Pour la mort du seigneur Clément IV, pape.
Sermon donné le 29 novembre 1268.
Le soleil se lève, le soleil se couche, il revient à son point de départ et c’est là qu’il renaït; il vire par le midi et oblique vers le nord 4337 . Ces mots pris à la lettre nous expliquent les deux mouvements du soleil, diurne et annuel: par son mouvement propre, le soleil se déplace de l’Occident vers l’Orient, mais par le mouvement du ciel qui l’entraîne, de l’Orient vers l’Occident; qon mouvement propre est annuel: il accomplit une rotation complète; son entraînement par le mouvement du ciel explique sa rotation naturelle; le mouvement propre et désigné par Le soleil se lève, le soleil se couche, il revient à son point de départ ; l’autre mouvement par et c’est là qu’il renaït; il vire par le midi et oblique vers le nord ; ce double mouvement du soleil nous indique ce qui est survenu ces jours-ci, et se reproduira selon la volonté de Dieu: de fait, ces mots expriment la qualité personnelle de notre saint pape Clément IV, ici: Le soleil ; sa soustraction précoce du monde: Le soleil se lève, le soleil se couche ; sa migration vers Dieu: il revient à son point de départ ; quatrièmement ils suggèrent l’espoir qu’un bon pape, mieux, plusieurs bons papes, lui succèderont, mêm s’ils ne lui sont pas comaparables: et c’est là qu’il renaït ; cinquièmement, qu’à l’époque de ses sucesseurs les évêuqes iront visiter les peuples qui habitent au Midi, c’est à dire les Sarrsins et leur sanctuaire de la Mekke, ainsi que les Tartares, qui tirent leur origine du nord où ils ont établi le siège de leur royaume: il vire par le midi et oblique vers le nord ; sixièmement, que ses successeurs nettoieront le monde et rendront l’Eglise à son état et sa perfection primitifs: L’esprit en progressant nettoie tout sur son passage, et revient à ses tourbillons 4338 .
1. (lignes 54-90) Le soleildésigne le souverain pontife, qui surpasse tout autre prélat par sa science et sa vertu et doit apparaître tel un soleil, éblouissant tout le reste; quatre qualités , indsipensables à tout prélat, doivent briller particulièrement chez lui: il doit resplendir de science, se consummer de charité, bruler du zèle de la justice et de la rigueur, tièdir par la miséricorde et la pitié; il doit demeurer comme le soleil vis-à-vis des lieux qu’il éclaire, à égale distance de tous, sans préférence pour personne; Clément IV fut plus que les autres papes éblouissant, surpassant tous les prélats par sa science et son amour de Dieu; tel un phénix, il se brûlait aux scandales générés par d’autres, lorsqu’il échouait à corriger la malice humaine; par la macération, les veilles assidues, la prière contoinuelle, il se consummait lui-même, languissant après l’amour de Dieu et se hâtant vers lui; c’est à raison qu’on peut le nommer soleil ;
2. (lignes 90-120) Le soleil se lève, le soleil se couche montre que son pontificat fut bref, à l’image du mouvement naturel du soleil qui s’accomplit en un jour; de même que Josué a désiré la prolongation du jour pour remporter une victoire complète sur ses ennemis 4339 , de même ceux qui travaillent à extirper les péchés et à punir les coupables désiraient que la vie de Clément se prolongeât; les péchés ne l’ont pas permis, au contraire ils ont abrégé sa vie, car nous n’étions pas dignes d’un tel pasteur; tous ses soucis continuels ont abrégé sa vie; la conclusion, amère, est celle-ci: Le soleil se lève, le soleil se couche ;
3. (lignes 120-129) mais nous pouvons nousconsoler en croyant qu’il est revenu à son point de départ, c’es à dire à Dieu, qui lui a enfin donné le repos et la paix, après qu’il avait connu la pression du monde; il a enfin regagné son lieu naturel;
4. (lignes 130-163)et c’est là qu’il renaït, car Dieu ici nous console en nous donnant l’espoir d’un nouveau pape sage et bon; et même de plusieurs papes, pour que leurs défauts respectifs soient corrigés par l’alternance de leur succession; nous savons qu’un jour succèdera à l’autre, qu’il ne pourra être aussi brillant, pour ménager notre vue, ni aussi chaud, pour éviter une chaleur trop intense, des terres arides, la transformation en cendres des humeurs du corps humain; Dieu lui-même a institué cette alternance entre chaleur et lumière excessives puis tièdeur et semi-obscurité; de même il supplée au manque de science, de zèle et de sainteté d’un pape par l’apparition d’un autre éminent, afin de nous rendre supporatble leur joug et de tempérer l’austérité de l’un par la miséricorde de l’autre;
5. (lignes 164-175) il vire par le midi et oblique vers le nord : c’est la certitude que grâce aux futurs papes, les Sarrasins et leur capitale religieuse, ou plutôt la capitale de leur erreur religieuse, seront visités; de même les Tartares; les papes enverront à cette fin des catholiques savants dans la foi, pour les convertir comme l’ont fait initialement les papes pour la conversion des peuples d’Occident;
6. (lignes 176-197) L’esprit en progressant nettoie tout sur son passage, et revient à ses tourbillons, stimule notre espoir qu’à la fin, le monde sera purgé de ses erreurs par l’opération sanctifiante et vivifiante de l’Esprit, et que l’Eglise retournera à sa perfection initiale; Isaïe l’a promis en maints passages; Balaam suffira, qui prédisait le futur aux Israëlites: Qui sera vainqueur, quand Yahvé acccomplira cela ? 4340 Nous ne serons pas vainqueurs avant que Dieu n’ait accompli cela ; faisons du moins ce qui dépend de nous, en priant Dieu de nous donner un pape resplendissant.
Ms Pi, f. 92[101]rb-94[102]rb.
Eccle. 1, 5-6.
Eccle. 1, 6.
Cf. Jos. 10, 12-14.
Nm. 24, 23.