1.6011Synthèse de littérature sur la mémoire humaine

Les recherches sur la mémoire humaine ont connu depuis un siècle, et plus particulièrement durant les quarante dernières années, une avancée considérable liée sans conteste au développement des sciences cognitives et aux échanges inter-disciplinaires qui l'ont accompagné.

On peut distinguer deux grands types de théories de la mémoire. Les théories structurelles postulent l'existence de différents registres mnésiques possédant leur loi de fonctionnement propre. Les théories unitaires, au contraire, se concentrent sur les mécanismes en jeu dans les phénomènes mnésiques en considérant la mémoire dans sa globalité. Il semble que pour rendre compte de l'ensemble des données recueillies, tant en psychologie expérimentale, en neuropsychologie ou en psychologie différentielle, une perspective mixte soit la solution la plus appropriée (Nicolas, 1996).

Parmi les évolutions les plus significatives, on peut noter la prise en compte de deux concepts-clés qui permetten de rendre compte d'une quantité importante d'observations. Ces notions sont celles de contexte et de processus. Considérer le contexte est une nécessité dans les phénomènes mnésiques, d'une part car toute expérience, toute connaissance est contextualisée, n'a de sens que pour un sujet donné, dans une situation donnée. D'autre part, le contexte peut constituer à la fois un indice solide de récupération et un élément de base pour l'expérience subjective associée au souvenir. L'avantage du concept de contexte est également de pouvoir intégrer les aspects non-cognitifs dans la modélisation de la mémoire (affect, humeur, environnement...). La notion de processus est quant à elle capitale pour définir les aspects dynamiques de la mémoire. Ces deux notions englobent la nécessité de procéder à des analyses des tâches (plus globalement des situations) pour cerner correctement le fonctionnement de la mémoire (Johnson et Hasher, 1987).

Une autre percée importante dans ce champ de recherche, comme dans l'ensemble de la psychologie cognitive, est la prise en compte du point de vue subjectif et des phénomènes de conscience comme donnée valable dans l'analyse des mécanismes mentaux (Mandler, 1989). Les observations neuropsychologiques ont grandement contribué à cette avancée.

Certains considèrent cependant que les avancées dans la compréhension des phénomènes de mémoire ne sont pas encore suffisantes. Nelson et Narens (1994) identifient trois limitations importantes qui peuvent expliquer ce manque de progrès. La première limitation concerne l'absence de cible concrète pour la recherche. Cette cible doit être comprise comme « ‘un comportement à expliquer d'une catégorie spécifique d'organisme dans une situation environnementale spécifique’» (p.3) et ne peut donc être recherchée qu'en dehors du laboratoire (question de validité écologique ; Neisser, 1978).

La deuxième limitation importante provient du fait que le sujet est considéré comme un organisme non-réflexif, qui ne pense pas. La métaphore informatique dominante illustre ce point de vue. En réalité, les sujets doivent plutôt être vus comme « ‘des systèmes contenant des mécanismes auto-réflexifs pour évaluer (et ré-évaluer) leur progrès et pour modifier leur fonctionnement en cours’» (p.7). A ce titre, les auteurs considèrent que le principe de profondeur de traitement58 appliqué à la mémorisation incidente, bien que valide, ne permet pas de rendre compte de la prise de conscience par le sujet-apprenant de la difficulté de certains items ou des mécanismes les plus adaptés à un apprentissage efficace et du contrôle qu'il peut exercer sur ses propres actes de mémorisation.

Enfin, la troisième limitation détectée est le corollaire méthodologique de la seconde. A travers un contrôle expérimental strict visant l'élimination de la variabilité des réponses (fixation des temps de présentation du matériel, consignes d'utilisation d'une stratégie particulière...), l'investigation des processus auto-dirigés n'est pas permise alors qu'elle possède, en soi, un intérêt fondamental pour cerner le fonctionnement réel de la mémoire.

Pour Nelson et Narens, considérer le concept de métacognition procure les bases d'une entreprise destinée à faciliter les progrès scientifiques dans le champ de la mémoire humaine en évitant les trois limitations précédentes.

Notes
58.

D'après les auteurs, il en va de même pour l'ensemble des théories actuelles de la mémoire (p.7).