Que Gherardo, ainsi qu’on vient de le voir, ait glosé les extraits du cinquième livre de la Concordia, où Joachim interprète longuement la figure de David 1381 , comme se rapportant aux difficultés politiques du temps présent, en l’occurrence la lutte entre empire et papauté, permet enfin de mieux saisir son projet. Dans la décennie précédant la composition de l’Introductorius, les Franciscains ont eu à subir, de la part de Frédéric II, des persécutions féroces, pour s’être montrés des agents extrêmement efficaces de la propagande pontificale 1382 . Sous l’influence des traités joachimites, tel le Super Hieremiam prophetamde 1243 environ 1383 , ils en vinrent à identifier l’empereur avec l’un des Antichrits laïcs dont divers courants de l’exégèse apocalyptique avaient scandé la venue dans le déroulement de l’histoire humaine 1384 ; Frédéric II doit triompher les trois années et demi précédant 1260, en compagnie d’un pseudo-pape hérétique; trois années et demi constituent on l’a vu la durée traditionnellement admise du règne de l’Antichrist; quant à 1260, c’était l’une des dates-clefs de l’exégèse joachimite et plus largement apocalyptique 1385 . Cette interprétation du rôle de l’empereur se raccroche par ailleurs à la croyance, largement répandue elle aussi chez les Franciscains, mais aussi les Dominicains, que les deux ordres religieux saints annoncés par les anges de l’Apocalypse sont les deux ordres fondés par Dominique et François 1386 : dans une perspective apocalyptique, les persécutions dont ils sont l’objet préparent naturellement, une fois la défaite de l’Antichrist consommée, le règne de l’Evangelium eternum ; bref il ne s’agit probablement pas, pour ce courant franciscain auquel se rattache de toute évidence Gherardo 1387 , d’interpréter les malheurs de l’ordre, y compris ses dissensions internes, comme le signe de son déclin, mais au contraire d’une crise contemporaine des ultimes tribulations, annonciatrice du temps de l’Esprit.
Le problème, c’est qu’en 1250, l’empereur meurt; cet événement déclenche chez certains Joachimites, le cas le plus célèbre étant Salimbene, la prise de conscience de l’inanité de certaines au moins des conséquences les plus extrêmes tirées de l’oeuvre de l’abbé calabrais: il n’y a pas de meilleure preuve que la réalité 1388 . Mais non chez tous: des solutions alternatives s’offraient, dans l’exégèse comme dans la situation politique contemporaine, pour identifier d’autres figures de l’Antichrist et continuer de valider les prédictions joachimites. Pour Gherardo, on sait, toujours grâce à Salimbene, en qui il voyait s’incarner l’Antichrist laïc: le roi de Castille, dont il discute avec le chroniqueur en 1253, en un passage savoureux qui mérite d’être cité en entier:
‘« Comme il [Gherardo] passait par Modène où je séjournais, j’évoquai avec lui notre rencontre à Provins et à Sens, l’année où le saint roi de France Louis, de bonne mémoire, accomplit son premier passage [comprendre: sa première croisade]. Je lui dis donc, puisque nous étions familiers: ‘Veux-tu que nous disputions de Joachim ?’ Il me répondit: ‘Ne disputons pas, conversons plutôt, dans un lieu secret’. Je l’ai donc conduit derrière le dortoir, où nous nous sommes assis sous la vigne; je lui dis: ‘Je me demande, à propos de l’Antichrist, quand il naîtra, et où’; il répondit: ‘Il est déjà né, a grandi, sous peu le mystère de l’impiété sera à l’oeuvre ’ 1389 . Je lui dis: ‘Tu le connais ?’ Il répondit: ‘Je ne l’ai pas vu en face, mais je le connais bien grâce à l’Ecriture’. Alors moi: ‘Où se trouve-t-il, cet écrit ?’; lui: ‘Dans la Bible’; je repris: ‘mais alors, dis-moi où, car je connais bien la Bible’... J’ai donc apporté une Bible, et il s’est mis à interpréter tout le chapitre dix-huit d’Isaïe comme concernant un roi d’Espagne, c’est à dire le roi de Castille. Le chapitre dix-huit d’Isaïe commence ainsi: Malheur, pays du grillon ailé... 1390 , et ainsi de suite. Je lui dis alors: ‘Tu dis donc que ce roi de Castille, qui règne actuellement, c’est l’Antichrist ?’ Il répondit: ‘Sans aucun doute, c’est lui le maudit, dont ont parlé tous les docteurs et les saints qui ont glosé ce passage’. Je lui ai dit en me moquant: ‘J’espère bien, mon Dieu, que tu seras trompé’ » 1391 .’Alphonse X de Castille (1248-1284), descendant des Hohenstaufen par sa mère Béatrice de Souabe, a donc pris le relai de Frédéric II, pour des raisons qu’il est possible de comprendre: le roi de Castille a toujours accordé un grand prix à son ascendance du côté de sa mère, tant en valorisant ses origines souabes, que sa parenté avec les empereurs grecs Comnène; dans une perspective « nationale » de dévolution héréditaire de la couronne, il est en 1253 l’aîné, après Conrad IV, fils de Frédéric II, des descendants de la maison souabe 1392 . A partir de 1257 où il est officiellement élu Empereur, il est vrai en même temps que le frère du roi d’Angleterre, Richard de Cornouailles, il assume, essentiellement pour des raisons tactiques, son rôle d’héritier de la maison Hohenstaufen 1393 . Cependant, à la date de la conversation de Salimbene et Gherardo, demeure vivant le fils de l’empereur défunt, Conrad, décédé en 1254 seulement et présent à ce moment en Italie 1394 ; Gherardo a-t-il anticipé sur la situation à venir, comme il semble lui-même le suggérer en insistant sur le fait que sa prédiction relève de sa capacité à interpréter la Bible ? La chonologie de Salimbene est-elle légèrement inexacte ? Il est difficile de répondre 1395 ; le fait est que très rapidement, l’Antichrist trouve un nouveau candidat pour l’incarner 1396 .
Plus généralement en effet, toute une tradition apocalyptique fournissait une solution extrêmement plastique, dont il est probable que la prédiction de Gherardo ne soit qu’un cas particulier d’application: la figure de l’Antichrist laïc d’un coup disparu surnaturellement, mais en réalité caché, pour refaire surface au moment opportun, à la fin des temps; ces doutes ne sont pas nés chez des Franciscains gibelins 1397 , mais chez des Franciscains joachimites, partisans des Guelfes: selon le chroniqueur de l’ordre Thomas d’Eccleston, le chapelain franciscain d’Alexandre IV lui-même, frère Mansueto da Castiglione, alors légat du pape en Angleterre, se fait le relais de telles croyances, fondées sur la vision par un Frère sicilien de Frédéric, se réfugiant à la tête de ses troupes au sommet de l’Etna 1398 . Le lien avec la tradition exégétique se révèle dans le fait que les Franciscains joachimites ont vu, dans ce Frédéric II « en attente d’intervention antichristique », un avatar du personnage de Néron, le premier empereur païen à endosser ce rôle chez les exégètes paléo-chrétiens. Cette interprétation est encore attestée dans la Glose du Lombard aux épîtres pauliniennes, où le passage de 2. Thess. 2, 7, cité par Gherardo à propos de l’Antichrist déjà né et toujours vivant, lorsqu’il répond affirmativement à Salimbene, était à l’origine considéré comme s’appliquant à la persécution des saints par Néron 1399 .
Je conclurai sur les intentions de Gherardo et le contexte précis où il publie son travail, en constatant sa cohérence, dans une perspective apocalyptique: il lui fallait un Antichrist, dût-il en changer au gré des événements, pour confirmer la mission providentielle dévolue à son ordre de remplacer l’Eglise institutionnelle au Temps de l’Esprit, rôle qu’il déduisait également, on l’a vu, des écrits de Joachim; cela explique sans doute qu’il ait regardé d’un mauvais œil la croisade de Louis IX en 1248: il prédit alors à Salimbene, sur la base du Super Hieremiam, la défaite du roi capétien 1400 ; mon hypothèse, c’est qu’aux yeux de Gherardo, le roi de France prétendait assumer de ce fait la mission dévolue par la littérature prophétique à l’empereur des derniers temps, consistant notamment à se faire couronner à Jérusalem après avoir vaincu les ennemis de la foi 1401 , mission dont l’heure n’était pas venue, mais à laquelle toute une propagande avait voué les capétiens depuis Philippe-Auguste 1402 ; le fait qu’il ait à mon avis très mal interprété les conceptions de Louis IX en la matière, à la fois plus traditionnelles et innovatrices en termes de mission, ne change rien à ce qui dut être le sentiment de quelques Franciscains joachimites, si l’on prend au sérieux leurs prétentions à prédire le futur. On ne peut complètement écarter aussi la présence, dans le cercle étroit des Ghirardiniens, d’un sentiment gibelin, puisque le frère Bartholomeus Guisculus, compagnon de Gherardo au couvent de Provins en 1248, appartenait, nous dit Salimbene, au parti impérial 1403 .
Conjoncturellement, la parution de l’Introductorius ne pouvait tomber plus mal: le roi est de retour en septembre 1254 et utilise à plein les Ordres mendiants, notamment les Franciscains, dans son entreprise de réforme du royaume, accélérée par la prise de conscience de ses défauts, imputable pour partie à sa réflexion sur les cause de l’échec de la croisade; il prend immédiatement le relais de son frère Alphonse en soutenant les Frères dans la querelle déclenchée par les maîtres séculiers de l’université; bref, tout est réuni pour que le maillon apparemment faible, où Guillaume avait cru trouver le moyen pour éliminer de l’enseignement ses concurrents, se transforme au contraire en boomerang, une fois les excès joachimites de certains Franciscains matés; il est vrai que le chef de file des Séculiers tombe lui-même dans le piège, en se plaçant pour polémiquer avec ses adversaires sur le même terrain « finimondiste » qu’eux; or entre-temps, la commission d’Anagni est passée par là: en faisant taire les Franciscains joachimites qui nuisaient à leur propre cause par leurs excès, elle a par avance condamné toute tentative de spéculation sur l’imminence de la fin du monde et scellé le sort de Guillaume; d’autant plus que les conclusions des commissaires ne résultent pas d’un travail hâtif, mais d’une lecture et d’une annotation serrée de Gherardo comme de Joachim. Dans ce but, Alexandre IV a fait appel à ceux qu’il considère comme les plus experts de ses cardinaux, pour juger mais aussi dire publiquement l’orthodoxie; Eudes de Châteauroux joue, je pense, le rôle majeur dans cette partie.
Cf. note précedente.
Cf. R. Lerner, Federico II mitizzato... art. cit., surtout p. 152.
Sur les œuvres pseudo-joachimiennes, cf. la liste de M. Reeves, The Influence... op. cit., p. 519-526; sur le Super Hieremiam spécifiquement, cf. R. Moynihan, The Development of the ‘Pseudo-Joachim’ Commentary « Super Hieremiam »: New MS. Evidence, dans MEFRM, t. XC (1986), p. 109-142.
Sur ces courants et la contribution spécifique de Joachim, cf. R. Lerner, Anticristi... art. cit., p. 124-125 surtout: selon l’abbé de Fiore, Gog est l’ultime avatar de ces multiples antichrists, figuré par la queue du dragon à sept têtes du livre de l’Apocalypse, 12; la traduction iconographique de ces conceptions se trouve dans le Liber Figurarum, que M. Reeves et B. Hirsch-Reich, The Figurae of Joachim of Fiore, Oxford, 1972, jugent une œuvre authentique de Joachim, alors que L. Tondelli, Il Libro delle Figure dell’Abate Gioacchino, t. I, Turin, 1953, p. 116-122, la rejetait; voir les reproductions dans L. Tondelli, M. Reeves et B. Hirsch-Reich, Il Libro delle Figure dell’Abate Gioacchino da Fiore, t. II, Turin, 19902; quelques-unes de ces reproductions, relatives au dragon à sept têtes, au sens obvie, se trouvent dans le recueil d’articles de R. Lerner, Refrigerio... op. cit., entre les p. 168 et 169.
Voir sur ces croyances joachimites, répandues dans une partie de l’ordre franciscain, R. Lerner, Federico II mitizzato... art. cit., surtout p. 149 s.; quant à la date de 1260, sa valeur provient de ce qu’elle est déduite d’Apoc. 12, 6: « et mulier fugit in solitudinem ubi habet locum paratum a Deo ut ibi pascant illam diebus mille ducentis sexaginta », locusapocalyptique traditionnel de l’exégèse de la fin des temps, cf. R. Manselli, L’anno 1260 fu anno gioachimitico ? , dans Il movimento dei disciplinati nel vii centenario dal sua inizio, Pérouse, 1962, p. 99-108, ici p. 100. Par ailleurs, tout le chapitre 12 de l’Apocalypse se prête à des spéculations de ce type (le cardinal s’y attarde longuement dans ses SERMONES n° 17 et 19, voir ci-dessous); sur la tradition exégétique relative à ce chapitre de l’Apocalypse, voir en général P. Prigent, Apocalypse 12. Histoire de l’exégèse, Tübingen, 1959; Idem, L’Apocalypse de saint Jean, Lausanne-Paris, 1981.
Cf. supra notes 167 à 170. Voir aussi M. Reeves, The Influence... op. cit., p. 135-144; p. 161-174 spécifiquement, pour les Dominicains et la reprise en main orthodoxe de l’ordre, notamment le rôle de Thomas d’Aquin, présent à Paris au moment de l’affaire de l’Evangile éternel; p. 175-190 spécifiquement, pour les Franciscains, nettement plus sensibles aux aspects apocalyptiques qui se rattachent à une telle conception « spirituelle » du rôle de l’ordre, y compris Bonaventure lui aussi présent à Paris à cette époque. Il me paraît significatif que les textes des chroniqueurs des deux ordres qui officialisent en quelques sorte cette interprétation soient contemporains de la bataille entre Séculiers et Mendiants, cf. Ibidem p. 72-73 (Giraud de Frachet dans ses Vies des Pèresde 1256; la chronique franciscaine d’Erfurt très peu de temps après); de sorte que je serais enclin à distinguer, au sein de chaque ordre, un « joachimisme modéré » et un « joachimisme extrêmiste »; le premier se contente du rôle providentiel assumé par les deux fondateurs en faveur de la papauté et de la rénovation apostolique de l’Eglise, et se trouve revigoré par le contexte de la lutte contre les Séculiers, qui remettaient en cause les fondements apostoliques de la mendicité; mais le second, sur la base des mêmes faits ainsi que d’une lecture « finimondiste » (terme que j’emprunte à M.-M. Dufeil, Guillaume... op. cit., passim ) des événements politiques contemporains, les interprète comme annonciateurs de la fin des temps; c’est surtout dans l’ordre franciscain qu’on s’est montré sensible à cet aspect du joachimisme, même si l’on en décèle quelques traces dans l’oeuvre du dominicain Vincent de Beauvais par exemple, citant le Super Hieremiam (cf. M. Reeves, Ibidem, p. 161).
Salimbene en fournit la preuve (Salimbene... éd. cit., p. 357), lorsque le chroniqueur évoque deux Franciscains joachimites, les frères Bartholomeus Guisculus et Ghiradinus de Burgo Sancti Donini [l’auteur de l’Introductorius], dans les termes suivants: « Hi duo sollicitabant me ut scriptis abbatis Ioachim crederem et in eis studerem. Habebant enim Expositionem Ioachim super Hieremiam et multos alios libros »; donc Gherardo s’appuyait bien, entre autres, sur le Super Hieremiam, que tous croyaient authentique.
Cf. R. Lerner, Federico II mittizato... art. cit;, p. 152; pour la prise de conscience du chroniqueur, cf. Salimbene... éd. cit., p. 358-359; p. 687-689.
2. Thess. 2, 7.
Is. 18, 1.
Salimbene... éd. cit., p. 688-689: « Cumque per Mutinam transiret [Gherado], habitabam ibi et dixi sibi quia cum eo steteram Pruuini et Senonis eo anno quo rex Francie sanctus Lodoycus bone memorie in primo passagio transfretauit. Dixi igitur sibi, cum esset michi familiaris: ‘Volumus disputare de Ioachym ?’ Tunc dixit michi: ‘Non disputemus, sed conferamus et eamus ad locum secretum’. Duxi igitur eum post dormitorium, et sedimus sub vite; et dixi sibi: ‘De Anticristo quero quando nascetur et ubi’. Tunc dixit: ‘Iam est natus et grandis est, et cito misterium operabitur iniquitatis‘ . Et dixi sibi: ‘Cognoscis eum ?’. Et dixit: ‘Non vidi ipsum facie, sed bene per Scripturam cognosco ’. Et dixi: ‘Ubi est ista scriptura ?’. Et dixit: ‘In Biblia est’. ‘Dicas ergo michi’, dixi ego, ‘quia notitiam Biblie bene habeo’... Portaui igitur Bibliam, et totum illud XVIII capitulum Ysaie exponebat de quodam rege Hispanie, scilicet de rege Castelle. Capitulum Ysaie sic inchoat: Ve terre cymbalo alarum... usque ad finem. Et dixi sibi: ‘Dicis tu ergo quod iste rex Castelle, qui modo regnat, est Antichristus ?’. Et ait: ‘Absque dubio Antichristus ille maledictus est, de quo omnes doctores et sancti, qui de hac materia locuti sunt, dixerunt’. Et deridendo dixi sibi: ‘Spero in Deo meo quod tu inuenies te deceptum’ ». Deux années plus tard, Salimbene tient une autre conversation, à peu près de même teneur, sur l’heure de la venue de l’Antichrist et le personnage historique qui l’incarnerait, à partir d’un autre traité pseudo-joachimien d’origine franciscaine, le Liber de oneribus, cf. sur ce point R. Lerner, Federico II mittizato... art. cit., p. 155 s., qui rapproche cette recherche d’identification de Frédéric d’Antioche, et explique que le traité (note 48) doit son existence et sa date (entre l’été 1255 et la fin de 1256) à l’impulsion de la commission d’Anagni qui condamne Gherardo.
De façon plus générale, Alphonse X de Castille s’inspire clairement dans son action politique du modèle frédéricien, en l’adaptant au cadre « national » castillan: il vise d’abord à restaurer le prestige de l’Espagne wisigothique, comme le démontrent son oeuvre de reconquête sur les Musulmans, mais aussi toute son œuvre législative, notamment les Siete Partidas , et l’impulsion donnée à des chroniques universelles en castillan restituant à son pays sa place dans le concert général des nations d’Occident; le prix qu’il accorde à la parenté de sa mère se lit en particulier dans les prénoms de ses sept fils, dont trois reçurent des noms castillans, les quatre autres des noms germaniques ou rappelant la parenté avec les Comnène. Voir sur ce roi A. Rucquoi, Histoire médiévale de la péninsule ibérique, Paris, 1993, Index des noms, p. 427, s. v « Alphonse X de Castille le Sage ».
Sur la double élection, cf. E. Jordan, L’Allemagne et l’Italie... op. cit., p. 304-309.
Cf. E. Pispisa, Il regno... op. cit., p. 20 s.
Les deux concurrents de 1257 ont engagé des négociations avec le pape en vue de leur candidature dès 1253 semble-t-il, cf. E. Jordan, L’Allemagne et l’Italie... op. cit., p. 313; ni l’un ni l’autre ne pouvaient ignorer leurs ambitions respectives, puisqu’après les menaces que le roi de Castille a fait peser sur la Gascogne anglaise au début de son règne, les deux royaumes se sont réconciliés par le mariage de la sœur d’Alphonse avec Richard, adoubé par le souverain espagnol lui-même en octobre 1254, lequel renonce un quelques jours plus tard à tout droit sur la Gascogne, voir sur tout cela F. M. Powicke, The Thirteenth Century, 1216-1307, Oxford-New York, 19622, p. 116-119. V. A. Alvarez Palenzuela et L. Suarez Fernandez, La consolidacion de los reinos hispanicos (1157-1369), Madrid, 1988 (coll. Historia de Espana, Gredos éditeur), disent p. 75 qu’on ne sait rien des prétentions d’Alphonse à l’Empire avant 1256, mais qu’il est difficile de croire qu’il se soit ensuite engagé sans y avoir réfléchi préalablement; voir tout leur chapitre, p. 75-92, sur « Les prétentions d’Alphonse X à la couronne impériale ».
Légitimes ou non, les hériters de Frédéric II, Manfred puis Conradin, devaient assumer à leur tour ce rôle, cf. R. Lerner, Federico II mitizzato... art. cit., p. 155 et note 45.
Il en a existé, de façon apparemment paradoxale, mais cela est largement explicable par les dissensions internes à l’ordre, la cas le plus célèbre étant celui du ministre général Elie de Cortone, déposé au chapitre général de Rome en 1239, et qui trouva refuge avec queqlues frères auprès de Frédéric II, cf. Gratien de Paris, Histoire de la fondation... cité, p. 144-145 pour la déposition, p. 619-625 pour les relations de l’empereur et des Franciscains, et note 6 pour l’utilisation par Frédéric des services d’Elie de Cortone; voir aussi G. Barone, Federico di Svevia e gli Ordini Mendicanti, dans MEFRM, t. XC/2 (1978), p. 607-626, et surtout Eadem, Frate Elia, dans BISIM, t. LXXXIV (1974-1975), p. 88-144.
Cf. R. Lerner, Federico II mitizzato... art. cit., p. 153, et note 35 pour les sources possibles, en l’occurrence la version longue de la Sybille érythréenne, de ces croyances; note 36 pour Thomas d’Eccleston. Au passage, R. Lerner souligne à juste titre que l’Etna était communément considéré, au XIIIe siècle, comme l’accès terrestre à l’enfer, cf. J. Le Goff, La naissance du Purgatoire, Paris, 1981, p. 276-277. Tout cela devait être d’autant plus parlant aux oreilles de Gherardo qu’il est sicilien.
R. Lerner, Federico II mitizzato... cité, p. 154 s.
C’est la conversation, déjà évoquée, au couvent de Provins entre Salimbene d’une part, Gherardo et Bartholomeus Guisculus de l’autre (Salimbene... éd. cit., p. 357); lors de la conversation de 1253 que j’ai citée, où Salimbene lui rappelle leur rencontre de Provins, le chroniqueur associe de nouveau ce moment à la croisade de Louis IX (Ibidem, p. 688); il est clair, me semble-t-il, que la croisade et les prédictions de Gherardo sont liées dans son esprit. De façon générale, les historiens qui se sont interessés aux relations entre Frédéric II et les Ordres mendiants ont très peu étudié, en-dehors du cas spécifique d’Elie de Cortone (cf. supra, note 194), la tendance gibeline qui de toute évidence existait au sein de l’Ordre; ajouter à la bibliographie citée ci-dessus G. Barone, Frate Elia. Suggestioni da una rilettura, dans I compagni di Francesco e la prima generazione minoritica, Spolète, 1992, p. 61-80; Eadem, L’azione degli Ordini Mendicanti, dans Federico II e le città italiane (P. Toubert et A. Paravicini-Bagliani ed.), Palerme, 1994, p. 278-289; C. D. Fonseca, Federico II e gli Ordini Mendicanti, dans Friedrich II. Tagung des Deutschen Historischen Instituts in Rom im Gedenkjahr 1994(hg. A. Esch u. N. Kamp), Tübingen, 1996, p. 163-181.
Sur cet empereur des derniers temps, d’ailleurs ambivalent selon les contextes et les auteurs, cf. M. Reeves, The Influence... op. cit., p. 293-392; C. Carozzi, Apocalypse... op. cit. , p. 20-23 et p. 93-142. Le lien de ce thème avec la coisade est étroit, comme le montrent la conversations qu’eut Joachim avec Richard Cœur de Lion, préparant son départ pour l’Orient, en 1190-1191 à Messine, cf. M. Reeves, Ibidem, p. 6-10.
Cf. E. A. R. Brown, La notion de légitimité... art. cit.
Salimbene... éd. cit., p. 356: « unus erat de Parma et dicebatur frater Bratholomeus Guisculus. De ciuitate mea hic erat, curialis et spiritualis homo, sed magnus prolocutor et magnus Ioachita et partem imperialem diligens [c’est moi qui souligne]... In quodam generali capitulo Rome ultimum diem clausit »; voir aussi sur ce compagnon de Gherardo, F. Masai, compte-rendu de la première édition par G. Scalia de Salimbene de Adam, Cronica, Bari, 1966, 2 vol., dans Scriptorium t. XXI/1 (1967), p. 91-99, ici p. 95. Le chapitre général des Franciscains où décède frère Bartholomeus ne peut être que celui de 1257, à l’occasion duquel je crois pouvoir démontrer qu’Eudes de Châteauroux prononce son SERMO n° 20 (voir plus loin); or ce chapitre est celui de la reprise en main de l’ordre par la papauté, qui fait élire Bonaventure ministre général après avoir poussé le précédent ministre général et grand joachimite, Jean de Parme, à la démission; Salimbene ne mentionne sûrement pas cette coïncidence, la mort de Bartholomeus à l’Ara coelien février 1257, par hasard.