2.3.5.3011Les évaluations globales

Nous avons vu précédemment que les évaluations subjectives réalisées sur chaque élément d'une liste à apprendre (item par item) sont d'assez bons prédicteurs de la performance future, bien que leur validité puissent varier en fonction de certains facteurs. Il s'agit maintenant de considérer les estimations globales réalisées par les sujets. Dans ce cas, on demande simplement au sujet de prédire par exemple le nombre d'items qu'il se sent capable de rappeler ou de reconnaître correctement lors d'un test futur. Une évaluation similaire effectuée après la tâche (estimation du nombre d'éléments correctement rappelés ou reconnus) est nommée une postdiction. Dans les deux cas, la qualité de la métamémoire est estimée par l'écart entre l'évaluation et la performance réelle : plus l'écart est faible, meilleure est la métamémoire.

Les prédictions nécessite que le sujet prennent différents éléments en compte : la difficulté de la tâche, les conditions dans lesquelles elle est réalisée et l'éventuel effet des facteurs situationnels sur la performance, sa compétence personnelle et l'interaction entre sa compétence personnelle et les éléments situationnels. Le manque d'exactitude peut ainsi provenir d'un échec d'appréciation dans l'un de ces domaines.

D'après la littérature, les évaluations globales mesureraient plus l'auto-efficacité personnelle ou les théories naïves du sujet sur ses propres compétences (Bandura, 1989 ; Lachman, Steinberg et Trotter, 1987 ; Hertzog, Dixon et Hultsch, 1990) alors que les jugements item par item seraient basés sur une analyse (analytique ou implicite, voir § 2.3.5.2.2) des variables influençant la performance (Koriat, 1997). Les estimations globales sont plus hypothétiques que les estimations item/item et plus sensibles à l'effet des croyances et des stéréotypes sociaux. Cela s'explique en partie par le manque d'expérience et par le manque de données normatives sur la performance (quelle est la performance moyenne d'un sujet moyen dans cette tâche ?).

Une revue de littérature réalisée par Hertzog et Dixon (1994) synthétise les résultats des études utilisant cette forme de mesure de la métamémoire. Il s'avère que les sujets ne sont pas sensibles aux caractéristiques de la tâche dans leurs prédictions ; aussi, vont-ils par exemple se surestimer quand la tâche est difficile (e.g., rappel libre), se sous-estimer lorsque la tâche est facile (e.g., reconnaissance) et ne pas tenir compte des effets de différentes opérations d'encodage déterminantes pour l'efficacité mnésique. De plus, les jugements de prédiction sont fortement influencés par des heuristiques telles que la croyance qu'une performance moyenne correspond à la moitié de bonnes réponses ; ce biais se manifestera d'autant plus que la situation est peu familière et que le sujet ne possède pas d'expérience spécifique avec la tâche de mémoire qu'il doit résoudre (ce qui est le cas en laboratoire). Ce type d'évaluation présente donc une limitation méthodologique importante : si les sujets se basent sur une telle heuristique et que, par les hasards de la procédure expérimentale, leur performance s'approche de la moitié du nombre total d'items à mémoriser, on sera tenté de conclure, trop rapidement, que leur perception métamnésique est juste.

Les jugements dits de postdiction (estimation globale du nombre d'items rappelés ou reconnus) sont plus conformes à la performance réelle, bien que sensibles également au type d'épreuve de mémoire (les sujets continuent à se sous-estimer dans les tâches de reconnaissance). Nous pouvons établir ici un parallèle avec les résultats mis à jour concernant les jugements item par item prospectifs (FOK, JOL) et rétrospectifs (certitude). A l'issue d'un test, le sujet est plus apte à évaluer objectivement la qualité de sa performance, probablement parce que le jugement émis et le processus mnésique reposent sur des bases informationnelles similaires. De même, des prédictions réalisées après une simple description de la tâche sont moins objectives que des prédictions réalisées entre la phase d'encodage et le test de mémoire. Soulignons donc l'importance de l'expérience et de la familiarisation du sujet avec le matériel et les conditions expérimentales sur l'exactitude des jugements.