Durant les deux années-clefs 1264-1265, les cardinaux romains, au moins dans le cadre des cérémonies officielles, jouent toujours un rôle de premier plan, même si, une fois de plus, il n’est pas simple de savoir dans quel camp, au gré des événements fluctuants, se rangent les uns et les autres 1763 . Ainsi, lors de la cérémonie d’inféodation du royaume du 28 juin 1265, les officiants sont les deux cardinaux de la famille Annibaldi, ainsi que Jacques Savelli et Giovanni Gaetano Orsini, c’est à dire ce que la noblessse romaine compte de plus important 1764 . Sans doute, lors du sacre de Charles du 6 janvier 1266 à la basilique Saint-Pierre (occasion du SERMO n° 31 d’Eudes de Châteauroux), deux cardinaux français, Raoul de Grosparmi évêque d’Albano, cardinal consécrateur, et Ancher de Sainte-Praxède, feront bonne figure pour la papauté, qui tout de même ne pouvait publiquement montrer ses divergences avec un Roi qu’elle avait appelé de ses vœux. Néammoins, la présence de trois cardinaux romains ou italiens, dont les inévitables Annibaldi (ici Riccardo) et Orsini (ici Matteo Rosso), montre à quel point, dans cette affaire, la politique la plus traditionnelle du saint-Siège résistait, incarnée dans ceux qui la pratiquaient d’autant mieux que leur installation à la cour pontificale, depuis des décennies, directement ou par parents interposés, assurait leur position face aux hommes nouveaux issus des promotions d’Urbain IV 1765 .
Certains cardinaux cependant déclinaient autrement la plenitudo postestatis du pape, lorsqu’ils l’appliquaient au gouvernement de l’institution, en lui-même comme dans ses rapports avec les pouvoirs séculiers. On possède un témoignage unique de ces différences de sensibilité, grâce à la prédication du cardinal Eudes de Châteauroux. J’ai sélectionné, de cette période, les sermons dont la datation me paraissait, sinon absolument assurée, du moins très probable, soit à cause des rubriques, soit à cause des données fournies par la tradition manuscrite. Ils concernent d’une part, à nouveau, l’élection pontificale (SERMO n° 26), d’autre part la nature de la plenitudo postestatisdu pape, vue sous l’angle des relations Regnum -Sacerdotium(SERMONES 27, 29, 30). Après avoir justifié les propositions de datation, une étude d’ensemble s’impose, tant ces sermons forment un groupe compact. Le SERMO n° 31 sera traité à part, avec ceux qui scandent la conquête (SERMONES n° 32, 33, 44, 47 et 48), car ce second groupe consiste en l’application concrète de la théorie dégagée. Tout en permettant de récapituler, à l’épreuve des faits, une part des conclusions précédentes, ils appartiennent ainsi à la période postérieure de la descente angevine, celle de la prise en mains effective du Regnumpar le champion de l’Eglise.
On trouvera, à nouveau, le détail des discussions internes au collège, et l’évolution des positions des uns et des autres à la fin du pontificat d’Urbain IV et durant le début de celui de Clément IV, dans J. Maubach, Die Kärdinale... op. cit., p. 106-124.
Cf. E. Jordan, Les origines... op. cit., p. 525.
Sur ce sacre et la présence des cinq cardinaux, cf. E. Jordan, Les origines... op. cit., p. 600; F. Bock, Le trattative... art. cit., p. 101; J. Maubach, Die Kärdinale... op. cit., p. 124.