1.1.5011Les aspects conatifs de la mémoire

1.1.5.1011Les sphères du psychisme

Force est de constater que le psychisme humain ne peut se réduire à un aspect purement cognitif, et ce, d'autant plus lorsqu'on se préoccupe de la validité écologique. L'homme fait preuve de manifestations physiologiques et psychologiques (contrôlables ou non) relatives à des motivations, des sentiments, des émotions et des affects. Conformément au point de vue philosophique classique, on peut distinguer l'intervention de trois types de facultés dans les phénomènes mentaux (Miller et Gazzaniga, 1984) : le cognitif – faculté de savoir – qui fait référence au traitement de l'information, le conatif – faculté de vouloir – lié aux motivations, intérêts et désirs du sujet, et l'affectif – faculté de sentir – reflétant plutôt des dimensions de personnalité et des états émotionnels. Selon Reuchlin (1990), le versant conatif regroupe tout ce qui n'est pas cognitif. Miller et Gazzaniga (1984) soulignent que certains phénomènes mentaux sont difficiles à catégoriser dans l'un ou l'autre type de faculté car ils semblent entretenir des relations avec les trois sphères du psychisme, comme par exemple, l'attention, la conscience, le rêve et le soi.

La tendance actuelle est encore à la dissociation entre les différentes sphères du psychisme, mais on s'oriente de plus en plus vers une considération du système psychologique comme un ensemble, dont les sous-systèmes interagissent et déterminent conjointement les comportements (Sorrentino et Higgins, 1986 ; Reuchlin, 1990). L'existence est jalonnée d'expériences affectives déterminées par la nature de l'homme, et en particulier par la nature des relations inter-individuelles. La cognition apparaît comme un régulateur des fonctions affectives et motivationnelles primaires au niveau individuel (« reality monitoring» , idée de contrôle, Johnson et Raye, 1981) et comme une instance raisonnée de communication et d'échange au niveau collectif. Réciproquement, les affects et émotions jouent un rôle important sur la manière dont est orienté le traitement de l'information à la fois par l'individu qui ressent l'émotion et par le ou les individu(s) qui la perçoivent chez autrui (Ekman et Davidson, 1994).

En vue d'une théorie de la mémoire écologiquement valide, on doit considérer les relations qu'elle entretient avec les autres niveaux du psychisme pour plusieurs raisons.

  1. La fonction mnésique vaut aussi bien pour le stockage des connaissances sur le monde que pour celui des expériences personnelles chargées d'affect positif ou négatif (coloration affective des souvenirs, mémorisation des désirs et des intentions).

  2. Le traitement des informations, lors de la récupération aussi bien que lors de l'encodage, a toujours lieu dans un contexte qui comporte, entre autres, les états émotionnels du sujet (émotions, humeur), des caractéristiques personnelles stables qui déterminent la façon dont est traitée l'information (traits de personnalité, styles cognitifs...) et des motivations individuelles associées à la réalisation des tâches (désir de réussite, conséquences personnelles de la réussite...).

  3. Il apparaît que les structures cérébrales liées à la mémorisation sont adjacentes, voire identiques, à celles qui sont impliquées dans l'expression des émotions (système limbique ; Panksepp, 1989 ; Bisserbe et Boulenger, 1989).

  4. Si les questions d'affect, de personnalité, de motivation entretiennent des liens directs avec le traitement de l'information, et en particulier sa mémorisation, elles sont peut être encore plus importantes en ce qui concerne l'idée que la personne se fait de sa propre mémoire, la connaissance naïve et les croyances sur les facteurs qui l'influencent et le contrôle des comportements de mémoire (métamémoire).