5.4.2011Relation entre performance et certitude : répartition des bonnes et mauvaises réponses

5.4.2.1011Effets de l'âge, des consignes et des types de rappel sur la discrimination

Le coefficient D a été soumis à une première analyse de variance (annexe 5.5) afin de déceler des différences entre les deux Groupes de sujets (Age), des évolutions liées aux Phases de l'expérience ou consignes d'encodage (incident, intentionnel et travail d'analyse), et des différences entre les deux types d'Epreuves (rappel libre ou rappel indicé)126.

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Figure 5. 9 : Indice de discrimination (D) en fonction de l'âge des sujets, des phases de l'expérience ou consignes (1 : incident, 2 : intentionnel, 3 : analyse) et du type d'épreuves de rappel (LI : rappel libre, IN : rappel indicé).

On obtient un effet de l'âge marginal (F(1,25)=3,48, p=.074) et des effets significatifs des facteurs Phase (F(2,50)=4,07, p=.023) et Rappel (F(1,25)=13,31, p=.001). Aucune interaction entre ces trois facteurs n'atteint le seuil de significativité de .05.

Ces résultats nous indiquent que les sujets jeunes ont tendance à avoir une meilleure capacité à discriminer les bonnes des mauvaises réponses (0,64 versus 0,47). Pour l'ensemble des sujets, le rappel libre donne lieu à une meilleure discrimination que le rappel indicé (0,66 versus 0,45) ainsi que les deux situations d'encodage intentionnel par rapport à la situation d'encodage incident (0,45 versus 0,61 versus 0,61; figure 5.9).

En considérant que D représente une mesure de l'adéquation entre performance et métamémoire, cette étude permet trois conclusions intéressantes :

  1. Relativement aux personnes âgées, les jeunes ont tendance à montrer une conscience plus cohérente de l'authenticité de leurs souvenirs. Le vieillissement aurait donc quelque répercussion sur la métamémoire, dans le sens où les personnes âgées semblent peiner pour déterminer si un élément est rappelé à tort ou à raison. Le déficit observé témoigne vraisemblablement d'une gêne dans l'activation volontaire des éléments relatifs au contexte d'apparition des mots. Dans l'évaluation de certitude sur les réponses fournies en rappel, il s'agit effectivement de pouvoir déterminer si les éléments sont apparus ou non dans un contexte spatio-temporel donné, ici, les différentes phases de lecture des paires de mots (encodage). Un manque de discrimination peut alors être apparenté à une amnésie de la source, c'est-à-dire à une incapacité à activer les éléments contextuels associés au matériel (Burke et Light, 1981). Toutefois, nos données ne permettent pas de dire si le déficit des personnes âgées se situe au cours de l'encodage ou au cours de la récupération du contexte.
    On admet généralement que les personnes âgées sont plus sensibles à l'amnésie de la source : quand elles rappellent une information, elles ne se souviennent pas aussi bien que les jeunes des circonstances et du moment exact de l'apprentissage (Guttentag et Hunt, 1988 ; Janowsky, Shimamura et Squire, 1989b ; McIntyre et Craik, 1987). Un tel déficit pourrait contribuer au déficit mnésique proprement dit, bien que certains pensent que le trouble de mémoire se situe à la fois au niveau du contenu et au niveau du contexte (Light, 1991). Il faut noter que le contexte d'apparition des événements pourrait être encodé selon un processus automatique (Hasher et Zacks, 1979). Serait-on alors confronté à un trouble relatif aux processus automatiques comme l'avaient déjà envisagé Delbecq-Derouesné et Beauvois (1989) alors qu'en général, la littérature sur le vieillissement envisagerait plutôt des déficits attentionnels (e.g., Hasher et Zacks, 1979, 1988) ? Quoi qu'il en soit, la difficulté de métamémoire rencontrée par les personnes âgées proviendrait en réalité d'une difficulté de mémoire.

  2. Dans les deux groupes de sujets, la tâche de rappel libre, où le sujet doit produire ses réponses sans aide, mène à une meilleure discrimination des réponses justes et fausses. Les mots ne viennent pas par hasard à l'esprit et font l'objet d'une recherche consciente ; il y a donc moins d'erreurs de rappel et moins de paires d'items incohérentes. En rappel indicé, le fait de procurer une aide peut être utile mais provoque facilement des associations d'idées et donc des erreurs plus nombreuses. Il est alors plus ardu de distinguer les bonnes des mauvaises associations. On peut également souligner que la tâche de rappel indicé permet une utilisation plus étendue des trois niveaux de certitude, ce qui contribue à l'augmentation des paires incongruentes et à la diminution du coefficient D. Inversement, on imagine assez bien qu'en rappel libre, le sujet donne une réponse principalement quand il est sûr de sa recherche, d'où une utilisation réduite des différents niveaux de certitude. Les réponses fournies en rappel libre sont le résultats de différents processus de contrôle et de décision mettant en jeu la connaissance du sujet sur son propre contenu mnésique. La procédure utilisée ici ne permet pas d'examiner ces processus.

  3. Dans les deux groupes d'âge, lorsque l'encodage est effectué volontairement (deux dernières conditions), les sujets parviennent mieux à distinguer les bonnes des mauvaises réponses. Une plus grande attention portée sur le matériel, un travail d'élaboration et la familiarisation avec la tâche pourraient être invoquées pour expliquer ce résultat. Au moment du rappel, le sujet est plus apte à juger de la pertinence de ses réponses car il a plus de facilité à activer des souvenirs épisodiques élaborés, comme si l'intention et la connaissance des matériels et tâches avaient renforcé les traces mnésiques.

Ces résultats doivent être interprétés avec précaution dans la mesure où la valeur du coefficient D est modérément corrélée avec la performance, c'est-à-dire le nombre de mots correctement rappelés (annexe 5.8 et figure 5.9). Les différences observées entre les groupes et les conditions pour les valeurs de D pourraient donc refléter les différences de performance127. En effet, comme le nombre de mots entre dans le calcul du coefficient D (plus précisément le nombre de paires de mots), on peut être face à une corrélation entre partie/tout. Ce problème typique des recherches sur les relations entre mémoire et métamémoire a été considéré par Hasselhorn et Hager (1989), notamment à propos des problèmes de prédiction de performance.

Nous soulignerons tout de même que l'analyse de variance ne reproduit pas les interactions entre facteurs révélées dans le cas de la performance (Age / Phase). De plus, cette corrélation indique que plus il y a de bonnes réponses, plus il y a de paires congruentes, donc de mots correctement évalués (e.g., des bonnes réponses classées dans la catégorie de forte certitude). Enfin, concernant le type de rappel, on observe, au moins pour le matériel sémantique, une relation inverse entre le rappel libre et le rappel indicé pour la performance d'une part (IN > LI) et la discrimination d'autre part (LI > IN). Ainsi, la valeur de discrimination ne reflète pas uniquement le niveau de performance. Ces résultats plaident en faveur d'une bonne connaissance du contenu mnésique, tout au moins d'une reconnaissance par les sujets des bonnes et des mauvaises réponses comme telles.

Notes
126.

La variable Test ou Type d'épreuve peut maintenant être insérée dans les analyses dans la mesure où la variable dépendante (D ou C) est identique en rappel libre et en rappel indicé.

127.

Les coefficients sont en effet plus élevés lorsqu'ils sont calculés sur l'ensemble des sujets que sur chaque groupe d'âge indépendamment. Dans ce cas, ils sont plus forts (mais non-significatifs) chez les personnes âgées dans les conditions de rappel libre (et pour le rappel indicé en situation d'encodage intentionnel) et plus forts chez les personnes jeunes dans les conditions de rappel indicé (encodage incident et travail d'analyse).