1.4.3.1011Processus automatiques et contrôlés

1.4.3.1.1011Généralités

Schneider et Shiffrin (1977 ; Shiffrin et Schneider, 1977) ont envisagé une distinction dans les processus cognitifs selon le degré d’attention sollicité. Certains traitements sont réalisés de façon automatique et d’autres nécessitent une concentration soutenue pour être menés à terme efficacement. Pour émettre cette distinction, les auteurs proposent deux tâches de recherche de cibles à des sujets. Dans la première condition, des items cibles et non-cibles, identiques d'un essai à l'autre, sont déterminés à l'avance. Le sujet doit dire si les cibles sont apparues dans une série particulière d'items après leur présentation. Avec la pratique, l'exactitude et la vitesse de réponse ne sont pas liées au nombre de cibles à détecter, ni à l'étendue de l'espace de recherche (nombre d'éléments de la série de détection). Dans la seconde condition, les items à détecter et à ignorer changent au cours de chaque essai, en créant des conflits de décision entre deux essais adjacents (un item déterminé comme cible au premier essai ne l'est plus au second ; cette méthode est nommée « varied mapping» ). L'exactitude de réponse est alors amoindrie et dépend du nombre de positions à vérifier dans l'espace de recherche et du nombre de cibles à rechercher. Ces deux tâches activent d'après les auteurs des modes de traitements automatiques pour la première et contrôlés (attentionnels) pour la seconde.

Lorsque Schneider et Shiffrin (1977) demandent à des sujets entraînés à donner toujours le même type de réponse (1500 essais – accepter les consonnes du début de l'alphabet et rejeter les autres) d'inverser leurs réponses (rejeter les consonnes du début de l'alphabet et accepter les autres), les performances se dégradent sérieusement : non seulement leur niveau de performance initiale est au-dessous de celui du début de l'expérience, mais 2100 essais de pratique ne suffisent pas à atteindre le niveau de performance atteint dans la première version de la tâche. Ces données évoquent une interférence proactive due à l'automatisation des processus nécessaires à la réalisation de la tâche : l'apprentissage antérieur empêche le nouvel apprentissage. Du fait de la répétition, les associations entre stimuli et réponses se sont tellement renforcées qu'il paraît très difficile de les « casser» .

Schneider et Shiffrin déduisent d'une série de telles expériences un modèle général applicable à l'ensemble du traitement de l'information. Les processus automatiques sont de nature associative et sont activés sans contrôle ou attention de la part du sujet. En revanche, les processus contrôlés sont activés sous le contrôle et par le biais de l'attention du sujet et ne peuvent être menés en même temps que d'autres processus de même type.

Par définition (Fodor, 1983 ; Perruchet, 1988 ; Posner et Snyder, 1975), les processus automatiques (assimilés aux activités de modules) sont rapides, non-conscients, non verbalisables, difficiles à empêcher volontairement (irrépressibles) et peuvent être effectués en même temps que d’autres activités. Inversement, les processus attentionnels sont lents, peuvent être décrits et contrôlés par les sujets, sont accessibles à la conscience et ne peuvent être réalisés que de manière sérielle. Les stratégies cognitives appartiennent à ce deuxième type (Posner et Snyder, 1975). Alors que les automatismes permettent une sorte d’économie des ressources du système pour des tâches et matériels fréquemment rencontrés, les processus attentionnels sont indispensables pour l’intégration de nouvelles informations et la construction de nouveaux savoirs (Perruchet, 1988). Johnson et Hasher (1987) ajoutent que les processus automatiques ne s'améliorent pas avec la pratique ou le feedback, ne montrent pas de différences inter-individuelles ou d'effets d'âge et ne sont pas perturbés par le stress ou par des contraintes de traitement simultanées. Ils soulignent toutefois une certaine imprécision terminologique dans l'utilisation des notions de conscience, d'effort, d'attention, de capacité, de ressources et de contrôle... Mais, plus particulièrement, la relation entre automatisme et conscience n'est pas claire. Moscovitch (1982) évoque la possibilité qu'une personne ait conscience d'avoir utilisé un processus automatique ou d'avoir appris une nouvelle habileté. Cependant, elle n'est pas consciente du processus lui-même mais de son résultat ; elle ne peut pas expliquer les opérations utilisées alors qu'elle voit parfaitement les résultats de ces opérations.

Kellogg (1980) considère plusieurs critères relatifs aux processus attentionnels (attended ou attentifs) et non-attentionnels (unattended ou inattentifs) qu'il définit comme :

  • l'induction d'une interférence avec un autre processus : les processus non attentionnels ne créent pas d'interférence alors que les processus attentionnels en créent parfois. Cependant, il reconnaît que les données obtenues sur la question de l'interférence sont équivoques et qu'il vaut mieux se tourner vers d'autres critères,

  • le critère d'automaticité préconise que les processus inattentifs ne sont pas volontaires alors que les processus attentionnels peuvent être initiés volontairement par le sujet,

  • le critère de conscience repose sur l'idée que les processus inattentifs ne peuvent pas être l'objet de l'introspection contrairement aux processus attentionnels.

Dans le modèle de mémoire d'Atkinson et Shiffrin (1968), la distinction entre processus structurels stables et processus de contrôle transitoires semble se rapprocher de la distinction « automatique / contrôlé» dans la mesure où les uns sont indépendants et les autres dépendants de l'intervention du sujet.