La rubrique du SERMO n° 19 indique qu’il fut donné pour une fête de saint Antoine de Padoue, qui tombe le 13 juin. Le texte, qui s’en prend très clairement aux Franciscains joachimites mais aussi à leurs contradicteurs séculiers, est postérieur à la condamnation de l’Introductoriusde Gherardo, donc de 1256 au plus tôt; et plus probablement, si l’on tient compte du temps nécessaire au développement de la polémique des Séculiers, de 1257. Il est difficile de situer sa date au-delà de 1260, car alors les propos du cardinal n’auraient plus le même impact.Si l’on admet l’intervalle des années 1256-1260, pendant lesquelles Eudes de Châteauroux ne s’absente jamais longtemps de la Curie, il ne peut avoir été prononcé ailleurs qu’en Italie, sauf peut-être en 1257. Les attaques contre les Séculiers comme les Réguliers trop exaltés font songer à un public mêlé de clercs et de frères 1516 ; les Séculiers ici visés, outre les maîtres de l’université de Paris, pourraient d’ailleurs être les clercs de Curie eux-mêmes 1517 . Le pape et les cardinaux ont pu se rendre dans un couvent franciscain proche, par exemple celui de Viterbe où la curie réside alors, à l’occasion de la fête du « saint nouveau » qu’est Antoine de Padoue, extrêmement représentatif du rôle que depuis Grégoire IX, les papes entendent faire jouer aux Mendiants dans la pastorale et l’écclésiologie, usant de la canonisation comme d’un signe et d’un outil 1518 . Bref, la date du 13 juin 1256 me paraît la plus probable, sans pouvoir être établie avec certitude.
Concernant la fin des temps, le contenu en est largement commun avec celui du SERMO n° 17; mais comme il s’agit aussi de rattacher ce discours à la liturgie du jour, l’ensemble se partage d’abors entre des considérations élogieuses sur le mode de vie franciscain, en particulier la pauvreté, et des critiques sur l’orgueil qui s’empare de certains clercs; ce qui permet de glisser en dernier lieu à la pire des prétentions orgueilleuses, celle qui consiste à vouloir prédire le futur. On retrouve dans les deux dernières parties du sermon, consacrées aux vaines subtilités des pseudo-prophètes, les citations de Daniel 12, 7, et de Apocalypse 12, 6, qui nourissent dans toute la tradition exégétique occidentale le discours sur la fin des temps 1519 . Comme dans le SERMO n° 17, Eudes de Châteauroux s’en prend aussi à Lactance, pour la lecture littérale d’Apocalypse 20, 4-5, concernant le règne de mille ans des ressuscités de la première résurrection. Cette polémique réitérée, faisant référence à des textes anciens, relève d’un trait général de la culture des docteurs médiévaux, qui lorsqu’ils traquent l’erreur, tentent d’en repérer les prototypes dans les hérésies connues. Eudes de Châteauroux, cependant, modifie légèrement sa stratégie par rapport à celle adoptée dans le SERMO n° 17. Plutôt que d’attaquer de front les croyances millénaristes, il préfère se concentrer sur l’inanité des computs pseudo-prophétiques, qui interprétent à la lettre certains passages de l’Ecriture. C’est sur la méthode exégétique que Lactance est mis en échec, comme la suite des événements l’a parfaitement démontré, puisque les six mille ans que devait durer le monde se sont écoulés, sans que rien ne se produise des prédictions de tous les faux prophètes: « Mais aujourd’hui, ce qu’il [Lactance] a prétendu se révèle faux, car après ce millénaire, le monde a connu d’importantes tribulations, exactement comme avant » 1520 . De façon générale, l’angle d’attaque du cardinal est toujours celui d’un spécialiste de l’Ecriture sainte: il formule à la fin du sermon son opinion, sur la base de passages, qu’il juge limpides, de l’Ancien ou du Nouveau Testament.
Mais les deux principaux traits originaux du texte sont ailleurs. C’est d’abord une attaque surprenante, que seule peut expliquer son activité parisienne d’Eudes dans les années 1235-1248, contre l’exégèse juive, et plus précisément le Talmud. Le continuumqu’il diagnostique entre exégèse juive et vaticinations millénaristes, s’explique par la conviction qui anime sa propre exégèse: une lecture littéraliste aveugle, quoiqu’elle se prétende spirituelle, c’est à dire appliquée aux temps présents et futurs, dénature l’interprétation traditionnelle de la fin des temps. Dans les deux cas, ce que récuse le cardinal est la promotion, par les Juifs concernant le Talmud, et par les disciples extrêmistes de Joachim concernant l’œuvre de ce dernier, de spéculations trop humaines au rang de nouveaux livres saints. On ne peut mieux faire apparaître combien les enjeux d’interprétation de la Bible, et le statut de l’Ecriture sainte, revêtent un caractère existentiel pour les Médiévaux; combien aussi le renouveau de l’exégèse, tant juive que chrétienne, dans le second XIIe siècle, a fondamentalement remis en question la Tradition héritée des Pères.
Un second point original mérite d’être relevé. Dans la dernière partie de son sermon, Eudes de Châteauroux admet l’existence d’un sabbat terrestre, c’est à dire d’une période finale de l’histoire humaine, dont il est vain de scruter la durée, mais qui précèdera le jugement dernier. Sur ce point, il opère une synthèse prudente, accomplissant, sans le dire, un pas plus avant que saint Augustin dont il se réclame. Il est vrai qu’il s’appuie ici sur des autorités bien connues du monde universitaire. D’une part, pour couper court à toute spéculation millénariste, il invoque saint Jérôme lui-même. Celui-ci, en rapprochant Daniel 12, 11, qui prévoit une « abomination de la désolation » d’une durée de 1290 jours, et Apocalypse 13, 5, selon lequel la « bête », c’est à dire l’Antichrist, doit régner quarante deux mois, soit une durée à peu près équivalente à celle de l’abomination de Daniel), puis en poursuivant sa lecture de Daniel (12, 12: « heureux celui qui tiendra et qui atteindra 1335 jours »), avait calculé que la différence entre les deux chiffres, soit 45 jours, devait se rapporter probablement à l’intervalle de temps courant entre la fin de la persécution de l’Antichrist, et le Jugement dernier 1521 . A partir de cette apparition, dans l’exégèse latine, d’un sabbat - Jérôme parle prudemment d’une période de « silence » -, après l’Antichrist et avant le Jugement final, les biblistes postérieurs ont beaucoup discuté 1522 , à la fois sur sa nature (temps d’épreuves ou de félicité ?) et sur sa durée exacte. Celui qui a définitivement ancré cette ultime période de la vie terrestre dans le fonds commun de l’exégèse des fins dernières est Bède 1523 . A sa suite, de menues modifications sont intervenues, principalement dues à Aimon d’Auxerre. Se référant au principe d’incertitude de la durée selon Matthieu 24, 36 (« Quant à la date de ce jour [celui du jugement dernier], et à l’heure, personne ne les connaît, pas même les anges des cieux, personne que le Père, seul ») 1524 , qui était à l’origine des recherches de Jérôme, Aimon ajoute aux 45 jours une autre période, brève mais de durée exacte inconnue, précédant le jugement. Les spéculations d’Aimon influencent de toute évidence le traité De ortu et tempore Antichristid’Adson de Montier-en-Der du milieu du Xe siècle 1525 . Il faut attendre le XIIe siècle et le renouveau de l’exégèse, dont la Glose constitue le point d’aboutissement scolaire, pour que cet héritage fructifie en de nouvelles élaborations, notamment avec l’émergence d’une conception optimiste de cet ultime sabbat terrestre. Concernant sa durée, l’incertitude demeure, puisque Pierre Lombard introduit, dans la Glose aux épîtres pauliniennes qui fait désormais autorité, tantôt le chiffre de 45 jours, tantôt celui de 40 jours, tout en maintenant, ce qui est essentiel, l’idée d’une brève période supplémentaire, introduite par Aimon. Concernant l’expérience vécue lors de ce sabbat, on parle de « refrigerium sanctorum », selon la version consensuelle qui prévaut dans l’exégèse de Daniel 12, 12 1526 .
Les parti-pris exégétiques d’Eudes de Châteauroux, comme on s’ y attendait et comme le confirme la lecture de sa conclusion, s’avèrent extrêmement conservateurs, et en ce sens on comprend parfaitement son attachement à Augustin. Pour lui, le règne de l’Antichrist durera 1260 jours, chiffre périlleux car au cœur de l’exégèse joachimite, mais qu’il faut interpréter en le rapprochant, si l’on veut éviter de « délirer », à d’autres passages de l’Ecriture, par exemple la prophétie de Daniel 7, 24 ou d’Apoc. 12, 6:
‘« Comprenons notre chiffre cité de 1260 comme un nombre de jours, et non d’années; ces 1260 jours font trois années et demi, durant lesquelles règnera l’Antichrist; ce dernier détruit, la paix et la tranquillité de l’Eglise reviendront, et il y aura, après sa destruction, le Jugement; mais nous ignorons de combien de temps le Jugement diffèrera de la destruction de l’Antichrist, car de ce jour, personne ne sait rien, sinon le Père et le Fils qui se trouve et se comprend dans le Père, ainsi que l’Esprit saint » 1527 .’La période intermédiaire entre le règne de l’Antichrist et le Jugement est donc admise, mais l’orateur déconseille absolument d’en supputer la durée, se gardant de l’évaluer, ou d’y distinguer, tels certains de ses prédécesseurs, deux moments différents. Bref il se rallie au principe d’incertitude de l’Evangile de Matthieu, dont il modifie la lettre pour affirmer son credotrinitaire, évidemment contre Joachim, ses trois statuts et sa doctrine des trois personnes condamnée par le concile de Latran IV 1528 . Enfin, si le cardinal n’emploie pas ici le mot « refrigerium », il le fait dans un autre contexte, évoquant au SERMO n° 21, pour l’anniversaire des papes et des cardinaux défunts, leur séjour éventuel au Purgatoire, en une sorte de contre-épreuve orthodoxe des vaticinations joachimites. L’élaboration de la doctrine du troisième lieu, comme on l’a déjà constaté à propos du sermon sur Innocent IV, offrait de fait un antidote très simple à ces « délires », et beaucoup plus efficace, puisqu’accessible à chaque chrétien, moyennant l’intercession des suffrages des fidèles. A ma connaissance, aucun des auteurs qui ont étudié les textes concernant la fin des temps n’a songé à faire le rapprochement entre la crainte qu’inspirent à l’Eglise les pseudo-prophètes spéculant sur un sabbat agréable aux saints avant le jugement, et la nécessité ressentie par les prélats d’élaborer un lieu nouveau, lui aussi générateur d’une vision optimiste de l’avenir, dans l’attente du Jugement dernier. Il me semble qu’Eudes de Châteauroux prouve l’existence d’un lien entre ces deux élaborations doctrinales contradictoires, qu’il conviendrait d’approfondir.
Faute d’indications plus précises sur l’auditoire et les circonstances exactes d’un tel sermon, il n’est pas possible de mesurer son impact. Tout porte à croire qu’il avait pour but de remettre dans le droit chemin, concernant leur règle comme les espérances qu’ils étaient en droit de nourrir relativement à leur vie future, des auditeurs franciscains, dont l’Ordre est bien agité à cette époque. La publication, puis la condamnation de l’Introductorius de Gherardo, a en effet provoqué une tempête, au sein d’un organisme où, dès l’origine ou presque, la question des institutions avait posé un problème insoluble 1529 . Personne n’ignorait que le ministre général de l’époque, Jean de Parme, regardait d’un oeil bien complaisant les tendances joachimites de l’ordre, au point, même si ce fut sous l’effet de la propagande des Séculiers, qu’on n’hésita pas à lui attribuer la paternité de l’opuscule maudit 1530 . Ces derniers avaient parfaitement su jeter l’opprobre, à travers le débat public déclenché depuis 1254 au moins, sur l’ensemble des Ordres mendiants 1531 . Bonaventure eut donc à effectuer une véritable reprise en main de son Ordre, dont un des effets se marque dans la prédication, de diverses manières. La figure de saint François, facilement assimilée, on l’a vu, à celle d’un ange de l’Apocalypse, était à ce titre explosive. La prédication le concernant, souvent centrée sur son don de prophétie, est désormais étroitement encadrée 1532 . Le prophétisme du fondateur s’y trouve certes exalté, mais un prophétisme que je qualifierais de « normalisé »: les prédictions concernent surtout l’avenir de l’ordre et sont en général de nature optimiste, contrairement au climat calamiteux dans lequel devait se développer durant le second XIIIe siècle le prophétisme de l’aile spirituelle de l’ordre. Comme dans l’hagiographie dont ils s’inspirent de près, les orateurs ne cherchent pas à engager le débat, miné à partir de l’affaire de l’Introductorius, sur la nature de ce don prophétique et sa capacité à scruter la fin des temps; ils le constatent comme un témoin de sa sainteté. En fait, la notion de prophétie y recouvre, davantage que la prédiction du futur, la clairvoyance spirituelle dont a fait preuve François durant sa vie; outre les circonstances, les objectifs de la prédication, convaincre et affirmer, et non discuter, expliquent suffisamment cette orientation. Guibert de Tournai en particulier se donne à cette tâche 1533 . L’un des sermons qu’il consacre à la figure du fondateur est extrait de sa collection « De sanctis », qui fut envoyée à Alexandre IV aux alentours de 1255, c’est à dire en plein durant la crise universitaire étudiée 1534 . Le même auteur a consacré trois sermons ad crucesignatosdans sa collection « Ad status », achevée, elle, autour des années 1261-1262 sous l’impulsion probable de Bonaventure 1535 . Or l’un de ces sermons est sur le verset de l’Apocalypse 7, 2: « Vidi alterum angelum ascendentem ab ortu solis habentem signum Dei viui », c’est à dire l’ange du sixième sceau, ou encore François, et vise à fournir de ce thème la même exégèse officielle, pacificatrice des batailles internes à l’ordre, que formule Bonaventure dans la Legenda maior, sensiblement à la même époque. Cela s’explique par le fait que Guibert était l’un des hommes clefs de la stratégie de mise au pas du nouveau général franciscain . Bref, aucun prédicateur orthodoxe n’était de trop entre 1255 et 1260 pour mettre un terme à la querelle entre Mendiants et Séculiers et à la multiplicité de ses conséquences. Eudes de Châteauroux devait encore largement s’y employer, et cette fois, intervenir, au sein même de l’Ordre franciscain, pour appuyer Bonaventure.
Cette hétérogénéité du public se révèle peut-être dans la structure du discours: contrairement à son habitude, l’orateur n’annonce aucun plan, ni ne procède en divisant le verset, qu’il traite d’emblée dans sa globalité, pour l’appliquer ensuite à saint Antoine de Padoue; cependant le fil de son propos est très ferme et aisé à suivre: j’ai procédé à la division du texte en fonction des différents aspects abordés dans le discours.
Les lignes 104-115, bien que d’interprétation malaisée, pourraient avoir ce sens..
Sur les vicissitudes de la politique de canonisation des saints mendiants par les papes du XIIIe siècle et sa signification, cf. R. Paciocco, « Sublimia negotia ». Le canonizzazioni dei santi nella curia papale e il nuovo Ordine dei frati Minori, Padoue, 1997; Idem, Il papato e i santi canonizzati degli Ordini mendicanti. Significati, ossservazioni e linee di ricerca (1198-1303), dans Il papato duecentesco... op. cit., p. 263-341, où l’auteur note (p. 309 s.) que cette politique d’encouragement au culte des saints mendiants, dont Antoine, s’est accentuée sous Alexandre IV, du fait de la querelle entre Mendiants et Séculiers.
Lignes 120-121 pour Daniel 12, 7 (cf. R. Lerner, Refrigerio... il tempo... art. cit., p. 22 s. et passim ); aux lignes 119-120, allusion à Apoc. 12, 6: « Et mulier fugit in solitudinem ubi habet locum paratum a Deo ut ibi pascant illam diebus mille ducentis sexaginta », puis citation explicite de Apoc. 12, 14, où l’on retrouve les 1260 années, ou jours, selon les interprétations. Par ailleurs, tout le chapitre 12 de l’Apocalypse se prête à des spéculations de ce type, car il décrit (versets 3-4) le dragon dans lequel l’exégèse voit, traditionnellement, l’Antichrist, cf. R. Lerner, Anticristi.. art. cit., p. 124; Idem, Federico II mitizzato... art. cit.,p. 156, et passim .
Lignes 145-146. On notera ce qui est déjà apparu: l’histoire continue, calme ou agitée, mais sans solution de continuité.
Cf. sur tout cela l’article fondamental de R. Lerner, Refrigerio... tempo... art. cit., en particulier p. 22 (pour saint Jérôme) et p. 27-28 (pour les adaptations postérieures, surtout celle de Pierre Lombard passée dans la Glose).
Sauf Augustin, qui connaissait ces passages de Jérôme mais significativement préfère les taire, Ibidem , p. 23.
Ibidem, p. 24.
C’est l’un des versets de la péricope biblique commentée par le cardinal dans son SERMO n° 17.
Ibidem, p. 26-27; voir aussi C. Carozzi, Apocalypse... op. cit., p. 13-26.
Cf. R. Lerner, Refrigerio... tempo... art. cit., p. 27-28 et notes 37 à 39; la glose interlinéaire dit exactement: « dies quietis et pacis post mortem Antichristi xlv superioribus adduntur ad refrigerium sanctorum et ad penitentiam subuersorum », cf. Biblia latina cum glossa ordinaria... op. cit., t. III, p. 349. Quant à l’apport spécifique de Joachim à la fin du XIIe siècle, cf. R. Lerner, Ibidem,p. 32 s.
Lignes 150-154.
De ce point de vue, je ne pense pas qu’il faille exagérer la distance par rapport à la lettre de l’Evangile, qui affirme que « seul le Père connait le jour du jugement » (Matthieu 24, 36). Ce sont les circonstances, notamment l’acuité du combat contre les sectateurs de Joachim, qui le poussent à insister sur la Trinité. Quant à l’apôtre, je ne suis pas théologien pour bien prendre la mesure de son insistance sur le monopole de cette connaissance réservé à la première personne de la Trinité; je me rallie à l’avis des traducteurs de La Bible de Jérusalem... éd. cit., p. 1449 note o, selon qui « en tant qu’homme, le Christ a reçu du Père la connaissance de tout ce qui intéressait sa mission, mais il a pu ignorer certains points du plan divin »; d’ailleurs, l’exclusion du Fils de cette connaissance ne figure pas dans la version de la Vulgate, qu’utilisait l’orateur; la glose marginale a sur ce point une précision destinée à écarter toute interprétation incorrecte, cf. Biblia latina cum glossa ordinaria... op. cit., t. IV, p. 75, glose sur « nemo scit »).
Je renvoie de façon générale à J. Dalarun, François d’Assise... op. cit., passim, entièrement consacré à cet aspect de la vie de l’Ordre; voir en particulier p. 75, sur le sort « assez chaotique » des ministres généraux de l’Ordre.
Le bannissement définitif de Guillaume de Saint-Amour (août 1257), et la soumission pleine et entière, sans réticences, du consortiumdes maîtres (août 1257), puis la réception officielle de Thomas d’Aquin et de Bonaventure comme maîtres régents (fin octobre 1257), sont postérieurs à la démission de Jean de Parme du généralat, où Bonaventure lui succède. Il ne peut s’agir de coïncidences. Sur l’attribution à Jean de Parme du livre de Gherardo, cf. M. Reeves, The Influence... op. cit., p. 63; sur l’accueil chaleureux que lui réservèrent certains partisans du rôle providentiel, sinon sotériologique, de l’Ordre, premiers compagnons de François, tel frère Gilles, Ibidem, p. 186-188 (sur ce point, l’information provient de témoignages postérieurs des Spirituels de l’ordre, Ange Clareno et Ubertin de Casale, voir les sources publiées et annotées par F. Ehrle, Angelo Clareno, Historia septem tribulationum ordinis minorum, dans Archiv für Literatur und Kirchengeschichte des Mittelalters, t. II [1886], p. 249-336-.
Phénomène déjà relevé par H. Denifle, Das Evangelium... art. cit., p. 86, à propos des Mendiants tenus pour responsables d’errances imputables au seul Gherardo et à quelques sectateurs: « Die verhassten Religiosen, welche angeblich bei Abfassung des ersten [l’Introductoriusde Gherardo] und Publicierung der letztern [la Concordiade Joachim de Fiore, englobée dans la dénonciation des Séculiers comme la seconde partie, après l’Introductorius, d’une entreprise littéraire globalement hérétique] betheiligt waren, ja die sogar die Autoren der Concordiasein konnten, liess man so crasse Irrthümer lehren, dass auch das Volk, das man von der Kanzel herab in die ganze Angelegenheit einweihte, gegen die Bettelorden empört werden musste ».
Cf. N. Bériou, Saint François, premier prophète de son ordre, dans les sermons du XIII e siècle, dans Les textes prophétiques et la prophétie en Occident (XII e -XVI e siècle) = MEFRM , t. CII/2 (1990), p. 535-556;
N. Bériou, Saint François... art. cit., note précédente, édite un sermon de cet auteur franciscain (p. 553-556), et le commente p. 548.
C’est le sermon édité par N. Bériou, Saint François... art. cit.
Etudiés dans ce contexte par F. Cardini, Gilberto di Tournai. Un Francescano predicatore della crociata, dans Studi sulla storia e sull’idea di crociata, Rome, 1993, p. 291-306.
et les deux autres principales de ce genre au XIIIe siècle, celles de Jacques de Vitry et Humbert de Romans, voir N. Bériou- F. O. Touati, Voluntate Dei leprosus. Les lépreux entre conversion et exclusion aux XII e et XIII e siècle, Spolète, 1991, p. 38-52; récente mise au point, par N. Bériou, Les sermons latins après 1200, dans The Sermon (dir. B. M. Kienzle), Turnhout, 2000 (coll. « Typologie des sources du Moyen Age occidental, fasc. 81-83), p. 363-447, ici p. 390-394: l’auteur fait remarquer que ce genre « Ad status » s’intéresse en fait « aussi aux circonstances concrètes de la prédication » (p. 393), auxquelles se rattache en majorité le corpus de sermons d’Eudes de Châteauroux que j’ai établi, et que ces collections « Ad status » « doivent bien être considérées come l’une des espèces du genre, au demeurant hétérogène, des instruments de travail pour les prédicateurs » (loc. cit. ); enfin, qu’Humbert de Romans, dans ce cadre, fournit davantage des conseils que des modèles de sermons (Ibidem, p. 392). Bref, le genre est hybride, lié aux catégories intellectuelles de ceux qui l’élaborent plus qu’à la prédication concrète, et vite « passé de mode ». C’est parce qu’ils ne l’ont pas situé dans le cadre général du renouvellement des instruments de travail pour prédicateurs que les historiens de l’école des Annales, friands d’interdisciplinarité et de recours à la sociologie et à l’anthropologie, ont été favorablement impressionés, voire abusés, par l’importance de ce genre, à la sociologie en fait bien sommaire (sauf lorsqu’il s’agit, significativement, de classer les différents états cléricaux) et aux visées impraticable.