POSITION DU PROBLEME

La structure d’un groupe serait comparable, du point de vue de son organisation fonctionnelle, à celle décrite chez l’individu et chez les organismes vivants. Cette comparaison s’appuierait sur :

  • un isomorphisme fonctionnel concernant les processus d’équilibration ; les régulations seraient identifiables par la mise en interaction de la dynamique perturbation-compensation,

  • une différence d’échelle entre micro et macro-organisation introduisant les notions de complexité et de fractales.

Nous cherchons ainsi à identifier les paliers d’équilibration définissant différentes organisations groupales ; ces paliers étant descriptibles à partir du fonctionnement des perturbations et des compensations ; autrement dit, descriptibles par la nature des relations ou régulations inter-subjectives.

Nos deux premières hypothèses sont donc les suivantes :

  • H1 – Lors d’une situation interindividuelle, le sujet utilise des processus de régulation comparables à ceux identifiés dans l’interaction sujet-objet.

  • H2 - L’analyse de la nature des régulations intersubjectives permet d’identifier différents paliers d’équilibration dans le fonctionnement des groupes. Ces paliers s’ordonnent génétiquement de l’hétéronomie à la coopération.

A partir de ces hypothèses, il convient de délimiter deux extrêmes et d’expliquer en quoi une organisation serait plus adaptée qu’une autre ; autrement dit, comment y aurait-il processus d’équilibration majorante d’un palier à l’autre.

Une fois ces précisions apportées, nous tenterons d’élucider comment on peut favoriser le cheminement d’un groupe dans le sens d’une plus grande ouverture sur l’extérieur, d’une plus grande adaptabilité, et comment, en retour cette adaptabilité se traduit par une organisation interne spécifique (avec un accroissement de variabilité des relations inter-subjectives).

Il en découle une troisième hypothèse :

H3 - On peut favoriser l’évolution des régulations intersubjectives et ainsi le passage de l’hétéronomie à la coopération par des sollicitations adaptées.

Nous souhaitons pour délimiter ces extrêmes distinguer organisation « saine » ou adaptable et « pathologique » ou « hétéronome ». Nous nous servirons des notions de « perturbation » et de « compensation » pour effectuer cette distinction.

Les travaux de J.-M. Dolle montrent qu’une organisation pathologique serait caractérisée par une impossibilité pour le sujet à effectuer des équilibrations majorantes ; autrement dit, les perturbations demeureraient exogènes et les compensations consisteraient en un rejet ou une imitation, c’est-à-dire une assimilation simple aux schèmes antérieurs sans création de procédure nouvelle. Les possibilités d’adaptation seraient ici limitées ; dans ce cas le milieu extérieur à l’organisme protège et dirige celui-ci, le système est hétéronome.

Pour que le sujet développe des possibilités d’autonomie, il convient pour le psychologue d’identifier les régulations compensatrices et de favoriser leur modification à l’intérieur de l’organisation. Pour cela, le sujet doit être capable d’identifier ses propres procédures, ceci étant possible à la condition même qu’il puisse rendre celles-ci explicites. Partant, il pourra apprendre à les connaître et donc à les modifier. Cette connaissance s’effectuant dans un premier temps par différenciation, il devra pouvoir se confronter à d’autres qui lui offriront la possibilité de pouvoir comparer ses productions avec les leurs. C’est donc bien au sein d’un milieu social que le sujet pourra faire cela, à condition que ses congénères se mettent à sa portée pour que les procédures explicites observables soient comparables.

Dans ce qui suit, nous définirons les concepts qui nous ont servi d’outils d’observation c’est-à-dire les processus d’équilibration des organisations vivantes. Nous tenterons d’analyser les homologies entre la description du fonctionnement biologique et celle de la construction des connaissances. Nous essaierons ensuite de différencier les organisations figées ou à dominance assimilatrice de celles à dominance accommodatrice. Partant nous décrirons les micro-régulations permettant le passage d’une structure à l’autre . Nous préciserons alors le contexte dans lequel s’est effectué notre étude, et présenterons, enfin, les formalisations obtenues à partir de l’observation des régulations intersubjectives.