SERMO n° 43 (RLS n° 878), éd. C. Maier p. 379-382.

Sur la rebellion des Sarrasins de Lucera.

Sermon donné entre février 1268 et août 1269 4260 .

« Car ainsi parle Yahvé, le Dieu d’Israël: L’anathème est au milieu de toi, Israël; tu ne pourras pas tenir devant tes ennemis, jusqu’à ce que l’anathème soit écarté de toi » 4261 ; très exactement: « Israël ne pourra pas tenir devant ses ennemis et fuira devant eux eux, parcequ’Israël est pollué par l’anathème; je ne serai plus avec vous si vous ne faites pas disparaître de votre sein l’objet de l’anathème, coupable de ce crime » 4262 .

1. (lignes 1-76) on connait l’histoire: on lit dans Josué que parmi les cités de la terre que Dieu a concédées, seule Jéricho fut anathémisée, car elle avait fermé ses portes à l’arrivée du peuple de Dieu; ses murs s’effondrèrent non sous les coups, mais à la sonnerie des trompettes sacerdotales; mais certains ont rusé avec cet anathème, d’où la mort de vingt-sept hommes envoyés par Josué, et la supplication qu’il adressa à Dieu, lequel lui répond par les mots du thème; cette histoire, c’est une parabole du temps présent: Dieu a donné l’Apulie à notre Josué, le roi Charles, l’Apulie où une autre Jéricho se tenait, Lucera, habitat et refuge des Sarrasins, qui combattaient les Chrétiens dans tout le royaume de Sicile; Frédéric jadis roi y recrutait ses archers; comme la lune perturbe l’atmosphère et déclenche vents et pluies, la foreteresse de Lucera surplombait et détruisait tout dans son voisinage; Dieu a fait sonner les trompettes sacerdotales contre elle, c’est à dire les prédicateurs, qui promettaient au nom du souverain pontife, chef de la Chrétienté comme Josué le fut d’Israël, l’indulgence pour tous les péchés à ceux qui les combattaient; Lucera fut prise grâce à la prédication, non grâce à un siège: par peur, les Sarrasins procédèrent eux-mêmes à la destruction de leurs défenses; mais, par malheur, ils demeurèrent dans la place; ils auraient dû en être entièrement expulsés, mais certains, appâtés par le profit, les ont protégés, prétextant que le roi pouvait se servir d’eux;

2. (lignes 76-117) il nous faut craindre d’être victimes des menaces adressées à Israël, si nous ne chassons pas de la terre chrétienne la cause de cet anathème, car les Sarrasins par leur exemple incitent à la rebellion; Dieu nous menace, car si nous n’avons pas rusé avec cet anathème, nous n‘avons pas tout fait pour nous en débarasser; méditons quelques exemples: Saul menacé par Samuel pour avoir épargné des Amaléchites; Achath roi d’Israël menacé par le prophète pour avoir épargné Benadab, roi de Syrie; pour échapper aux menaces et aux peines, le roi de Sicile et son peuple, tous les Chrétiens doivent se lever pour rayer du royaume ces Sarrasins et apaiser ainsi Dieu.

Ms A, f. 109rb -110va .

Notes
4260.

Le contenu du sermon prouve qu’il a été préché entre la rebellion de la garnison sarrasine de Lucera et le déclenchement presqu’immédiatement consécutif de la croisade, en février 1268, et la fin de celle-ci marquée par la prise de la forteresse, en août 1269.

4261.

Jos. 7, 13.

4262.

Jos. 7, 12. L’auteur n’annonce aucun plan en introduction, contrairement aux deux autres sermons sur la rebellion. J’ai donc séparé le texte en fonction de la méthode d’exégèse, à présent familière, qu’il emploie constamment dans ce genre de cas: la première partie du texte est consacrée à l’interprétation littérale du thème; la seconde l’applique selon la méthoide que je nomme prophétique à la situation présente.