3.1.2011Considérer la métamémoire comme une forme de connaissance

La problématique de la métacognition, cognition de la cognition, implique l'existence d'une catégorie particulière de connaissances, celles qui portent sur les mécanismes et les contenus mentaux. En principe, cette forme de connaissance devrait s'apparenter à n'importe quelle autre forme de connaissance. Aussi, les lois qui régissent la cognition devraient également s'appliquer à la connaissance de la connaissance.

Par exemple, il a été démontré que le sujet n'accède pas consciemment à toutes les opérations cognitives qu'il met en oeuvre et, en conséquence, que les verbalisations ne peuvent pas toujours être considérées comme des données fiables pour le chercheur (Ericsson et Simon, 1980). Il en est probablement de même pour les verbalisations portant sur le fonctionnement de la mémoire. L'étude de Andreassen et Waters (1989) montre effectivement que la connaissance de l'utilité d'une stratégie de mémoire est corrélée avec la performance chez les enfants de 6 ans à condition qu'ils soient interrogés après une tâche nécessitant spécifiquement la mise en oeuvre de cette stratégie.

De même, l'étude des jugements démontre l'existence d'un ensemble de biais qui déterminent les réponses subjectives indépendamment du contrôle intentionnel (Khaneman et al. (1982). Il pourrait en être de même pour les jugements de métamémoire, notamment dans les situations d'incertitude, de manque d'expérience et de méconnaissance des opérations mnésiques à évaluer. Les recherches qui tentent actuellement de déterminer les bases des jugements de métamémoire (e.g., le sentiment de savoir) dévoilent en effet l'intervention d'inférences inconscientes et rejettent l'idée d'un mécanisme d'accès partiel à la trace stockée en mémoire (Koriat, 1994 ; Reder et Ritter, 1992).

Enfin, l'analyse de la mémoire sémantique nous indique que certaines connaissances sont socialement partagées alors que d'autres sont personnalisées : il existe des associations entre concepts identiques chez les sujets d'un même groupe et des associations liées à l'expérience individuelle. En est-il de même pour la connaissance de la mémoire ? (voir par exemple les normes d'associations entre concepts, les gradients de prototypes, Cordier, 1980 ; voir aussi Brewer, 1988b pour la notion de mémoire sémantique individuelle).

L'étude des connaissances et croyances – forme particulière de connaissance – des individus sur le fonctionnement de la mémoire devient un objet de recherche à part entière. Dès lors, il est particulièrement pertinent de comparer ce type de connaissance avec la réalité des phénomènes telle qu'elle est objectivée par la recherche scientifique. Nous sommes dans une problématique similaire à celle qui consiste à analyser la construction et l'articulation des théories naïves sur les lois de la physique, de la chimie ou encore de l'économie (Albertini, 1997 ; Norman, 1983).