1.2.1011Notion de performance

Il est admis que la fonction principale de la mémoire est celle du stockage d'une diversité d'informations. La performance sera donc le résultat obtenu dans une tâche visant à évaluer le contenu de la mémoire ou la vitesse de l'apprentissage (temps ou nombre d'essais nécessaires pour une parfaite mémorisation). Le plus souvent, la performance de mémoire se mesure en nombre de réponses correctes données par le sujet (ou le nombre d'erreurs) : une réponse correcte est une réponse qui prouve qu'une information présentée antérieurement a effectivement été mémorisée par le sujet, c'est-à-dire qu'elle a été intégrée à son stock de connaissances.

Une telle définition de la performance se révèle simpliste eu égard aux nombreuses procédures expérimentales et aux nombreuses conceptions théoriques développées dans le cadre de l'étude scientifique de la mémoire.

Le premier problème majeur d'une telle définition concerne la notion de mesure. Effectivement, pour être mesurée, une réponse doit être physiquement détectée. Ainsi, on infèrera qu'une connaissance est mémorisée si elle est produite par le sujet au moment du rappel. Il s'avère en réalité qu'une connaissance peut être présente mais non-exprimée dans la réponse ou dans le comportement au moment de la mesure, ou encore, qu'une réponse exprimée ne traduise pas nécessairement l'existence d'une information mémorisée (e.g., réponse au hasard, inférence). De ce premier problème, découlent quelques nécessités : disposer d'instruments de mesure sensibles, c'est-à-dire capables de détecter de façon précise le contenu de la mémoire, éliminer le bruit associé aux réponses observées, prendre en compte l'éventuelle variabilité temporelle des réponses, analyser de manière précise les modalités d'apprentissage et les tâches de mémoire afin de déterminer les mécanismes sous-tendant l'élaboration des souvenirs et la production des réponses ...

La seconde difficulté associée à la mesure de la performance tient à la conception initiale qu'on a du système mnésique. Koriat et Goldsmith (1996a) ont particulièrement insisté sur cette question. Si l'on conçoit la mémoire comme un lieu de stockage des données, on aura tendance à considérer la performance sous un angle quantitatif : la performance est la quantité d'unités qui peuvent être maintenues dans la mémoire, le nombre de répétitions nécessaires à la rétention, la durée de ré-apprentissage... Par contre, une conception de la mémoire orientée sur les aspects d'exactitude et de précision des souvenirs débouche sur une analyse qualitative des réponses. L'approche qualitative préconise des mesures de performance autres que le simple dénombrement des réponses jugées correctes. Par exemple, un examen de la nature des erreurs (omissions, confusions, intrusions) ou de l'ordre de production des réponses (e.g., catégorisation) peuvent permettre de comprendre les mécanismes mis en jeu au moment de l'encodage initial des informations ou au moment de leur récupération. Cette option accorde également une place importante à l'individu testé, par exemple aux critères de réponse qu'il se fixe lors du rappel28 ou à l'expérience interne associée à la production de ses réponses (certitude et expériences métacognitives).

Le troisième élément exigeant de relativiser la définition de la performance mnésique concerne l'existence de différents types de représentations qui ne pourront pas être appréhendées avec les mêmes outils de mesure. Par exemple, la mémoire d'une liste de mots est évaluée par le nombre d'items correctement rappelés ou reconnus, alors que la mémoire d'une forme géométrique peut être évaluée par une reproduction figurative, la mémoire d'un trajet par la reproduction du parcours original, la mémoire d'une histoire par le nombre d'éléments centraux et le nombre d'éléments superficiels retrouvés, la mémoire d'une habileté motrice par la mise en oeuvre effective de cette habileté... Dans chaque situation, la variable dépendante n'est pas de même nature.

Enfin, et c'est ce qui distingue les mesures traditionnelles des mesures implicites de la mémoire, il est utile de différencier les situations où la mémoire est mesurée à travers l'exploration consciente de son contenu des situations où la mémoire est utilisée comme outil pour réaliser une opération qui n'est pas présentée au sujet comme une tâche de mémoire (Jacoby et al., 1989).

Notes
28.

Par exemple, il est différent de calculer le pourcentage de réponses correctes en fonction du nombre total d'items effectivement présentés lors de l'encodage (input-bound) ou en fonction du nombre total d'items produits lors du rappel, soit la somme des bonnes et des mauvaises réponses (output-bound).