3.3.1011Laboratoire et vie quotidienne : quelle est la différence ?

Il existe plusieurs évidences suggérant des différences fondamentales entre les opérations mentales mises en jeu dans une expérience de laboratoire et dans les contextes naturels. Par exemple, Ceci et Bronfenbrenner (1985) ont mis en évidence des différences considérables dans les comportements de surveillance de l'heure (test-wait-test-exit) entre une tâche de mémoire prospective réalisée dans un laboratoire de recherche et cette même tâche réalisée dans l'environnement naturel des sujets ; en particulier, le processus de surveillance est beaucoup plus apparent dans le second cas. De même, Istomina (1982) montre que les enfants de 5 ans réussissent mieux une tâche de mémorisation intentionnelle lorsque cette dernière est intégrée dans une situation significative pour eux (faire des courses dans un magasin) plutôt que présentée de manière classique (tâche de laboratoire).

Les différences fondamentales entre les deux types de contextes se situent à plusieurs niveaux :

  • les tâches de mémoire demandées et les matériels à mémoriser sont difficilement comparables : nature et complexité du matériel, nombre d'éléments à retenir et relations entre ces éléments, situations d'encodage (délais, modalité...) et de récupération (indices...).

  • les objectifs sont différents et impliquent une motivation différente : implication personnelle pour atteindre l'objectif, conséquences de la qualité de la performance, importance accordée à la réussite...

  • le cadre du laboratoire exerce des effets spécifiques sur le comportement : génération d'anxiété, désirabilité sociale, consignes contraignantes, sentiment d'être évalué et jugé...

  • les situations écologiques exercent des effets spécifiques sur le comportement : variabilité des stratégies, possibilité de contrôle individuel sur les réponses, familiarité...

Au final, le point essentiel de divergence semble se situer au niveau de l'implication de l'individu dans les tâches de mémoire qu'il doit réaliser. De ce fait, la conception écologique de la mémoire est amenée à considérer le sujet dans son intégralité lorsqu'il doit répondre à une exigence mnémonique dans une situation quotidienne. Cela nécessite notamment d'examiner les rapports entre la performance mnésique, le contrôle et la régulation comportementale et les facteurs conatifs associés à la réalisation des tâches (motivation et affects). Les recherches sur le construct de métamémoire ont particulièrement insisté sur la nécessité d'intégrer les facteurs conatifs dans leurs modèles (Cavanaugh, 1989 ; Hertzog et al., 1987 ; Lafortune et Saint Pierre, 1998 ; Noël, 1997 ; Poissant, Stephenson et Dade, 1999). En effet, la motivation, l'affect et la personnalité sont fortement impliqués dans les processus d'auto-évaluation, de décision et de régulation des actions. De la même manière, en situation naturelle, le sujet est constamment amené à évaluer sa performance (en termes qualitatifs) en la comparant aux objectifs qu'il se fixe et à l'expliquer en déterminant les causes possibles de ses succès et de ses échecs (Weiner, 1985). La nature de l'attribution causale déterminera en retour ses émotions et ses conduites futures (motivation, décisions).