Pour la mort du noble Henri, seigneur de Sully.
Sermon donné début septembre 1268.
Le roi dit aussi à ses officiers : « Ne savez-vous pas qu’un prince, et un grand prince, est tombé aujourd’hui en Israël ? Pour moi, je suis faible à présent, tout roi que je sois par l’onction » 4270 . Ces mots sont ceux de David après la mort d’Abner, qui avait fait tout son possible pour consolider le royaume de David; d’où: « Ne savez-vous pas qu’un prince », c’est à dire un baron, car c’est ainsi que sont nommés les princes en France, en Sicile, en Angleterre et même à Jérusalem; « pour moi, je suis faible à présent, tout roi que je sois par l’onction», c’est à dire que je suis tendre et faible pour le gouvernement du royaume, comme le sont tous ceux dont le pouvoir n’est pas bien consolidé; ce thème indique donc qui fut le seigneur Henri, et secondement le moment auquel il fut soustrait à l’existence terrestre.
1. (lignes 31-105) « Ne savez-vous pas » montre sa probité et sa bonté notoires tant au royaume de France qu’en Allemagne et dans toute la Sicile; prince, c’est à dire première tête des guerriers par sa libéralité; za tête partage ce qu’elle reçoit avec les membres inférieurs; de même me seigneur Henri, au point de se trouver pauvre et endetté, quoiqu’il eût deux fils à établir et une fille à marier; mais lui a fait confiance sur cette question qui préoccupe beaucoup les nobles - le mariage de leurs filles - à son seigneur; de même la tête indique aux autres membres où aller, frapper, combattre; c’est ce qu’il a montré à la bataille de Bénévent, comme peut en témoigner l’évêque d’Auxerre; il fut bien le premier, dans cette armée française venue conquérir la Sicile et chasser Manfred; on peut véritablement l’appeler Israël; sa force lui vint de ce que Dieu était à ses côtés; il est le premier à a voir combattu pour Chrales, avant même qu’il ne fût roi; il est mort ces jours-ci, non par le glaive mais de mort naturelle; c’est Dieu qui l’a voulu, en la faisant périr au sud 4271 , c’est à dire en état de salut, car il avait durant sa maladie reçu les sacrements et s’était plusieurs fois confessé;
2. (lignes 106-161) « pour moi, je suis faible à présent, tout roi que je sois par l’onction», démontre à quel moment il est mort, c’est à dire au début du règne de Charles, encore peu assuré de son pouvoir du fait qu’une grande rebellion avait éclaté dans le Royaume et que de nombreux ennemis extérieurs étaient puissants: Conradin, Henri de Castille, et bien d’autres; mais pourquoi Dieu dans un si grand danger l’a-t-il privé d’Henri de Sully, du Maréchal du royaume ainsi que de celui de France, du grand Justicier Barral des Baux, de quelques-uns de ses meilleurs guerriers ? S’Il l’a fait, c’est pour démontrer que cette victoire était la sienne, et celle de personne d’autre; le roi et les siens ne peuvent se l’arroger, car Dieu a voulu fortement diminuer l’armée, par la mort ou la fuite, afin de prouver que cette victoire miraculeuse était sienne; afin de prouver aussi que les orgueilleux ne résistent pas impunément à ses ordres ni ne violent impunément ses sanctuaires; dans ce combat, des milliers d’hommes sont morts, qui avaient consenti au crime; mais l’auteur direct du forfait, Henri de Castille, a survécu, réservé sans doute à un jugement plus atroce, afin de servir d’exemple aux autres; pour ce noble seigneur Henri et tous ceux qui sont morts lors de ce pélerinage, de maladie ou au combat, prions le Seigneur qu’il leur pardonne; aux ennemis encore vivants, qu’il leur donne la grâce de faire pénitence.
Ms Pi, f. 54vb-56rb.
2. Rg. 3, 38-39.
Eccle. 11, 3.