Sur la rebellion des Sarrasins de Lucera en Apulie.
Sermon donné entre février 1268 et août 1269 4257 .
« Mais si vous ne tuez pas les habitants du pays, ceux d’entre eux qui seront restés deviendront des épines dans vos yeux et des lances dans vos flancs, ils vous presseront dans le pays que vous habiterez, et je vous traiterai comme j’avais pensé les traiter » 4258 . Ces mots, Dieu les a adressés aux fils d’Israël à l’orée de la Terre promise; il y profère quatre menaces contre les transgresseurs de ses préceptes: l’aveuglement, la blessure, le harcèlement, le retournement du châtiment qu’il avait prévu pour leurs ennemis;
1. (lignes 12-29) la première menace, c’est l’aveuglement, celui dont étaient victimes ceux d’entre les sept tribus demeurés englués dans l’erreur, qui trompaient les fils d’Israël et les aveuglaient sur la véritable foi;
2. (lignes 29-42) ces derniers ne cessèrent jusqu’au temps de David de blesser les fils d’Israël, qui ne pouvaient s’en débarasser, pour avoir conclu avec eux un pacte contre l’ordre de Dieu;
3. (lignes 42-56) malgré ce pacte, les Hébreux étaient harcelés par eux, avec d’autant plus de nocivité qu’ils cohabitaient, alors qu’une séparation radicale eût été moins pénible; les fils d’Israël firent la dure expérience d’une difficile coexistence avec le lion, le scorpion et le serpent;
4. (lignes 56-107) le châtiment encouru par les fils d’Israël, c’est celui que Dieu avait prévu pour leurs ennemis 4259 ; malheur à nous, à qui arrive la même chose aujourd’hui; Dieu a donné la Sicile, cette Terre promise, à Charles le magnifique, à condition de ne pas conclure d’alliance avec ses ennemis, en particulier les Sarrasins, plus spécifiquement hostiles puisqu’ils ont occupé l’héritage du Christ; cette condition était expréssément contenue dans l’hommage prêté au pape; si seulement elle avait fait l’objet du même respect que d’autres stipulations de l’hommage, dont on se serait bien passé ! Quoi de plus horrible que la proclamation de la loi de Mahomet dans le terre de l’Eglise ? L’Eglise avait tant combattu, ainsi que les princes chrétiens et en premier lieu le roi Charles, pour libérer le royaume; Dieu n’a pas voulu conserver dans des mains chrétiennes la Terre sainte, car les Sarrasins y avaient conservé des positions; pour la même raison l’église romaine couvrait Frédéric de reproches; il faut craindre que les quatre menaces évoquées ne s’abattent sur nous, puisque les Sarrasins ont aveuglé les Chrétiens et les Princes en leur promettant beaucoup d’argent, ou en capturant et gagnant à la foi femmes et enfants; O Christ, que la voix du sang de tes fils chrétiens, répandu par les Sarrasins prêts à amener des troupes de l’extérieur, te pousse à la vengeance et te fasse remuer ciel et terre pour les détruire !
Ms A, f. 108rb-109rb.
Le contenu du sermon prouve qu’il a été préché entre la rebellion de la garnison sarrasine de Lucera et le déclenchement presqu’immédiatement consécutif de la croisade, en février 1268, et la fin de celle-ci marquée par la prise de la forteresse, en août 1269.
Nm. 34, 55-56.
Jusqu’ici (ligne 56), l’orateur s’en est tenu à une exégèse de type littéral; la suite s’apparente plus nettement à l’exégèse prophétique, mais le fait qu’elle se situe en parfaite continuité avec l’exégèse littérale du thème, à l’intérieur même d’une division annoncée par l’introduction, démontre une fois de plus comment ce genre de prophétie, s’appliquant à l’époque contemporaine, est étroitement liée dans l’esprit de l’exégète à la lettre du texte: le point commun, c’est toujours l’histoire et sa répétition, sous-tendue par le parallèlisme des deux testaments.