Pour l’élection du [souverain] pontife
Sermon prononcé devant les cardinaux, réunis à Pérouse, entre le 3 octobre 1264 et la mi-janvier 1265, pour l’élection du pape.
Beaucoup sont devenus prêtres, parce que la mort les empêchait de durer; mais celui-ci, parcequ’il demeure pour l’éternité, il a un sacerdoce immuable 3627 . Ces mots nous montrent pourquoi il faut créer ou élire un pape; que la dignité du souverain pontife est sujette à la transition et à la mort, comme d’autres dignités, mais davantage encore; que le pouvoir de créer des papes fut confié aux hommes et que c’est un très grand péché d’en abuser soit en différant l’élection par des manoeuvres, soit en usant de menaces ou de promesses, soit en violentant la liberté des électeurs ou en empêchant l’élection par le choix d’une personne inepte et le refus d’une personne apte, et par toutes les façons dont on peut pécher concernant le problème d’une élection.
1. L’apôtre dit: Beaucoup sont devenus prêtres , ce qui se comprend de tous les prêtres, petits et grands; mais plus particulièrement, si l’on suit spirituellement l’apôtre, du grand prêtre; ce qui prouve que ce dernier et ses successeurs n’ont pas totalement revêtu la dignité de grand prêtre ni de souverain pontife; seul le Christ l’a fait.
2. Ce verset concerne donc les grands prêtres et nous montre les raisons pour lesquelles ils ont été institués: il est nécessaire d’élire fréquemment le souverain pontife, ainsi que les autres prêtres, car sinon le peuple chrétien serait sans pasteurs, privé des sacrements et de l’instruction religieuse; privé de juges concernant le péché et les erreurs; c’est surtout vrai pour le souverain pontife, qui seul peut trancher doctrinalement, avec toutefois l’aide des autres évêques; les prêtres sont nécessaires ainsi que les évêques qui les ordonnent; à plus forte raison le grand prêtre en qui réside la plénitude du pouvoir, concernant la justice, pour éviter les appels infinis, concernant les dispenses et les indulgences, afin de préserver la paix et l’unité de l’Eglise, qui dépend de l’unité de la tête; l’Eglise militante doit être à l’image de l’Eglise triomphante où une seule tête concentre le pouvoir;
3. puisque l’office du souverain pontife est absolument nécessaire à l’Eglise et qu’il meurt fréquemment, il faut fréquemment lui élire un sucesseur; d’où: parce que la mort les empêchait de durer ; ce qui montre qu’Aaron et Melchisedech, c’est à dire les grands prêtres ou les souverains pontifes, sont soumis à la même condition que les autres prêtres, c’est à dire à la mort; et davantage encore les papes; qui meurent plus fréquemment et restent moins longtemps en charge; car la vie du pape est une sorte de maladie, à laquelle met fin le médecin qui soigne tout, soit parce qu’ils sont indignes d’occuper le siège apostolique, soit parce que le monde n’est pas digne d’un tel pape; aucun souverain ne connaît le terme de son règne, sinon le souverain pontife, qui n’a jamais régné plus de vingt-cinq ans, même parvenu jeune sur le trône pontifical, à l’exception de Pierre; alors qu’on connait des rois, des princes et des évêques qui ont régné plus de cinquante ans; la vie du pape est brève et sa mort prompte et certaine; il doit donc plus que les autres s’y préparer;
4. le verset nous montre enfin que le pouvoir de l’élection a été confié aux hommes; avant la loi en effet, c’est la primogéniture qui décidait de la succession à la dignité sacerdotale; sous la loi, ce fut la succession directe ou collatérale; sous l’évangile, ni l’une ni l’autre car le Sacerdoce désormais n’est plus comme alors charnel, mais spirituel; on ne lit nulle part que Melchisedech ait eu des fils; d’où la promesse faite au Christ et aux prêtres de la nouvelle loi: Tu es prêtre pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisedech ; comme le Seigneur a donné aux hommes la possibilité de devenir fils de Dieu, il leur a donné celle d’élire le pape, mais par élection canonique; ils doivent donc en cette matière se garder de tout péché; l’élection du pape étant la plus nécessaire de toutes, le péché est d’autant plus grand de la différer en manoeuvrant ou de l’empêcher; dans cette élection, les hommes ne doivent user ni d’astuce, ni de fraude, ni de mensonge, ni rechercher leur intérêt particulier ou celui de leurs proches, ou la perte de leurs ennemis; ni essayer d’intimider celui auquel on voudra ensuite résister; efforçons-nous par conséquent de procéder en cette élection avec toute la pureté requise, afin d’élire quelqu’un de digne du Seigneur et de son Eglise.
Ms A, f. 95va-97ra 3628
In electione pontificis. Ad Hebr. vi°: Plures facti sunt sacerdotes, idcirco quod morte prohiberentur permanere; hic autem eo quod manet in eternum, sempiternum habet sacerdotium 3629
In hiis verbis nobis ostenditur causa propter quam oportet facere (f. 95vb) siue eligere summum pontificem, et quod dignitas summi pontificis subiecta est mutabilitati et morti sicut et alie dignitates vel etiam amplius, et quod potestas faciendi summos pontifices data est hominibus, et quod magnum peccatum est abuti hac potestate differendo electionem malitiose vel ingerendo minas vel promissa, vel per compulsionem libertatem eligendi vel electionem impediendo, ineptam personam assumendo, ydoneam repellendo, et multis aliis modis quibus contigit peccare circa negotium electionis.
1. Dicit itaque apostolus: Plures facti sunt sacerdotes etc. Hoc intelligitur de omnibus sacerdotibus, et maioribus et minoribus. Sed secundum intelligentiam apostoli, spiritualiter hoc intelligitur de summo sacerdote. Agitur enim hic de Aaron et de Melchisedech, qui fuerunt summi sacerdotes 3630 . Et probat quod in hiis nec in successoribus eorum fuit completa dignitas summi sacerdotis nec dignitas summi pontificis, sed in Christo. Et ideo oportuit ut sacerdotium et pontificium Melchisedech et Aaron reprobarentur sive euacuarentur, sacerdotium vero et pontificium Christi maneret in eternum. Unde subiungit post predicta verba: Unde et saluare in perpetuum potest accedentes per semetipsum ad Deum, semper viuens ad interpellendum pro nobis; talis enim decebat ut nobis esset pontifex sanctus, innocens, impollutus, segregatus a peccatoribus et excelsior celis factus, qui non habebat cotidie necessitatem, quemadmodum sacerdotes, prius pro suis delictis hostias offerre, deinde pro populo 3631 .
2. De summis ergo sacerdotibus loquitur et ostendit causam proter quam oportebat instituere eos, cum dicit: Plures facti sunt sacerdotes, idcirco quod morte prohiberentur permanere . Hac eadem causa oportet frequenter eligere summum pontificem, et etiam alios pontifices et alios minores et maiores; alioquin deficeret officium pontificum et etiam sacer-(f. 96ra)-dotum, quod est valde utile populo Dei, et sine quo periclitaretur, nec esset qui ministraret ei sacramenta, que tribuunt tam corpori quam anime sanitatem, nec essent qui instruerent populum Domini. Quia ut dicit Malach. ii°: Labia sacerdotis custodiunt scientiam, et legem requirunt ex ore eius, quia angelus Domini exercituum est 3632 . Nec etiam esset qui diiudicaret inter leprosum et leprosum, Leuitico xiiii° 3633 . Iudicium enim de peccatis iudicare, etiam de erroribus, et eos condempnare, ad eos spectat. Sed maxime quantum ad summum pontificem, quia penes ipsum residet solum auctoritas condempandi errores, cum consilio tamen aliorum pontificum, quia hoc est de maximis causis. Ezech. xxii° reprehendit sacerdotes eo quod inter sanctum et pollutum non habuerunt distantiam et inter pollutum et immundum non intellexerunt 3634 . Inter autem alia que comminatur Dominus populo iudaico, hoc maxime comminatur eis, Osee iii°: Sedebunt filii Israel, sedebunt filii Israel sine rege et sine principe 3635 , id est summo sacerdote, et sine sacrificio et sine altari. Et in Daniele ix° comminatur Iudeis quod cessaret unctio eorum 3636 . Neccessarium ergo est Ecclesie habere minores sacerdotes et pontifices qui eos ordinent, et summum sacerdotem penes quem resideat plenitudo potestatis propter decisionem causarum, ne per appellationes in infinitum [differatur] 3637 , et propter dispensationes et indulgentias, et [ut] unitas et pax sit in Ecclesia Dei. Ab unitate capitis est unitas corporis et pax atque concordia; alioquin non esset qui poneret manus in ambobus 3638 , id est in discordantibus. Poneret, dico, cum auctoritate compellendi eos ad pacem et ad concordiam. Precipitur etiam Moysi Exodo xxv°: Facient quia michi sanctuarium et habitabo in medio eorum, iuxta similitudinem tabernaculi quod ostendam (f. 96rb) tibi 3639 . Ecclesia triumphans exemplar est, ad cuius similitudinem debet fieri tabernaculum, id est Ecclesia militans. Ut sicut in Eclesia triumphante penes unum plenitudo residet potestatis, et non sunt ibi plura capita sed unum tantum, licet ibi diuersi sint ordines angelorum et hominum, sic in Ecclesia militante. Alioquin non esset facta iuxta omnem similitudinem Ecclesie triumphantis.
3. Cum igitur officium summi sacerdotis valde sit necessarium Ecclesie Dei, et aliorum etiam pontificum et minorum sacerdotum, et ipsi prohibentur morte permanere 3640 , ideo necesse [est] ut, sicut frequenter moriuntur, sic et frequenter alii eligantur et alii substituantur. Ordo enim nature hoc exigit, ut quia generatio preterit 3641 generatio adueniat, et generatio adueniens generationi preterite succedat. In figuram huius precepit Dominus, Leuitico xxiiii°: Ut super mensam propitiationis duodecim panes de simila per singula sabbata ponerentur, et alii antea remouerentur nouis superuenientibus 3642 . Sic etiam precepit Dominus ut sartatecta templi reficerentur, ne edificium templi rueret 3643 . Hac ergo de causa necesse est celebrare electiones, et hoc est quod dicit apostolus: Plures facti sunt sacerdotes, idcirco quia morte prohiberentur permanere . Et quia apostolus in hoc loco spiritualiter loquitur de summis sacerdotibus, scilicet Melchisedech et Aaron, per hoc apparet quod summi sacerdotes siue pontifices eidem conditioni subiecti sunt, et mors prohibet eos permanere, sicut et alios iuniores sacerdotes. Et videntur esse magis subiecti huic conditioni quam alii minores sacerdotes, quia frequentius moriuntur et breuiori tempore permanent in dignitate sua. Et in eis apparet plusquam in aliis quod dicit Ecclesiasticus x°: Omnis potentatus breuis vita 3644 . Et videtur subiungere causam cum dicit: Langor (f. 96va) prolixior grauat medicum, breuem langorem prescidit medicus 3645 . Vita enim summi pontificis quidam langor est, hunc langorem prescidit medicus ille qui sanat omnes infirmitates, aut quia indigni sunt occupare sedem apotolicam, aut quia mundus non est dignus habere talem apostolicum, et rapiuntur de medio ne malicia immutet intellectum. Hoc est quod dicit Ysayas lvi°: A facie malicie collectus est iustus 3646 . Et ibidem dicit: Iustus perit et nemo est qui recogitet in corde suo 3647 , [subiungendo]causam propter quam iustus subit periculum mortis, quia causa est frequenter huius periculi iniquitas aliorum. In cuius figura angeli coegerunt Loth exire de Sodomis ne periret cum pereuntibus, et quia illi indigni erant cohabitatione Loth 3648 . Nulli enim existenti in potestate diffinitus est terminus vite, nisi summo pontifici. Reperiuntur reges, pontifices, alii principes qui regnauerunt et imperauerunt quadraginta annis, et etiam aliqui quinquagenta et amplius. Non reperitur autem quod aliquis summus pontifex sederit ultra vicesimum quintum annum, nisi tantum beatus Petrus. Assumpti tamen fuerunt in summum pontificem aliqui iuuenes, circa tricesimum annum. Et ideo pre aliis in potestate constitutis summi pontifices debent habere mortem pre oculis. Dicit Ecclesiasticus xvi°: Ante hominem vite et mors 3649 ; ante summum pontificem vita breuis et mors cita et certa quodam modo. Et ideo pre aliis debet se preparare ad mortem.
4. Ex predictis etiam verbis apostoli quibus dicit: Plures facti sunt sacerdotes 3650 , ostenditur quod fuerit 3651 , et potestas faciendi est hominibus attributa. Quondam enim ante legem, ratione primogeniture dignitas sacerdotalis debebatur; in lege, ratione successionis directe vel collateralis, sicut factum fuit quando sacerdotium translatum fuit a domo Eleazari filii (f. 96vb) Aaron ad domum siue familiam Ycamar. Et causa translationis fuit quia abutebantur sibi tradita dignitate, sicut factum fuit tempore Salomonis 3652 . Sub evangelio autem hec dignitas non habetur ratione primogeniture vel successionis. Tempore enim ante legem et sub lege sacerdotium carnale erat. Et ideo per carnalem primogenituram vel successionem sortiebantur hanc dignitatem. In euangelio vero sacerdotium spirituale est, et ideo carnalitas ibi locum habere non debet. De Melchisedech quod patrem habuerit vel filium non legitur. Et ideo Christo et sacerdotibus noui legis promittitur: Tu es sacerdos in eternum secundum ordinem Melchisedech 3653 , ut carnalitas seu genus non vendicet in sacerdotio euangelico sibi locum. Et sicut Dominus dedit hominibus potestatem filios Dei fieri, sic dedit eis et potestatem facere pontifices et etiam summum pontificem, scilicet per canonicam electionem.
Sed circa hoc et maxime circa electionem summi pontificis, debent homines sibi cauere a peccato, quod multipliciter et frequenter accidit circa hoc. Quanto enim maior necessitas est habere summum pontificem quam habere quemcumque alium prelatum, sic maius peccatum est differe electionem malitiose et eam impedire. Totus enim status mundi dependet a summo pontifice, sicut dixit Dominus de Eleachim summo sacerdote, Ysa. xxii°: Suspendam super eum diuersa vasorum genera 3654 . Item super omnes electiones hec debet esse prior. Candelabrum enim de auro purissimo factum fuit similiter et alia vasa tabernaculi, sed super omnia archa testamenti 3655 , per quam summus pontifex designatur. Item ad faciendum vasa ita assumpti fuerunt Bezelael et Ooliap, quos Deus repleuerat omni sapientia et intellectu. Et hac sapientia usi sunt ad faciendum ea. Ad faciendum ergo summum pontificem non debent homines uti astucia, fraude vel fallacia, que est sapiencia mundi et diabolica, que intendit proprium commodum, non communem, oppressionem inimicorum (f. 97ra) suorum, non erectionem nisi suam et suorum. Per hanc etiam intendit quis habere quod non timeat cui audacter resistat, a quo potius ipse timeatur. Ex hoc accidit quod minus ydoneus eligitur, et etiam aliquando indignus, et ydoneus repellitur et eius electio impeditur. Dicitur in Ysa. ix°: Lateres ceciderunt, sed quadris lapidibus edificabimus; sicomoros succiderunt, sed cedros immutabimus 3656 . Et multi faciunt e contario. Apostolus describit quas condiciones oportet habere episcopum. Sed hee condiciones pre aliis debent esse in summo pontifice. Et flebile est quando pre aliis in eo deficiunt.
Satagemus ergo karissimi procedere in hac electione in omni puritate, ut gratia Dei operante talem eligamus qui sit ad honorem sui nominis et ad utilitatem Ecclesie sancte sue, ipso prestante qui viuit in secula seculorum. Amen.
Hbr. 7, 23.
Pas d’autre copie.
Hbr. 7, 23.
Cf. Gn. 14, 18; Ps. 109, 4; Hebr. 5, 6 etc. pour Melchisedech; Ex. 28 passim; Nm., passim pour Aaron.
Hbr. 7, 25-27.
Mal. 2, 7.
Cf. Lv. 14, 2.
Ez. 22, 26.
Os. 3, 4.
Cf. Dn. 16, 24..
... in infinitum, et propter dispensationes...] A.
Cf. Iob 9, 33.
Ex. 25, 8.
Hbr. 7, 23.
Eccle. 1, 4.
Cf. Lv. 24, 5-6.
Cf. 4 Rg. 12, 5-8; 22, 5; 2 Par. 24, 5.
Eccli. 10, 11.
Eccli. 10, 11.
Is. 57, 1.
Is. 57, 1.
Cf. Gn. 19, 13-17.
Eccli. 15, 18.
Hbr. 7, 23.
L'abbréviation correspond, mais pas le sens.
Je n’ai pas trouvé la référence précise à cet épisode du transfert « collatéral » du sacerdoce de la famille d'Eléazar à celle d'Itamar, tous deux fils d'Aaron (cf. Ex. 28, 1), à l'époque de Salomon, car il semble en fait qu'Eudes se soit trompé en inversant les deux personnages. I Rg. 2, 26-27, raconte en effet la destitution par Salomon d'Ebyatar, réputé de la famille sacerdotale d'Itamar, cela conformément au fameux "oracle" contre la maison d'Elie (1 Rg. 2, 27-36); le même oracle au verset 35 a été interprété comme annonçant la substitution de la famille de Sadoq à celle d'Itamar, et son institution comme seule maison sacerdotale légitime, ce qu'accomplit Salomon en 1Rg. 2, 35; or Sadoq a été rattaché artificiellement à Eleazar par le Chroniste (1 Par. 24, 3), qui précise que dès le temps de David, les fils d'Eleazar avaient plus de prêtres que ceux d'Itamar (1 Par. 24, 4 sq). Ce fait prouve que le cardinal citait l'Ancien Testament de mémoire, et que dans certains cas, elle pouvait le trahir dans le détail; quant à la valeur de fond de la comparaison ici utilisée, opposant le caractère charnel du sacerdoce sous l'ancienne loi, à sa nature spirituelle sous l'Evangile, cette erreur n'a pas grande conséquence.
Hbr. 5, 7.
Is. 22, 24.
Cf. Ex. 35, 30-35,.
Is. 9, 10.