b) Le sermon pour l’élection du successeur d’Alexandre IV (mai-août 1261): le problème du népotisme

C’est donc aussitôt après l’apparent triomphe de Riccardo Annibaldi, matérialisé par l’élection de Richard de Cornouailles comme sénateur, que survient le conclave 1662 ; ce cardinal allait effectivement s’avérer, dans les années suivantes, l’un des hommes forts du collège, et devait jouer dans l’immédiat un rôle essentiel dans l’élection du pape. Le SERMO n° 24 s’inscrit dans ce cadre. Il appelle une analyse détaillée, car il fournit deux sortes de renseignements, qui valent pour l’interprétation de l’ensemble des événements à venir, jusqu’au choix définitif de Charles d’Anjou par l’Eglise romaine: il dénonce les motifs des dissensions internes au collège cardinalice; il énonce en contrepoint ce que doit être le pape idoine. Il convient d’abord d’en justifier la datation, qui ne va pas de soi si l’on s’en tient à la rubrique, laquelle parle uniquement de l’élection d’un pontife, et pourrait donc concerner tout évêque 1663 . Divers arguments, de forme et de fond, plaident pour un sermon donné entre fin mai et fin août 1261 1664 , même si l’on ne peut parvenir à une conclusion assurée.

Contre l’hypothèse que l’élection est bien celle du pape, on pourrait faire valoir que le cardinal est en général très précis dans ses rubriques, entre autres quand il s’agit de l’élection du souverain pontife 1665 , tandis qu’un de ses sermons, sous la rubrique plus laconique « in confirmatione electionis », concerne effectivement un archevêque 1666 . Ce critère n’est toutefois pas indiscutable. Peu après ce SERMO n° 24, dans le manuscrit d’Arras qui en est l’unique témoin, un second sermon rubriqué « in electione pontificis » concerne indubitablement l’élection du pape 1667 , et un peu plus loin, se lit un autre sermon dont la rubrique, cette fois, est non équivoque: « in electione episcopi vel cardinalium » 1668 . Le libellé des rubriques ne permet donc pas toujours de connaître d’emblée, et en chaque cas, les circonstances précises de la prise de parole. C’est en définitive le contenu des textes qui l’explicite; sur ce point, la lecture du SERMO n° 24 me paraît lever tout doute.

L’indice le plus évident allant dans le sens d’une élection papale figure aux lignes 154-155: « Pourvoyons à cette élection et accélérons-la, afin qu’elle se déroule à l’honneur de Dieu et dans l’intérêt de l’Eglise romaine et de l’ensemble du peuple chrétien » 1669 . C’est la seule fois il est vrai où est mentionnée dans le texte la vacance de l’Eglise romaine, mais d’autres expressions confirment que cette élection la concerne: d’abord et précisément, le fait que le terme « electio » ne soit jamais suivi d’un qualificatif quelconque; deuxièmement, à propos des manœuvres occasionnées par l’élection, le cardinal fait allusion en les condamnant aux considérations de personnes qui interviennent dans l’élection, citant les liens de parenté, d’amitié, mais aussi de patrie, ce qui prend tout son sens, on le verra, si l’on ramène ces accusations à ceux qui composent à cette époque le collège des cardinaux 1670 ; troisièmement, la dernière partie du sermon, tout entière consacrée au danger que fait courir à l’Eglise l’absence d’un pasteur, effectue un va-et-vient entre Eglise universelle et églises particulières, démontrant que la vacance du siège romain, désigné comme l’Eglise au singulier, engendre des conséquences néfastes pour toutes les églises; ce faisant, l’orateur recourt implicitement à l’ecclésiologie de la plenitudo potestatis, longuement évoquée au début du chapitre précédent, qui considére le siège de Pierre comme l’abrégé, l’épitomé de toutes les églises 1671 .

En faveur de la datation proposée, l’argument majeur provient enfin d’un indice formel: il s’agit de l’ordonnancement des sermons dans le manuscrit d’Arras, puisque le SERMO n° 24, que je propose donc de dater de 1261, y précède le SERMO n° 26, évoquant l’élection du successeur d’Urbain IV entre octobre 1264 et février 1265, tandis que deux autres sermons, intercalés, sont relatifs à la canonisation de l’évêque anglais Richard de Chichester, survenue en 1262 1672 .

La fourchette chronologique durant laquelle le SERMO n° 24 a été prononcé ainsi établie, il devient possible d’en éclairer le contenu. A partir d’un thème pris dans le Livre des Nombres: « Que Yahvé, Dieu des esprits qui animent toute chair, pourvoie cette communauté d’un homme qui sorte et rentre à leur tête, qui les fasse sortir et rentrer, afin que la communauté du Seigneur ne soit pas comme un troupeau sans pasteur » 1673 , l’orateur propose quatre parties, correspondant à un découpage en quatre séquences du verset 1674 . Il peut ainsi examiner successivement: la nature et les modalités de l’élection papale; les qualités requises pour une telle fonction; la façon dont l’élu doit accomplir sa tâche; enfin les dangers qui résultent d’une prolongation trop longue de la vacance du siège de Pierre.

L’idée principale qui structure la première partie du discours, c’est que Dieu doit agir au premier chef dans le cas d’une élection papale; il s’agit en effet de pourvoir le siège de Pierre au bénéfice de l’ensemble des Chrétiens et du salut de leurs âmes: la valeur spirituelle de l’élection en question découle du fait qu’en dernière instance, Dieu seul est pasteur des âmes 1675 , et confie aux prélats cette fonction. C’est l’occasion de définir les qualités requises chez ces derniers: veiller à l’honneur de Dieu, au salut des âmes, à la défense de l’Eglise, à la protection des malheureux, luttter contre l’hérésie, en faveur de l’exaltation de la foi 1676 . L’insistance mise sur la fonction spirituelle de l’élection fait clairement allusion à l’une des modalités possibles, la plus souhaitable, de l’élection du souverain pontife, celle « quasi per inspirationem », c’est à dire sous l’influence de l’Esprit saint; en l’absence d’une telle inspiration, des volontés purement humaines interférent avec les desseins divins, dans les deux autres modes d’élection utilisés par le collège cardinalice: « per scrutinium », à la majorité des deux-tiers des présents; et « per compromissum » ou « per viam compromissi », circonstance où, après l’échec patent des deux premiers modes, le corps électoral confie ses pouvoirs à un comité restreint qu’il a choisi en son sein 1677 . Il n’est pas possible de savoir à quel moment de la vacance du siège est prononcé le SERMO n° 24: probablement pas à son début, puisque l’orateur, s’il rappelle fortement la vocation sotériologique de toute fonction pastorale, et implicitement les comptes qu’à la fin il faudra rendre à Dieu, ne cache toutefois pas ses craintes, eu égard à l’attitude de certains cardinaux. La suite devait confirmer ces appréhensions, puisque leur choix, en faveur de celui qui devait prendre le nom d’Urbain IV, fut effectué « per viam compromissi », du moins selon le témoignage des chroniqueurs 1678 ; dissensions qui expliquent que les huit cardinaux alors présents, seuls survivants du collège légué à son successeur par Innocent IV, aient finalement opté pour un prélat extérieur à l’Eglise romaine 1679 .

Dès cette première partie, l’orateur désigne sans fard la cause majeure du blocage de l’élection: les cardinaux n’adoptent pas une attitude conforme à la volonté de Dieu car ils préfèrent poursuivre leur intérêt propre, substituant des motifs purement charnels aux raisons spirituelles qui devraient les faire agir; soit ils soutiennent des parents, des amis, des compatriotes, soit ils appuient des individus dont ils espérent pouvoir tirer profit contre leurs ennemis après l’élection 1680 . De tels électeurs sont comparés aux faux monnayeur, qui nuisent de la même façon à la communauté tout entière 1681 : par cette comparaison, c’est le crime de lèse-majesté, à entendre au sens spirituel, « ratione peccati » pour reprendre une expression fétiche d’Innocent III, qui est implicitement désigné ici 1682 ; le bûcher dont sont victimes au civil les faux monnayeurs, ces faux électeurs en subiront l’équivalent au jour du Jugement, de la part de Dieu qui les voit 1683 ; car un tel péché n’est évidemment pas susceptible d’absolution, contrairement aux péchés contre les hommes 1684 : en somme, Dieu laisse aux électeurs, y compris aux cardinaux, leur libre-arbitre, les dotant ainsi de la possiblité de le priver de son droit et de pactiser avec le diable, à leurs dépens.

Il vaut la peine de s’interroger sur l’identité des cardinaux visés, malgré la part d’hypothèses que cela suppose. On a vu que les années 1252-1257 ont engendré la constitution d’un « parti anglais » au sein du collège, et contre lui, d’un rassemblement de tous les opposants à cette solution, quel que soit leur parti-pris concernant la désignation d’un candidat à la succession du Regnum 1685 . Il semble bien que la critique forte, émise dès le début du discours, contre leur comportement en conclave, vise les quatre cardinaux-diacres issus de la noblesse italienne, les Romains Riccardo Annibaldi et Giovanni Gaetano Orsini, le Gênois Ottobono Fieschi et le Florentin Ottavio Ubaldini, plus particulièrement les deux premiers 1686 . A leurs côtés, on ne trouve plus que quatre autres cardinaux, non italiens, le Cistercien anglais Jean de Tolède, le Dominicain français Hugues de Saint-Cher, et les Séculiers Eudes de Châteauroux, un Français, et Etienne de Vancza, un Hongrois 1687 . Au fur et à mesure de l’avancement des négociations sur la couronne de Sicile, les affrontements se font d’autant plus vifs que le nombre des membres du collège est restreint, puisqu’Alexandre IV, selon l’Anonyme de Padoue, n’a pas voulu trancher entre leurs opinions, et pour cette raison n’a effectué aucune promotion 1688 . Or on dispose de deux versions concernant la façon dont s’est réglée l’élection: l’une dit que la recherche du compromis a été confiée aux trois « moines » du collège, à savoir Jean de Tolède et Hugues de Saint-Cher, auxquels il faudrait dans ce cas de figure obligatoirement adjoindre Eudes de Châteauroux, car on ne discerne pas, dans la tradition historiographique, d’autre cardinal qui ait été si précocement victime d’une erreur concernant son statut clérical 1689 ; en outre, le ton employé dans le sermon ici étudié, et les fortes attaches de ce dernier avec la cour capétienne, ne pouvaient inciter à voir en lui une personne de compromis. L’autre version, de toute évidence la plus plausible, attribue aux deux cardinaux romains, Riccardo Annibaldi et Giovanni Gaetano Orsini, la recherche d’une « via compromissi » 1690 ; leur hostilité réciproque depuis des années expliquerait fort bien qu’ils aient eu recours à quelqu’un d’extérieur au collège: chacun préservait ainsi l’avenir, aux plans religieux comme politique, c’est à dire d’une part ses chances d’être un jour élu pape, puisque les deux, à compter de la mort d’Innocent IV, se présentent comme des « papabili » incontournables; et d’autre part son influence sur les choix du futur pape, puisqu’à cette date, 1261, rien n’était encore tranché relativement à la dévolution du Regnum 1691 .

Donc, ces deux prélats correspondent parfaitement au portrait des mauvais électeurs que dresse Eudes de Châteauroux. A cette date, Riccardo Annibaldi peut se prévaloir d’une implantation seigneuriale dense dans le Latium, fondée sur des alliances avec une bonne part de la noblesse de cette région. Il dispose aussi d’un réseau serré de relations au sein de la curie, lié aux prélatures précédemment occupées par les membres de sa famille, puisqu’il fut apparenté au cardinal Stefano Conti, mort en décembre 1254, et à trois papes du XIIIe siècle: Innocent III, Grégoire IX et Alexandre IV. Il dut à ces relations d’occuper des postes de commandement administratif dans l’Etat pontifical, l’une des composantes du népotisme cardinalice, au point que S. Carocci s’exprime ainsi à son propos: « Mais c’est Riccardo Annibaldi qui fournit le cas de népotisme cardinalice de grande ampleur le plus éclatant et, peut-être, le plus intéressant » 1692 . Quant à Giovanni Gaetano Orsini, sa stature n’a rien à envier à celle de son concurrent, d’abord parce que l’ascension de sa famille s’est amorcée un peu plus précocement que celle de la famille Annibaldi, dès Célestin III (1191-1198) à la fin du XIIe siècle; ensuite parce qu’il est parvenu au but que son rival Riccardo Annibaldi l’a longtemps empêché d’atteindre, en devenant pape en 1277 sous le nom de Nicolas III 1693 . Les outils de la puissance sont les mêmes: assise seigneuriale importante dans le Latium, réseau curial dense, qui font du cardinal le véritable chef de la famille 1694 . Le népotisme ne peut donc être réduit à un simple phénomène de « corruption », certes inhérent au système en fonction de la faiblesse personnelle des individus: il est directement lié à la construction d’un Etat pontifical, reposant sur les rivalités politiques entre lignages nobiliaires que l’existence de cet Etat ne peut gommer et avec lesquelles il doit composer; il dépend aussi de la relation de cet Etat avec le reste des institutions ecclésiastiques qu’il juge en dernière instance; il repose enfin sur l’insertion de cet Etat dans les relations diplomatiques à l’échelle européenne, grâce au rôle considérable que la plenitudo potestatisdes papes a conféré à leur fonction 1695 . Ce sont là à la fois facteurs de force et de faiblesse: pour garantir sa maîtrise du territoire, l’administration pontificale n’a pas de meilleure alliée que la grande noblesse locale, à qui elle doit consentir une importante marge d’autonomie, surtout durant la période de guerre continuelle contre les Hohenstaufen; inversement, une telle configuration pousse ces familles baroniales à investir pleinement l’appareil de l’Etat pontifical, jusqu’à ses plus hautes sphères; de là découlent les rivalités au sein même des institutions du gouvernement central de l’Eglise romaine, dont la transformation au XIIIe siècle installe de plain-pied ces familles baroniales dans la politique européenne. Ce n’est pas un hasard si beaucoup d’entre elles jugeaient bon d’aller acquérir leur formation à l’université de Paris ou de conserver dans la capitale capétienne, ou dans celle des Plantagenêts, prébendes et demeures 1696 ; le fait qu’Innocent III, le grand théoricien de la plenitudo postestatiset le véritable fondateur de l’Etat pontifical, n’ait pas échappé aux travers du népotisme, ne s’explique pas autrement 1697 .

On comprend, à lire ses sermons, ce qui a le plus choqué Eudes de Châteauroux dans ce système: on a vu qu’il professait une vision toute religieuse de l’Eglise, et sa présentation des qualités du pape idéal, dans la suite du SERMO n° 24 bientôt analysée, ne fait que renforcer cette conception. Il n’est pas pour autant un ecclésiastique angélique: son action durant la croisade l’a montré capable de sens politique. Faut-il incriminer son parti-pris pro-français contre le parti anglais œuvrant à la Curie ? Ses attaques ne viseraient plus alors que Riccardo Annibaldi et Jean de Tolède; or Giovanni Gaetano Orsini, qui a toujours soutenu la solution angevine, est un népotiste avéré. On a peine à croire aussi que ce grand clerc séculier, qui fréquente depuis longtemps les puisssants laïcs, n’ait jamais constaté dans son pays d’origine la présence, au plus haut niveau des institutions ecclésiastiques, des grandes familles nobles, car l’Etat pontifical ne représente pas de ce point de vue une exception en Europe; de fait, à plusieurs reprises, il n’a pas mâché ses mots contre les nobles français qui prétendaient contrôler les biens des églises dont ils s’estimaient les fondateurs. Mais à ses yeux, l’Etat pontifical ne devrait pas être un Etat comme les autres, ni ses gouvernants oublier les fins ultimes en vue desquelles il a été institué. En outre, une telle construction territoriale, vue sous l’angle politique au sens étroit, comportait deux éléments de faiblesse intrinsèque qui, aux yeux d’Eudes de Châteauroux, constituaient au contraire des facteurs positifs, distinguant favorablement l’Etat pontifical des Etats laïcs. En effet, cet Etat n’entretient qu’un lien assez faible avec les élites sociales locales, en-dehors des grandes familles baroniales, cette situation résultant du fait que la majorité de ces élites demeure barrée, dans son accession aux postes-clefs, par l’obligation de les confier à des clercs; cette différence n’est peut-être pas éclatante lorsqu’on la compare à celle des grandes monarchies européennes, mais elle doit sauter aux yeux d’un cardinal qui vit désormais en Italie, et a surtout pour spectacle les constructions communales contemporaines de la péninsule. D’autre part, le monarque de cette construction, le pape, n’est pas le fils du précédent roi, mais l’élu, en général âgé, des cardinaux ses frères 1698 . Or tout indique que cet élément structurel de faiblesse d’un point de vue étroitement politique, traduction institutionnelle de la caducité du pape dont l’orateur aime à rappeler qu’elle constitue l’essence même de la fonction, n’est pas perçu comme telle par lui. Il faut donc, quitte à admettre la banalité d’un tel constat, convenir que ceux que condamne Eudes de Châteauroux en stigmatisant les comportements népotistes, ce sont les hommes d’Eglise, non l’Etat dont elle s’est dotée. Les exigences qu’on doit avoir vis-à-vis d’eux sont incommensurables avec celles qu’on peut requérir de simples fonctionnaires ou dirigeants d’un Etat laïc, comme il le dit à sa manière dans son sermon: « Les autres maîtres exercent leur pouvoir sur les corps, seul Dieu exerce le sien sur les âmes et les corps. Donc seul Dieu est aussi maître des âmes; aussi, lorsqu’on pourvoit au soin des âmes par l’élection d’un pasteur, cette provision ou élection relève de Dieu seul, comme le jugement » 1699 .

A coup sûr, ces conceptions n’étaient pas partagées par tous: on pourrait multiplier les exemples de corruption des cardinaux (ainsi ceux que le roi d’Angleterre achète pour les gagner à sa cause dans l’affaire sicilienne), au point que, dans une lettre de 1258,Louis IX se plaint au pape de cette cupidité et l’exhorte à ne nommer que des cardinaux pieux et zélés pour l’Eglise 1700 . Outre Riccardo Annibaldi et Giovanni Gaetano Orsini, l’un des cardinaux que les allusions d’Eudes de Châteauroux doivent viser tout particulièrement est Jean de Tolède, splendidement gratifié, on l’a vu, par Henri III d’Angleterre 1701 .

Certaines accusations, un plus loin dans le discours, déclinent un autre aspect du népotisme 1702 , stigmatisant le comportement des cardinaux dans la gestion même des biens ecclésiastiques; là encore Riccardo Annibaldi pourrait être particulièrement visé, entre autres pour son administration, pour le moins douteuse, de l’archiprêtré de Saint-Pierre du Vatican, dont il est titulaire depuis 1254 1703 . Ces prélats sont en effet accusés de se décharger sur d’autres des jugements désagréables que leur fonction implique, notamment lorsqu’il s’agit de mettre en cause de puissants laïcs, sur lesquels ils devraient pourtant exercer leur autorité 1704 ; ce faisant, ils ne montrent pas l’exemple de la pureté de mœurs et de la sainteté, ni ne se révèlent, dans l’action, miséricordieux et d’abord enclins à la contemplation; bref ils sont incapables de susciter l’imitation, d’assumer leur prélature qui consiste à « conduire [leur] peuple de la servitude du péché, en quelque sorte hors d’Egypte, pour l’introduire au désert de la pénitence et enfin à la terre promise » 1705 .

En contrepoint de ces rudes attaques, l’orateur dessine les portraits de l’électeur comme de l’élu idéaux, tous deux véritables pasteurs; esquissé dans la première partie du sermon 1706 , le portrait de l’élu occupe toutes les seconde et troisième parties: successivement, sont analysées ses qualités personnelles, psychologiques et intellectuelles 1707 , débouchant ensuite sur une présentation « en situation », face aux tâches qui lui incombent, du bon pasteur 1708 .

Les qualités personnelles de ce dernier, longuement évoquées par la seconde partie du discours, comportent ceci de notable que l’individualité concrète du pape souhaitable, souvent absente des sermons au profit de la figure fonctionnelle du successeur de Pierre et du vicaire du Christ, est ici campée 1709 : bien sûr, le modèle biblique, en l’occurrence le Livre de la Genèse, demeure présent en arrière-plan, puisque la principale qualité requise du pasteur, c’est d’être à l’image et à la ressemblance de Dieu 1710 ; de même, un peu plus loin, c’est à Moïse que le pape est comparé 1711 ; mais on sent aussi le poids du renouveau pastoral qui caractérise le XIIIe siècle, puisque les deux facettes, psychologique et intellectuelle, de la personnalité du souverain pontife sont conditionnées par son savoir rationnel et son expérience: il faut un homme soumis à la raison, non un impulsif dominé par l’irréflexion; c’est en se montrant doux comme Moïse qu’il procurera à l’Eglise ce dont elle a le plus besoin, la concorde et la paix, car les belliqueux ne suscitent que division et rixes 1712 ; or ce comportement résulte d’une compétence: il faut un pape expert dans la science de l’ Ecriture, doté de la mémoire des faits et d’une intelligence prudente et perspicace, ainsi capable de « discerner la face cachée des problèmes, spirituels comme temporels » 1713 . De toute évidence, l’ancien maître en théologie s’exprime ici, enjoignant de savoir reconnaître dans le déroulement de l’histoire contemporaine et le fonctionnement de l’institution ecclésiale ce dont seul le commentaire de la Bible fournit les clefs de compréhension. Le tournant pastoral du siècle est tout aussi marqué dans la façon dont l’orateur passe à la troisème partie de son discours: la conformité du pasteur à la création divine doit s’exprimer non seulement verbo, mais aussi exemplo.

L’« idonéité » 1714 de l’élu se juge en effet à l’action concrète qu’on espère du pape, d’un point de vue téléologique: « dans quel but doit être élu un pasteur » 1715 . Ce doit être un chef, dont la dignité et la probité stimulent les autres au combat contre les ennemis de l’Eglise, ennemis aussi bien spirituels, les péchés, que matériels, les adversaires de l’institution 1716 . C’est ainsi, par l’exemple de ses actions vertueuses, qu’il s’avérera le pasteur idéal, rempart de ses ouailles contre l’hérésie et le diable, déjà évoqués dans la première partie du sermon 1717 .

Parvenu à ce point, Eudes de Châteauroux peut récapituler l’ensemble de son argumentation, en développant la quatrième partie de son plan: les dommages que cause à l’Eglise l’absence d’un recteur. L’exégèse de cette dernière partie du thème convainc que l’élection prise en considération est bien celle de l’évêque de Rome: à cause d’allusions précises déjà notées 1718 ; mais surtout, parce qu’ici se met clairement en place la construction ecclésiologique, organiciste, défendue par l’orateur; des qualités des cardinaux, eux-mêmes recteurs d’églises particulières, dépend le choix d’un pape idoine, mais en retour ce choix influence l’ensemble des églises de la Chrétienté, dont celle de Rome est l’abrégé: si leurs « droits sont usurpés » 1719 , c’est à cause de la « vacance de l’Eglise », évoquée au singulier 1720 . La fin du sermon revient sur l’idée des mauvais électeurs, coupables d’une trop longue vacance; de façon caractéristique, c’est l’exégèse de la Bible et le recours à une autorité patristique indiscutable, Origène 1721 , qui permettent de dénoncer une dernière fois les conséquences du népotisme. Les cardinaux favorisent une dévolution charnelle de l’office pastoral, au détriment de sa valeur spirituelle: le verset suivant celui du thème est cité, qui voit Moïse se mettre à l’écart et réfléchir à l’identité de celui qui pourrait lui succéder à la tête d’Israël, en vue d’entrer en Terre promise, une fois que Dieu lui a annoncé sa mort prochaine; l’Eternel lui suggère le nom de Josué 1722 , ce qui revenait de fait à éliminer comme chefs possibles les fils d’Eleazar, mais aussi ceux du propre frère de Moïse, Aaron, actuel grand prêtre 1723 . C’est ici qu’interviennent les citations d’Origène, ce dernier précisant que le sens allégorique du passage biblique nécessite à peine qu’on l’explicite, tellement il est évident: « Ici, aucune acclamation du peuple, nulle prise en compte de la parenté [...]; que le gouvernement de ce peuple soit transmis à celui que Dieu a choisi, c’est à dire celui qui possède en lui-même l’Esprit de Dieu, et garde devant les yeux ses préceptes, celui qui est connu et familier de Moïse, en qui brillent le droit et la science, afin que les fils d’Israël puissent l’écouter » 1724 .

En conclusion, l’orateur invite les électeurs à prier Dieu, maître de leurs âmes, pour qu’il pourvoie son Eglise d’un homme à son image, rationnel et doux, supérieur par sa sainteté et sa prudence, apte à protéger les Chrétiens de la servitude des tyrans qui l’oppriment et à les maintenir en état de grâce 1725 . Les tyrans, on l’a vu, sont à l’époque multiples: ce peut être aussi bien les cardinaux népostistes que les puissants laïcs qui menacent l’Eglise romaine ou lui témoignent une sollicitude pressante et intéressée. En tout cas, au moment où le futur titulaire du siège de Pierre va devoir déterminer une ligne de conduite au milieu de pressions de tous bords, le cardinal Eudes de Châteauroux énonce clairement une ample vision ecclésiologique et rappelle en termes nets, au-delà du fonctionnement quotidien de l’institution, les visées eschatologiques de l’Eglise du Christ; bien qu’il soit impossible de rien connaître de ses sentiments, on peut faire l’hypothèse que le nouvel élu, qui sort finalement du compromis par lequel s’achève le conclave, fin août 1261, à savoir Urbain IV, correspond en partie à ses vœux, puisqu’il est venu en Curie pour rappeler aux cardinaux le danger qui, depuis le début des années soixante et malgré les travaux de défense financés par Louis IX durant son séjour, menace les Etats latins de Terre sainte.

Comme beaucoup d’autres papes avant et après lui, Urbain IV allait faire l’expérience que les questions politiques urgentes posées au souverain pontife l’empêchaient le plus souvent de mener à bien les projets qui lui avaient tenu à cœur avant son accession à la papauté. Du moins devait-il, immédiatement, se montrer face à la question du trône de Sicile très indépendant de la majorité du collège dont il héritait, et décider, enfin, de choisir clairement un allié parmi les candidats, en l’occurrence Charles d’Anjou 1726 . Avec son pontificat, c’est donc une seconde époque, véritablement décisive, qui s’ouvre dans les négociations entre ce dernier et le gouvernement central de l’Eglise. A nouveau, les sermons d’Eudes de Châteauroux montrent que ces relations furent complexes et tendues, continûment hypothéquées par la question récurrente de la nature respective des pouvoirs temporel et spirituel et de leur agencement.

Notes
1662.

Sur la justification, sinon juridique, du moins de fait, du mot « conclave » pour désigner les modalités de réunion des cardinaux, cf. A. Franchi, Il conclave... cité, p. 53-55 surtout).

1663.

Voir supra note 31.

1664.

Voir supra note 67.

1665.

Voir l’exemple des SERMONES sur ce thème du conclave de Viterbe, n° 51, 56, 61, 62, qui évoquent tous dans leurs rubriques le « summus pontifex ».

1666.

C’est le SERMO n° 52, qui concerne l’archevêque de Besançon, voir le chapitre suivant.

1667.

C’est le SERMO n° 26, voir ci-dessous; donc « pontifex » employé seul peut avoir le sens de « [souverain] pontife »; je n’ai d’ailleurs pas repéré une seule fois, dans les rubriques, le mot « pontifex » dans le sens de simple évêque ou archevêque.

1668.

RLSn° 868, dans Arras, Bibl. mun. 876, f. 97ra-100va.

1669.

« ... sed eam [l’élection] acceleremus et procuremus, ut ad honorem Dei fiat et ad utilitatem Ecclesie romane et totius populi christiani ».

1670.

L’orateur s’attaque évidemment au népotisme qui sévit à la Curie, cf. S. Carocci, Il nepotismo nel medioevo. Papi, cardinali e famiglie nobili, Rome, 1999; pour la stratégie familiale d’Innocent III en particulier, et à sa suite du cardinal R. Annibaldi son neveu, sans doute l’un des premiers visés par les attaques d’Eudes de Châteauroux dans ses sermons, cf. M. Dykmans, D’Innocent III à Boniface VIII. Histoire des Conti et des Annibaldi, dans Bulletin de l’Institut historique belge de Rome, t. XLV (1975), p. 19-211.

1671.

Lignes 124-125; voir aussi les lignes 131-133, où le même schéma fonctionne.

1672.

Les sermons pour la canonisation de Richard de Chichester, RLSn° 865 et 866, sont à vrai dire anonymes, rubriqués « in canonizatione alicuius sancti »; mais on peut démontrer qu’ils concernent en réalité l’évêque anglais, car ils offrent des passages absolument parallèles avec le SERMO n° 25, explicitement consacré à sa canonisation; voir l’analyse de ces trois sermons, et le détail de mon argumentation, au chapitre suivant.

1673.

Nm. 27, 16.

1674.

Lignes 9-10.

1675.

Lignes 27-31.

1676.

Lignes 71-74.

1677.

Voir sur tout cela P. Herde, Election and Abdication... art. cit., p. 411-413; l’auteur précise que la majorité des deux-tiers, en cas de « scrutinium », n’est pas conditionnée par l’existence d’un quorum: peu importe le nombre de cardinaux effectivement présents; d’autre part, pour éviter de répéter plusieurs tours de scrutin en cas d’absence de majorité des deux-tiers, la procédure de l’« accessus » pouvait être utilisée: les cardinaux qui le souhaitaient, à condition qu’ils reportent leurs voix sur un candidat qui en avait déjà obtenu au premier tour, pouvaient le faire dans une sorte de « tour additionnel ».

1678.

Cf. A. Franchi, Il conclave... op. cit., p. 47-51, qui montre que l’élection d’Urbain IV a été difficile. Les deux témoignages historiographiques les plus nets sur le climat qui régnait à l’intérieur du collège sont ceux de Saba Malaspina, Ibidem, p. 49-50, et de la chronique anonyme de Padoue, Ibidem, p. 50; ce dernier texte oppose en particulier les cardinaux « qui voulaient édifier Sion dans les liens du sang » , allusion probable au népotisme (voir note suivante), à ceux qui « voulaient promouvoir des hommes idoines ».

1679.

Urbain IV, de son nom de naissance Jacques Pantaléon, est un prélat français, originaire de Troyes, présent ponctuellement à la cour pontificale (Viterbe) à cette époque, car patriarche de Jérusalem et légat apostolique en Terre sainte; il n’a pas fait l’objet d’études de synthèse récentes: voir W. Sievert, Das Vorleben des Papstes Urban IV, dans Römische Quartalschrift für christliche Altertums Kunde, t. X (1896), p. 451-505, et t. XII (1898), p. 126-161; Catalogue de l’exposition VII e centenaire de la mort du pape Urbain IV, Troyes, Musée des Beaux-Arts, 23 mai-30 août 1964, dans Mémoire de la Société Académique d’Agriculture du Département de l’Aube, t. CIV (1964-66), p. 57-71. Sa nationalité prouve que la discorde entre cardinaux ne peut être ramenée de façon anachronique à des querelles « nationales » au sein du collège, où les Etats auraient transporté leurs querelles diplomatiques; cela malgré l’accusation de l’orateur contre ceux qui favorisent leurs compatriotes dans le cadre de l’élection: il faut comprendre ici la mise en cause du népotisme pontifical, c’est à dire de la politique menée par les cardinaux romains en faveur de leur parenté: significativement, parent, compatriote, ami ou bienfaiteur sont mis sur le même plan (ligne 42); voir S. Carocci, Il nepostismo... op. cit., p. 63-110 sur les motifs et les mécanismes de ce phénomène, en particulier p. 63-86 pour les cardinaux.

1680.

Lignes 40-42.

1681.

Lignes 65-67.

1682.

C’est sous le règne de Louis IX que la fabrication de fausse monnaie entre dans la liste des crimes de lèse-majesté, cf. J. Le Goff, Saint Louis... op. cit., p. 248-249; et sur la construction juridique des concepts de «  cas royaux » et de « cas privilégiés », dont dait partie le faux monnayage, cf. J.-F. Lemarignier, La France médiévale. Institutions et société, Paris, 1970, p. 350-351 et 355-356; O. Guillot, A. Rigaudière, Y. Sassier, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, t. II: Des temps féodaux aux temps de l’Etat, Paris, 1994, p. 194-197.

1683.

Ligne 71. En principe à cette époque, les peines qui s’appliquaient aux faux monnayeurs étaient au choix l’ébouillantage, la décapitation, la pendaison, voir E. Fournial, Histoire monétaire de l’Occident médiéval, Paris, 1970, p. 17-18; la référence à la « combustio » peut provenir du droit romain qui appliquait cette peine, Ibidem, loc. cit.

1684.

Lignes 52-62.

1685.

Cf. J. Maubach, Die Kärdinale... op. cit., qui fournit p. 65-85 l’analyse la plus détaillée, même si son défaut consiste à interpréter les événements en termes de rivalités nationales; je montrerai en conclusion que cette grille de lecture n’est pas opératoire, se heurtant à de trop nombreuses contradictions.

1686.

Cf. E. Dupré-Theseider, Roma dal comune... op. cit., p. 79-86.

1687.

Contrairement à ce que dit A. Franchi, Il conclave... op. cit., p. 50 note 66, le collège ne comprend que deux religieux, et non trois: son erreur doit provenir de ce qu’il considère Eudes de Châteauroux, selon une vieille tradition fautive, comme cistercien (Ibidem, p. 41); ce point est important, voir ci-dessous.

1688.

Ibidem, p. 50.

1689.

La thèse du compromis réalisé par les trois cardinaux moines est avancée, d’après la reconstitution hypothétique d’une lettre de Jean d’Hermingford à Henri III d’Angleterre sur l’élection, par H. Grauert, Meister Johann von Toledo... art. cit.; l’auteur fait prudemment d’Eudes de Châteauroux, p. 132-133, un Cistercien, d’après des sources de cet ordre très tardives (XVIIe siècle, voir Ibidem, note 1 p. 133); mais là où H. Grauert a perdu toute prudence, c’est lorsqu’il supplée à une lacune de la lettre en comptant trois moines (Ibidem, p. 132), alors que ce détail précisément manque, s’obligeant ainsi à faire d’Eudes de Châteauroux un clerc régulier (voir aussi l’extrait de la lettre de Jean de Hermingford dans A. Franchi, Il conclave... op. cit., p. 49).

1690.

Ibidem, p. 47; et, dans le détail, O. Joelson, Die Papstwahlen des 13. Jahrhunderts bis zur Einführung der Conclaveordnung Gregors X., Berlin, 1928, p. 55-56.

1691.

Cette rivalité s’explique avant tout par celle des deux familles au sein de la société romaine; mais elle peut aussi être liée à des options différentes concernant la solution de la question sicilienne, ainsi qu’à une vision divergente de la papauté. Sur la Sicile, on a vu plus haut (cf. aussi A. Paravicini-Bagliani, Cardinali... op. cit., p. 318-319) que le positionnement de Giovanni Gaetano Orsini, contrairement à celui de Riccardo Annibaldi, était rien moins que déterminé; en tout cas, l’un comme l’autre devaient s’avérer ensuite des partisans déterminés de la cause angevine, ce qui implique, pour Riccardo Annibaldi au moins, de la versatilité, ou, comme on voudra, de l’opportunisme. Sur la conception que chacun avait de la papauté et de l’Eglise, à laquelle il a bien fallu que les deux rivaux réfléchissent, compte-tenu des ambitions que leur prêtent les historiens, on ne possède pas d’indice sûr; tout au plus, on peut noter que Giovanni Gaetano Orsini serait l’auteur d’un ouvrage politico-religieux, De electione dignitatum, dont on ne possède plus la moindre trace (A. Paravicini-Bagliani, Ibidem, p. 316); cette question est au centre du SERMO n° 24 d’Eudes de Châteauroux. Enfin, l’on doit relever que ce futur pape demeurera jusqu’au bout un fidèle soutien d’Urbain IV et Clément IV, y compris lorsqu’il s’agira de s’opposer aux appétits politiques de Charles d’Anjou.

1692.

La parenté avec Alexandre IV pourrait notamment expliquer l’indécision de ce dernier durant son pontificat; pour les liens avec la noblesse du Latium, voir M. Dykmans, D’Innocent III à Boniface VIII... art. cit., passim, notamment les deux tableaux généalogiques I (famille des Annibaldi) et III (famille des Conti di Poli, descendant d’un frère d’Innocent III); S. Carocci, Il nepotismo... op. cit., p. 76-78, et passim, à l’index p. 225, s. v. « Annibaldi, famiglia » et « Riccardo, cardinale »; on trouvera une étude encore plus fouillée des destinées du lignage et de l’étendue de ses biens dans le Latium dans Idem, Baroni di Roma. Dominazioni signorili e lignaggi aristocratici nel Duecento et nel primo Trecento, Rome, 1993, p. 311-319, avec généalogie et carte des castelli appartenant à la famille; sur la carrière plus spécifiquement religieuse de Riccardo Annibaldi, ajouter T. Boespflug-Montecchi, Riccardo Annibaldi, cardinal de Saint-Ange, dans Rivista di storia della Chiesa italiana, t. XLVI (1992), p. 30-50.

1693.

Cf. S. Carocci, Il nepotismo... op. cit., p. 32-33 pour les faveurs de Célestin III; p. 124-127 pour la carrière de Giovanni Gaetano Orsini; et passim, à l’index p. 230, s. v. « Orsini, famiglia », p. 229, s. v. « Nicola III, papa »; Idem, Baroni... op. cit., p. 387-403. Je n’ai pu consulter F. Allegrezza, Organizzazione del potere e dinamiche familiare. Gli Orsini dal Duecento agli inizi del Quattrocento, Rome,1998.

1694.

Cf. S. Carocci, Il nepostismo... op. cit., p. 106-108 pour des exemples précis concernant Giovanni Gaetano Orsini; le second exemple, la redistribution, en 1262, entre les membres de la famille des innombrables biens immobiliers possédés à Rome, a été étudiée plus en détail, voir Idem, Una divisione dei possesi romani degli Orsini, dans ASRSP, t. CXV (1992), p. 11-55.

1695.

Voir S. Carocci, Il nepostismo... op. cit., p. 37-46.

1696.

Voir le chapitre I.

1697.

Voir S. Carocci, Il nepostismo... op. cit., p. 111-116, au titre significatif: « Innocent III, grand pape, grand népotiste ».

1698.

Sur ces deux aspects, Ibidem, p. 44-46.

1699.

Lignes 33-36.

1700.

Cf. J. Maubach, Die Kärdinale... op. cit., p. 78 note 3; il s’agit en fait des instructions de Louis IX à son ambassadeur auprès d’Alexandre IV, que j’ai évoquées au chapitre III; voir l’édition et le commentaire de H.-F. Delaborde, Instructions d’un ambassdeur envoyé par saint Louis à Alexandre IV à l’occasion du traité de Paris (1258), dans BEC, t. XLIX (1888), p. 630-634.

1701.

Cf. supra notes 55 et 56.

1702.

Lignes 105-123; dans ses accusations, l’orateur passe du pluriel (lignes 105-114) au singulier (lignes 114-124): sans doute vise-t-il un cardinal en particulier, mais on ignore lequel.

1703.

Cf. DBI, loc. cit. p. 351; A. Paravicini-Bagliani, Cardinali... op. cit., p. 146: R. Annibaldi réservait à si peu de ses amis les abondants revenus de la basilique qu’on trouve seulement dix chanoines au chapitre, à sa mort en 1276.

1704.

Lignes 107-108.

1705.

Lignes 119-121.

1706.

Lignes 46-49.

1707.

Seconde partie: lignes 75-94.

1708.

Troisième partie: lignes 95-123.

1709.

Le même phénomène, où l’individu disparaît derrière sa fonction, caractérise la présentation de la figure de Charles d’Anjou ou de Richard de Cornouailles dans les lettres pontificales, cf. supra note 30; dans son étude des sermons mémoriaux du XIIIe et de la première moitié du XIVe siècle, D. L. D’Avray montre que la même ambiguïté est repérable dans les portraits que brossent les orateurs: difficulté à faire la part entre l’individu concret et sa fonction sociale et institutionnelle (Death and the Prince. Memorial Preaching before 1350, Oxford, 1994, en particulier les p. 69-116: Individuals ).

1710.

Ligne 77; cf. Gn. 1, 27: « Et creauit Deus hominem ad imaginem suam, ad imaginem Dei creauit illum ».

1711.

Ligne 80.

1712.

Lignes 79-85.

1713.

Lignes 89-91.

1714.

« Idonéité »: je forge ce néologisme faute de pouvoir rendre mieux le qualificatif d’ « idoneus », régulièrement employé par l’orateur dans ce type de circonstances, à propos du pape idéal; il me semble en effet que cette notion de pape idoine à sa fonction, qui concourt en partie à dissocier l’individu et son « officium », et établit, bien dans la lignée de saint Bernard et d’Innocent III, la « ministérialité » du souverain pontife, rétablit le nécessaire équilibre avec l’exaltation de la plenitudo postestatis impliquée par les conceptions théocratiques; l’expression est récurrente dans le vocabulaire d’Eudes de Châteauroux, puisqu’on lit ce mot à la ligne 156 du SERMO n° 24, en conclusion, qu’on le retrouve dans le SERMO n° 26, àtrois reprises (ligne 9, deux fois à la ligne 115); et sans cesse dans les sermons donnés durant le conclave de Viterbe.

1715.

Ligne 95.

1716.

Ligne 105.

1717.

Lignes 71-74.

1718.

Supra, notes 75 à 77.

1719.

Lignes 124-125.

1720.

Lignes 125, 132.

1721.

Lignes 133-145. Je n’ignore pas qu’Origène représente durant tout le Moyen Âge une figure ambivalente. En tant que doctrinaire hétérodoxe, il a été condamné dès les conciles de 543 et 553 approuvés par le pape Vigile, sous la forte pression de Justinien, condamnations réitérées et durcies en 649, par le pape Martin Ier, lors d’un concile tenu au Latran, puis par trois conciles œcuméniques consécutifs aux VIIe, VIIIe, IXe siècles (680, 787, 870). Mais il est aussi ce merveilleux exégète, sans cesse lu et utilisé, parfois sans le dire, par tous les interprètes médiévaux de la Bible; Herbert de Boscham, grand hébraïsant (voir sur lui B. Smalley, The Study... op. cit., à l’Indexp. 398, passim ), ce qui au passage disqualifie d’avance les contempteurs de « l’allégorisme origénien », le célèbre ainsi au XIIIe siècle: « Accedat primus Maximus ille et antiquissimus Scripturarum interpres, Origenem dico, qui... centum et quinquaginta annis at amplius adhuc ante Ambrosium, Hieronymum, Augustinum et reliquos sacrarum litterarum interpretes, suo motuque in diuinarum legum explanationibus desudauit, et primus absque exemplo et solus sine socio quantum litteris illis potuisset edocuit ». Je ne peux ici que renvoyer aux travaux d’H. de Lubac, qui rend justice à Origène et éclaire ce paradoxe, dans Histoire et Esprit... op. cit.; Exégèse médiévale... op. cit., t. I/1, p. 221-304, à qui j’emprunte la citation d’Herbert de Boscham (Ibidem, p. 243).

1722.

Nm. 27, 18, aux lignes 140-141.

1723.

Eudes de Châteauroux propose très souvent, comme type du pape, le personnage vétéro-testamentaire du grand-prêtre Aaron, ainsi dans le SERMO n° 26 sur l’élection du successeur d‘Urbain IV (aux lignes 16 et 23) , voir plus loin; le fait que sa descendance soit ici écartée appuie d’autant plus fortement sur l’idée qui préside au développement: Dieu veut que soient choisis les fils spirituels des papes précédents.

1724.

Lignes 143-147; Origène est cité d’après la traduction latine de Rufin, In Numeros Homiliæ (dans Griechischen christliche Schriftsteller, 40: Origenes, 7: Die Homilien zum Hexateuch in Rufins Übersetzung, éd. W. A. Baehrens, t. II: Die Numerhomilien, Leipzig, 1921, p. 1-285), ici Homiliaxxi, 4, p. 208-209; la première citation d’Origène (Sermo N° 24, lignes 134-139) se lit à la p. 208, lignes 5-14; la seconde (Sermo N° 24, lignes 141-147) à la p. 209, lignes 3-11.

1725.

Lignes 148-153.

1726.

Cf. L. Gatto, Il pontificato... op. cit., p. 2-7.