SERMO n° 44 (RLS n° 1035), éd. F. Iozzelli, p. 176-181.

Pour le même triomphe [la victoire de Charles à Tagliacozzo].

Sermon donné fin août-début septembre 1268.

« L’héritage de Seyr est conquis par ses ennemis; Israël déploie sa puissance; la maison de Jacob domine ses ennemis et fait périr les rescapés d’Ar » 4263 . La sixième férie des calendes de septembre, les vénérables pères Richard et Jean, cardinaux-diacres, ont reçu une lettre annonçant la victoire donnée par Dieu la veille à Charles le magnifique, roi de Sicile, sur Conradin, le sénateur de Rome, et leurs complices; la joie a aussitôt éclaté en Curie et à Viterbe, ce jour et toute la journée suivante; mais au soir de celle-ci, la rumeur a circulé qu’en fait l’armée de Charles avait été vaincue et mise en déroute, et ce dernier capturé ou tué; mais dès le dimanche suivant, cette rumeur s’est avérée fausse; entre-temps, accablé et troublé par ces bruits, gardant en mémoire ce que fit le bienheureux Augustin, je me suis tourné vers la Bible afin que Dieu m’éclaire par l’oracle de sa sainte Ecriture; songeant à ces rumeurs, j’ai ouvert la Bible à deux endroits de l’ancien et du nouveau testament, pour que la même parole fût proférée par deux témoins; la premier pronostic fut celui du livre des Nombres, 24, à savoir: « L’héritage de Seyr est conquis par ses ennemis; Israël déploie sa puissance »; le second figurait dans les Actes des apôtres, 2, narrant comment Dieu avait promis à David de faire« assoir sur son trône » l’un de ses descendants et que le prophète avait « vu d’avance et annoncé la résurrection du Christ » 4264 ; j’ai trouvé dans ces deux témoignages une ample consolation, et presqu’aussitôt, fus convoqué par le pape en compagnie des autres cardinaux, pour qu’il nous lise la lettre du roi, où il l’assurait de sa victoire, cadeau de Dieu; c’est pourquoi à présent je choisis comme thème le premier pronostic tiré des Nombres, dont les mots démontrent pourquoi l’héritagede Frédéric et de ses fils a passé à des étrangers 4265 , ici:  L’héritage de Seyr est conquis par ses ennemis ; secondement par l’intermédiaire de qui le Seigneur a accompli cela: Israël déploie sa puissance ; troisièmement d’où provient celui qui a accompli cela: la maison de Jacob domine ses ennemis ; enfin que par son intermédiaire, sera détruite ce qui reste d’Ar, c’est à dire des groupes de traitres et de rebelles à l’Eglise: et fait périr les rescapés d’Ar ;

1. (lignes 50-128) Frédéric II a exaspéré l’Eglise qui l’avait nourri, et refusé de s’humilier devant le pape et l’église romaine, en expiation de ses péchés; il a donc été deshérité; il faut répéter cela non pour insulter les morts, mais pour détourner de son exemple ceux qui voudraient l’imiter; il a été deshérité au profit de Charles, son adversaire non par haine, mais par volonté d’agir à l’inverse de lui, c’est à dire de suivre, comme l’ont fait ses ancêtres et le feront ses successeurs, le conseil de l’apôtre;

2. (lignes 129-144) cela a été accompli par l’intermédiaire de Charles sur l’ordre de Dieu et du pape, pour démontrer la puissance du pouvoir des clefs et sa conséquence: jamais les portes de l’enfer ne pourront prévaloir contre l’Eglise; ce Charles est un Israël, qui a conquis la Sicile sans machinations, par le pur combat et la force;

3. (lignes 145-158) Jacob et Israël, deux noms pour une seule personne, figurent Charles le magnifique et Charles de Sicile, qui descend de lui, confirmant les prophéties faites à la maison de Jacob;

4. (lignes 159-169) les conspirations de ses ennemis ont été vaines: en Charles Dieu accomplira ce qu’il avait promis: détruire irrémédiablement la maison de Frédéric; que Dieu réalise tout cela par l’intermédiaire de son serviteur Charles.

Ms Pi, f. 46rb-47vb.

Notes
4263.

Nm. 24, 18-19.

4264.

Act. 2, 30-31.

4265.

Lm. 5, 2.