2.2.4.4011Les jugements globaux

Dans certains travaux, le sujet doit émettre une prédiction globale de sa performance – plutôt que des évaluations individuelles sur chaque élément à retenir – anticipant ainsi le processus de récupération future. Dans ce cas, les évaluations revêtent l'aspect de verbalisations données dans un format spécifique : celui de la variable dépendante de performance. Les échelles d'auto-efficacité développées par Bandura (1977, 1986, 1989) sont un exemple de prédiction de performance qui pourrait être utilisé pour la mémoire. Elles donnent deux indicateurs : la magnitude et la force. On propose plusieurs buts au sujet qui doit, pour chacun, dire s'il pense l'atteindre (oui/non) et indiquer son degré de confiance ou de certitude dans cette prévision. La magnitude est le nombre total de réponses positives pour l'ensemble des buts proposés et la force est la certitude moyenne. Cette méthode permet de saisir la variabilité individuelle dans le niveau d'efficacité et ne se limite pas à une simple mesure de prédiction (Bandura, 1989). Le plus souvent, les études qui conçoivent une prédiction globale de performance nécessitent que le sujet produise une estimation unique du niveau de performance qu'il pense pouvoir atteindre (Lachman, Steinberg, et Trotter, 1987 ; Rebok et Balcerak, 1989 ; Weed, Ryan et Day, 1990). On demandera par exemple au sujet de dire combien de mots il pense pouvoir rappeler appartenant à la liste qui lui a été présentée. L'exactitude de la métamémoire est ici évaluée par la différence entre la prédiction et la performance réelle. Cette mesure d'exactitude permet notamment d'évaluer l'existence de jugements optimistes (surestimations), pessimistes (sous-estimations) et justes. Il existe plusieurs indicateurs de l'exactitude de prédiction (Hasselhorn et Hager, 1989) :

  1. La différence « simple» entre prédiction et performance permet de distinguer la surestimation et la sous-estimation de la performance. Toutefois, en cas de moyennage des différences, les différences positives et négatives s'annulent, ce qui peut donner l'illusion d'une bonne capacité de prédiction au niveau du groupe alors que tel n'est pas le cas au niveau des individus.

  2. La différence absolue entre prédiction et performance permet mieux de saisir l'exactitude de la prédiction sans considérer le signe des écarts ; avec cette mesure, le même statut est attribué aux surestimations et aux sous-estimations ; on estime en fait l'intensité de l'erreur d'estimation, indépendamment de sa direction.

  3. L'écart d'exactitude relatif à la performance totale permet de clarifier la notion d'exactitude de prédiction : en effet, un écart identique entre prédiction et performance n'aura pas la même signification en terme d'exactitude selon le niveau de performance atteint. Un sujet qui surestime sa performance de 3 items n'est pas aussi exact dans sa prédiction s'il rappelle au total 4 items ou s'il en rappelle 12. Dans le premier cas, son inexactitude de prédiction représente 75% de sa performance alors que dans le second cas, son inexactitude en représente seulement 25%.

Lorsqu'il est question d'évaluer la relation entre la qualité de la métamémoire et la qualité de la mémoire, les mesures d'exactitude posent des difficultés. Les corrélations calculées entre les deux mesures sont particulièrement sensibles au fait qu'un des éléments (la performance) appartient aux deux variables et entraîne ainsi un risque de corrélation partie / tout. De plus, Hasselhorn et Hager ont démontré que la relation entre exactitude (mesurée par la différence simple « prédiction – performance» ) et performance dépend essentiellement de deux paramètres : la corrélation entre performance et prédiction et le rapport entre leurs variabilités respectives. Il existe des biais systématiques jouant sur le signe du coefficient de corrélation entre exactitude et performance76. L'analyse critique de la méthodologie permet de comprendre une partie du manque de cohérence dans le test de l'hypothèse de métamémoire, qui se trouve tantôt confirmée, tantôt réfutée (voir § 2.3.5.4).

Notes
76.

. Par exemple, utilisant la mesure d'exactitude la plus simple consistant à soustraire la performance de la prédiction [Prédiction – Performance], ils montrent que la corrélation entre exactitude et performance est systématiquement négative (donc que l'hypothèse de la métamémoire n'est pas falsifiable) si la corrélation entre prédiction et performance est inférieure ou égale à zéro ou encore si cette corrélation est positive et que le rapport des écart-types (σperf / σ pred) est supérieur à la corrélation. D'autre part, l'hypothèse est toujours réfutée (corrélation positive entre exactitude et performance) si les valeurs de performance varient moins que les valeurs de prédiction (σperf < σpred) et que le rapport des écart-types est inférieur à la corrélation entre prédiction et performance.