1.4.4011Les stratégies de mémorisation

1.4.4.1011Définition

Dans le domaine de la mémoire, une stratégie peut se définir comme un ensemble de moyens choisis et mis en oeuvre par la personne pour mémoriser une ou des informations spécifiques.

Nous commencerons par souligner la connotation intentionnelle et consciente généralement attribuée au concept de stratégie. Dans le cadre de la mémoire, la stratégie résulte d'un choix délibéré de la part du sujet, qui agit avec l'objectif d'optimiser sa performance mnésique. L'objectif de mémorisation s'intègre le plus souvent dans un objectif plus général de réalisation d'une tâche, par exemple, apprendre un cours dans le but de la réussite à un examen. Les stratégies de mémorisation vont donc se dérouler durant des situations que nous avons examinées dans la partie précédente : les situations d'encodage et de récupération intentionnels des informations.

Force est de constater que cette dimension de volonté et de conscience ne fait pas l'unanimité. En effet Gaonac'h (1990), par exemple, écrit que « ‘lorsque différents processus peuvent être mis en oeuvre pour réaliser une même activité cognitive, on dit que cette réalisation dépend de la mise en oeuvre d'une stratégie’» . Pour lui, la « ‘variabilité n'implique pas nécessairement, de la part du sujet, une activité délibérée de sélection des processus : elle correspond à l'existence, au sein du système cognitif, d'un éventail de processus plus ou moins équivalent au plan fonctionnel (processus vicariants), et à la capacité du système à opérer des choix en fonction des buts de l'activité et de ses conditions objectives et subjectives de réalisation’» . Les choix ne sont pas toujours faits consciemment, mais quand c'est le cas, l'activité est dite « volontaire» . Ainsi, l'auteur émet une distinction entre stratégies implicites et explicites, ou involontaires et volontaires... De même, pour Pressley, Borkowski et O'Sullivan (1985), une stratégie n'est pas toujours mise en oeuvre dans le but explicite de mémoriser. Une stratégie serait donc tout simplement un moyen particulier de mémoriser ou de se souvenir.

Malgré cette confusion conceptuelle autour de la notion de stratégie, nous opterons pour une définition qui maintien l'idée sous-jacente d'intention.

Il semble utile de reprendre la distinction faite par Bellezza (1983) entre technique mnémonique (mnemonic technique ou mnemonic device) et stratégie mnésique. Le premier terme se réfère à une « ‘procédure qu'un individu peut utiliser pour mémoriser un ensemble particulier de matériel sous certaines conditions. La mémorisation a lieu en créant une représentation cognitive du matériel en mémoire. Dans certains cas, la procédure est familière à l'apprenant et choisie par lui. Dans d'autres cas, l'expérimentateur donne l'instruction spécifique d'utiliser cette technique’» . Le second terme de la comparaison, la stratégie, « ‘est considéré comme un ensemble d'habiletés plus complexes et de plus haut niveau. Si une personne a une stratégie de mémoire, on peut supposer qu'elle possède un certain nombre de techniques alternatives, ainsi que des règles pour décider quelle technique utiliser face à un certain matériel et à certaines conditions d'apprentissage’» . Ainsi, dans certaines études, les chercheurs entraînent leurs sujets à utiliser une technique particulière de mémoire pour ensuite les soumettre à de nouvelles tâches. L'étude du transfert de la technique à la nouvelle situation est une étude sur la stratégie des sujets. En bref, la stratégie comporte, en plus de la technique particulière utilisée par le sujet, des activités d'analyse de la situation, le processus de choix du meilleur outil pour atteindre le but, la mise en oeuvre volontaire de mécanismes et éventuellement, le retour en arrière, le changement de choix.... Le domaine des stratégies constitue un des points de jonction entre l'étude de la mémoire et celle de la métamémoire.

Dans cette partie, nous aborderons essentiellement les techniques mnémoniques telles que définies par Bellezza (1983).