1.1.2.1011Mémoire et apprentissage

Comme le terme mémoire appartient au langage courant, son acception est parfois ambiguë. Le sens scientifique semble être apparu en opposition avec la notion d'apprentissage, et se référait d'abord à la capacité de récupérer les informations qui ont été apprises antérieurement. La notion d'apprentissage domine dans des courants comme le béhaviorisme ou l'associationnisme et dans des champs de recherche comme la neurobiologie ou la psychologie animale, alors que la notion de mémoire (associée à celles de rétention, oubli et représentations) se rapporte à une fonction intellectuelle supérieure et est apparue avec le courant cognitiviste (Spear et Riccio, 1994). D'après Spear et Riccio (1994), les deux notions sont complémentaires, mais doivent être clairement distinguées pour des raisons historiques et scientifiques, méthodologiques (mesures différentes), conceptuelles (toutes les choses apprises ne sont pas également disponibles) et parce qu'elles répondent à des questions différentes.

Du point de vue de la psychologie cognitive, le concept de mémoire incorpore aussi bien l'idée d'apprentissage que celle de récupération, car il se rapporte au mécanisme général par lequel ces activités sont possibles : sans mémoire, ni apprentissage, ni cognition. Toutefois, la prépondérance de l'aspect récupération provient du fait que l'évaluation de l'apprentissage passe nécessairement par une phase de test où sont mis en oeuvre des mécanismes de récupération ; l'étude du contenu de la mémoire passe nécessairement par la phase de récupération, « ‘la réalité de la conservation des informations ne peut être affirmée que par leurs utilisations, qu'il s'agisse d'une simple « lecture» ou reproduction ou de la réalisation d'un comportement ou d'un programme’» (Jouhet, 1993, p. 13). De même, l'évaluation des effets de certains facteurs manipulés lors de l'encodage ne peut être réalisée qu'à partir des données issues de la restitution des informations. Cela vaut aussi bien pour les expériences de conditionnement que pour les épreuves de contrôle des connaissances ou pour les épreuves classiques de mémoire en psychologie expérimentale. D'où l'idée que les conditions de récupération sont décisives dans l'évaluation de la mémoire (Ratcliff et McKoon, 1989).

Le processus de mémoire (mémorisation) se déroule en plusieurs étapes détaillées ultérieurement (§ 1.4.1) : l'encodage, le stockage et la récupération. L'entrée des informations dans le système correspond au phénomène appelé apprentissage. L'apprentissage doit se définir comme un « ‘processus de modification des connaissances ou de modification du comportement au cours des interactions d'un organisme (système) avec son environnement’» (Cordier, Crépault, Denhière, Hoc, George, & Richard, 1990, p. 93). Les effets de l'apprentissage ne sont pas nécessairement apparents dans le comportement, d'où la distinction entre compétence (ou potentialités) et performance réelle. De même l'apprentissage ne doit pas être confondu avec la rétention (mémoire) des informations dans la mesure où, à apprentissage constant (e.g., maîtrise parfaite d'une liste de mots), la rétention (performance mesurée ultérieurement) peut varier.