de l’Orient chrétien, t. XXVIII (1931-1932), p. 3-84; et G. A. Bezzola, Die Mongolen... op. cit., p. 150-157.

839.

C’est la date qui correspond à l’indication donnée par Eudes de Châteauroux dans sa lettre: le lundi après la sainte Lucie.

840.

J’emprunte arbitrairement cet orthographe du nom de l’Il-Khan à la lettre du légat, où d’ailleurs il change selon les passages; on le retrouve sous des formes voisines, notamment Älgigidäi (par exemple J. Richard, La papauté... op. cit. ), ou Eldjigidei (D. Sinor, Les relations entre les Mongols et l’Europe jusqu’à la mort d’Arghoun et de Béla IV, dans Cahiers d’histoire mondiale, t. III/1 [1956], p. 39-62.) chez les différents historiens. Mise à part cette lettre, la source principale sur ces événements est Joinville, Vie... éd. cit. J. Monfrin, § 133-135, 471-480, 490-492. Sur la politique d’Innocent IV vis-à-vis des Tartares, qui recoupe en partie celle de Louis IX, voir W. de Vries, Innocenz IV (1243-1254) und der christliche Osten, dans Otskirchliche Studien, t. XII (1963), p. 113-131; J. Richard, La papauté... op. cit., p. 65 s. Concernant les diverses relations des voyages de missionnaires chez les tartares, certaines sont évoquées ci-dessous; l’essentiel se trouve soit chez G. Golubovitch, Bibliotheca bio-bibliografica della Terra Santa e dell’Oriente francescano, Quaracchi, 1906-1927 (5 volumes), soit chez A. Van den Wyngaert, Sinica franciscana, I, Itinera et relationes fratrum minorum saec. XIII et XIV, Quaracchi, 1929; l’ensemble est mis à contribution dans la seconde partie de J. Richard, La papauté... op. cit. : La conquête mongole et les missions jusqu’à la création d’un épiscopat missionnaire (p. 65-120); je citerai chemin faisant les traductions annotées des ouvrages intéressant mon propos.

841.

P. Pelliot, Les Mongols... III, art. cit., restitue leurs noms en ceux de Sabeddin Morrifat David et de Marcus.

842.

Pièce justificative n° 1, lignes 8-19.

843.

Pièce justificative n° 1, lignes 19-31.

844.

Cf. J. Richard, Saint Louis... op. cit., p. 213.

845.

Cf. D. Sinor, Les relations... art. cit., p. 39-62.

846.

Sur l’action d’Innocent IV en direction des Mongols dans le cadre de la préparation du concile de Lyon, cf. D. Sinor, Ibidem, p. 46-47; J. Richard, La papauté... op. cit., p. 70 s.; surtout, pour une étude détaillée de l’action de Jean de Plancarpin parti de Lyon sur ordre du pape le 16 avril 1245 et revenu fin 1247 avec la réponse, très peu encourageante, du grand Khan Güyük, voir P. Pelliot, Les Mongols et la Papauté I, dans Revue de l’Orient chrétien, t. XXIII (1922-1923), p. 3-30. D. Sinor, Les relations... art. cit., qui souligne que « la première initiative réaliste pour un encerclement des forces musulmanes n’a donc pas été prise par les Francs... mais par les Mongols » (p. 48), confond cependant un peu vite deux moments différents de cette ambassade: à s’en tenir à la lettre elle-même, on n’y découvre aucune offre d’alliance au sens exact, sauf à interpréter ainsi le souhait d’une rencontre en chair et en os et le désir d’union mutuelle, qui me paraît s’appliquer en fait à la sphère religieuse des préoccupations exprimées par le chef mongol; c’est seulement l’entretien qui suit, entre le roi entouré de son conseil et les messagers, qui dégage cette idée; or les messagers de l’Il-Khan sont des chrétiens nestoriens, et ont tout intérêt à accentuer la caractère séduisant de la démarche de leur maître, voir ci-dessous le commentaire de la lettre de Sempad, connétable d’Arménie. Pour l’appréciation de fond de la teneur et des motivations de cette lettre, je me range plutôt à l’avis de J. Richard, La papauté... op. cit., p. 74; Idem, Ultimatums mongols et lettres apocryphes, dans Central Asiatic Journal, t. XVII (1973), p. 217-218. Ce qui est certain, c’est que Louis IX et son conseil ont fait preuve de crédulité à l’égard des messagers.

847.

Voir la pièce justificative n° 1, lignes 34-95.

848.

C’est à dire Batu ou Baiju, commandant de l’armée mongole stationnée dans le Caucase, qui joua les intermédiaires entre la cour du Khan et les deux équipes d’ambassadeurs envoyées par Innocent IV aux Mongols en 1245, celle du Franciscain Plancarpin, déjà évoquée, et celle des Dominicains André de Logjumeau et Ascelin de Crémone, cf. Richard, La papauté... op. cit., p. 70-73; P. Pelliot, Les Mongols... I(Plancarpin) et II (André et Ascelin), art. cités.

849.

Pièce justificative n° 1,lignes 96-144. On sent un réel étonnement chez le roi, qu’expliquent à mon avis les rumeurs qui étaient jusqu’ici parvenues en Occident sur les Mongols et leurs invasions, et que reflètent les sermons d’Eudes de Châteauroux de 1241-1243 étudiés au chapitre I; on se rappelle aussi la vision apocalyptique qu’en propose Louis IX dans un dialogue avec sa mère, rapporté par Matthieu Paris.

850.

Par ce nom, il faut comprendre Le Caire, voir la note 144 p. 412 de Joinville, Vie... éd. cit. J. Monfrin.

851.

Pièce justificative n° 1, lignes 106-144.

852.

Ces bruits d’un assaut imminent des Mongols contre Bagdad sont suffisamment bien accrédités pour avoir été rappelés par Joinville, même après que le caractère largement fallacieux du message d’Erchalchaï (ou des réponses de ses envoyés) est avéré: il mentionne plus loin (éd. cit.J. Monfrin, § 584-585 et note correspondante, p. 431) la prise de la ville dès 1253, alors que Louis IX est encore en terre sainte à fortifier Saida. Par ailleurs, la naïveté des croisésface à cette ambassade est visible chez l’auteur, qui traduit ainsi l’offre de l’Il-Khan: « Les messagers des Tartares lui firent entendre qu’ils l’aideraient à conquérir le royaume de Jerusalem sur les Sarrasins » (Ibidem, § 471).

853.

Cf. H. E. Mayer, The Crusades... op. cit., p. 256 s.

854.

Sur cet empire, alors le plus oriental de l’Islam, dont les défaites successives face aux Mongols au début du XIIIe siècle ouvrent véritablement à ces derniers la porte du Proche-Orient, cf. f. H. E. Mayer, Ibidem, p. 256-257 et carte p. 323.

855.

Sur cette défaite, qui sonne le glas des Etats latins de terre sainte et enclanche leur longue agonie, Ibidem, p. 134-136.

856.

Les événements postérieurs devaient prendre un tour très différent puisqu’Hulegu, le successeur d’Erchalchaï, prend Bagdad et met définitivement fin au Califat en 1258; il menace dès lors la Syrie franque comme l’Egypte musulmane, Ibidem, p. 270.

857.

Pièce justificative n° 1, lignes 115-144.

858.

Temüdjin, futur fondateur de l’empire mongol sous le nom Gengis Khan, est devenu maître de son peuple en 1206; cela pourrait expliquer (1206-1248) le délai de quarante ans qui selon les messagers se serait écoulé depuis l’ébranlement vers l’ouest du peuple des steppes; voir J.-P. Roux, Histoire de l’empire mongol, Paris, 1993.

859.

Il faut sans doute comprendre quarante journées de voyage vers l’est, si le nom ici donné à la résidence du Khan, Trahetar, correspond à celui de sa capitale et transcrit « Karakorum ».

860.

La figure de ce roi légendaire est à rapprocher des données très détaillées fournies par Joinville, qui rapporte (éd. cit. J. Monfrin, § 471-489) quelques années plus tard, à leur retour, le récit des ambassadeurs que Louis IX a envoyé chez les Tartares suite à la lecture du message d’Erchalchaï; on y lit que ces derniers étaient initialement vassaux du Prêtre Jean et se sont révoltés victorieusement contre lui. Sur la fonction principale de ce souverain chrétien imaginaire d’Orient, ayant consisté à alimenter les espoirs occidentaux d’un secours à la terre sainte qui prendrait à revers l’Islam, cf. J. Richard, L’Extrême-Orient légendaire au Moyen Age. Roi David et Prêtre Jean, dans Annales d’Ethiopie, t. II (1957), p. 225-244 (repris dans Idem, Orient et Occident au Moyen Age. Contacts et relations (XII e -XV e s.), Londres, 1976, art. n° XXVI); J. Delumeau, Une histoire du Paradis, I: Le jardin des délices, Paris, 1992, p. 99-127. En fait, la légende reflète probablement la victoire de Gengis Khan sur le roi des Keraït, Toghroul, assimilé par certains des missionnaires chrétiens (Simon de Saint-Quentin et André de Logjumeau) au Prêtre Jean; André de Longjumeau est très probablement la source directe de Joinville en terre sainte, à quoi s’ajoute beaucoup plus tard, lorsque Joinville rédige sa biographie, le compte-rendu par Simon de la mission d’Ascelin de Crémone (dans son Histoire des Tartares, éd. J. Richard, Paris, 1965). C’est au tout début du siècle que le fondateur de l’empire mongol prend le dessus sur le peuple parent des Keraït, dont la famille royale était alliée à la sienne de différentes manières (voir, sur ces alliances familiales Toghroul-Gengis Khan, P. Pelliot, Notes on Marco Polo, Paris, 1959-1973, t. III, p. 303).

861.

La description correspond assez bien à ce que l’on sait de l’organisation de l’empire après Gengis Khan, cf. J.-P. Roux, Histoire... op. cit., passim ; J. J. Saunders, The History... op. cit., en particulier le chapitre 5: The Mongol Drive into Europe, p. 73-89, ici p. 73-75 (tradition politique de partage familial des territoires conquis, effectué entre les quatre fils de Gengis Khan).

862.

Ce Kiokai ne peut être que Güyük déjà évoqué, troisème chronologiquement (1246-1248) des grands Khans mongols, cf. le tableau généalogique des Gengiskhanides dans C. et R. Kappler (trad. et commentaire), Guillaume de Rubrouck, envoyé de saint Louis; Voyage dans l’empire mongol, Paris, 1985, p. 258; sur les circonstances de son accession à la dignité suprême, voir plus loin; les messagers ont quitté la Mésopotamie alors qu’ils ignoraient visiblement la nouvelle de son décès, survenu entretemps.

863.

Sur le christianisme discuté de la mère du Khan et sur celui d’Erchalchaï, voir P. Pelliot, Les Mongols... III, art. cit., p. 29; le chroniqueur syrien Bar Hebraeus (voir The Chronography of Abu’l Faradj... Bar Habraeus, éd.-trad. E. A. Wallis Budge, Oxford, 1932) affirme même que Güyük lui-même est chrétien.

864.

Il s’agit d’André de Longjumeau pour le premier nommé des frères. Les deux autres sont Jean de Carcassonne et un certain Guillaume, inconnu; il eût été séduisant, mais il n’est pas possible, de l’identifier avec Guillaume de Rubrouck, qui est Franciscain, alors que la mission est dominicaine; de toute façon Rubrouck ne part, envoyé par Louis IX encore, qu’en 1253, et n’a aucunement le statut officiel d’ambassadeur, pour des raisons fort bien exposées par C. et R. Kappler, Guillaume... trad. cit., dans leur Introductio major ad lectionem plenam, p. 24-68.

865.

Pièce justificative N° 1, lignes 145-158.

866.

Parlant de légendes, je me place d’un point de vue moderne; rien n’indique que les messagers nestoriens n’aient pas cru à ces traditions; on a vu plus haut que Joinville, même après la désillusion, les rapporte en toute crédulité, sur la foi du récit des envoyés de Louis IX, précisément ceux qui quittent Chypre début 1249.

867.

J. Richard, La papauté... op. cit., p. 70; la source est Matthieu Paris, Chronica... éd. cit., t. IV, p. 434-435, dans son évocation du sermon du pape sur les cinq plaies qui infectent la Chrétienté: « Unum, de inhumanis et feraliter Christianitatem vastantibus Tartaris » (p. 434).

868.

Voir supra, au chapitre I, les sermons de 1241-43. Avant Innocent IV, deux canaux principaux ont poussé les Occidentaux, plus particulièrement les papes, à s’intéresser aux Mongols. Ce sont d’une part les compte-rendus des missions hongroises chez les Comans, échelonnées entre 1235 et 1238, qui ont beaucoup joué pour accréditer l’épouvantail mongol (ce disant, je ne cherche à minimiser ni l’impact matériel ni l’impact imaginaire des premières invasions mongoles; la lettre étudiée ci-dessous du connétable d’Arménie Sempad suffirait à en attester la réalité; voir sur ces missions J. Richard, La papauté... op. cit., p. 20 s.): dès 1236 les Comans (c’est à dire les Turcs Qiptchaq qui connaissent un début de christianisation dès le XIIe siècle au contact des Russes, Ibidem, p. 22-23) ont été attaqués par les Mongols, et dans les années suivantes des milliers d’entre eux, baptisés par des Frères prêcheurs, cherchent refuge en Hongrie ou dans l’empire latin de Constantinople. D’autre part, la recherche de l’union des églises chrétiennes orientales dont on a vu le vif développement se heurte rapidement aux premières mesures de soumission obtenues par les Khans mongols et leurs chefs militaires en Orient, bouleversant le terrain traditionnel sur lequel les missionnaires catholiques avaient travaillé fin XIIe-début XIIIe siècle (cf. Ibidem, p. 47-69, et p. 69 sur les premières soumissions).

869.

Voir supra chapitre I, à propos des attaques mongoles de 1241 en Europe centrale.

870.

Cf. J. J. Saunders, The History... op. cit., p. 87-89

871.

Ibidem, p. 93-94: la veuve d’Ögödai, Törägänä, assure la régence de 1241 à 1246 et prépare l’avénement de son fils Güyük (le Kiokai de la lettre d’Eudes de Châteauroux), entre autres contre Batu, petit-fils de Gengis Khan par la branche aînée, futur fondateur de la Horde d’Or (sur le rôle de Batu et l’origine de ce Khanat mongol qui s’étendait principalement, depuis les rives nord de la Mer Noire jusqu’aux monts Altaï, sur les steppes de l’actuel Kazakhstan, voir Ibidem, chapitre 9: Kipchak and Chagatai, p. 155-174 et la carte des Khanats p. 90; plus en détail B. Spuler, Die goldene Horde. Die Mongolen in Russland, 1223-1502, Wiesbaden, 19652).

872.

Voir J. Richard, La papauté... op. cit., p. 70-71; P. Pelliot, Les Mongols... I et II, art. cit., étudie avec toute l’érudition souhaitable ces missions, dont certains points de détail demeurent controversés, mais dont le sens général est clair, cf. Idem, Les Mongols... II art. cit., p. 260: « Innocent IV inaugurait ainsi, vis-à-vis des Mongols, une politique hardie et toute nouvelle ». Voir l’itinéraire de Plancarpin dans C. et R. Kappler, Guillaume... trad. cit., p. 78-79.

873.

J. Richard, La papauté... op. cit.

874.

Sur la date du retour, D. Sinor, Les relations... art. cit., p. 47; les notes recueillies par Matthieu Paris sont dans sa Chronica... éd. cit., t. VI p. 112-116; reprises et commentées par P. Pelliot, Les Mongols... II art. cit., p. 251-262.

875.

L’Historia Mongolorumde Jean de Plancarpin se trouve dans A. Van den Wyngaert, Sinica... éd. cit., t. I p. 3-130; traduction et commentaire par J. Becquet-L. Hambis, Histoire des Mongols, Paris, 1965. Simon de Saint-Quentin a relaté le voyage d’Ascelin dans son Historia Tartarorum(Histoire... éd. cit., J. Richard).

876.

G. A. Bezzola, Die Mongolen... op. cit., p. 149.

877.

Plancarpin est le seul à s’être rendu jusqu’à la cour du Khan à Karakorum, où il a pu assister ainsi au Kuriltai qui choisit Güyük, le 24 août 1246, cf. P. Pelliot, Les Mongols... I art. cit., p. 10; c’est celui qui s’acquitte le mieux de l’aspect « documentaire » de sa mission, mais toute son information accrédite l’idée que les diaboliques Mongols préparent une nouvelle offensive contre les Occidentaux; il rapporte fin 1247 (ou début 1248, voir plus loin) la réponse du nouveau Khan au pape, sommé de se soumettre; Salimbene qui le rencontre à Lyon en fournit la meilleure version (Salimbene... éd. cit., p. 313-314) d’après P. Pelliot, Ibidem, p. 13 (toute cette étude de l’auteur est consacrée à la lettre de Güyük). Quant à Ascelin-Simon, leur voyage a failli mal tourner, lorsqu’ils ont refusé de s’agenouiller devant Batu, comme l’exigeait la coutume mongole; ils ramènent finalement une lettre et deux messagers de ce dernier: la lettre enjoint au pape de venir en personne présenter sa soumission au Grand Khan, les messagers doivent rapporter sa réponse, cf. J. Richard, Histoire... éd. cit., p. 98-104.

878.

Cf. G. A. Bezzola, Die Mongolen... op. cit., p. 149.

879.

Sur la bulle, cf. J. Richard, La papauté... op. cit., p. 59 et p. 74; sur le personnage et sa réponse, Ibidem ; et P. Pelliot, Les Mongols... II art. cit., p. 225-262.

880.

J. Richard, La papauté... op. cit., p. 73.

881.

C’est P. Pelliot, Les Mongols... III art. cit., qui grâce à son érudition impressionnante a définitivement authentifié ce document. Les arrière-pensées sont probablement celles qu’allègue J. Richard, La papauté... op. cit., p. 74: « éviter une éventuelle offensive des Francs contre les pays soumis aux Mongols »; cela d’autant que l’accession au pouvoir de Güyük a déclenché la promotion d’Erchalchaï comme commandant en chef des armées mongoles de Perse, à la place de Batu descendant d’une branche rivale de la famille, cf. J. J. Saunders, The History... op. cit., p. 98. Il se peut qu’Erchalchaï ait été au courant de la mort de Güyük survenue en avril 1248, mais qu’il ait ordonné à ses messagers de la taire, puisque ces derniers dans leurs explications au roi vantent la puissance de leur maître et déprécient Batu, entouré de mauvais conseillers musulmans mais désormais mis à l’écart, cf. supra le texte de la note 70. De fait, une nouvelle régence, celle de la veuve de Güyük, Oghul-Gaimish, précède le choix disputé de Mongka, ainé du quatrième fils de Gengis Khan, en juillet 1251: c’est l’occasion d’un « nettoyage » où Erchalchaï est exécuté avec ses fils, Ibidem, p. 100.

882.

Salimbene...éd. cit., p. 318-319; à la page 319, Innocent IV invite Louis IX à mots couverts à transformer sa croisade en entreprise de même nature, mais italienne contre Frédéric II l’ennemi de l’Eglise. Il me paraît significatif que le roi n’ait pas un instant été sensible à ce type d’arguments; il aurait dans le cas contraire inauguré ce que les spécialistes ont coutume de nommer, pour le XIIIe siècle, « croisades politiques », voire « déviations » de la croisade, vocabulaire que conteste toutefois N. Housley, The Italian Crusades... op. cit., Introduction, p. 3-4 (les déviations font allusion à l’article de P. Toubert, Les déviations de la croisade au milieu du XIII e siècle: Alexandre IV contre Manfred, dans Le Moyen Age, t. LXIX [1963], p. 392-399; repris dans Idem, Etudes sur l’Italie médiévale [IX e -XIV e siècle] , Londres, 1976 [Variorum Reprints], article XI).

883.

Il va de soi que, comme toujours chez Salimbene et les chroniqueurs, on ne possède aucune garantie que les paroles prêtées aux personnages soient authentiques; ce qui paraît plausible, c’est l’état d’esprit du roi, qui prend d’ailleurs au mot le pape: ce dernier lui a demandé de retarder son départ « jusqu’à ce qu’il sâche ce que Dieu ferait finalement de Frédéric » (Salimbene... loc. cit.); une citation des Psaumes dans la bouche d’un roi tel Louis IX, dont on a conservé la Psautier, n’est pas impensable, d’autant qu’elle pouvait servir de thème biblique à un sermon (Eudes de Châteauroux s’en sert de cette façon dans le ms. de Pise, Bibl. cateriniana 21, comme thème du RLSn° 1077, un sermon pour la mort de Blanche, fille de Charles d’Anjou, cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 66).

884.

Salimbene... éd. cit., p. 319-320.

885.

Je songe surtout à E. Berger, Saint Louis... op. cit., p. 320-321, qui relate l’épisode et mentionne la source, mais hésite à le juger authentique; je pense qu’il est trop influencé par son parti-pris historiographique de bonne entente entre le roi et le pape. D’ailleurs, un examen de la chronologie de l’emploi du temps de Plancarpin après son retour en Occident accrédite la version de Salimbene: ce dernier dit que le missionnaire est demeuré environ trois mois à Lyon après son retour (Salimbene... éd. cit., p. 317), jusqu’à la victoire des Parmesans contre l’empereur, qui se produit le 18 février 1248, mais dont la nouvelle a dû parvenir un peu plus tard à Lyon; le chroniqueur, quittant lui-même la cour pontificale où il était présent depuis le premier novembre 1247, l’a croisé une première fois en se rendant en France à l’extrême fin de 1247 (Ibidem, p. 311: « post festum omnium sanctorum », c’est à dire le lendemain du 28 décembre; parlant de son entrée en France, Salimbene veut dire qu’il quitte Lyon, ville impériale, pour entrer dans le royaume de Louis IX, cf. O. Guyotjeannin, Salimbene de Adam, un chroniqueur franciscain, Turnhout, 1995, p. 17 s.); Plancarpin arrivait de chez les Tartares et les deux hommes discutent, dans le premier couvent franciscain qui se trouve après Lyon, de cette légation; Plancarpin lui montre les présents qu’il a ramenés de chez le Khan (Ibidem, p. 312); le jour suivant, le 29 décembre à s’en tenir à la chronologie du chroniqueur, ils se séparent, Salimbene cheminant vers la France, Plancarpin se rendant à la curie (Ibidem, p. 320). Les données de Salimbene sont assez cohérentes: si Plancarpin n’est arrivé à Lyon qu’à l’extrême fin de décembre 1247 (les historiens donnent en général, comme date de son arrivée à la curie, la fin de 1247, sans plus de précisions), un séjour de trois mois à la Curie le ferait partir pour Paris à la fin mars; quant à Salimbene lui-même, il se trouve à Paris pour la fête de la Purification, c’est à dire le 2 février 1248 (Ibidem, p. 320), puis huit jours plus tard à Sens, où il tombe malade; arrive alors au couvent de Sens, pour une seconde entrevue, Plancarpin de retour de sa mission infructueuse auprès du roi (Ibidem, p. 321); le chroniqueur ne fournissant aucune date pour son premier séjour à Sens (on a vu plus haut qu’il s’y trouve une seconde fois pour accueillir Louis IX, lors du chapitre général franciscain, à la mi-juin 1248, après un crochet par Auxerre), on doit supposer, si sa mémoire est fiable, que le premier séjour à Sens a duré environ jusqu’à la la mi-avril, et qu’à cette date Jean de Plancarpin avait déjà eu le temps de rencontrer le roi et d’essuyer un cinglant échec, du moins du point de vue de la mission que lui avait confiée le pape. Tout dans le récit de Salimbene, notamment sa familiarité avec le missionnaire, les nombreux détails qu’il fournit sur sa profonde piété, le fait aussi qu’il mentionne la relation déjà écrite de sa légation auprès des Tartares lors de leur seconde rencontre, me paraît accréditer la véracité de cet épisode; son issue s’accorde par ailleurs très bien avec ce que l’on sait des dispositions mentales du roi comme de ses vues politiques.

886.

Plancarpin a en effet apporté au roi la relation rédigée (sans doute durant le séjour à la curie) de sa mission auprès des Mongols, comme l’atteste Salimbene à qui il en lit des passages au printemps 1248, voir note précédente; on peut même se demander, sans preuves, si Innocent IV n’a pas cherché à jouer sur les deux tableaux, celui des menaces impériales et de l’apocalypse mongole.

887.

Cf. G. A. Bezzola, Die Mongolen... op. cit., p. 156-157. Comme le relève J. Richard, La papauté... op. cit., p. 76-77, les résultats du second voyage d’André sont mal connus; le seul à en parler un peu longuement est Joinville, Vie... éd. cit., § 490-491: sa conclusion insiste sur la déception du roi: « Et sachez que le roi se repentit fort de leur avoir envoyé des messagers »; quelques lignes plus haut il montre que le nouveau Grand Khan, Mongka, a utilisé la tente-chapelle offerte par le roi comme symbole de la soumission de ce dernier à son empire, pressant les rois qu’il avait invités à comparaître devant lui à imiter le souverain français. Ce second périple n’aura pourtant pas été inutile dans une perspective missionnaire: André a pu prendre une connaissance plus approfondie du christianisme en milieu mongol, rencontrer en chemin, à Talas au pied des monts Tien-Chan, des Allemands déportés lors de l’attaque contre l’Europe de 1241, information qui devait exciter la curiosité de Rubrouck et l’inciter deux années plus tard à tenter de les retrouver, cf. C. et R. Keppler, Guillaume... trad. cit., p. 139-140 et note 3; on en déduit donc que Louis IX ne l’aura pas jugé vain, qui dépêcha Rubrouck, dans un autre rôle, pour en savoir encore davantage. On ignore aussi si André put établir des contacts avec les prélats auprès desquels Eudes de Châteauroux l’avait accrédité. Voir en général, sur le second voyage d’André, P. Pelliot, Les Mongols... III art. cit., p. 37-84, qui a tiré le maximum des maigres renseignements fournis par les sources.

888.

Comme il ressort de la lettre du légat (voir pièce justificative n° 1, lignes 32-33; pour le texte complet, lignes 34-95), elle est rédigée le 7 février 1248 à Samarcande, alors que Sempad se trouvait à la cour du Grand Khan; il y était venu au nom de son frère Hethum Ier, roi d’Arménie, offrir la soumission du royaume aux Mongols (cf. G. A. Bezzola, Die Mongolen... op. cit., p. 152; sur le rôle charnière de l’Arménie à cette époque et l’action efficace d’Hethum en faveur d’une négociation de l’Occident avec les Mongols, voir D. Sinor, Les relations... art. cit., surtout p. 49).

889.

Sempad veut manifestement faire mine d’ignorer ici les souffrances des Chrétiens d’Orient qu’il connaissait pourtant, car elles sont longuement décrites par les chroniqueurs orientaux contemporains, par exemple l’Arménien Kirakos de Kantzag (traduction partielle de son œuvre, sous le titre Les Mongols d’après les historiens arméniens, par E. Dulaurier dans le Journal asiatique, 5e série, t. XI [1858], p. 192-225 et t. XII [1859], p. 426-500; extraits traduits par le même dans Recueil des historiens des croisades. Documents arméniens, t. I, Paris, 1869; voir Ibidem, sur Kirakos ou Guiragos de Ganjak, la note préliminaire à la traduction, p. 411-412 ) ou par le Syrien Bar Hebraeus, The Chronography... éd. cit. supra. Selon G. A. Bezzola, ce parti-pris de silence de Sempad, et inversement d’éloge de la tolérance mongole, s’explique par la position géographique de l’Arménie, en première ligne de l’avancée mongole vers le Proche-Orient: il s’agit tout simplement de justifier l’attitude collaboratrice (cela dit sans allusion péjorative) de la politique étrangère d’Héthum; D. Sinor la juge d’ailleurs, Les relations... art. cit., p. 49, « avec le recul de sept siècles, ... toujours comme la seule justifiable pourles Chrétiens du Levant ».

890.

Il faut comprendre par ce nom le Cathay, c’est à dire la Chine du nord, cf. G. A. Bezzola, Die Mongolen... op. cit., p. 152.

891.

Cf. G. A. Bezzola, Ibidem, p. 153.

892.

Voir supra, note 108.

893.

J. Richard, La papauté... op. cit., p. 77 et note 50, voit toutefois dans la seconde mission d’André l’origine de la bulle d’Innocent IV Athleta Christidu 20 février 1253 (Reg. Innocent IV, n° 6365); le pape et Eudes de Châteauroux se retrouvaient ainsi sur le terrain missionnaire, puisque c’est à ce dernier que la bulle était adressée, lui enjoignant de faire consacrer évêques des Dominicains et des Franciscains afin de suppléer les carences des prélats orientaux dans les sièges vacants; le même auteur, Ibidem p. 142, juge toutefois cette bulle sans grands effets.