3.3. Une pensée subjective

On se rend compte que durant les années soixante, l’exode rural provoque un phénomène de disparition culturelle, les personnes n’étant pas habituées aux manières de penser, voir et sentir du milieu urbain. Contrairement à la société traditionnelle, les enfants sont devenus plus savants que les parents ; ainsi, le savoir coutumier est devenu inopérant, les enfants devaient innover (en psychanalyse, on parle de l’absence de la parole du père).

Ainsi, l’absence de système commun sur les manières de penser, de sentir et les systèmes de règles, de signes et de valeurs qu’ils véhiculent provoque des déséquilibres entre micro et macro-milieu, le micro-milieu ne pouvant plus compenser ses déséquilibres à cause de la dévalorisation de la fonction paternelle. Ceci se traduit chez les jeunes par une impossibilité à effectuer des régulations ; ils procèdent alors selon des modes de pensée fondés sur la perception et croient que les choses sont telles qu’on les perçoit sans que ces fonctions soient régulées par des systèmes de signification, par des signes sociaux 141 . Les significations sont subjectives, basées sur l’expérience individuelle sans personne pour énoncer les significations collectives, sans parole pour un échange sémiotique possible. On entre alors dans une logique d’action et de violence. Le système de construction sociale est fait d’expériences d’exclusion entraînant des conduites délirantes.142

Notes
141.

GREPPO G., Analyse des résistances rencontrées chez le sujet dans le diagnostic et la remédiation opératoire en relation avec l’expérience de son milieu ou La socialisation de l’intelligence, Thèse de doctorat de psychologie, Université Lumière Lyon 2, 1997.

142.

Cependant, la pensée figurative était vraisemblablement très développée dans le milieu rural traditionnel ; ceci dit, il existait un système de morale très figé qui réglait les conduites, notamment à travers la pratique religieuse.