Développement et raisonnement moral

Piaget a étudié la façon dont les transformations liées au développement interagissent avec les expériences afin de constituer le raisonnement moral. L’aptitude au raisonnement moral dépend du niveau de développement cognitif d’un individu (c’est-à-dire l’aptitude de l’enfant à penser en termes concrets ou abstraits). Selon la théorie opératoire, l’évolution des conduites en situation sociale peut être largement expliquée à partir des lois d’équilibration (qui rendent compte par ailleurs du développement cognitif). Ainsi, avant six ans, l’enfant n’est pas ’socialisé’(puisqu’il est exclusivement préoccupé de son propre point de vue), ne peut coopérer, affronter autrui dans des jeux de règles et témoigne d’une morale autonome. En un mot, il n’y a pas encore de décentration cognitive et sociale.

En bref, aux niveaux préopératoires s’étendant de l’apparition du langage jusqu’à l’âge de 7-8 ans environ, les structures propres à la pensée naissante excluent la formation des rapports sociaux de coopération « ‘(...) l’enfant n’est donc pas encore l’objet d’une socialisation de l’intelligence qui puisse en modifier le mécanisme’ »72. L’apparition des premiers comportements ’sociaux’ ne s’amorce qu’au cours du stade opératoire concret avec la possibilité naissante de coordonner des points de vue différents, de concevoir la réciprocité des actions et des intentions. La morale est alors autonome et basée sur une action de réciprocité.73

Notons que le terme ’social’ peut correspondre à deux réalités très distinctes, au point de vue affectif, comme au point de vue cognitif : il y a d’abord les relations verticales avec l’adulte, source de transmission éducative et linguistique des apports culturels, au point de vue cognitif, et source de sentiments spécifiques et en particulier de sentiments moraux, au point de vue affectif ; mais il y a ensuite les relations horizontales entre les enfants eux-mêmes, et en partie entre enfants et adultes, mais en tant que processus continu et constructif de socialisation et non plus simplement de transmission à sens unique.

Notes
72.

PIAGET J., La psychologie de l’intelligence, op. cit., p 173.

73.

PIAGET J., INHELDER B., La psychologie de l’enfant, P.U.F., 17ème éd. ,1996, pp 93-101.