4.2.2.2011Spécificité des personnes âgées

Cette investigation, préalablement conçue pour s'adresser à des sujets de tout âge, nous a permis de constater avec étonnement que les personnes âgées ont d'énormes difficultés pour comprendre les consignes de réponse telles que faire des associations libres sur le mot « mémoire» ou s'évaluer sur une échelle en 10 points. Ce problème spécifique peut provenir du manque d'habitude de répondre à de telles enquêtes ou encore d'une spécificité des résidents en institutions médicalisées.

Mais le problème majeur du questionnaire découle de la perception du changement lié au vieillissement dans les capacités cognitives et plus généralement dans les activités, intérêts et motivations. En effet, surtout à propos des auto-évaluations, certaines personnes âgées ont été amenées spontanément à comparer leur performance actuelle avec leur performance passée ou à procéder à des auto-évaluations différentes selon que le contenu à mémoriser appartient au présent ou au passé. Par exemple, dans le cas de la mémorisation des paroles de chansons, il est apparu important de différencier la mémoire des chansons apprises dans la jeunesse de l'apprentissage de nouvelles paroles ou de nouveaux airs. De même en ce qui concerne la mémoire des personnes célèbres, il semble important de différencier les personnes qui appartiennent à leur passé (célèbres à une époque antérieure) des vedettes et célébrités actuelles... Il semble donc utile d'intégrer cette dimension de changement de la faculté mnésique lié au vieillissement dans les questionnaires d'auto-évaluation, comme l'ont déjà fait certains (Dixon et Hultsch, 1983, 1984 ; Fort, 1998 ; Herrmann et Neisser, 1978 ; Perlmutter, 1978 ; Zelinski, Gilewski et Thompson, 1980). Deux exemples de tels questionnaires apparaissent en annexe 2.1 : le Memory Functioning Questionnaire de Zelinski et al. (1980) et le Metamemory In Adulthood de Dixon et Hultsch (1983, 1984).

De cette observation, ressortent au moins deux éléments de réflexion d'importance pour notre problématique :

  1. Les personnes âgées sont conscientes de la détérioration, liée au vieillissement, de la capacité à apprendre de nouvelles informations. Il a en effet été démontré que la mémoire des événements très anciens est conservée dans le vieillissement normal et que les défaillances apparaissent principalement pour les nouveaux apprentissages. Nous pouvons donc dire que les personnes âgées possèdent une connaissance objective du fonctionnement de leur mémoire. Par contre, des analyses plus poussées devraient éclaircir cette conclusion en détaillant ce qui relèvent de la connaissance et ce qui relève de la croyance ou de la plainte mnésique subjective plutôt liée à des facteurs affectifs (Derouesné et al., 1989 ; Broadbent et al., 1982 ; Lieury et al., 1994).

  2. Il est difficile d'utiliser les mêmes outils d'auto-évaluation pour des populations d'âges distincts. L'expérience acquise au fil du temps rend en effet le processus d’auto-évaluation plus délicat et moins tranché. La solution consiste à concevoir des questionnaires adaptés aux personnes âgées qui prennent en compte la dimension particulière de perception du changement du fonctionnement mnésique avec le temps. Les analyses de la partie « auto-évaluation» de notre propre questionnaire se trouveront affaiblies par cette lacune. Cependant la connaissance des effets du vieillissement sur la mémoire est aussi abordée dans les questions ouvertes.