1.1.4011Apport des neurosciences (mémoire organe)

Les sciences du cerveau nous procurent deux types de description et d'explication du fonctionnement de la mémoire. La neuro-anatomie décrit les ensembles neuronaux impliqués dans la fonction mnésique et la physiologie et la neurochimie permettent de comprendre le fonctionnement des cellules nerveuses et les relations entre neurones qui, dans la grande majorité, sont d’ordre chimique (neurotransmetteurs). Il est incertain que la connaissance du fonctionnement d’une cellule puisse réellement nous renseigner sur le fonctionnement global de la mémoire. De même, n'est-il pas superflu de préciser que les activités cognitives en général et la mémorisation en particulier font intervenir l’ensemble des régions cérébrales par le biais de réseaux très denses de milliards de cellules (Changeux, 1983) ? On ne peut donc pas réduire la cognition à l’aspect purement physique du cerveau.

De plus, soulignons qu’il n’existe pas dans le cerveau de zone précise où les souvenirs seraient “rangés”, comme dans un ordinateur ou une bibliothèque (Lazorthes, 1988). Les zones impliquées dans l'acquisition, la consolidation et la récupération des informations semblent d’ailleurs être totalement indépendantes des éventuels lieux de stockage (Squire, 1982). Entendons par lieux de stockage d’immenses réseaux de neurones activés simultanément dans les régions qui sont responsables de la perception et de la motricité et dans les zones associatives, responsables de l'intégration de différents types de données (Damasio, 1989). De ce point de vue, les souvenirs, en tant qu'expériences subjectives relatives à un moment du passé, sont plutôt considérés comme distribués dans l'ensemble du cerveau (Changeux, 1983 ; Frégnac, 1988). En fait, Squire (1986) déclare que « ‘la mémoire est localisée dans le sens où des systèmes mnésiques particuliers représentent des aspects spécifiques de chaque événements, et elle est distribuée dans le sens où plusieurs systèmes participent à la représentation de l'événement dans sa globalité’» (p.1613).

Dans cette partie sur l'apport des neurosciences pour la compréhension de la mémoire humaine, nous donnerons quelques indications, si minimes soient-elles, des principes de fonctionnement du neurone et des interconnexions neuronales. Ces données peuvent effectivement servir de base pour l'évaluation de la vraisemblance neurochimique des modèles psychologiques, et éventuellement, de support et de contrainte dans l'élaboration de nouveaux modèles (Richard, 1990c). Nous décrirons brièvement les troubles de mémoire liés à la destruction de certaines structures cérébrales puis soulignerons l'apport de la neuropsychologie15 dans la compréhension de la mémoire normale, à la fois par l'étude des patients cérébrolésés et par des travaux réalisés sur des sujets normaux.

Notes
15.

La neuropsychologie est à la fois une discipline des neurosciences en ce qu'elle s'intéresse aux rôles des structures cérébrales dans le fonctionnement cognitif (localisations cérébrales des fonctions mentales) et une discipline de la psychologie cognitive, en ce qu'elle applique les modèles de la psychologie à l'étude des patients cérébro-lésés. Une lésion se traduit par la détérioration d'un processus de traitement de l'information (Hécaen, 1972 ; Signoret ; Squire, 1986).