d) Expliquer l’échec: réflexions sur la bataille de la Mansourah et la mort de Robert d’Artois

Dans ce cadre, d’un particulier intérêt se présentent les deux sermons consacrés à l’anniversaire de la mort de Robert d’Artois. Leur date pose des problèmes et ne peut être établie avec certitude. Concernant le premier, le SERMO n° 14, du moins dans l’ordre où ces deux textes se présentent dans l’unique ms. qui les contient, la date du 8 février 1251, soit juste un an après la mort du comte d’Artois, paraît très crédible pour diverses raisons 1098 . Par contre, pour le SERMO n° 15, il me paraît plus prudent de s’en tenir à un 8 février quelconque, en 1252, 1253 ou 1254, en utilisant le même raisonnement que celui appliqué aux sermons sur saint Georges ou les reliques de la Sainte-Chapelle, à savoir qu’il est très peu probable que plusieurs sermons portant sur le même objet aient pu être donnés le même jour et la même année; raisonnement qui s’est avéré, à l’étude serrée des textes, concluant pour ces deux autres occasions liturgiques 1099 .

Je souscris volontiers à l’hypothèse formulée par d’autres historiens qui ont examiné le SERMO n° 14, que ce sermon a dû être donné à Acre, dans la chapelle du palais, le 8 février 1251, en présence du roi de France et de ses barons 1100 . A plusieurs reprises, l’orateur apostrophe directement ses auditeurs, de telle façon qu’on ne peut douter qu’il s’adresse aux croisés eux-mêmes, peu de temps après l’événement commémoré: « De même que David et les fils de Juda eurent l’occasion de se lamenter, à cause du malheur précité, ainsi nous-même, tout spécialement, qui sommes du royaume de France, dont les rois ont coutume d’être pieux tels David, et de combattre les ennemis de l’Eglise comme David a combattu Goliath et bien d’autres encore... » 1101 ; un peu plus loin, le même type d’adresse est employé, au présent: « Ainsi le roi de France et les nobles de ce royaume, le peuple entier et même l’ensemble des Chrétiens ont un motif de lamentation... » 1102 ; à la fin du second point , il prend à témoins les survivants de la bataille: « Ainsi les Chrétiens qui étaient présents lors de ce massacre mais aussi les absents étaient en droit de reprocher aux Sarrasins le meurtre injuste de ceux qui étaient venus dans ces contrées pour leur salut » 1103 ; à la conclusion de son discours (point 9), Eudes de Châteauroux reprend le thème biblique du sermon en l’appliquant directement aux auditeurs: « Prends donc en considération, Israël, c’est à dire vous, les Chrétiens, ceux qui sont morts.. » 1104 .

Car le thème biblique choisi est caractéristique d’un style oratoire désormais familier: « Considera Israël pro hiis qui mortui sunt super excelsa tua vulnerati; incliti Israël super montes tuos intefecti sunt: quomodo ceciderunt robusti et fortes » ?, est tiré d’un épisode du second Livre des Rois, où David pleure la mort de Saul contre les Philistins; Eudes de Châteauroux en fait une préfiguration de l’événement survenu en Egypte le 8 février 1250, la mort de Robert d’Artois et d’autres nobles à la bataille de la Mansurah 1105 . En posant directement, par l’intermédiaire de ce verset, la question à son public: « Comment des puissants, des valeureux sont ainsi tombés ? », l’orateur peut entrer dans le vif du sujet sans annoncer de plan, en appuyant simplement le paradoxe implicite du thème par l’insistance sur la valeur spécifique des rois de France comme soutiens de l’Eglise et champions traditionnels de la croisade; il complète son exégèse du thème en identifiant les fils de Juda aux « Français, qui ont coutume d’être les premiers à combattre les ennemis de l ’Eglise » 1106 ; deux autres citations de l’Ancien Testament viennent renforcer encore ces interprétations et clore le premier point du développement 1107 . La comparaison entre les deux Testaments ainsi justifiée, deux axes essentiels structurent le discours: le premier consiste à situer typologiquement la batille de la Mansurah dans le contexte de l’histoire sacrée, en dilatant la comparaison esquissée dans le premier point; le second axe veut convaincre du caractère surnaturel et providentiel de la croisade, voulue dans le détail même de son déroulement par Dieu, conduisant à poser sans ambages, immédiatement au début du second point, la question qui taraude les auditeurs et paraît contredire franchement le premier axe d’argumentation: comment Dieu a t-il pu « permettre qu’un événement aussi déplorable arrive au peuple chrétien » 1108 ?

Le parallèle entre l’histoire du peuple hébreu et celle du peuple chrétien, particulièrement le peuple de France, n’est pas une originalité, en général dans l’exégèse et plus précisément chez Eudes de Châteauroux, où il fait au contraire figure de leit-motiv; il se trouve à l’origine même de l’idéologie de croisade 1109 . De même, l’idée que Dieu a permis le massacre des chevaliers français en raison des péchés de l’armée; c’est même la conséquence du présupposé précédent, à savoir que Dieu est l’acteur éminent et immanent de l’entreprise 1110 . N’est pas nouveau non plus, mais très fortement affirmé tout au long du texte, le thème des Français champions de la guerre sainte et des combats en faveur de l’Eglise. Guibert de Nogent avait été le premier à indiquer ces voies, dans sa relation a posteriori de la première croisade 1111 . La nouvelle version de ces thèmes idéologiques, désormais fortement nationalisés, s’est formalisée chez Eudes de Châteauroux par l’association d’une idée récurrente de l’historiographie dionysienne, la transfert de clergie et de chevalerie dans le royaume capétien, avec la sainteté du lignage royal: les Gallici et leur souverain, nouveau peuple élu et nouveau roi-prêtre, ont naturellement vocation à conduire la guerre sainte. Il est cependant intéressant de noter avec quelles précision et méthode l’orateur réemploie ces thèmes: je ne crois pas en effet qu’on doive attribuer au hasard la nomenclature dont use le légat, qualifiant Robert de « guerrier très valeureux, comte d’Artois, fils du roi de France » 1112 ; cette appellation a certes pour but de rappeler aux auditeurs la personnalité particulière du défunt, mais représente aussi une notion plus profonde et nouvelle, car elle reprend exactement la titulature que se donnent dans leurs actes et sur leurs sceaux les princes de la Maison de France à partir de Louis IX 1113 ; Robert d’Artois est cependant l’objet d’un traitement « diplomatique » particulier, puisque, seul de tous les frères et fils de Louis IX, il n’use de cette nomenclature que sur ses sceaux, ce qui s’explique par le fait que, comme aîné des frères, c’était le seul prince apanagé à avoir reçu non des acquisitions territoriales de ses père (Louis VIII) et grand-père (Philippe-Auguste), mais une part de l’héritage que Louis VIII tenait de sa mère Isabelle de Hainaut. Après la mort de Robert, il n’est pas étonnant que le cardinal ait suivi l’usage général pour caractériser sa naissance: tout le texte exalte le sang royal capétien.

Un peu plus loin, l’orateur appuie d’arguments anciens mais désormais mieux affutés le caractère juste et saint de la guerre menée par les Français 1114 . Il fait même preuve d’un peu d’audace en avançant l’idée que cette guerre avait aussi pour but la conversion et le salut des Infidèles 1115 . Bref, il porte au paroxysme le contraste entre la mort pitoyable de ces champions chrétiens et les sacrifices qu’ils ont endurés 1116 , citant à l’appui force exemples bibliques où les guerriers Saul et Abimelech, jugent honteux de mourir de la main d’un adversaire qui ne soit pas de leur religion 1117 , ou qui soit une femme 1118 . Si les Français n’ont pas été occis par des femmes, leurs assassins, c’est pire, sont des esclaves, non point même de ceux que l’on capture à la guerre, mais de ceux qu’on vend tels des marchandises 1119 . Après avoir avec éloquence fait durer le « suspense », l’orateur déploie sa réponse, faisant preuve, par rapport aux arguments traditionnellement avancés en de telles circonstances, d’une relative originalité 1120 .

Six raisons (les parties 3 à 8 du développement) sont susceptibles de fournir des clefs de compréhension de cet étrange événement. La première revient sur l’argument habituel des péchés chrétiens, comparés au crime de Caïn, mais le traite de façon pédagogique: comme les premiers parents n’ont réalisé l’ampleur de leur péché qu’à la vue de ses conséquences, le meurtre de leur fils par son frère, de même les Chrétiens ne peuvent prendre conscience de leurs péchés qu’au spectacle paradoxal de ce malheur; de même surtout, l’événement nous ramène au Christ qui a subi dans ce but sa Passion: effacer notre péché.

Le second argument enfonce le clou en cherchant, ce qui est rare chez l’auteur, à susciter la peur: « Si les nobles susdits, qui avaient tant souffert pour le Christ, ont bu de ce breuvage si amer, qu’en sera-t-il de nous ? » 1121 . Des lions de noblesse et d’audace ont été massacrés: que peuvent attendre les agneaux que nous sommes ?

En troisième lieu, Dieu a désiré montrer l’amour que ces chevaliers chrétiens Lui portaient, en acceptant qu’ils se sacrifient pour Lui. D’où l’argument suivant: ce sacrifice constituait, si nécessaire, l’ultime moyen de purgation dont ces guerriers disposaient pour se défaire de tout péché; ils ont été absouts dans le sang, comme la purgation parfaite se réalisait, dans l’ancienne loi, par le sang 1122 .

Cinquièmement, Dieu a permis ce massacre pour montrer à quel point il chérissait ces nobles, et de façon générale les Chrétiens. A titre de comparaison, plusieurs exemples de l’Ancien Testament peuvent être avancés: Joseph affirmant sa préférence pour Benjamin; Joseph lui-même, fils chéri de Jacob: Pharaon lui a permis pour cette raison de monter sur son char, comme Assuerus l’a autorisé à Mardochée. Le légat recentre alors, par le biais d’une métaphore, son propos sur la croix donc le Christ: le char, c’est cette croix; Dieu a fait boire ces hommes à son propre calice, les a vêtus de la pourpre qu’il a lui-même endossée, leur a laissé son pallium, celui du martyre.

L’ultime argument ramène le développement au cours événementiel, témoignant une nouvelle fois de cette capacité remarquable du légat à utiliser le déroulement chronologique des faits: Dieu a permis ce martyr pour sauver le reste de l’armée; une victoire militaire des Chrétiens n’eût en effet pas été surprenante, car même en nombre inférieur aux Musulmans, on a déjà vu la valeur surpasser le nombre. Dieu en a décidé autrement, en réalisant ensuite seulement un miracle: la libération du roi et des siens, suite au coup d’état mamelouk qui a provoqué l’assassinat du Sultan, lequel a coutume pourtant de largement récompenser ses hommes après la victoire 1123 ; et cela alors qu’il était manifestement impossible aux Chrétiens réfugiés dans Damiette de conserver durablement la ville, soumise au blocus 1124 .

La conclusion du sermon est emblématique de la méthode d’Eudes de Châteauroux: reprenant le thème, il en récapitule les divisions en alternant exégèse littérale et tropologique; ainsi sa dernière partie est tirée dans le sens de la lettre sur « robusti », qui désigne la force corporelle, et dans celui de l’action morale avec « fortes », indiquant le force d’âme des martyrs.

Le second sermon sur les morts de la Mansurah, le SERMO n° 15, rubriqué « de eodem anniuersario »,est lié de si près au précédent que, quelles que soient les incertitudes liées à sa date, il n’en peut être dissocié; je propose en toute hypothèse le 8 février 1252 1125 . Les allusions du discours à l’auditoire sont rien moins que transparentes: un passage du texte semble impliquer que l’auditoire était composé de personnes n’ayant pas pris part à la bataille; aussi le sermon a pu être délivré dans l’une des nombreuses maisons religieuses d’Acre 1126 . L’hypothèse est d’autant plus plausible que, dès après la libération d’Egypte, il reste très peu d’Occidentaux venus avec le roi en 1248 1127 ; on sait aussi que malgré les souhaits du roi de poursuivre la croisade grâce à des contingents nouveaux de guerriers, auxquels il fait appel dans sa lettre d’août 1250, les efforts dans ce sens de Blanche de Castille ont eu peu de succès 1128 ; enfin, selon Joinville, ce sont les Poulains qui pèsent fin février 1254 sur la décision du roi de retourner en France, jugeant que sa présence n’est désormais plus nécessaire pour assurer la sécurité des Etats latins 1129 . Ces difficultés peuvent expliquer l’amertume de l’orateur dans certains passages du sermon, en comparaison du ton adopté dans le SERMO n° 14: si les deux textes ont en commun de vouloir expliquer un fait apparemment incompréhensible, la défaite de la « fine fleur de l’armée chrétienne conduite par le roi de France très chrétien » face aux Sarrasins impies, le premier, en détaillant six raisons pour lesquelles Dieu a permis ce massacre, ne met sur le fond pas en cause la sainteté et la piété de l’armée croisée de la Mansourah; tandis que ce second texte paraît beaucoup plus pessimiste sur les motivations qui font venir une partie au moins des croisés en Terre sainte, en stigmatisant notamment l’appétit de l’argent. Est-ce parce qu’il s’adresse effectivement à une majorité de Poulains plutôt qu’au reste de l’armée du roi de France ? Un dernier fait plaide en faveur du 8 février 1252: le thème biblique de ce SERMO n° 15, tiré de Zacharie: « Ainsi parle Yahvé Sabaot. Le jeûne du quatrième mois, le jeûne du cinquième, le jeûne du septième et le jeûne du dixième deviendront pour la maison de Juda allégresse, joie, gais jours de fête » 1130 , contient la promesse faite par Yahvé à Israël que les jours de jeûne que la Loi leur avait prescrits seront convertis en joie et en grandes fêtes, verset tout à fait adaté à un temps de Carême; or le 8 février 1252 est des trois dates possibles la plus proche du Carême à venir, le mercredi des Cendres tombant cette anné-là le 14 février.

Quant au fond, le procédé d’exégèse et d’argumentation est identique à celui employé pour le SERMO n° 14: l’histoire d’Israël et celle du peuple chrétien sont mises en parallèle; mais au lieu de se centrer sur un épisode précis, ce sermon-ci procède à une comparaison plus large entre les temps de pénitence prescrits par la loi juive et la célébration annuelle, anniversaire aus sens exact, du deuil par les Chrétiens, ici celui rappelant la mort de Robert d’Artois et de ses compagnons. Les deux sermons partagent plusieurs thèmes communs: l’insistance sur le lignage saint des Capétiens, qui encadre à nouveau le contraste entre la valeur des chevaliers morts au combat et l’injustice apparente de leur sort, ayant pour conséquence l’opprobre dont est couverte la Chrétienté. Un élément nouveau semble toutefois indiquer que ce second sermon fut prononcé en des circonstances différentes, avec davantage de recul par rapport à l’événement et au sens général de l’entreprise: l’orateur prend vigoureusement à partie son public; de plus, on pressent la présence parmi les auditeurs d’une fraction au moins d’auditeurs savants, car le second point du texte, consacré à une explication détaillée des différents temps de la liturgie pénitentielle juive, rapportés chacun à l’événement biblique qui en a généré l’institution, fait appel à des ressources d’érudition plus « pointue » que dans le premier sermon 1131 ; là aussi, il faut supposer l’existence d’une source intermédiaire entre la citation de Flavius Josèphe et le texte, peut-être l’Historia scholasticade Pierre le Mangeur, qui constituait le manuel scolaire par excellence d’interprétation littérale de la Bible 1132 .

Quoi qu’il en soit, le message n’est cependant pas très différent en substance: le premier point du sermon argumente sur le thème que les jeûnes, et inversement les temps de joie, n’ont de valeur aux yeux du Seigneur qu’autant qu’ils sont célébrés dans l’esprit qui fut celui de leur origine. L’orateur y fait l’exégèse de la première partie de la réponse, critique, donnée par le prophète Zacharie aux envoyés de Bethel 1133 , qui avaient pour mission d’interroger l’autorité de Jérusalem sur l’opportunité du jeûne de juillet 1134 . De fait, la reconstruction du Temple semblait rendre ce jeûne sans objet. La suite de cette réponse de Zacharie, au nom de Yahvé, à la question des messagers, beaucoup plus positive, sert de verset thématique. Selon une manière qu’Eudes de Châteauroux affectionne particulièrement, on le voit donc, après l’énoncé de ce thème, remonter chronologiquement en arrière dans le texte sacré pour mieux contextualiser son propos; méthode qui relève typiquement de l’exégèse littérale. Il choisit en outre une prophétie, dont l’interprétation relève aussi au XIIIe siècle de la lettre, en tant qu’elle constitue l’une des principales applications de la méthode typologique. Le verset stricto sensuparaît réconfortant, promettant la transformation des peines en joies; à condition, et c’est tout l’interêt de la contextualisation, de se rappeler qu’à l’origine de ces peines figurent des événements catastrophiques de l’histoire d’Israël, ayant pour cause implicite ses péchés. L’oubli des circonstances originelles de ces deuils en a aussi fait disparaître le sens réel, de sorte que les réjouissances qui suivent les temps de deuil et commémorent les événements heureux survenus par la suite, telle la reconstruction du Temple, perdent leur signification providentielle si leurs acteurs n’ont pas à l’esprit cette alternance contrastée de peines et de joies. De ce point de vue, la comparaison avec ce que devrait être l’état d’esprit du Chrétien en temps de Carême s’impose, ce qui renforce la présomption d’un sermon donné à proximité de ce temps essentiel de la liturgie de l’Eglise 1135 .

Dans le contexte de la croisade, ces raisonnements prennent tout leur sens: il est clair que la délivrance d’Egypte a rapidement fait oublier à une partie des guerriers, tant Latins que Poulains, les périls qu’ils avaient encourus, et dont la prégnance est si forte tout au long de la narration de Joinville. Il est probable dans ces conditions que l’orateur s’en prend aux chevaliers qui ont failli à leur vocation, en célébrant des fêtes non pour les pauvres, c’est à dire le Christ dans l’héritage duquel ils séjournent, mais pour eux-mêmes; leur dureté est comparée à celle du diamant 1136 , et leurs efforts pour « attirer le fer » désigne métaphoriquement leur soif de l’argent, « qui domine tout » 1137 .

Le second point du sermon ne constitue qu’une reprise détaillée de la partie purement littérale de l’interprétation initialement proposée, soit l’explicitation l’un après l’autre des malheurs d’Israël, commémorés par les jeûnes. D’abord celui du mois de Tammouz, quatrième du calendrier juif 1138 . Au cinquième mois déjà évoqué, où culmine le souvenir de la double destruction du Temple, l’auteur annexe encore un autre fait: l’errance prescrite par Yahvé durant quarante années au peuple hébreu incrédule, qui préfère envoyer des explorateurs en Canaan, plutôt que d’entrer directement en terre promise et marquer ainsi sa confiance indéfectible en son Dieu 1139 . Le jeûne de Tichri ou « du septième mois », ainsi nommé depuis la prophétie de Zacharie, rappelle le meurtre de Gedaliah, le Godolias du sermon 1140 . Celui de Tévet ou du « dixième mois » commémore divers malheurs: l’orateur n’en cite qu’un, correspondant au jeûne du cinquième jour de ce mois, lorsque les exilés apprirent que les troupes de Nabuchodonosor s’étaient emparées de Jérusalem 1141 .

Une telle érudition, et l’expression qui conclut cet exposé: « Voilà les raisons des deuils et des jeûnes qu’ils ont observés jusqu’ici » 1142 , témoignent de la profondeur des contacts entre les cultures juive et chrétienne, qui joue chez Eudes de Châteauroux sur plusieurs registres, parfois opposés: l’ancienne loi préfigure la nouvelle; mais aussi le peuple juif trahit sa loi en suivant le Talmud; ici, l’interprétation hostile me paraît exclue, pour la simple raison que la réponse donnée par Zacharie au début du sermon, lorsqu’il est interrogé sur la licéité de l’observance d’anciens préceptes, met en valeur le fait que ce qui compte dans la liturgie, c’est l’esprit et non l’asservissement aveugle à des rites vidés de contenu; or n’est-ce pas cet aveuglement ritualiste qui, aux yeux des Chrétiens, caractérise la synagogue et en fait un vivant exemple des limites de l’ancienne loi ? Un tel développement fait ainsi saisir la valeur sacrée de la relation typologique des deux testaments dans la tradition exégètique.

Le troisième point du sermon reprend la fin du verset thématique, interprétant en contrepoint des malheurs des Hébreux la prophétie que leurs exégètes entendent de façon messianique: ces jours de deuil se transformeront en joies et en fêtes. L’orateur rappelle à ses auditeurs les événements récents survenus en Egypte et l’identité des défunts, rassemblés dans l’expression, riche de sens idéologique, de « fleur de l’armée chrétienne, qui accompagnait le roi des Francs, le très chrétien Louis, fils de Louis fils de Philippe » 1143 . La mention nominale d’autres nobles tombés avec le comte répond sans doute aux reproches évoqués dans le premier point: en personnifiant les motifs du deuil, on fait davantage mesurer aux auditeurs la valeur de la promesse de Zacharie. Mais il convient d’abord d’insister sur l’ignominie dont ont été victimes les Chrétiens à cette occasion: les Sarrasins les considèrent comme moins que rien 1144 , blasphèment en insultant le nom d’un prétendu Dieu chrétien qui n’a pas su protéger les siens 1145 , méprisent la bannière de la sainte croix qu’ils ont piétinée 1146 ; ils se sont gaussés de la peur de certains croisés, assez forte pour que certains abjurent leur foi 1147 . Eudes de Châteauroux reprend alors le raisonnement de son premier sermon d’anniversaire: nos péchés ont valu à ces nobles un tel sort, qui pourtant, comme le Christ, ne méritaient pas la mort. Il convient par conséquent de suivre le conseil du prophète Zacharie en chérissant la paix et la vérité, et alors le deuil deviendra liesse 1148 . De cette nouvelle conduite, témoigneront non seulement notre cœur, mais nos paroles et nos actes 1149 . En conclusion, Eudes de Châteauroux invite ses auditeurs à pleurer, moins sur les nobles morts à la Mansurah que sur eux-mêmes, ainsi qu’à prier en leur faveur, au cas où il serait demeuré en eux quelquechose à purger 1150 .

Notes
1098.

Ce sermon et le suivant dans le ms. (le SERMO n° 15), pour la même occasion, ont déjà été édités par P. J. Cole, The Preaching of the Crusades to the Holy Land (1095-1270), Cambridge (Massachussets), 1991, p. 235-239 (RLSn° 887 = SERMO N° 14) et p. 240-243 (RLSn° 888 = SERMO n° 15). L’auteur les date de février 1251, c’est à dire prend au pied de la lettre le mot « anniuersarium » contenu dans les rubriques (p. 179 et note 12): un service funèbre, célébré au minimum un an après le décès de la personne concernée; mais ce service peut aussi, à la date anniversaire du décès, intervenir plusieurs années après, voire se répéter chaque année, en fonction par exemple des dispositions testamentaires du défunt ou du tiers qui est chargé d’exécuter ces dispositions. De sorte que si l’hypothèse la plus séduisante concernant la date de ces deux textes est de les attribuer au 8 février 1251, premier anniversaire de la bataille de la Mansourah (8/02/1250), on peut aussi songer à un 8 février plus tardif, comme le suggèrent P. J. Cole, D. L. d’Avray, J. Riley-Smith, Application of Theology to Current Affairs: Memorial Sermons on the Dead of Mansurah and on Innocent IV, dans Historical Research. The Bulletin of the Institute of Historical Research, vol. LXIII, n° 152 (1990), p. 227-247 (réimp. dans N. Bériou, D. L. d’Avray, Modern Questions about Medieval Sermons. Essays on Marriage, Death, History and Sanctity, Spolète, 1994, p. 217-245], ici p. 230-231. Pour les deux sens possibles du mot « anniversaire », voir Ibidem, note 19, citant H. Augustodunensis, Speculum Ecclesiæ (PL t. clxxii, col. 1084), pour la définition suivante: « Anniuersarium autem propterea commemoramus ut peccatum eorum toto anno patratum deleamus » ; note 20, citant le prédicateur italien Nicoluccio di Ascoli O.P. (début XIVe siècle): « ... in anniuersario omni anno quod celebratur pro illis qui seppulti sunt in cimiteriis nostris ». Voir les notes suivantes pour différents arguments en faveur de la date du 8 février 1251, concernant la prédication du SERMO n° 14.

1099.

Pour d’autres arguments, voir plus loin l’étude du texte.

1100.

P. J. Cole, D. L. d’Avray, J. Riley-Smith, Application... art. cit., p. 231; c’est la première de leurs hypothèses, puisqu’ils n’écartent pas complètement un 8 février d’une autre année, voir note précédente.

1101.

Lignes 8-11.

1102.

Lignes 21-22.

1103.

Lignes 55-58.

1104.

Ligne 129.

1105.

C’est ce qu’indique la rubrique, lignes 1-2: « Sermo in anniuersario Roberti comitis attrabatensis et aliorum nobilium qui interfecti fuerunt a Sarracenis apud Mansoram in Egipto ». Parmi les nobles morts avec le comte, sont mentionnés dans le SERMO N° 15 (lignes 54-55) Raoul de Coincy, Roger de Rousset et Robert de Courtenay.

1106.

Lignes 12-13.

1107.

Lignes 13-19; l’une de ces deux citations, celle tirée des Juges (1, 1) a été utilisée par l’auteur comme thème de son SERMO n° 13 pour la fête de saint Georges, nouvelle illustration de l’intertextualité à l’œuvre dans les sermons, grandement facilitée par les techniques d’exégèse.

1108.

Lignes 28-29.

1109.

Voir C. Erdmann, The Origin of the Idea of Crusade, Princeton, 1977 (trad. anglaise d’un ouvrage allemand de 1935), passim ; P. Rousset, La croisade... op. cit., p. 54-55, qui parle à ce propos de « réactions spontanées, parfois irrationnelles », du peuple croisé; ce type d’explication n’en est pas: elle pourrait à la rigueur fonctionner pour la première croisade qu’analyse l’auteur, où la composante populaire est indéniable; mais pas ici: le peuple au sens social est absent. Ce qui compte, c’est la lecture typologique de l’ancien testament, bien assimilée par les laïcs, comme le montrent les verrières de la Sainte-Chapelle; et surtout l’environnement liturgique qui accompagne la croisade, processions, messes et bien entendu sermons.

1110.

Ibidem, p. 55; le thème a été fortement mobilisé par saint Bernard après l’échec de la seconde croisade, Ibidem, p. 67-68; voir en particulier l’extrait du De considerationetraduit par J. Richard, L’esprit de la croisade, Paris, 1969, p. 107-111; E. Siberry, Criticism... op. cit., p. 69-108.

1111.

Les Gesta Dei per Francos , cf. M.-C. Garand (Introduction, traduction et notes), Guibert de Nogent, Geste de Dieu par les Francs: histoire de la première croisade, Turnhout, 1998; voir aussi P. Rousset, La croisade... op. cit., p. 54-55.

1112.

Lignes 23-24.

1113.

Selon A. W. Lewis, Le sang royal... op. cit., p. 215 s.

1114.

Le thème de la guerre juste menée contre les Infidèles, coupables d’occuper l’hérédité du Christ, est dès l’origine un lieu commun de la propagande pontificale en faveur de la croisade, cf. J. Riley-Smith, What were the Crusades ?, Basingstoke, 19922, pp. 9-27: A just Cause, où l’auteur insiste particulièrement sur le rôle d’Innocent IV dans la mise en place définitive, au plan du doit canon, de ce concept. Mais ici, le thème n’est pas encore totalement élaboré au plan théologique, pas autant en tout cas qu’il n’apparaît dans des sermons postérieurs du cardinal, par exemple ceux sur la victoire d’un autre frère de Louis IX, Charles roi de Sicile, contre Manfred à Bénévent en 1266 (SERMONES n° 34 et 35, cf. l’édition de ces textes).

1115.

Lignes 47-50; cette tendance à penser comme équivalentes croisade et mission n’a cependant rien pour surprendre dans le contexte précis, où le légat s’adresse, entre autres, à Louis IX. L’image dont il use, celle du pasteur tâchant d’arracher ses brebis à la gueule du loup, est une justification classique de la mission, notamment lorsqu’il s’agit d’extirper l’hérésie. On notera toutefois que le thème de la croisade comme guerre de conversion a toujours été manié avec beaucoup plus de précautions que celui de la guerre juste par la propagande cléricale, saint Augustin lui-même ayant condamné ce raisonnement, cf. J. Riley-Smith, What were... op. cit., p. 9; d’après ce dernier auteur, ce sont les canonistes qui ont jusque vers 1200 tenté d’accréditer cette thèse, à travers l’élaboration doctrinale de la notion de vengeance, et Hostiensis au milieu du XIIIe siècle avance l’idée d’un droit intrinsèque des Chrétiens à étendre leur souveraineté sur tous ceux qui refusent de reconnaître la domination de l’église ou de l’Empire romains. Ce n’est pas dans cette direction que raisonne le cardinal: il avance plutôt l’idée de la miséricorde dont témoignent les Chrétiens pour les Gentils en venant leur révéler la Parole et en tentant de les détourner du Malin; dans cette perspective nouvelle d’expédition missionnaire que revêt la croisade, la guerre apparaît ainsi non comme le but initial, mais comme le résultat de l’endurcissement dans l’erreur et le mal des Musulmans; c’est en quelque sorte eux qui l’ont voulue et déclenchée. On retrouve à nouveau cette idée de sollicitude vis-à-vis de l’ennemi, beaucoup plus explicitement développée, au sein d’un contexte de croisade très différent, car interne à la Chrétienté, dans les propos que tient le cardinal concernant la victoire de Charles de Sicile contre Manfred, sermons cités note précédente.

1116.

Lignes 30-35.

1117.

Lignes 35-37 pour Saul.

1118.

Lignes 37-42 pour Abimelech; on retrouve au détour, inévitable dans un tel contexte, le mâle Moyen Age de G. Duby.

1119.

Lignes 44-46; la qualification attribuée aux Musulmans d’« esclaves qu’on achète » vise, comme on l’a montré déjà, les Mamelouks, à l’origine des esclaves turcs formant la garde d’élite du Sultan; ce sont eux qui combattirent les croisés à la Mansurah et capturèrent l’armée et le roi à Fariskûr quelques semaines plus tard, cf. J. Richard, Saint Louis... op. cit., p. 235.

1120.

Cf. P. J. Cole, D. L. d’Avray, J. Riley-Smith, Application... art. cit.

1121.

Lignes 79-80.

1122.

Lignes 94-95; l’allusion n’est pas plus précise. Le légat se montre cependant un bon connaisseur de la loi juive, puisque tout acte ayant entraîné l’impureté nécessitait effectivement, dans le Judaïsme ancien, trois étapes successives de purification: l’attente durant un certain laps de temps, l’immersion dans un bain rituel, enfin des offrandes ou des sacrifices d’animaux, acham (« offrande pour le péché ») si l’impureté provenait d’une faute délibérée, hattat (« offrande expiatoire ») s’il s’agissait d’une violation par inadvertance d’un commandement de la loi, cf. le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme... op. cit., s.v. « pureté rituelle » et « sacrifices et offrandes ». Ailleurs (lignes 63-65), ses connaissances se font moins précises, probablement parcequ’il use d’une source intermédiaire: à propos du meurtre d’Abel par Caîn, il cite Flavius Josèphe selon qui Adam et Eve se seraient astreints à trente années de deuil et d’abstinence en expiation de crime; or on ne trouve aucune référence à cela chez l’auteur (voir, pour le texte latin des Antiquités juivesde Flavius Josèphe, F. Blatt, The Latin Josephus, Copenhague, 1958).

1123.

Je rapelle ces événements déjà évoqués: les Mamelouks, peu de temps après leur victoire sur les croisés à Fariskûr et la capture du roi de France (6 avril 1250), assassinent le Sultan Tûran-Shâh récemment arrivé de Mésopotamie, cf. M. M. Ziada, The Mamluk Sultans to 1293, dans A History of the Crusades... op. cit., T. II, p. 735-758, R. Irwin, The early Mamluk Sultanate... op. cit., 1986, p. 21-22, et J. Richard, Saint Louis... op. cit., p. 235 s.

1124.

On a vu qu’Eudes de Châteauroux, l’un des rares chrétiens à être parvenu à s’échapper en fuyant par le fleuve, tente avec la reine d’y sauver ce qui peut l’être; il est donc bien placé pour évoquer les difficiles tractations que dut conduire la reine pour retenir les marins italiens, en promettant de prendre à sa charge le ravitaillement de la ville; et pour montrer implicitement que même si l’armée croisée n’avait pas été vaincue à Fariskûr, et si Louis IX était parvenu à réliser son dessein initial de repli sur Damiette, son armée malade étant incapable de poursuivre sa campagne vers Le Caire, il est très probable qu’il n’eût pu se maintenir dans la ville: de fait les conditions du traité qu’il conclut avec le Sultan pour sa libération et celle de ses soldats incluaient la reddition de la ville, dont les Musulmans connaissaient l’importance stratégique, cf J. Richard, Saint Louis... op. cit., p. 234 s.

1125.

Si l’on suit mon raisonnement exposé supra, il n’a pas été prononcé le même jour que le SERMO N° 14 (voir toutefois, pour une discussion détaillée des arguments contre et en faveur du 8 février 1251, P. J. Cole, D. d’Avray, J. Riley-Smith, Application... art. cit. ). Restent possibles comme dates et lieux (voir supra les différents lieux de séjour du roi en terre sainte) les 8 février 1252 à Césarée, 1253 à Saïda, ou 1254 à Acre (puisque le roi quitte Saîda, d’après Joinville, Vie... éd. cit., § 615-616, peu avant le Carême de 1254, lequel débutait le 25 février cette année-là).

1126.

Cf. P. J. Cole, D. d’Avray, J. Riley-Smith, Application... art. cit., p. 231 note 21.

1127.

Joinville, Vie... éd. cit., § 617, mentionne au moment où le roi s’embarque pour la France treize navires, contre les trente-huit grandes naves rassemblées en 1248, cf. J. Richard, Saint Louis... op. cit., p. 253.

1128.

Cf. J. Richard, Ibidem, p. 257.

1129.

Vie... éd. cit., § 615-616.

1130.

Zach. 8, 19; lignes 2-4.

1131.

Où Flavius Joséphe est cependant sollicité, inexactement on l’a vu, cf. note 340 supra.

1132.

Il s’agit, aux lignes 42-44, d’une allusion à la destruction du temple par Titus en août 70. Sans doute Eudes de Châteauroux tire indirectement le renseignement de Flavius Josèphe: De bello iudaïco 6. 5. 4. Voir, sur la transmission de Flavius Josèphe, H. Schreckenberg, Die Flavius-Josephus-Tradition in Antike und Mittelalter, Leiden, 1972. A la ligne 45, Eudes de Châteauroux confond visiblement l'empereur Titus, de son nom complet Titus Flavius Vespasianus, avec le Titus Annus Rufus qui fut procurateur de Judée de 12 à 15 (cf E. Kleb, Prosopographia Imperii Romani, t. I, Berlin, 1897, n° 526; Pauly-Wissova, Real-Encyclopädie der classischen Altertumswischenschaft, t. I/2, Stuttgart, 1894, col. 2277). Je n'ai pas pu identifier sa source latine, donc l'origine éventuelle de son erreur.

1133.

Ville biblique, cf. DB p. 160, s. v° « Bethel Sar-Eçer ».

1134.

Lignes 11-14. Zach. 7, 5-6. Dans le calendrier juif, mois de Av, cinquième de l’année, à cheval sur juillet et août (voir le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme... op. cit., p. 101 s.). On jeûnait à compter du 9 de ce mois pour rappeler la destruction du Temple par les babyloniens sous Nabuchodonosor, en 586 avt J.-C. (l’auteur l’explique aux lignes 42-43); plus tard, la seconde destruction du temple, celle de 70 par les Romains, fut jointe à ce temps de jeûne.

1135.

Voir encore le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme... op. cit., p. 102: l’espoir de la rédemption d’Israël n’a jamais été absent du jour lugubre du 9 Av; on pensait que les réjouissances annoncées par Zacharie viendraient aux temps messianiques.

1136.

Ligne 31.

1137.

Lignes 32-33.

1138.

Cf. le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme... op. cit., p. 989 s.; ce mois est à cheval sur juin et juillet; le jeûne intervient au dix-septième jour et commémore effectivement (ligne 38) la brêche faite par les Babyloniens dans les murailles de Jérusalem, prélude à la destruction du premier Temple. Celle du second Temple y a été associée postérieurement; cette période marque le début des trois semaines de deuil culminant le 9 du mois de Av, cf. note 337 supra. La tradition juive associe au 17 Tammouz d’autres événements malheureux, notamment le fait que Moïse brisa les premières Tables de la Loi lorsqu’il découvrit le veau d’or à sa descente du Sinaï (Ex. 32, 19), fait mentionné aux lignes 36-37.

1139.

Le passage biblique incriminé est tiré du Deutéronome 1, 19-46; je n’ai rien trouvé qui permette d’établir une relation avec un deuil d’Israël. Là encore, la clef est sans doute la source latine intermédiaire de l’auteur.

1140.

Sur le mois de Tichri, à cheval sur septembre et octobre, voir le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme... op. cit., p. 1012; sur Godolias (ligne 45), Ibidem, loc. cit. et s.v° « Gedaliah (jeûne de) », p. 389-390. Gedaliah fut envoyé par Nabuchodonosor, après la prise de Jérusalem et la conquête, comme gouverneur juif des « restes d’Israël » (ligne 45), dans l’idée qu’un compatriote se ferait mieux accepter des Juifs; or il fit déporter en Mésopotamie davantage encore de ses correligionnaires, d’où sans doute son assassinat. A la suite de ce meurtre, et malgré Jérémie qui tenta de s’opposer à leur geste (Jer. 40, 5-41, 3), les partisans de Gedaliah s’enfuirent et Nabuchodonosr y vit la preuve de leur culpabilité; d’où sa décision de disperser les restes d’Israël, mentionnée par l’auteur (ligne 45).

1141.

Lignes 46-47; l’institution du deuil est dans Ezéchiel 33, 21. Sur le mois et le jeûne de Tévet, à cheval sur décembre et janvier, cf. le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme...op. cit., p. 1005-1006.

1142.

Lignes 47-48.

1143.

Sur cette expression de « roi très chrétien », et l’insistance sur le lignage, voir J. Krynen, L’empire... op. cit., p. 345 s. L’auteur écrit, p. 345, que « c’est seulement aux XIVe et XVe siècles que les rois de France se voient réserver le titre »; c’est vrai, du point de vue du monopole de ce titre; mais il est sûr, dans ce domaine comme dans d’autres, qu’une partie de l’absolutisme capétien dont J. Krynen juge le développement caractéristique des deux derniers siècles du Moyen Age trouve son origine durant le règne de Louis, bien avant sa canonisation dont on admettra évidemment le rôle décisif pour ses successeurs; ici encore, il semble bien qu’Eudes de Châteauroux ait anticipé. C. Beaune, Naissance... op. cit., p. 207 s., va dans le même sens, ainsi que J. R. Strayer, France: The Holy Land... art. cit. Concernant le lignage et la race royale, cf. A. W. Lewis, Le sang royal... op. cit., surtout p. 143 s.

1144.

Lignes 57-60.

1145.

Lignes 63-64

1146.

Lignes 66-67. Signe du traumatisme que cela a provoqué chez les croisés, le roi mentionne ce même fait dans sa lettre à ses sujets d’août 1250.

1147.

Lignes 68-70; l’auteur précise toutefois que ces hommes ont abjuré « après avoir appris ce malheur »; il peut s’agir soit de croisés qui n’étaient pas avec le comte, mais qui ont apostasié lorsqu’il a fallu se rendre aux Musulmans; soit de Chrétiens demeurés à Damiette, et l’on songe à ces prêtres dénoncés par Joinville.

1148.

Lignes 70-74.

1149.

Ligne 75; on retrouve ici le topos classique du prédicateur sur la nécessité de se conformer aux normes de vie chrétienne « verbo et exemplo », dans des circonstances infiniment plus dramatiques que celles où ce précepte a coutume d’intervenir.

1150.

Lignes 82-83.