4.5.2011Typologie des situations

Nous pouvons identifier plusieurs classes de situations (tâches et matériels) en fonction des valeurs moyennes et des écart-types. Certaines d'entre elles sont jugées bien au-delà de la moyenne générale (5,88) qui peut être considérée comme une valeur théorique. Les tâches correspondantes peuvent être décrites comme « faciles» dans la mesure où la majorité des sujets est d'accord pour dire que sa performance est bonne. Ces évaluations-là pourraient servir « d'items de mensonge» dans un questionnaire d'auto-évaluation. D'autres réponses, au contraire, sont nettement inférieures à la moyenne et reflète une difficulté accrue des tâches correspondantes. Ainsi avons-nous positionné les évaluations sur un gradient de difficulté d'où nous tirerons quelques conclusions assez intéressantes (tableau IV.7 ci-après).

La difficulté devient plus grande quand les informations à mémoriser sont plus rares dans l'environnement du sujet. Outre l'aspect de fréquence, on trouve un effet d'intégration (unité et signification) et de personnalisation du matériel à mémoriser. Ainsi, parmi les tâches qui semblent un peu plus faciles que la moyenne se trouvent la mémorisation des symboles du code de la route, et la mémoire des actions à faire dans le futur (qui nécessitent un engagement personnel). Des résultats similaires ont été rapportés par Bennett-Levy et Powell (1980) pour des items concernant la mémoire des rendez-vous, des visages, des symboles routiers, avec des moyennes d'auto-évaluation significativement supérieures au point médian de leur échelle.

Tableau IV. 7 : Classification des questions d'auto-évaluation en fonction de la moyenne du groupe.
Etendue des
Moyennes
(écart-types)

Situations concernées

TYPOLOGIE
1,35 - 2,41
(1,87 - 2,46)
E4, E5 : N° tel rares et uniques
3,39 – 3,88
(2,04 – 2,49)
E15, E31 : noms sculpteurs et mémoire des lieux inconnus MANQUE DE FAMILIARITE
4,05 – 4,90
(2,25 – 2,54)
E8, E11, E14, E17, E28, E34, E18, E39 :Noms : rues, personnes peu connues, peintres, journalistes ; Lieux : association nom/lieu inconnu, reconnaissance de lieux inconnus ; Orientation temporelle : dates historiques ; Paroles des chansons

DIFFERENCES
INDIVIDUELLES
IMPORTANTES
5,05 – 5,82



(1,62-3,16)
EVAG1, EVAG2, E6, E12, E13, E16, E24, E25, E27, E30, E46, E40 :Evaluations générales
Chiffres
Noms propres de personnes célèbres : acteurs, chanteurs, politiques
Visages : association nom/visage personnes peu connues et célèbres
Lieux : association nom/lieu peu connu, mémoire des lieux peu connus, trajets après consultation d'un plan,
Airs des chansons


INFORMATIONS
PEU FREQUENTES

DIFF. IND.
ASSEZ GRANDES
6,08 – 6,86




(1,83-2,65)
E3, E7, E9, E21, E22, E1, E26, E33, E35, E45, E19, E36, E37, E38 :
Numéros de téléphone fréquents
Noms propres : villes, pays
Noms communs
Reconnaissance de visages de personnes peu connues et célèbres
Lieu : association nom/lieu connu, reconnaissance de lieux rares, mémoire du lieu où se trouve un objet, d'un trajet fait 1 fois
Orientation temporelle : dates personnelles
Contenu de films, romans et émissions T.V.



INFORMATIONS
VARIEES
MAIS FREQUENTES ET
FAMILIERES
7,04 – 7,22

(1,96-2,47)
E2, E42, E43, E44 :
Code de la route
Orientation temporelle : jour du mois
Mémoire prospective : rendez-vous et actions
INTEGRATION
SEMANTIQUE ET
INDIVIDUELLE
8,13 – 8,81


(1,27 – 2,00)
E10, E20, E23, E29, E32, E41 :Noms propres : personnes de l'entourage
Reconnaissance de visages : personnes de l'entourage
Association nom/visage : personnes de l'entourage
Lieux : mémoire et reconnaissance des lieux fréquentés souvent
Orientation temporelle : jour de la semaine

ENTOURAGE

ITEMS DE MENSONGE ?

De plus, on notera que la variation autour de la moyenne est d'autant plus grande que l'on se rapproche des tâches les moins faciles. Cela correspond à la réalité des faits dans le domaine de la performance. La probabilité de réussir une tâche de mémoire n'est plus dépendante du seul facteur de familiarité ou de facilité mais provient également de facteurs liés au sujet : aptitudes, intérêts, habitudes... Ainsi, les différences individuelles d'auto-évaluations semblent refléter les différences individuelles que l'on trouverait en mesurant réellement les performances des sujets : les tâches difficiles donnent lieu à plus de différences individuelles que les tâches faciles. Ce résultat plaide en faveur d'une certaine validité des rapports verbaux et montre que les personnes interrogées possèdent une certaine connaissance du fonctionnement et des déterminants de la mémoire humaine. Pour vérifier la relation présumée entre qualité perçue de la mémoire et variation interindividuelle des réponses, nous avons calculé le coefficient de corrélation entre la moyenne et l'écart-type des 48 évaluations. La relation trouvée est en effet négative et significative (r(46)=-.386, p<.01) : les évaluations pessimistes de la performance au niveau du groupe s'accompagnent d'un plus faible degré d'accord interindividuel alors que les évaluations optimistes se révèlent assez consensuelles.

La deuxième et la troisième catégories de situations recensées sur la base des auto-évaluations, outre le fait de présenter une plus grande variabilité, englobent des tâches que nous qualifierons de sémantiques. La plupart de ces tâches font référence à la mémoire d'informations de culture générale. Ainsi, une troisième dimension qui émerge du simple classement des évaluations selon leurs moyennes est celle des aspects sémantique / épisodique qui peut encore être superposée à la dichotomie intelligence / affect.

Une étude détaillée de certaines auto-évaluations nous permettra de préciser les connaissances que les gens possèdent sur le fonctionnement mnésique.