1.4.3.2011La mémorisation intentionnelle

1.4.3.2.1011Définir l'objet de l'intention

La question des relations entre performance mnésique et usage volontaire de la mémoire nécessite une clarification de la notion d'intention utilisée dans ce cadre. La première question est celle de l'objet de l'intention dans les tâches dites de mémorisation intentionnelle. Cet objet dépend du moment de la mise en oeuvre de l'intention. Lors de l'encodage, l'intention porte sur l'acte de mettre en mémoire les informations, dans le but de pouvoir les retrouver à un instant futur. Lors du rappel, l'intention porte uniquement sur l'accès à une information rangée « quelque part» dans la mémoire et se matérialise par un processus de recherche. L'intention définit un but dont l'atteinte sera conditionnée par l'exécution d'une ou plusieurs actions. Elle n'est pas directement liée à l'information mais à une action de nature mentale sur cette information. En ce sens, elle diffère de l'attention qui porte directement sur les données.

Bien que le but final présent au cours des deux phases de mémorisation soit le même, i.e., retrouver des données, l'intention développée au moment de l'encodage détermine un sous-but (but intermédiaire) pour atteindre l'objectif principal. La mise en oeuvre d'un sous-but engage le sujet dans une activité de planification plus complexe que la seule mise en mémoire. En effet, au moment de l'encodage, l'intention de mémoriser les informations s'accompagne de l'élaboration d'un plan de récupération qui anticipe la manière dont seront retrouvées les données et qui détermine les opérations de traitement à effectuer sur le matériel (Miller, Galanter et Pribram, 1960). L'encodage intentionnel considère donc le processus de récupération.

Une hypothèse de travail découle logiquement de cette réflexion : l'encodage intentionnel devrait mener à une meilleure performance de mémoire que l'encodage incident dans la mesure où le sujet a la possibilité de prendre des dispositions pour optimiser l'efficacité de la performance future dès la première phase du processus. Il est possible de formuler cette hypothèse dans les termes de la théorie de l'encodage spécifique : si le sujet parvient à déterminer la nature des processus de traitement requis lors du rappel, il devrait mettre en place lors de l'encodage des mécanismes qui seront compatibles avec les conditions de récupération ultérieures.

En réalité, cette hypothèse a été tour à tour acceptée et rejetée, ce qui questionne d'une part sur l'apparente simplicité des phénomènes mentaux sous-jacents et d'autre part, sur les effets et limites des plans expérimentaux mis en place pour étudier le rôle de l'intention sur la performance. Concernant le premier point, plutôt théorique, il va de soi que l'effet de l'encodage intentionnel peut être modulé par un grand nombre de facteurs relevant tout autant de la cognition que de la conation. Par exemple, un plan de récupération sera efficace uniquement s'il se base sur les principes de fonctionnement de la mémoire ; cela implique que le sujet possède un modèle théorique qui oriente ses décisions et actions. D'autre part, le sujet doit trouver un intérêt particulier dans l'atteinte de l'objectif assigné ; cet aspect n'est pas sans poser quelque tracas à la psychologie expérimentale. Il n'est pas certain que les buts mnésiques imposés par les consignes d'une expérimentation soient aussi attrayants que les buts mnésiques développés dans des contextes plus naturels.

Voyons ce que la psychologie expérimentale peut nous apprendre sur les effets de l'encodage intentionnel.