1.1.2.4011Mémoire et langage

La question des relations entre la mémoire et les phénomènes langagiers se pose à plusieurs niveaux.

  1. Le codage des informations en mémoire est fortement influencé par la structure du langage (§1.1.2.3. à propos du codage propositionnel des représentations), à moins que cela ne soit qu'une illusion due à la prégnance du langage dans la pensée. Cela tient à ce que la fonction langagière est avant tout représentative (intentionnelle), tout comme la fonction mnésique, et à ce que les objets représentés sont les mêmes. Les objets peuvent être représentés en mémoire sans qu'existe en parallèle de système de signes servant à dénommer ces objets ; c'est ce qui se passe chez les animaux et les enfants qui ne maîtrisent pas encore le langage. Le langage peut donc être considéré comme un système représentationnel qui « double» le système mnésique et dont la fonction principale est la communication inter-individuelle, la traduction des concepts sous une forme socialement partagée6. Puisque les éléments représentés en mémoire et les éléments représentés par les termes du langage sont les mêmes, on voit aisément que l'organisation de la mémoire sémantique est analogue à l'organisation du langage (Tulving, 1962). Plus globalement, un grand nombre de représentations ou de connaissances peuvent être décrites au moyen du langage. Le langage peut alors être considéré comme un des supports possibles des informations en mémoire (e.g., traditions orales et transmission des savoirs de génération en génération au seul moyen du récit).

  2. Il existe des facteurs linguistiques qui influencent fortement le fonctionnement de la mémoire et le niveau de performance : caractéristiques « physiques» des stimuli verbaux (formes visuelles ou acoustiques), fréquence d'utilisation des mots dans la langue, longueur des mots, nombre de syllabes, organisation en catégories sémantiques...

  3. Les différents codes possibles du langage ne seront pas également utilisés pour le maintien à court terme et le maintien à long terme des données. Par exemple, il est généralement admis qu'un des modes de codage privilégié en mémoire à court terme a trait aux caractéristiques phonétiques et sonores des informations. Ce code acoustique permet de coder les informations verbales présentées auditivement ou même visuellement (§ 1.3.2 et 1.3.3). Inversement, le codage est plutôt de nature associative et sémantique en mémoire à long terme ; l'organisation des connaissances en mémoire à long terme nécessite une organisation basée sur la signification des données (§ 1.3.4). Bien que cette distinction entre MCT et MLT fondée sur une différence dans la nature du codage des données soit critiquable, elle rend tout de même compte d'un grand nombre de résultats expérimentaux.

Notes
6.

Le langage sert en réalité des fonctions qui vont au-delà de la communication inter-individuelle. Le langage intérieur est utile dans les activités de raisonnement ou de résolution de problème ; on est ici dans une relation de communication particulière : une relation de soi à soi.