Classes logiques :
Pour chaque situation, il s’agissait d’établir un invariant. Le propre des classes logiques est l’établissement des ressemblances via les différences.
Pour évaluer la construction des opérations logico-mathématiques, nous avons proposé trois épreuves :
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Dichotomies :
On dispose de figures géométriques coupées dans du carton. On donne à l’enfant des ronds et des carrés, rouges et bleus, de petite et grande taille. Le sujet doit d’abord décrire le matériel. On le prie ensuite de faire une classification spontanée, puis une dichotomie selon deux familles. On demande encore un autre classement et cela jusqu’à trois classifications successives. Nous cherchons à mettre en évidence les facteurs de mobilité rétroactive et anticipatrice susceptibles d’expliquer le développement des classifications additives et multiplicatives.
Pour la classification spontanée, on demande :
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« Peux-tu mettre en tas tous ceux qui vont ensemble ? »
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« Mets ensemble ceux qui se ressemblent beaucoup. »
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« Peux-tu séparer ceux qui sont différents ? »
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Si l’enfant ne fait pas de dichotomie, on lui suggère :
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« Pourrais-tu en faire seulement deux tas (familles) ? »
Puis, quand le sujet a terminé :
« Pourquoi les as-tu mis ensemble ? » ; « Comment pourrait-on appeler chaque tas ? »
Pour conduire l’enfant à effectuer des changements de critères, on questionne de la façon suivante :
« Pourrais-tu arranger encore autrement, en deux tas ? »
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Réglage du « tous » et « quelques » :
Dans cette épreuve, Piaget reprend le prédicat du logicien Hamilton selon lequel : « Tous les X sont des Y signifie tous les « X sont quelques Y », ce qui suppose une inclusion en extension de la classe des X dans celle des Y qualifiés par y ».
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Dans une collection de jetons où l’on trouve des carrés bleus, des ronds bleus et des carrés rouges, on pose à l’enfant une série de questions :
« Est-ce que tous les carrés sont rouges, est-ce que tous les rouges sont carrés ? »
« Est-ce que tous les bleus sont ronds, ou bien est-ce que tous les ronds sont bleus ? », ce qui revient à dire : « Tous les X sont-ils des y ? »
On s’aperçoit ainsi que certains ont une fausse compréhension du prédicat lui-même. Au lieu de comprendre :
« Tous les ronds sont quelques bleus », ils entendent « tous les ronds sont tous les bleus ».
Opérations impliquées :
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Epreuve d’ordination et de cardination (sériation des bâtonnets) :
Les épreuves précédentes nous permettent de vérifier l’existence de la notion de « classe ». Or, nous savons que cette dernière ne peut se constituer sans l’acquisition préalable des concepts tels que « un », « aucun », « quelques », « tous » qui ne peuvent être mis en place sans l’existence de la notion de cardinal. C’est précisément la présence de cette cardination que nous vérifions dans cette épreuve.
Le clinicien présente à l’enfant une série de 10 réglettes, dont les longueurs varient de 0.8 cm à chaque fois. On demande à l’enfant de placer les bâtonnets de la première série tel un escalier. On présente ensuite dans un ordre quelconque les réglettes de la deuxième série devant être intercalées dans l’escalier déjà constitué, de manière à l’agrandir. Dans cette épreuve, on remarquera le caractère systématique ou non dans les réalisations de l’enfant. Il faudra être attentif à ses capacités d’anticipation explicitées sous la forme suivante :
« Je vais ranger les bâtonnets du plus petit au plus grand » ; ou bien : « du plus grand au plus petit ».
Les procédés employés par l’enfant peuvent être caractéristiques de conduites purement figuratives : le choix des bâtonnets se fait purement au hasard et la constitution de la série, par tâtonnements empiriques.
Il peut au contraire réaliser son escalier d’une manière systématique : le choix des réglettes est déterminé à l’avance ; l’enfant cherchera toujours la baguette la plus petite ou la plus grande de toutes celles qui lui sont présentées. Il trouve ainsi pour chaque bâtonnet une position telle qu’il soit à la fois plus grand ou plus petit que le précédent selon l’ordre hiérarchique qu’il s’est fixé à l’avance et plus petit ou plus grand que les suivants.
Opérations impliquées :
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Coordination de la double relation (plus grand – plus petit) (5-6 ans)
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Réversibilité de l’ordre (vers 7 ans)
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Facteurs pro-actifs (anticipations de la forme et de l’ordre croissant et décroissant)
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Facteurs rétro-actifs (réglage sur les réalisations déjà effectuées selon l’ordre de la série complète)
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Mobilité des facteurs pro-actifs et rétro-actifs.
Nous avons ainsi pu dégager plusieurs niveaux ou paliers d’équilibration que construisaient les enfants dans leur évolution vers l’établissement d’invariants.
Notes
174.
PIAGET J., INHELDER B., La genèse des structures logiques élémentaires, op. cit., p 64.