SERMO n° 45 (RLS n° 1036), éd. F. Iozzelli, p. 182-188.

Pour inviter les hommes à prier pour ceux qui sont morts en défendant le parti de l’Eglise et de Charles.

Sermon donné fin août-début septembre 1268.

« Mon coeur chérit les princes d’Israël; vous qui volontairement vous êtes portés au devant du danger, bénissez le Seigneur » 4266 . On lit dans le livre des Juges, 4, qu’à cause de ses péchés le Seigneur livra le peuple aux mains de Yabîn, roi de Chanaan, et du chef de son armée, Sisera, qui les persécutaient âprement; le peuple eut alors recours à la prophétesse Déborah, qui envoya chercher Baraq, fils d’Abinoam de Qédèsch en Nephtali, et lui dit: « Yahvé, Dieu d’Israël, n’a-t-il pas ordonné: ‘Va, marche en conduisant l’armée vers le mont Tabor; j’attirerai vers toi au torrent du Qishôn Sisera, le chef de l’armée de Yabîn, avec ses chars et ses troupes, et je le livrerai entre tes mains’ ? » Baraq lui répondit: « Si tu viens avec moi, j’irai, mais si tu ne viens pas avec moi, je n’irai pas »; elle lui répondit: « J’irai donc avec toi mais, dans la voie où tu marches, la victoire ne sera pas pour toi, car c’est entre les mains d’une femme que Yahvé livrera Sisera »; ainsi conclut Déborah, avant d’accompagner Baraq à Qédèsh 4267 . Sisera se porta donc à leur rencontre au torrent de Qédèsh; Déborah déclara à Baraq: « Lève-toi, car voici le jour où Yahvé a livré Sisera entre tes mains. Oui ! Yahvé ne marche-t-il pas devant toi ? » Baraq descendit du mont Tabor et Yahvé frappa de panique Sisera et toutes ss troupes, ils prirent la fuite à la vue de Baraq au point que Sisera, descendant de son char, s’enfuit à pied, tandis que Baraq poursuivait les fuyards » 4268 . Ainsi la vcitoire leur fut donnée du ciel; c’est elle que célèbre Déborah dans un cantique au Seigneur où nous avons pris notre thème. Cette victoire est une paarbole du temps présent, et une figure de celle récemment remportée, de sorte que nous pouvons véritablement prononcer ce passage de l’Ecclesiaste 1: Il n’y a rien de nouveau sous le soleil; que personne ne dise: « tiens, voilà du nouveau »; cela fut dans les siècles qui nous ont précédés 4269 . Notre sermon prendra donc en considération trois points: d’abord la similtude des événements; puis l’amour de coeur que doit nourrir l’Eglise pour les princes séculiers; troisièmement, que ces nobles guerriers tombés au combat à l’appel de Dieu et de l’Eglise doivent bénir le Seigneur, et lui rendre grâce.

1. (lignes 42-91) Comme Yabîn et Sisera persécutaient le peuple à cause de ses péchés, de même nos péchés ont ces temps-ci poussé Dieu à nous faire persécuter par Conradin et le sénateur Henri de Castille, chef de son armée; le peuple s’est retourné vers Déborah, c’est à dire l’église romaine, qui a fait appel au roi Charles, lequel s’est montré fulgurant au combat où il n’avait pas voulu se rendre sans la bénédiction de l’Eglise; il y fut accompagné de coeur, sinon physiquement, par le pape; il y terrassa ou dispersa ses ennemis; bref, les deux victoires, celle contre Sisera et celle contre Conradin, furent en tout point semblables;

2. (lignes 92-153) Déborah, notre Eglise, doit chanter un cantique au Seigneur, en chérissant les princes séculiers non en paroles, mais en oeuvre et en vérité, car ce sont eux qui s’exposent dans leurs corps pour la foi et l’Eglise; d’autres nobles ont fui au contraire, mais il faut leur pardonner vu les circonstances, puisque les disciples du Christ, Pierre en premier, l’ont renié et ont fui; des fuyards de l’autre camp sont certes de mauvais Chrétiens, et leur cas est tout à fait différent; mais ils restent nos frères et il faut quand même avoir pitié d’eux;

3. (lignes 154-205) si les guerriers de l’Eglise s’étaient lancés au combat par contrainte, ou ignorance, ils n’auraient aucun mérite; mais ce ne fut pas le cas: ils ont volontairement exposé leurs personnes en première ligne, recevant les coups les plus violents; ceux qui sont morts doivent être inscrits au catalogue des saints martyrs; nous les clercs, nous n’affrontons le danger qui menace l’Eglise, le peuple chrétien ou la Terre sainte que sous la contrainte; prions pour que le Seigneur libère ceux d’entre ces guerriers qui, chargés de péchés, seraint malgré tout au Purgatoire

Ms Pi, f. 47vb-49vb.

Notes
4266.

Idc. 5, 9.

4267.

Idc. 4, 6-9.

4268.

Idc. 4, 14-16.

4269.

Eccle. 1; 9-10.