d) Moments forts du conclave: l’élection du pape et la question de l’union avec l’Eglise grecque (fin 1268-1271)

Quatre sermons consignés dans le manuscrit de Pise, Bibl. Cateriniana 21, ont été donnés pour l’élection du pape selon leurs rubriques explicites. Je les énumère dans un orde différent de celui selon lequel ils se présentent dans le manuscrit, qui ne respecte pas, selon mes hypothèses, la chronologie réelle des discours du cardinal durant le conclave 2138 .

Le SERMO n° 51 est d’assez peu postérieur au décès de Clément IV et à l’ouverture du conclave 2139 , puisque l’utilisation par le cardinal de la liturgie de Noël incite à le dater du 24 décembre 1268. On doit immédiatement noter que, des quatre discours concernant l’élection, deux sont donnés lors de fêtes ou de périodes essentielles de la vie du Sauveur, ce qui ne peut être un hasard; ainsi le second SERMO sur ce thème, n° 56, rubriqué « pour la troisième férie après Pâques », soit le mardi de Pâques, 26 mars 1269. Les références à la liturgie y correspondent parfaitement 2140 . Les deux autres SERMONES, n° 58 et 61, ne sont pas datables aussi précisément; ils paraissent correspondre au mois de juillet 1269, sans que l’on puisse être plus précis. En outre, il convient de rappeler que durant cette vacance du siège de Pierre à Viterbe, les cardinaux, avant d’entreprendre leurs tractations électorales, entendaient la messe dans la cathédrale de la ville. Si certains des sermons contenus dans le manuscrit de Pise ont pu être donnés en consistoire, il y a lieu de penser que les SERMONES n° 51 et 56, rattachés étroitement à la liturgie du jour, furent publics, délivrés durant l’office à la cathédrale.

Faute de pouvoir contextualiser ces quatre SERMONES avec autant de précision que c’était le cas pour les deux précédents donnés dans des circonstances analogues (SERMONES n° 24 et 26), je me contenterai de donner la synthèse des divers arguments présentés par l’orateur en faveur d’une élection régulière, si possible rapide, du nouveau pape. Bon nombre d’entre eux avaient déjà été avancés précédemment, ce qui est l’indice d’une continuité évidente dans les modes de fonctionnement, et surtout d’affrontement interne, du sacré collège. Les factions, dénoncées par le cardinal à plusieurs reprises, sont plus que jamais présentes et actives 2141 . Elles sont, on l’a vu, anciennes, changeantes, et consubstantielles au gouvernement papal du XIIIe siècle. Mais contrairement à la première moitié des années 1260, les sources extérieures au monde curial ne permettent plus, par recoupement, d’identifier, au moins partiellement, les chefs de file de ces clans cardinalices, et partant d’identifier, parfois nommément, certains destinataires des attaques du cardinal Eudes de Châteauroux: les conditions matérielles du conclave ont tari la source d’éclairage que constituaient ces sources. En outre, le seul historien à avoir étudié dans le détail, le plus souvent avec justesse, la structuration interne des factions cardinalices, J. Maubach, arrête son étude à la fin du pontificat de Clément IV; les auteurs plus récents proposent en conséquence des interprétations contradictoires, et l’on en est réduit à de pures hypothèses 2142 .

Ce que l’on peu réellement savoir des pressions laïques exercées sur le sacré collège tiendra donc en peu de mots. On se doute que Charles de Sicile était intéressé à l’identité du futur élu; une bonne part de la réussite de ses projets avait dépendu, dans les années récentes, des papes français, mais plus encore de son alliance avec les grandes familles de la noblesse romaine implantées au sein du groupe des cardinaux. Cependant, il existe peu de traces explicites d’interventions de sa part, et dans les sermons que livre le manuscrit de Pise, pas une seule fois le cardinal ne fait allusion à son influence directe sur le cours de l’élection 2143 . Si l’on ajoute que, de mauvais gré par ailleurs, il est parti en croisade, à Tunis, rejoindre son frère Louis IX, à compter de juillet-août 1270, et qu’il n’en revient que fin novembre, ses pressions, si pressions il y eut, ne purent qu’être indirectes durant cette partie du conclave 2144 . Encore cette croisade l’avait-elle détourné de son véritable projet, la reconquête de l’empire grec et de Constantinople, qu’il se tenait prêt à attaquer, avec sa flotte, au printemps de 1270, avant que l’insistance de son frère ne l’oblige à changer ses plans 2145 . Bref, Charles d’Anjou, désormais sûr de son pouvoir, semble se soucier assez peu de la tournure du conclave, et ce n’est qu’au printemps de 1271 qu’on le voit venir à Viterbe, en compagnie d’ailleurs du nouveau roi de France Philippe III, son neveu. S’y trouve à la même époque Henri dit d’Allemagne, fils de Richard de Cornouailles jadis inféodé du Regnum, puis élu roi des Romains, venu pour son père réclamer du sacré collège la validation de l’élection 2146 . Il n’y a pas lieu d’en déduire que le roi de Sicile tentait alors d’influencer les cardinaux. Comme tous les souverains de l’époque, peut-être un peu plus qu’eux, il se préoccupait de la durée du conclave et de ses conséquences religieuses, mais aussi probablement politiques, car il songeait à nouveau à son grand projet oriental et avait besoin de l’appui du Saint-Siège; sans compter qu’il voulait faire pièce aux ambitions anglaises regardant la royauté des Romains, donc à terme l’Empire, en poussant la candidature de son neveu le roi de France à ce dernier titre 2147 .

L’ensemble de ces éléments, rapportés aux allusions d’Eudes de Châteauroux dans ses sermons, suggère deux conclusions. Il y eut bien de profondes divisions au sein du sacré collège, dans le prolongement de ce qui s’était passé durant les années 1260, et sans doute des reclassements des cardinaux, mais il est impossible d’en dire plus en se fondant sur les faits. Deuxièmement, le choix que fait ici l’orateur de privilégier les aspects religieux de ces dissensions, tout en attestant sa fidélité à une conception du gouvernement de l’Eglise bien ancrée en lui, n’en prend que plus de valeur.

Que dit-il en substance ? Deux choses essentiellement. En premier lieu, le Christ s’est incarné pour apporter la paix et la justice au monde 2148 . Toute division, toute faction, empêchant la concorde au sein du collège, ne sont pas de son royaume, et trouvent obligatoirement leur inspiration dans des motifs autres que spirituels, les seuls qui devraient guider les électeurs dans une telle circonstance. Ce faisant, les cardinaux, tels des bêtes sorties de leurs tanières la nuit venue 2149 , profitant que l’astre solaire s’est couché, c’est à dire que le pape est mort 2150 , crucifient à nouveau le Sauveur 2151 , qui leur montre ses blessures aux flancs et aux pieds, et ils empêchent l’élection de son vicaire, et donc la mise en œuvre ou la poursuite des véritables projets qui tiennent à cœur à Dieu, la croisade intérieure et extérieure, cela alors que les ennemis de la foi mettent gravement en danger la Terre sainte et viennent de prendre Antioche, l’un des cinq patriarcats 2152 . C’est toute la Chrétienté, immense corps du Christ où sont inclus les laïcs, notamment pour la fonction guerrière qu’ils remplissent au service de la foi, qui est ainsi rendue impuissante 2153 .

Ensuite, il revient sur le thème de la caducité des papes, qu’il développe désormais selon des modalités nouvelles, dans le cadre d’une ecclésiologie qui englobe l’ensemble des pouvoirs de commandement chrétiens. Il en résulte que la question de la personnalité du nouveau pape ne doit pas arrêter les électeurs, s’ils veulent bien demander leur inspiration au saint Esprit 2154 . Cela pour deux raisons: Dieu a souvent, volontairement, choisi pour les plus hautes fonctions dans l’Eglise des « fous », fait signifié par la prophétie d’Isaïe, 11, 6, où un enfant mènera le monde, réconciliant les bêtes les plus furieuses et les plus antagonistes 2155 . D’autre part, les électeurs, et le futur pape, doivent savoir que leur destin est de mourir, car ils ne sont que des hommes 2156 . Dieu a certes créé deux grands luminaires, le soleil et la lune, c’est à dire le pouvoir spirituel du vicaire du Christ, et le pouvoir séculier qui lui obéit. Si le premier détient sur terre une évidente supériorité sur le second, cependant, tel le soleil, le pape se couche, c’est à dire meurt, pour qu’un autre pape lui succède; c’est ce qui est arrivé avec la mort de Clément IV. Comme l’alternance entre le jour et la nuit est un phénomène naturel, de même la succession des papes 2157 . Bref, Dieu pourvoira de la meilleure façon à une fonction éternelle, comme son Eglise, mais au moyen d’hommes par définition caducs. Nul besoin donc de s’inquiéter si la candidature d’un « minus sufficiens » venait à se poser: les institutions collectives de l’Eglise, garanties dans leur légitimité par l’inspiration d’en haut, l’aideront à sa tâche, du collège des cardinaux aux conciles 2158 .

On le voit, rien de bien neuf, dans le détail, n’apparaît ici. C’est, comme toujours chez Eudes de Châteauroux, l’agencement interne de l’argumentation, rivée au commentaire scripturaire, qui offre une synthèse originale. Car fondamentalement, son raisonnement repose toujours sur la tension propre à l’ensemble de sa vision de l’histoire chrétienne: l’éternité de l’Eglise du Christ, dans sa vocation eschatologique, est assumée par une institution visible faite d’individus trop humains, sujets au temps et à la mort.

Si Charles de Sicile n’est pour rien dans ces événements et les réflexions qu’ils suggèrent au cardinal, par contre, deux autres SERMONES contenus dans le manuscrit de Pise, les n° 54 et 57, sont de toute évidence en rapport avec ses projets. Il s’agit de deux discours adressés à des envoyés de l’empereur grec Michel Paléologue, par Eudes qui les a reçus, au nom du sacré collège, selon mon hypothèse en mars 1269 (SERMO n° 54), puis à nouveau le 29 juin de cette année (SERMO n° 57) 2159 . Ces sermons ont été fort bien traités par F. Iozzelli, dont je diverge simplement à propos de leur datation, qu’il place en 1270 2160 . Aussi le traitement proposé ici sera-t-il simple. D’abord, l’évocation des tractations à quatre, Louis IX, Saint-Siège, Charles de Sicile et Michel Paléologue, qui permettra de comprendre la visite en Curie en 1269, malgré l’absence de pape, d’ambassadeurs de l’empereur grec 2161 . Puis une analyse du contenu 2162 : l’insistance portera sur les aspects doctrinaux exposés par l’orateur, qui ne brillent pas par leur originalité, puisque l’universalité de l’Eglise de Rome et la plenitudo potestatisdu successeur de Pierre en forment l’argument central. Du moins ont-ils le mérite de montrer que toute réconciliation entre les deux Eglises, la latine et la grecque, était en réalité impossible, quoique sans doute sincèrement désirée par certains de part et d’autre; n’eussent été les circonstances, qui poussaient Michel Paléologue dans les bras de Louis IX pour parer à une attaque de Charles, les deux SERMONES n’auraient probablement jamais trouvé l’occasion d’être prononcés.

Clément IV avait signé avec Charles d’Anjou à Viterbe, en mai 1267, deux traités dirigés contre l’empereur grec, malgré des tractations menées au même moment avec ce dernier, en vue de l’union des Eglises grecque et latine. Le dispositif était prudent, puisque le second traité réservait à Baudouin, ex-empereur latin de Constantinople, renversé par Michel en 1261, la reconquête du titre. Au même moment aussi, parvenaient à Charles des messages de son frère Louis IX, qui s’était croisé une seconde fois en 1267, et lui demandait s’il comptait se joindre à l’expédition 2163 . L’affaire se présente donc, d’emblée, comme une « partie de poker » politique, dans laquelle les interlocuteurs sont dépourvus de toute volonté irénique de réconciliation religieuse. La descente de Conradin procure un répit à Michel Paléologue, mais dès après Tagliacozzo, Charles recherche des alliances avec tous les Etats balkaniques voisins, visant à encercler l’empire grec. C’est ce qui pousse l’empereur à faire appel directement à Louis IX, dont il connaît les projets de croisade, alors qu’il soupçonne, à juste titre, que les entreprises orientales de Charles, dont le roi de France espère un soutien, notamment logistique, contrarient les projets de ce dernier contre l’Islam. A cette première approche, Louis IX répond en envoyant des ambassadeurs à Constantinople au printemps 1269 2164 . Les deux discours d’Eudes de Châteauroux, intitulés dans le manuscrit « Responsiones » aux ambassadeurs de l’empereur grec, datent à mon sens de cette année-là 2165 . La précision des dates n’est pas ici, de toute façon, un enjeu crucial, puisque le contexte politique dans lequel ces ambassadeurs sont conduits à rencontrer les cardinaux n’est à aucun moment évoqué par Eudes de Châteauroux. En revanche, la circonstance liturgique de la fête de saint Pierre et saint Paul (29 juin) importe davantage, car elle fournit à l’orateur l’occasion d’argumenter sur la signification de la venue à Rome des deux principaux apôtres, les deux pieds du Christ comme il les nomme 2166 .

L’idée de l’universalité de l’Eglise romaine, appuyée sur la succession apostolique et sur la commission pétrine, structure le plan du SERMO n° 54, qui est, à mon sens, le premier à avoir été prononcé. A partir d’un verset du Psaume 31, « Réjouissez-vous en Yahvé, exultez les justes, jubilez tous les cœurs droits » 2167 , Eudes de Châteauroux propose trois parties. Veillant sur les justes, le souverain pontife a la sollicitude de toutes les églises, et même des peuples qui n’appartiennent pas à la Chrétienté, mais qui sont susceptibles d’être évangélisés. Les papes, en particulier tous ceux du XIIIe siècle, depuis Innocent III, ont eu ce souci de la mission universelle, tant auprès des Tartares, des Sarrasins que des Grecs, sans succès cependant, puisque ces derniers ont même tenter d’ôter à l’Eglise romaine la primauté de juridiction et la plénitude du pouvoir. L’Eglise romaine continue pourtant à souhaiter le retour ou l’entrée de tous en son sein, et le prochain pape s’y attellera, mais dans l’attente de son élection, les cardinaux n’ont pas le pouvoir de promouvoir l’union.

Le second SERMO, n° 57, est encore plus explicite et plus prolixe sur l’ensemble des affirmations doctrinales déjà développées. Le cardinal fait d’abord preuve d’une habileté consommée dans le choix de son thème biblique, tiré d’Isaïe: « Je glorifierai le lieu où je me tiens et les fils de tes anciens oppresseurs s’humilieront devant toi; et se prosterneront à tes pieds ceux qui te méprisaient » 2168 . Il me paraît clair en effet que la citation fait allusion à la pratique byzantine de la proskynèse. Or à Byzance, on se prosterne devant l’Empereur, selon un ordre du monde qu’on peut appeler, avec G. Dagron, « césaro-papiste » 2169 ; à Rome, sous-entend l’orateur, on se prosterne devant le grand prêtre, le pape, geste explictement évoqué plus loin dans le sermon 2170 . Quatre parties développent ce thème. La première, considérant allégoriquement les saints Pierre et Paul comme les pieds du Seigneur, met en valeur l’obéissance due par tous en Chrétienté à l’apôtre des Juifs et à celui des Gentils, placés sur un même niveau, très au-dessus de tous les autres apôtres:

‘« Les pieds portent le corps; ainsi les saints apôtres, et spécialement et surtout Pierre et Paul, furent les pieds du Seigneur, portant son nom devant les rois et les chefs, eux dont l ’Apocalypse dit: Ses pieds pareils à de l’airain précieux, que l’on aurait purifié au creuset 2171 ; le Cantique dit à l’Eglise: Sa tête est d’or, et d’un or pur 2172 , parlant bien sûr du Christ. L’airain, surtout purifié au creuset, devient comme l’or; de même les saints Pierre et Paul, avant tous les autres apôtres, ont été assimilés au Christ, pour la ferveur de leur zèle comme en raison [ de leur relation] à la tête » 2173 .’

L’orateur poursuit en observant que c’est à Rome, et non ailleurs (à Constantinople ou Nicée), que les deux pieds du Christ sont venus. C’est l’origine de la primauté romaine, devant qui se sont toujours humiliés et continueront de s’humilier les souverains laïcs de tout ordre, rois, empereurs ou princes, et comme le feront un jour ceux qui aujourd’hui contredisent la foi de l’Eglise romaine, Juifs, hérétiques et Sarrasins; tous ont baisé et baiseront les pieds du pape !

Après ces promesses de conversion, Eudes de Châteauroux évoque les circonstances dans lesquelles ce ralliement universel à l’Eglise romaine se réalisera:

‘«  Cela se produira au moment voulu par Dieu, lorsque toutes les nations créées par lui viendront à la foi catholique et la confesseront, quand viendront les fils lointains et surgiront les filles de côté, c’est à dire de tout près. Heureux les yeux qui verront cela » 2174 .’

Dans l’immédiat, face aux ambassadeurs grecs venus précisément solliciter des négociations en vue de l’union, c’est à dire de la réintégration dans la foi catholique que l’orateur appelle de ses vœux, il faut affirmer une position de principe, à défaut de prendre des engagements précis, ce que les cardinaux ne s’estimaient pas fondés à faire; d’où la fin de cette troisième partie du discours, qui enchaîne directement sur la quatrième et dernière:

‘« Donc le père des pères, le souverain pontife, est prêt à venir à la rencontre de ce fils [L’Eglise grecque] de retour, s’il le voit prendre ce chemin; il est prêt à se pencher vers son cou et à l’embrasser, à l’accueillir dans la paix de l’Eglise et à lui rendre son statut initial, c’est à dire sa première étole, et même une plus grande et plus importante, c’est à dire à lui donner en mains l’anneau, à le défendre [...]. Mais tant de fois les papes ont été joués [...]. Des messages arrivaient, annonçant que ce fils était prêt à revenir, allait se mettre en chemin [...]. Puisque cette aversion du fils pour le père provenait du fait que le le fils s’est écarté de la foi paternelle, en niant que le Saint Esprit procède du Fils [...], le fils s’est converti aux biens temporels, et il n’a jamais accepté de se tourner vers la vérité de la foi, préférant persister continûment dans son erreur » 2175 .’

La conclusion insiste, dans la ligne de la sollicitude universelle, par quoi avait débuté le SERMO n° 54, sur la recherche par le pape, grâce au conseil des cardinaux en particulier, de toutes les voies possibles de la réconciliation. Si l’échec pour l’instant est patent, il ne faut pas désespérer de la miséricorde divine, qui finira bien par ramener le fils égaré au bercail.

Au vu de ces longues citations, il est clair que le principe « Roma mater omnium ecclesiarum », et son corollaire, la juridiction universelle du siège de Pierre et la plenitudo potestatis du souverain pontife, ne sont jamais aussi nettement affirmés que face à l’Eglise grecque 2176 . Les Grecs, de leur côté, réfutaient point par point l’ensemble des formules doctrinales proposées par Eudes de Châteauroux 2177 : nouvelle preuve que le cardinal, lorsqu’il envisageait les prérogatives de l’Eglise de Rome, écartait, vu les circonstances, toute préoccupation politique étroite, pour ne considérer que le dogme. En l’occurrence, il laissait peu d’espoir aux ambassadeurs grecs, et il favorisait inconsciemment les projets méditerranéens de Charles de Sicile, qui ne pouvait en aucun cas vouloir de ce rapprochement entre les deux Eglises. Mais n’était-ce pas la même logique qui avait poussé l’Eglise à soutenir son champion coûte que coûte, quitte à s’apercevoir ensuite qu’il se montrait bien ingrat ?

Indéniablement, l’aventure sicilienne du comte d’Anjou-Provence constitua bien un laboratoire idéologique à l’épreuve des faits. En sont issues de nouvelles réflexions sur la nature historique du pouvoir temporel dévolu aux papes; de nouvelles cérémonies liturgiques du sacre royal, adaptées à ces conceptions; de nouveaux rapports entre les cardinaux, et entre le pape et les cardinaux, dont le recrutement, de plus en plus international à partir du XIIIe siècle, fut la rançon inéluctable de la quête accrue d’appuis, selon les aléas de la politique pontificale.

Il faudra dans les faits attendre le brutal retournement des Vêpres en 1282, c’est à dire le soulèvement des Siciliens contre la domination angevine, aboutissant à la sécession de l’île et au repli de la dynastie française sur la partie péninsulaire du Regnum, pour queCharles mesurât réellement, dans la défaite, que son surcroît de légitimité, et partant, sa place sur l’échiquier politique italien, ne pouvaient résider que dans sa sujétion immédiate au pape 2178 . E. G. Léonard n’a d’ailleurs pas hésité à parler, à ce propos, du « sauvetage du royaume par la papauté » 2179 . Il suffit d’examiner le contexte de cette révolte intérieure de 1282 pour comprendre à quel point la politique du champion de l’Eglise s’était émancipée des objectifs propres au Saint-Siège: cet événement est en effet le résultat de vastes alliances politiques, où s’affrontent tout ce que le bassin méditerranéen compte de grandes puissances, de l’empereur grec au roi d’Aragon en passant par Venise et Gênes 2180 .

Dès le début de l’épopée angevine, une double lecture des événements est fournie par les sources autres que celles émanées de la Curie 2181 . Dans l’entourage curial lui-même, dont faisait partie Eudes de Châteauroux, les partisans les plus enthousiastes de la solution que Charles était susceptible d’apporter à la question sicilienne ne tardent pas à faire état de leur déception. Il faut sans doute y voir la preuve que les papes et les cardinaux du XIIIe siècle n’ont, en réalité, jamais réussi à concilier le caractère contradictoire de l’Etat dont ils s’étaient dotés, un Etat à la fois unique en son genre, car tendu vers un but spirituel, et instrument du salut des fidèles, mais aussi tout à fait comparable à d’autres, notamment dans le fonctionnement de son appareil gouvernemental, vicié par tous les défauts des hommes qui concrètement le faisaient fonctionner, à commencer par les cardinaux réunis au sein du consistoire.

Du moins le témoignage d’Eudes de Châteauroux, maître en exégèse et conservateur avisé des traces de la prédication de circonstances qu’il a pratiquée, permet-il de comprendre certains des mécanismes de fonctionnement et de blocage de cet Etat singulier.

Il atteste d’abord que c’est bien un grand pape « politique », Innocent IV, qui a fait prendre au Saint-Siège le virage décisif de l’alliance angevine. On comprend encore mieux, avec le recul, le jugement que portait Eudes de Châteauroux sur ce pape dès décembre 1255. Il dissuade ensuite d’établir une relation simpliste, de cause à effet, entre l’évolution du gouvernement curial, et la nouveauté qu’a représentée la succession, sur le siège de Pierre, de papes français entre 1261 et 1268 2182 . C’est en tenant compte de l’instauration effective, théorique et pratique, de la théocratie par la papauté, qu’on doit évaluer ses choix d’alliances avec les puissances séculières. Sans cela, on peine à comprendre l’enjeu qu’a représenté le sacre de 1266, pour les deux parties en présence.

Très attaché aux Capétiens, à leur mystique et à leurs thèmes de propagande, Eudes de Châteauroux ne pouvait ignorer que l’onction constituait sans aucun doute, au sein dela liturgie du sacre, l’élément symbolique le plus net conférant au roi, premier des laïcs, un statut différent du leur; par l’huile sainte, le consécrateur en faisait l’équivalent d’un clerc recevant les ordres mineurs, sous-diaconat ou diaconat, ce que marquaient ses habits 2183 . Tout cela, le cardinal l’admet, mais il conçoit aussi l’Eglise comme un rassemblement de fidèles, le souverain étant l’un d’eux. D’où son insistance, dans le SERMO n° 29, sur la valeur sacramentelle du rite du baptême, qui a fait de Charles un simple fidèle parmi les fidèles, participant à ce titre à la royauté du Christ. En outre, il ne peut manquer, évoquant la figure de Thomas Becket, de mettre en valeur la supériorité de l’onction épiscopale, quitte à souligner que l’essentiel, concernant la grâce que confère le sacrement, réside dans les dispositions d’esprit de celui qui en bénéficie.

Roi « christ » par l’onction, tel devait donc être Charles, à la manière de Louis IX, suivant humblement les traces du Seigneur sous l’égide spirituelle du pape et des cardinaux. Les sermons d’Eudes le répètent à satiété, ouvrant de nouvelles perspectives par la richesse et l’intérêt de leur témoignage, qu’il convient de confronter à celui des sources juridiques, jusqu’à présent privilégiées dans les analyses des relations entre l’Eglise et l’Etat à la fin du moyen âge. Au-delà de leur différence foncière de nature, ces deux types de sources se rejoignent en effet dans l’examen des casus, ces événements offerts par le déroulement de l’histoire, et observés par Eudes de Châteauroux dans sa prédication de casibus, s’apparentant aux « cas » sur lesquels les juristes, dans le champ propre de leur discipline, réfléchissent en vue de construire la théorie 2184 .

En même temps, la différence de nature entre les deux sources ne doit pas être minimisée. Un sermon est avant tout l’expression de la vie commune de l’Eglise. Les développements qu’il contient concernent, au-delà d’éventuelles références à l’actualité, la vie sacramentelle et liturgique de l’institution. Les Décrétales, elles, résultent le plus souvent de l’examen des questions surgies hors de l’institution ecclésiale. Très directement ou indirectement, lorsqu’il s’agit des conflits qui opposent les grands laïcs aux clercs, et, plus particulièrement, aux agents du Saint-Siège, ces questions donnent naissance à la littérature des casusjuridiques, source du droit en Chrétienté au XIIIe siècle. Bref, pour dévoyer une terminologie s’appliquant habituellement à d’autres objets, le « mode de production » de ces deux types distincts de documents que sont les sermones de casibuset les Décrétales s’inscrit dans deux sphères elles-mêmes distinctes, l’ecclésiastique et la laïque, dont le rapport est au centre du débat. En outre, leurs effets immédiats peuvent être fort différents. L’instrument juridique, s’il peut connaître à terme un grand retentissement, concerne au moment où il est produit un cercle restreint d’hommes de gouvernement, clercs ou laïcs. Un sermon aux idées percutantes et fortement mises en forme, tel celui qu’Innocent III consacra au pape Silvestre, ou celui qu’Eudes de Châteauroux prononça sur l’onction de Charles d’Anjou, atteint aussitôt l’auditoire auquel il s’adresse, et les idées qu’il avance peuvent être rapidement et largement diffusées, oralement ou par écrit, au risque d’ailleurs de se trouver tout aussi rapidement déformées 2185 .

Il n’appartient pas à l’historien d’établir une hiérarchie entre les deux domaines documentaires. Mais il convient de conserver toujours à l’esprit la conception unitaire du monde qu’au-delà des débats pointus, les théologiens ont toujours professée. Les caractéristiques propres du XIIIe siècle ont poussé les plus brillants, ou du moins les plus capables d’entre eux dans le domaine de l’art oratoire sacré, à étendre à la sphère politique les ressources nouvelles de l’exégèse; on peut bien parler, avec J.-P. Boyer, non seulement de sermons « politiques », mais d’une véritable « politique du sermon » 2186 .

Notes
2138.

Je renvoie pour le détail à l’annexe 2, où figurent toutes les justifications concernant les dates proposées. J’ai classé et numéroté les SERMONES, dans mon tableau du corpus utilisé par cette recherche (Annexe 3), selon l’ordre chronologique que je croyais le bon, quitte à ne pas respecter l’ordre du manuscrit de Pise (voir sa description de ce dernier ms. dans F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 62-63 pour les deux sermons ici concernés).

2139.

Sur cet événement, inédit par sa longueur, voir A. Franchi, Il conclave... op. cit., p. 61-114; F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 115-163; VII° centenario... op. cit., passim.

2140.

Cf. S. J. P. Van Dijk, The Ordinal of the Papal Court... op. cit., p. 296, ligne 6.

2141.

Dans le SERMO n° 56, donc à peine plus de quatre mois après le début du conclave, il en est déjà question, cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 241, lignes 41-49; et surtout, dans le SERMO n° 58, toute les seconde et troisième parties du texte sont consacrées à ce problème, Ibidem, p. 226-227, lignes 23-53; nouveaux échos de ces divisions dans le SERMO n° 61, pemière partie du sermon, Ibidem, p. 244-245, lignes 6-50.

2142.

F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 119, range les Annibaldi et les Orsini dans le camp pro-impérial, hostile à Charles, durant le conclave; A. Franchi, Il conclave... op. cit., p. 63-64, les compte au contraire parmi les partisans du roi. J. Maubach, Die Kärdinale... op. cit., p. 125 s., repère à la fin du pontificat de Clément IV la reconstitution d’un parti anti-angevin, effrayé par la puissance désormais acquise par le roi; ce parti craint que ne se répète le phénomène d’encerclement des Etats pontificaux, crainte qui explique toute la politique de récupération d’Innocent III par exemple.

2143.

Du moins selon F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 126, qui possède une connaissance d’ensemble meilleure que la mienne de ces textes.

2144.

Sur la mauvaise volonté de Charles de Sicile, qui arrive à Tunis alors que le roi de France vient d’expirer, signe en octobre un traité avec l’Emir de Tunis, puis s’en retourne au plus vite dans son royaume, parvenant au port de Trapani le 22 novembre 1270, voir l’article éclairant de J. Longnon, Les vues de Charles d’Anjou pour la deuxième croisade de saint Louis: Tunis ou Constantinople ?, dans Septième centenaire... op. cit., p. 183-195.

2145.

Cf. E. G. Léonard, Les Angevins... op. cit., p. 106-107; J. Longnon, Les vues de Charles d’Anjou... art. cit., passim.

2146.

Cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 154-155.

2147.

Cf. L. Carolus-Barré, Le procès de canonisation... op. cit., p. 212; L. Capo, Da Andrea Ungaro... art. cit., p. 812. Je rappelle que selon tel historien, spécialiste incontesté de cette période, Charles souhaitait voir l’élection traîner en longueur pour favoriser ses plans, cf. P. Herde, notice sur Charles du DBI citée, p. 214; Idem, Karl I. von Anjou... op. cit., tout le chapitre intitulé: Vom Kreuzzug nach Tunis bis zur Sizilischen Vesper - Vorbereitung der Eroberung von Byzanz, p. 83-98, pour la question des projets contre Byzance comme celle de l’offre de l’Empire à Philippe III le Hardi,

2148.

SERMO n° 51, cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 241, lignes 9-14, p. 218, lignes 114-128; SERMO n° 56, Ibidem, p. 241, lignes 31-40; SERMO n° 61, Ibidem, p. 244-245, lignes 6-50.

2149.

SERMO n° 58, cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 226-227, lignes 23-44.

2150.

SERMO n° 58, cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 226-228, lignes 23-79.

2151.

SERMO n° 56, cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 241-243, lignes 60-95.

2152.

SERMO n° 56, cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 243, lignes 91-95; p. 240, lignes 21-30.

2153.

SERMO n° 56, cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 240, lignes 1-30; SERMO n° 61, Ibidem, p. 245-248, lignes 51-125.

2154.

Tout le SERMO n° 61, à la rubrique évocatrice: « Exhortation à ne pas murmurer ni s’indigner si un jour quelqu’un d’insuffisamment compétent est élu souverain pontife », cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 244-249.

2155.

Voir note précédente.

2156.

SERMO n° 58, cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 226-228, lignes 23-79.

2157.

Tout le SERMO n° 58, voir note précédente.

2158.

SERMO n° 61, cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 246-247, lignes 79-103.

2159.

Voir l’Annexe 2, pour les éléments justifiant les dates proposées. A nouveau, l’ordre chronologique réel dans lequel les deux ambassades ont été reçues, et les discours tenus, est inversé par le manuscrit de Pise. Cela sous réserves que mes déductions soient justes.

2160.

Cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 137-148, p. 144 et note 60 pour la datation en 1270, suggérée prudemment.

2161.

Je m’appuie ici sur D. J. Geanakoplos, Emperor Michael Paleologus... op. cit., p. 204-228.

2162.

L’importance ecclésiologique de ces rencontres est soulignée par F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 143-144; l’auteur montre, en analysant une lettre des cardinaux en conclave envoyée au roi de France le 15 mars 1270, qu’ils ont pleinement conscience d’exercer, dans la situation de vacance du siège papal, et si l’exige le sort de la Chrétienté, ce qui leur paraît être le cas en l’occurrence, les pouvoirs dévolus au vicaire du Christ. Eudes de Châteauroux n’est pas aussi net sur ce point, mais son discours aux ambassadeurs exprime de fait le point de vue papal, en insistant aussi nettement sur la juridiction universelle de l’Eglise romaine, et la plenitudo potestatisdont dispose le sucesseur de l’apôtre.

2163.

Cf. J. Longnon, Les vues de Charles d’Anjou... art. cit., p. 187-188.

2164.

On ne connaît pas pas les résultats de ces premiers contacts, cf. D. J. Geanakoplos, Emperor Michael Paleologus... op. cit., p. 224-225 (note 136), qui montre que faute de documentation explicite, relatant la nature des conversations, il est difficile de distinguer entre les différentes ambassades, selon lui, au moins trois, échangées par l’empereur et le roi de France.

2165.

Cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 229 et p. 236 pour les rubriques. A défaut de certitude concernant l’année où ils ont été prononcés, on peut noter que l’on connait le jour exact où le SERMO n° 57 fut adressé aux Grecs, grâce à la présence d’une autre copie du texte dans un manuscrit produit par le scriptoriumdu cardinal (manuscrit de Rome, AGOP XIV, 35, f. 120rb-121vb), contenant des sermons de sanctis, où il figure sous la fête des saints Pierre et Paul, soit le 29 juin.

2166.

Cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 144 note 60.

2167.

Ps. 31, 11.

2168.

Is. 60, 13-14.

2169.

Cf. G. Dagron, Empereur et prêtre... op. cit., p. 81-82. Il est vrai que l’empereur grec lui-même se prosterne parfois, mais devant le véritable roi, le Christ, Ibidem, p. 129-131.

2170.

Cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 232, lignes 83-84.

2171.

Apc. 1, 15.

2172.

Ct. 5, 11.

2173.

Cf. F. Iozzelli, Odo da Châteauroux... op. cit., p. 229, lignes 8-16.

2174.

Ibidem, p. 232, lignes 89-93.

2175.

Ibidem, p. 233-234, ligns 123-146.

2176.

Cf. J. A. Watt, The Theory... art. cit., p. 251 s., qui montre que le texte le plus lipide de ce point de vue est la profession de foi soumise eux Grecs par les Latins en 1274 au second concile de Lyon, succès éphémère des tractations menées depuis longtemps en vue de l’union des deux Eglises.

2177.

Cf. Y. M.-J. Congar, L’Eglise... op. cit. , p. 263-267.

2178.

Sur les Vêpres siciliennes, voir E. G. Léonard, Les Angevins... op. cit., p. 137-160; S. Runciman, The Sicilian Vespers. A History of the Mediterranean world in the thirteeenth century, Cambridge, 1958; G. Galasso (dir.), Il regno di Napoli... op. cit., p. 81-97. Pour l’attitude indépendante de Charles avant les Vêpres, et son sens politico-religieux, voir J.-P. Boyer, Sacre... art. cit., p. 576-577.

2179.

Cf. E. G. Léonard, Les Angevins... op. cit., p. 161.

2180.

Ibidem, p. 109-135.

2181.

Cf. A. Barbero, Il mito angioino... art. cit., p. 107-220, passim; Idem, Letteratura e politica fra Provenza e Napoli, dans L’Etat angevin... op. cit., p. 159-172.

2182.

Si l’élection de ces papes français correspond bien à une modification en profondeur des rapports de force politiques internes de la Chrétienté, et consacre l’avènement de la puissance capétienne, celle-ci, ironie du sort, va bientôt croiser le fer avec un tenant de la théocratie pontificale à son apogée, c’est à dire Boniface VIII, au tournant des XIIIe et XIVe siècles. Voir en dernier lieu J. Coste, Boniface VIII en procès. Articles d’accusation et dépositions des témoins (1303-1311), Rome, 1995.

2183.

Cf. sur ce point J.-P. Boyer, Sacre... art. cit., p. 591 s., en particulier p. 598-599. Le point de vue de Charles en la matière n’est malheureusement nulle part explicité, ni par Eudes ni par les cardinaux chargés de son sacre; Ibidem, p. 595 et note 177, d’après G. del Giudice, Codice... op. cit., p. 88.

2184.

Les sermons d’Innocent III mériteraient d’être revus dans cette optique, du moins ceux qui sont, sans le dire, des sermons De casibus(ainsi sur la consécration pontificale) et les sermons De sanctisaux circonstances liturgiques parfaitement adaptées (fêtes de saint Silvestre, des apôtres Pierre et Paul, de la chaire de saint Pierre entre autres).

2185.

Voir l’exemple des ambassadeurs de Flandre rapportant par écrit la substance d’un sermon du cardinal Matthieu d’Aquasparta sur la suprêmatie du pouvoir pontifical, sermon entendu à Rome, dans la basilique du Latran, le 6 janvier 1300, dans N. Bériou, L’avènement... op. cit., p. 75 note 8.

2186.

Cf. J.-P. Boyer, Prédication et Etat napolitain... art. cit., p. 132. Sans en tirer toujours les conséquences, les historiens ont régulièrement noté que les sources de la bulle Unam sanctamde Boniface VIII, considérée unanimement comme le « chef d’œuvre » de la théocratie, étaient théologiques, non canoniques: c’est à saint Bernard et Hugues de Saint-Victor, non à Innocent III où à Innocent IV, que ce pape se réfère, cf. J. A. Watt, The Theory... art. cit., p. 237; Y. M.-J. Congar, L’Eglise... op. cit., p. 272.