II- Les croisés en Egypte (juin 1249-mai 1250)

a) A Damiette (juin-novembre 1249)

Après le départ de Chypre à la mi-mai environ, une tempête disperse une partie de la flotte 917 . Ce qu’il en reste paraît devant Damiette le 4 juin 918 . Le 5 juin, après un conseil tenu par le roi sur sa nef, pour savoir s’il fallait débarquer dès le lendemain ou attendre les navires perdus, Louis IX décide en accord avec ses barons de débarquer immédiatement 919 . L’ambiance qui entoure ce moment unique où l’on touche enfin la terre promise se répercute dans les chroniques; selon Joinville, « quand le roi entendit dire que l’enseigne de saint Denis 920 était à terre..., sans vouloir jamais renoncer à son geste, malgré le légat qui était avec lui, [il] sauta à la mer, et se trouva avec de l’eau jusqu’aux aisselles, et, l’écu au cou, le heaume en tête et la lance à la main, il alla jusqu’à ses gens qui étaient sur le rivage de la mer... et il aurait chargé les Sarrasins, si ses prudhommes qui étaient avec lui l’avaient laissé faire » 921 . L’atmosphère pénitentielle, visible dans le déroulement du débarquement, traduisant une certaine prudence et consonnante avec les sermons antérieurs du légat 922 , se transforme en liesse après une entrée en matière rapidement victorieuse; la liturgie devient celle de la victoire du Christ, puisque le roi, à peine la nouvelle apprise que les Musulmans, effrayés, ont abandonné Damiette, fait chercher les prélats et le légat pour qu’ils entonnent un Te Deum 923 . Les croisés interprétent la reddition quasiment sans combat de la ville comme un miracle 924 . Les chroniques montrent ensuite le légat conduisant, lors de l’entrée dans la ville, le cortège royal, ou plutôt la procession, en portant à nouveau la vraie croix, dans une humble tenue de même que les autres participants 925 ; puis purifiant la mosquée où il célèbre une messe 926 . L’acte de fondation de l’église, substituée à la mosquée, entraine l’érection d’un archevêché, que le manuscrit de Rothelin considère comme l’oeuvre conjointe du légat et du roi 927 . C’est encore Eudes de Châteauroux qui consacre la nouvelle église à Notre-Dame 928 ; de façon générale, en plein accord avec le roi, le légat commence dès son arrivée à transformer les « mahommeries » en églises 929 .

La ville occupée et « christianisée », se pose le problème des modalités de répartition du butin acquis lors de la prise de la ville: cas typique où se heurtent culture féodale traditionnelle et droit du roi, dans une circonstance exceptionnelle aux plans politique comme religieux, à innover 930 . Suivant l’avis du partiarche de Jérusalem Robert, le roi a décidé de garder tout ce qui peut contribuer au ravitaiilement de la ville, c’est à dire la nourriture, et de faire rassembler les biens meubles à l’hôtel du légat. La faible somme (60. 000 livres) à laquelle est estimé le total de ces meubles provoque les récriminations de certains chevaliers, reprochant au roi de ne pas suivre les coutumes de l’Orient latin, qui veulent que la répartition s’effectue sur la totalité du butin, à raison d’un tiers pour le roi, et du reste pour les croisés. Louis IX maintient sa position 931 . L’anecdote est intéressante, car elle montre le roi et le légat désireux de s’en tenir à une conduite que dicte le bons sens, des attaques étant à prévoir 932 , mais aussi sans doute l’idée qu’une expédition voulue par Dieu doit obéir à ce qui est juste, et non à ce qui est habituel; mutatis mutandis, on songe au mot célèbre de Grégoire VII, selon qui le Seigneur aurait dit: Mon nom est vérité, et non: Mon nom est coutume.

Damiette n’est qu’une tête de pont, et l’objectif est de mettre à la merci les Egyptiens en marchant sur Le Caire ou Alexandrie; le roi attend dans ce but le renfort de son frère Alphonse de Poitiers qui tarde. Début octobre 1249, sur le conseil de Joinville qui a vu un autre prélat pratiquer ainsi avec succès alors que le navire où le sénéchal se trouvait était égaré en mer, Eudes de Châteauroux fait « crier » trois processions trois samedis de suite, pour hâter la venue du comte et protéger son voyage 933 . Le chroniqueur précise que les deux premiers samedis, le légat donne un sermon devant le roi et les barons, à qui il accorde une indulgence plénière 934 .

Il serait tentant de faire correspondre le SERMO n° 12 avec l’un de ces deux discours. La rubrique, « in festo sanctorum reliquiarum », et donc les dates qu’elle suggère, ne concordent cependant ni avec le 9 octobre ni avec le 16; tout indique que la date la plus probable pour ce sermon est le 30 septembre 1249. Qu’il s’agisse d’un sermon de croisade, ce sont les termes mêmes de l’orateur qui le suggèrent, car il apostrophe ainsi les croisés: « Ainsi le Seigneur a-t-il ces temps-ci enivré le roi de France, ses frères, ses soldats et le peuple de ce même royaume afin de faire d’eux sa volonté; si en effet ils n’avaient pas été enivrés, ils n’auraient pas pris la croix » 935 . Une autre allusion prouve que le sermon est prononcé très probablement en Egypte, devant Damiette à peine reconquise: l’une évoque le débarquement des croisés et s’exclame: « Quelle plus grande audace peut exister, que d’attaquer le paganisme là où sa puissance était la plus grande ? » 936 ; on a vu le roi et ses barons ont hésité sur le lieu de ce débarquement, et les historiens s’accordent à penser que le choix stratégique de vaincre le sultanat ayyubide d’Egypte, effectivement le plus puissant à cette époque des royaumes musulmans, a été effectué en jugeant que c’était la clef de la délivrance postérieure de Jérusalem et de la sécurité des Etats latins du Proche-Orient; on note en outre l’usage du passé (« là où sa puissance était la plus grande »), signe que le débarquement devant Damiette a déjà eu lieu. Quant à la date du 30 septembre, elle se déduit de la rubrique, car seule la fête de cette date, parmi les nombreuses solennités liturgiques dont la venue des reliques du Christ en France avait donné l’occasion, porte exactement ce nom 937 . Enfin, L’armée chrétienne, durant son séjour à Damiette, doute dans la mesure où les renforts que doit conduire Alphonse de Poitiers, frère du roi, n’arrivent pas; le ton du sermon, qui cherche visiblement à réconforter les croisés, correspondrait bien à un tel climat, fin septembre 1249 938 . Pour expliquer la discordance entre ces déductions et les dates procurées par Joinville, on peut songer à une erreur de mémoire du chroniqueur qui écrit longtemps après les faits, ou encore à un respect dans l’esprit, mais non à la lettre, du temps de la liturgie par lui.

Quoi qu’il en soit, Joinville se rappelle que durant cette période, à la veille du départ pour les terres inconnues du sud égyptien, le légat a prêché, et il n’est pas indifférent que le sermon qui paraît se rapprocher le plus de ces dates soit consacré aux plus saintes reliques que possède le royaume capétien, celles du Seigneur, dont une partie au moins a été transportée avec l’expédition si l’on se fie aux chroniqueurs 939 .

Le début du sermon est très différent de celui prononcé pour la dédicace de la chapelle haute en 1248: ce dernier était introduit, de la façon la plus classique, par les deux modes, c’est à dire les deux sens de l’Ecriture, selon lesquels le thème biblique du sermon était à entendre 940 ; ici, Eudes de Châteauroux part bien du thème biblique qu’il a choisi, tiré d’Osée, mais pour interpeller ses auditeurs: « Vous savez, très chers, qu’aujourd’hui, nous célébrons la fête des saintes reliques que le Seigneur nous a léguées comme une sorte de mémorial de ce qu’il réalisé et accompli pour nous... » 941 ; tout le premier paragraphe du texte insiste sur cette fonction mémoriale des reliques christiques, joliment comparées au début du premier point du développement au cadeau que l’ami nous fait pour que nous conservions son souvenir 942 . Signe que les croisés sont enfin parvenus au terme de leur quête, la reconquête des lieux où le Christ a vécu, l’exégèse du verset biblique choisi comme thème est entièrement littérale: sans aucun doute possible pour sa première partie (« memoriale eius »); exégèse littérale de fait pour la seconde partie, car l’interprétation du « vin du Liban » n’est pas allégorique au sens exact, mais métaphorique (ces reliques comme le vin du Liban doivent nous énivrer) 943 , incluse à ce titre dans le sens littéral tel que le mouvement exégétique du XIIIe siècle l’a redéfini en l’élargissant. Le texte est entièrement structuré sur la fonction de mémoire: alors que le sermon de 1248 à Paris fonctionnait sur la scansion création-rédemption, en plein accord avec l’iconographie du lieu où il prenait place, la Sainte-Chapelle 944 , celui-ci ne dit rien de la création, mais divise en deux parties ce qui, dans le SERMO n° 9, n’en faisait qu’un, le second point du développement: ici, pour souligner davantage, sur les lieux mêmes où prennent place quelques-uns des grands événements bibliques, notamment l’Exode du peuple élu de l’ancien testament, le parallèle entre l’ancienne et la nouvelle alliance, l’auteur consacre un premier point aux bienfaits octroyés par le Seigneur à Israël pour éviter que son peuple ne l’oublie, bienfaits dont les principales fêtes juives commémorent, au sens exact, l’institution, et dont les grandes reliques placées, dans l’arche d’Alliance, la manne, la verge, les tables et le Deutéronome, rappellent le souvenir 945 ; le second point démontre toutefois que tout cela n’est rien en comparaison de ce que le Christ a fait pour les Chrétiens, dont le mémorial culmine sous la forme des saintes reliques, mais qui se traduit aussi dans l’institution des six grandes fêtes christiques, l’Annonciation, la Nativité, la Circoncision, le Baptême, la Passion et la Résurrection 946 . Le mélange déjà noté de notations spirituelles et de comparaisons triviales 947 , caractéristique d’une prédication qui s’adresse largement aux laïcs, fournit de nombreux arguments en vue de crédibiliser un objectif essentiel: vous les croisés qui, enivrés et fous de Dieu, avez quitté tout ce qui vous était cher pour suivre le Christ, vous constituez le nouveau peuple élu 948 ; d’où l’apostrophe qui suit: « Ainsi le Seigneur a enivré ces temps-ci le roi de France, ses frères, les guerriers et le peuple de ce même royaume pour faire d’eux sa volonté; car s’ils n’avaient point été ivres, ils n’auraient pas pris la croix. Cela, c’est ce mémorial de la Passion du Seigneur qui l’a accompli, semblable au vin, mieux, supérieur au vin du Liban ». Présent aussi ce qui constitue, si l’on peut dire, la marque d’authenticité des sermons d’Eudes de Châteauroux, à savoir l’engagement personnel de l’auteur dans l’entreprise et sa pleine confiance dans la protection divine: il nous livre ainsi le seul passage 949 d’où l’on peut, prudemment, tirer quelques renseignements sur les origines sociales et culturelles de l’orateur, où s’entend, me semble-t-il, une véritable action de grâce à l’intention du créateur, moment d’effusion qui rappelle l’étonnement d’un saint François devant les bienfaits du Christ, ainsi qu’un manifeste clair des fonctions essentielles du prêtre chrétien, la prédication et la sollicitude pastorale pour le troupeau confié à ses soins 950 .

Notes
917.

Cf. J. Richard, Saint Louis... op. cit., p. 218; le récit de Joinville, Vie... éd. cit.J. Monfrin, § 146-150.

918.

J. Monfrin, Joinville et la prise de Damiette, dans CRAIBL(1976), p. 268-285, et dans son Introductionà l’éd. cit. de Joinville, p. xlix-xl, explique que le chroniqueur propose une chronologie fausse, décalée de la séquence: départ de Chypre-arrivée devant Damiette, « par suite d’une consultation trop rapide d’un calendrier au moment de la rédaction » (art. cit. p. 273). Je suis d’accord avec ses arguments et suis les rectifications de date qu’il suggère (mais bizarrement, dans les notes de son édition correspondant aux paragraphes du récit, p. 412, il reprend les dates, qu’il juge ailleurs fautives, de Joinville).

919.

Joinville, Vie... éd. cit. J. Monfrin, § 149.

920.

C’est à dire l’oriflamme.

921.

Vie... éd. cit., § 162; voir le commentaire de J. Richard, op. cit. p. 218.

922.

Cf. la chronique de Baudouin d’Avesnes, RHGF, t. XXI, p. 166B: le 5 juin, Eudes de Châteauroux absout avant le débarquement les croisés pélerins; dans la continuation de Rothelin (RHC, Historiens occidentaux, t. II, Paris, 1859, p. 483-639; voir sur la valeur, très réelle, de ce témoignage, l’Introductionde J. Monfrin à Joinville, Vie... éd. cit., p. xlviii), le débarquement et le rôle qu’y tient Eudes de Châteauroux sont ainsi décrits: « Li roiz entra en une guogue de Normandie, et nous et nostre compaignon et li legaz ausi, si que il tenoit la Vraie croiz et enseingnoit les genz armées qui entroient es menuz vessiaux pour aler prendre terre. Le roi... fist mestre le gonfanon monseigneur Sainte Denise [il faut comprendre l’oriflamme] avec elx. Cele bargue aloit tout devant » (p. 590). Eudes de Châteauroux, déjà agé, fait preuve d’un réel courage dans son rôle, la même source précisant un peu plus loin: « Mes nos genz ne se murent de desuer le rivaige, ainz se combatoient si viguereusement que il sembloit que il n’eussent onques souffert ne perilz, ne travaux, ne angoisses en la mer, par la vertu de Jhesu Crist et de la Veraie Croiz que li legaz tenoit en haut dessus son chief contre les mescreanz ». On notera la présence côte à côte des deux objets symboliques de l’union du regnum et du sacerdotium que constituent l’oriflamme et la vraie croix.

923.

Joinville, Vie... éd. cit., § 163.

924.

Voir toujours la Continuation de Rothelin, éd. cit., p. 568 (extrait de la lettre envoyée par J. Sarrazin, chambellan de Louis IX, au bourgeois Nicolas Arrode, l’une des grandes familles parisiennes au service des Capétiens, après l’entrée dans Damiette): « Je vous faiz à savoir que li roiz et al roinne, et li quenz d’Artois, et li quenz d’Anjou, et sa fame, et gie, sommes sain et traitié dedenz la cité de Damiette que Diex, par son mirascle et par sa pitié et par sa miséricorde randi à la Crestienté, le dimanche de la quizeinne de la Pantecouste »; voir aussi la note 496 ci-dessus, à propos de l’aide du Christ et de la vraie croix.

925.

Ces chroniques sont citées exhaustivement par B. Hauréau, Notices II ... art. cit., p. 217; la plus intéressante me paraît Baudouin d’Avesnes, loc. cit.note 140 supra, p. 166E: « Quand ce fu fait, li légas et li baron et li rois entrèrent en la ville tout descauc, et s’en alèrent loant Nostre-Seignour jusques à la mahommerie [comprendre la mosquée]: li légas le reconcilia, et i chanta la messe ».

926.

Sur cet épisode, voir J. Richard, La fondation d’une église latine en Orient par saint Louis: Damiette, dans BEC, t. CXX (1962), p. 39-54; l’auteur souligne p. 40 l’aspect providentiel de la désertion de la ville par les Musulmans et cite note 1 la lettre de Blanche de Castille à Henri III d’Angleterre où la messe célébrée par le légat est évoquée (voir Matthieu Paris, Chronica... éd. cit., t VI, p. 153); ce sentiment d’une intervention providentielle est confirmé par le témoignage de Joinville (Vie... éd. cit., § 166), qui cite les Psaumes, 105, 24: « Et pro nihilo habuerunt terram desiderabilem »; mais il corrige immédiatement : « Et que dit-il après ? Il dit qu’ils oublièrent Dieu qui les avait sauvés; et comment nous l’oubliâmes, je vous le dirai ci-après ». Encore une annonce, certes rédigée a posteriori, du désastre final; en disant « nous », l’auteur a toutefois l’honnèteté de ne pas s’exempter des responsabilités. Sur le rôle essentiel de la liturgie, et notamment des processions, dans les croisades, cf. C. Maier, Crisis... art. cit., passim ; l’exemple le plus célèbre de l’efficacité de ces rites propitiatoires est la prise de Jérusalem en 1099 par les croisés, cf. J. Flori, La première croisade... op. cit., p. 100-104; un peu plus tard (début octobre 1249, voir ci-dessous) le légat, sur la suggestion de Joinville (si l’on fait confiance à ce dernier qui se donne évidemment le beau rôle), organise trois processions pour protéger le comte Alphonse de Poitiers qui navigue vers l’Egypte, et hâter une venue dont l’armée attend impatiemment le renfort.

927.

Cette entente sur laquelle on ne saurait trop insister fait un vif contraste avec ce qui s’est produit lors de la cinquième croisade; lors de la prise de Damiette (cf J. Richard, La fondation... art. cit., p. 45), le légat Pélage et le roi de Jérusalem Jean de Brienne s’étaient violemment heurtés concernant la propriété de la seigneurie de la ville; voir sur cette croisade J. M. Powell, Anatomy... op. cit., Philaldelphie, 19942.

928.

Cf. Joinville, Vie... éd. cit., § 181.

929.

Cf. J. Richard, La fondation... art. cit. , p. 50; selon l’auteur, c’est là le signe que le roi avait bien décidé la conquête de l’Egypte et, du moins au début, n’avait pas envisagé, contrairement aux croisés en 1218-1219, d’échanger cette conquête contre Jerusalem, Ibidem, p. 48-51.

930.

Voir le récit de Joinville, Vie... éd. cit., § 167.

931.

Ibidem, § 168-169.

932.

Qui ne tardent pas à se déclencher, Ibidem, § 172.

933.

Ibidem, § 180; la date fournie par le chroniqueur est: « après la Saint-Rémi », fêtée le premier octobre. Les samedis qu’il évoque pourraient en toute hypothèse tomber les 9, 16 et 23 octobre, puisque le 24 octobre le comtre de Poitiers est arrivé, Ibidem, § 182.

934.

Ibidem, § 181.

935.

Lignes 85-87. On notera une autre allusion, qui confirme que nous ne sommes plus en France: à la fin du texte, lorsque l’orateur, pour illustrer les bienfaits spéciaux que Dieu a accordé aux Chrétiens, se donne lui-même en exemple, il déclare: « Il [Dieu] m’a donné de faire des études, alors que mes concitoyens, qui possédaient davantage de moyens que moi pour payer un séjour aux écoles, ne l’ont pas fait; il m’a donné d’entendre l’Ecriture sacrée; de fréquenter une agréable société, d’être promu prêtre, de devenir par sa volonté son prédicateur et d’être conduit ici avec vous; il m’a fait votre pasteur » (lignes 102-107).

936.

Lignes 89-90.

937.

Cf. C. Billot, Le message spirituel et politique de la Sainte-Chapelle de Paris, dans Revue Mabillon, n.s. t. II (= t. LXIII), p. 119-141, évoque trois fêtes fondées par Louis IX en 1244-1246 (p. 126), à trois dates différentes correspondant aux trois apports de reliques (p. 120):a) le 11 août, la susception de la Sainte Couronne; b) le 30 septembre, la fête dite des « saintes reliques », correspondant à l’arrivée d’un grand fragment de la Vraie Croix avec d’autres reliques (p. 120); c) le 3 août, la fête de la Croix de la Victoire, correspondant (p. 120) à son arrivée le 3 août 1242 avec la sainte Lance et la sainte Eponge; elle mentionne aussi les deux fêtes traditionnelles de l’invention (3 mai) et de l’exaltation (14 septembre) de la croix; ainsi que la fête de la dédicace du 26 avril. La rubrique du sermon désigne clairement une fête des saintes reliques.

938.

Pas avant le 24 octobre, voir ci-dessus note 151.

939.

Le SERMO n° 12 évoque ces reliques comme si les auditeurs les avaient sous les yeux, voir les lignes 48-50 de mon édition du texte: « Has sanctas reliquias: crucem, sanctam coronam... »; mais ce passage est d’interprétation incertaine, car l’autre version manuscrite de ce texte, celle de Rome représentant la seconde édition, modifie cette liste en en retirant étrangement la sainte croix (voir la note 22 de mon édition), la seule que mentionnent les chroniques, décrivant le légat qui la porte lors du débarquement et de l’entrée dans Damiette, voir supra note 496; je n’ai trouvé aucune autre source détaillant les reliques du Christ que le roi aurait amenées avec lui.

940.

Voir l’édition du SERMO n°9.

941.

Lignes 3-5.

942.

Lignes 7-8. Les mots précis de l’auteur sont imprégnés de l’univers mental féodal: « Il est habituel de donner à son ami de temps à autre un anneau ou une médaille ou autre chose de la sorte, afin que le récepteur conserve le souvenir du donneur ». Par ailleurs, l’insistance sur cette fonction mémoriale me paraît aussi confirmer que les croisés sont loin de leur terre natale, où l’essentiel de ce trésor est conservé; en ce sens les reliques christiques font le lien entre la terre sainte qu’ils sont venus reconquérir, et leur statut de nouveau peuple élu, notamment signifié par la possession de ce trésor, qui a ainsi vocation à cette reconquête; l’orateur lui-même établit clairement ce lien, voir ci-dessous.

943.

D’où l’apostrophe citée supra, note 153, sur l’enivrement du roi, de ses frères et des croisés, qui les a conduits jusqu’en Egypte.

944.

Voir mon commentaire supra, au chapitre second.

945.

Lignes 34-42. Le parallèle Juifs d’hier-Chrétiens d’aujourd’hui est particulièrement expressif dans le commentaire d’un passage du Deutéronome (lignes 27-33): « De même, dans le Deutéronome viii, après que le Seigneur a énuméré les bienfaits qu’il a donnés à son peuple en le conduisant hors d’Egypte, en le menant par le désert et en l’introduisant en terre promise, il ajoute... » (suit la citation de Dt. 8, 11-14, qui se termine par une mention de l’Egypte ligne 33); ma traduction ne peut rendre le travail de l’orateur (ou de l’auteur ?) sur la langue, son vocabulaire et ses sons: « ... populo suo educendo eum de Egipto et deducendo per desertum et inducendo in terram promissionis... ». La même volonté, qui repose in fine sur les conceptions herméneutiques de l’auteur, se traduit par le fait que le premier point du sermon utilise exclusivement des citations vétéro-testamentaires, surtout des extraits des livres prophétiques, tandis que le second introduit, commentant la valeur du sacrifice christique, des citations néo-testamentaires (par exemple lignes 65 et 67, citations de Jean et de Paul). Dans le même ordre d’idée se situe la mention quasi-exhaustive des principales fêtes juives; celles ici citées sont d’une part les trois plus anciennes qui marquent le rythme des saisons (ligne 35), à savoir: au printemps, la fête des Azymes, très tôt liée avec la solennité de la Pâque; en été, la fête de la moisson, dite fête des Semaines ou Pentecôte; en autômne, la fête de la récolte, devenue la fête des Huttes (ou, dans les textes grecs, des Tentes, terme rendu en latin par tabernacula ); d’autre part des fêtes plus récentes (lignes 38-42): celle des Sorts ou Pourim, et celle de la Dédicace ou Hanoukka, voir sur ces fêtes le DB, articles Fête et Fête des Huttes, p. 396, Dédicace (fête de la), p. 256; le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme... op. cit., article Fête, p. 365. Ces passages confirment ce que de précédents sermons révélaient déjà, la bonne connaissance de la liturgie juive par Eudes de Châteauroux, rendue nécessaire par ses conceptions exégétiques comme par la concurrence que Rabbins et Docteurs chrétiens entretenaient dans ce domaine.

946.

Lignes 46-47.

947.

Ainsi ligne 74 l’exemple: « Nous aimons les chiens car ils nous témoignent des signes d’amitié », qui suit de peu un paragraphe de haute tenue (lignes 60-65) sur la valeur rédemptrice du sacrifice du Christ: « Qu’est-ce qui doit autant réjouir le coeur de l’homme, que la pensée que le Seigneur l’a aimé au point de se sacrifier soi-même pour lui ? » (lignes 62-63).

948.

Voir en particulier tout le passage aux lignes 75-100, sur le thème de la folie sage, qui sauve les hommes qu’elle paraissait devoir perdre, avec à l’appui de nombreux exemples; parmi ceux vétéro-testamentaires, on en trouve deux, sans doute point par hasard, qui mentionnent des rois, David et Jéhu, oint par un disciple d’Hélisée, que les conseillers royaux jugent fou; l’exemple néo-testamentaire mentionne, là encore intentionnellement, la furie du Christ décrite par Marc: implicitement, on retrouve toujours les deux modèles proposés à Louis IX, celui de la royauté biblique et celui de la royauté du Christ.

949.

Le seul que j’ai trouvé, s’entend; mais évidemment, je suis loin d’avoir lu tous les sermons du cardinal; peut-être y décèlera-t-on d’autres confidences autobiographiques; ce n’est en général pas la loi du genre, surtout lorsqu’on a affaire à une version éditée, et non reportée.

950.

De ce double point de vue encore, on comprend mieux l’admiration pour les deux grands ordres mendiants dont Eudes de Châteauroux fait preuve dans le sermon de 1229 ; sa spiritualité ne paraît pas essentiellement différente de la leur.