1.4.1011Les étapes du processus de mémorisation

Le processus de mémorisation est défini de manière consensuelle par trois étapes successives (Tiberghien et al., 1990 ; Tiberghien, 1991). L’encodage ou codage des informations consiste en l’intégration des données, donc leur entrée dans le système. Le maintien est la fonction de stockage en mémoire, et peut se concevoir de manière passive ou active. La récupération consiste en une réactivation voire même une reconstruction des éléments stockés. Il faut toutefois reconnaître, avec Baddeley (1982a, 1982c), que cette conception séquentielle du processus de mémorisation tend à insinuer que les trois étapes sont indépendantes et peuvent être distinguées expérimentalement43. Or, tel n'est pas le cas et la « ‘plupart des variables qui influencent la mémoire ont probablement des effets sur plus d'une étape’» (1982c, p.70).

Tout acte de mémoire se réfère à au moins une de ces étapes et toute activité cognitive implique les différentes étapes du processus. Un bref aperçu de l'implication de la mémoire dans une variété de tâches suffira à démontrer la position centrale qu'elle occupe et à justifier l'intérêt des études spécifiquement destinées à en étudier les mécanismes.

Ainsi, par exemple, lors de la perception, le système effectue une reconnaissance des stimuli, par comparaison entre l’élément perçu et les éléments emmagasinés en mémoire ; dans le raisonnement par analogie, on cherche la solution d’un problème en activant des cas analogues stockés en mémoire ; on est souvent amené à maintenir des informations actives en mémoire de travail lors de la résolution d’un problème ; du point de vue du langage, on emmagasine des milliers de mots (lexique) et de significations ainsi que des éléments relatifs à la structure de la langue ; pour ce qui est des activités motrices, tout ou partie d’un acte peut être stocké en mémoire sous forme de programme bien spécifié. L’apprentissage est la situation de mémoire par excellence où l’on acquiert de nouvelles informations qui viennent se fixer et s’organiser autour des connaissances déjà structurées en mémoire. Les connaissances antérieures déterminent la prise d’information (direction de l’attention, sélection des données...), l’interprétation des stimuli (compréhension et analyse) et leur stockage en mémoire (adéquation de la nouvelle information au reste du stock, expérience dans un domaine...). Les informations nouvelles externes (provenant de l’environnement extérieur) ou internes (découlant elles-mêmes d’un processus cognitif, de la réflexion du sujet ou de processus inférentiels) peuvent modifier en retour l’organisation des informations antérieurement stockées. Ces éléments sont analogues aux notions piagétiennes d’assimilation et d’accommodation. Ce que Piaget décrit au niveau du développement de l’enfant peut être étendu à toute situation d’apprentissage de nouvelles informations. La planification se base également sur les données déjà enregistrées. Pour prévoir le futur ou envisager une action, on se servira inévitablement de l’expérience déjà acquise. Ainsi, une des fonctions adaptatives de la mémoire est de permettre d'envisager le futur et d'agir au présent en fonction des acquis antérieurs (K. Nelson, 1988, 1989).

Pour mieux saisir le rôle de la mémoire dans la cognition, il semble nécessaire de mettre en lumière les caractéristiques générales de son fonctionnement. Commençons par analyser les trois étapes générales du processus de mémorisation.

Notes
43.

Ce point de vue débouche sur les interprétations de l'amnésie en termes de déficits à l'une ou l'autre des étapes du processus (§ 1.1.4.3.3). Pour Baddeley (1982a, 1982b), aucune de ces explications n'est satisfaisante car les trois étapes ne sont pas indépendantes.