Les conservations :

Plusieurs types de conservations sont élaborés pendant la période des opérations concrètes dont le prototype était l’objet permanent au niveau sensori-moteur. On distinguera donc les conservations physiques, les conservations spatiales et les conservations numériques.

Les situations-problèmes

  • Les conservations numériques :
    La mise en évidence des conservations numériques repose sur la mise en correspondance terme à terme. Deux types de correspondance terme à terme peuvent être distingués ; la correspondance spontanée et la correspondance provoquée. La première se rencontre lorsque l’enfant est appelé à évaluer une quantité d’objets de même nature qu’il leur fait correspondre : par exemple un joueur posant 4 à 6 billes sur le terrain, son partenaire voudra en mettre autant, et, même sans savoir compter, il parviendra à composer une collection équivalente. La seconde ne consiste plus à mettre en correspondance des objets homogènes, mais au contraire des objets hétérogènes. Il s’agit de correspondances provoquées par les circonstances extérieures. Par exemple l’enfant peut être appelé, au cours d’un repas, à mettre un oeuf par coquetier ou un verre par petite bouteille, ou une fleur par vase allongé,...et surtout, il faut faire entrer dans cette catégorie l’échange un contre un, par exemple l’échange répété d’une fleur ou d’un bonbon contre un sou.
    Trois stades sont distingués dans le comportement des enfants :
    • la comparaison est qualitative et globale sans correspondance terme à terme ni équivalence durable.

    • la correspondance terme à terme s’effectue, mais elle est intuitive et sans équivalence durable.

    • la correspondance est opératoire, qualitative ou numérique et les équivalences des ensembles obtenus sont durables.

On place ici neuf jetons alignés. On demande alors à l’enfant d’imaginer qu’il s’agit d’une équipe de footballeurs, puis il doit placer grâce à un tas de jetons que l’on met à sa disposition « ‘pareil beaucoup de jetons pour faire une autre équipe’ ».
Ensuite, on écarte les jetons d’une des deux collections, et on demande « ‘s’il y a toujours pareil beaucoup de joueurs dans les deux équipes ou plus là ou plus là ’».

  • Conservation de la substance :
    On présente à l’enfant une boule de pâte à modeler et on l’invite à en fabriquer une deuxième parfaitement identique. Une fois l’identité consentie, on procède aux transformations successives d’une des deux boules en galette, boudin, ficelle ; on termine en la fractionnant en plusieurs petits morceaux. Entre chaque déformation, il est conseillé de retourner à la situation initiale des deux boules pour constater l’égalité.
    Pour réussir cette épreuve, le sujet recourt aux notions
    • d’identité : « on n’a rien enlevé, on n’a rien rajouté »

    • de compensation : « c’est plus long mais c’est plus mince »

    • d’inversion : retour à l’état initial des deux boules.

Les opérations impliquées (identité quantitative, composition-coordination des relations, annulation de la transformation grâce à la transformation inverse) sont acquises vers 7 ans.173

  • Conservation des longueurs :
    Baguettes déplacées : rapport entre longueur et distance
    On vérifie ici l’acquisition de la notion d’espace métrique. L’attention du clinicien porte sur l’invariance de la grandeur d’un objet que l’enfant est amené à déplacer. En effet, si on modifie la configuration spatiale de deux objets de même dimension, la conservation des longueurs propres à chacun d’eux n’est pas toujours perçue par l’enfant. C’est bien vers 7-8 ans que les sujets capables d’envisager l’espace comme un milieu commun, appliquent leurs connaissances concernant la réunion des parties en un tout au domaine de la topologie. Cette condition paraît essentielle pour parvenir à toute mesure.
    Le rapport que Piaget a découvert entre les notions de distance et de longueur est tout à fait intéressant. De fait, l’enfant acquiert l’invariance de la grandeur par la prise en compte de l’intervalle entre les extrémités de chaque baguette par exemple. De même lors des déplacements, la notion de distance séparant les deux extrémités de la baguette est perçue par l’enfant quand il envisage que chaque nouveau vide est compensé par un nouveau plein. Autrement dit, le point de départ initial pour la mesure de la baguette est déplacé, ce qui en contrepartie, modifie le point d’arrivée de l’autre extrémité.
    Dans cette épreuve, il faut vérifier si l’enfant estime la longueur en fonction de l’intervalle compris entre les points extrêmes de l’objet.
    On demande à l’enfant de choisir deux baguettes de même longueur que l’on place en position horizontale et en parallèle avec un écart de 5 centimètres environ. On fait constater l’égalité. Dans le cas où l’enfant ne comprendrait pas, on place deux poupées à l’extrémité de chaque baguette et on demande si les deux poupées ont le même long chemin à parcourir.
    On avance ensuite une des deux baguettes et on lui demande à nouveau d’évaluer les longueurs. A chaque fois on demande si les poupées auront le même long chemin à parcourir et on incite l’enfant à justifier sa réponse.
    La conservation opératoire des longueurs est généralement effective vers sept ans. Elle suppose d’abord que la notion de distance soit acquise, mais aussi le recours à un système de références. Celui-ci est constitué par un milieu commun à tous les objets, qu’ils soient mobiles ou immobiles, et tel que la composition des grandeurs soit homogène avec celle des emplacements vides. En d’autres termes, la conservation des longueurs suppose la constitution de l’espace comme cadre contenant les objets où se conservent les distances.

Notes
173.

DOLLE J.-M., BELLANO D., 1989;