SERMO n° 48 (RLS n° 1041), éd. F. Iozzelli, p. 201-206.

Pour la même victoire [Tagliacozzo].

Sermon donné durant la seconde quinzaine de septembre.

C’est l’oeuvre de Yahvé; ce fut merveille à nos yeux 4274 . Ces propos ont été tenus du Christ, à propos de qui le verset immédiatement précédent ajopute: La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête de l’angle 4275 , car il a réuni les deux peuples, celui des Gentils et celui des Juifs; cela doit demeurer merveille à nos yeux, que cet égal traitement des deux peuples, bien que l’un, le peuple juif, fût son peuple particulier, nommé son fils et son premier né, ce qui fit murmurer les Juifs dès le début contre l’accueil de Gentils au baptême; ce qui poussa Pierre à leur expliquer que Dieu ne fait pas acception de personnes, mais des peuples qui croient en Lui 4276 ; si donc ce thème s’entend proprement du Christ, néammoins , si l’on rapporte ces mots non à ceux qui précèdent, mais à ceux qui suivent, on peut les appliquer à l’événement survenu ces jours-ci: la victoire que Dieu a donnée au roi de Sicile, ou pour parler plus exactement à sa sainte Eglise; méritent alors d’être notés les points suivants: que cela est l’oeuvre de Yahvé, non de l’homme; les arisons pour lesquelles cela doit demeurer merveille à nos yeux ; enfin le parti que notre émerveillement peut en tirer 4277 .

1. (lignes 75-149) Cette victoire a donc été l’oeuvre de Yahvé ; les événements inédits sont en général attribués à Dieu, non à l’homme ou à la nature; les accomplissements humains se répètent et dépendent du libre arbitre; les événements naturels sont par nécessité réitérés, ainsi le mouvemet du soleil ou les éclipses de la lune ou du soleil; mais Dieu s’est réservé quelques événements inédits ou rares; si bien sûr tout est l’oeuvre de Dieu, de tels événements inédits ou rares le sont tout spécialement, on les nomme miracles; or si nous considérons les circonstances qui ont précédé cette victoire, tout indique que le contraire aurait dû se produire: le roi devait être vaincu, non vainqueur, car bien des adversités ont précédé: l’importance des réunions préparatoires des ennemis, la malice et l’astuce de leurs conseillers, la conspiration des grands contre le roi Charles, celle parfois de villes, de provinces et de royaumes entiers; en cela, Dieu a donc rendu sotte la sagesse humaine; car ces projets étaient anciens, ourdis par des experts: qui est plus noble que les Germains, plus expert à la guerre que les Espagnols, plus prudent que les Lombards, plus astucieux que les Toscans, plus brave que les Romains qui eurent jadis l’audace de se soumettre l’univers ? La force et le nombre, ainsi que l’argent, donnent d’habitude la victoire; or Charles, à la veille du combat, était pauvre: ne pouvant emprunter, il a fait briser vases et trompettes d’argent et d’or, fondre bijoux pour solder ses troupes; face à la supériorité numérique de ses adversaires, il aurait pu suivre le conseil de l’Evangile et proposer la paix 4278 ; Dieu lui donna la victoire alors que ses deux premières lignes étaient rompues ou en fuite; ses troupes étaient épuisées par la marche, alors que ses ennemis étaient frais et dispos; tous ces prémices contraires démontrent manifestement que cette victoire fut l’oeuvre de Yahvé, de Dieu et non des hommes ou de la nature;

2-3 (lignes 149-157) cette oeuvre doit demeurer merveille à nos yeux, afin que nous en attribuions l’unique mérite à Dieu, non à nous-mêmes; glorifions en Dieu, non nous-mêmes, réservons-lui la totalité de l’honneur et de la gloire qui en en découle, et soyons attentifs à le remercier de tous ses bienfaits; conservons ce bienfait en mémoire pour mériter le bienfait suprême.

Ms Pi, f. 65rb-66[67]va.

Notes
4274.

Ps. 117, 23.

4275.

Ps. 117, 22.

4276.

Cf. Act. 10, 34-35; 44; 46.

4277.

Ce plan n’est pas strictement suivi par l’orateur: la quasi-totalité de son discours est consacré à la première division, la seconde étant à peine effleurée et traitée conjointement avec la troisième. Mais les trois points sont en fait souvent aboidé ensemble, en particulier au début de la première division (lignes 75-91); il faut sans doute y voir à nouveau son goût pour la manière traditionnelle d’expliquer le verset dans sa totalité, et de le contextualiser dans l’ensemble du passage biblique auquel il appartient; c’est d’aiileurs l’objet du début du sermon, où il a recours au verset précédent pour justifier le caractère christique de son thème, se tournant ensuite vers le verset suivant pour mieux justifier l’appliaction du thème à la vcitoire de Tagliacozzo (lignes 1-74).

4278.

Cf. Lc. 14, 32.