5.6011Étude des verbalisations en rappel indicé

Lors du rappel indicé, il arrive que les sujets ne parviennent pas à donner de réponses (justes ou fausses) malgré l'aide fournie par l'expérimentatrice. Cependant, ils font des commentaires sur les caractéristiques du mot recherché, en particulier sur le type de relation qui l'unissait à l'indice lors de la présentation. Ces verbalisations ont été « forcées» dans la troisième phase de l'expérience où le sujet devait noter le type de lien unissant les deux mots pendant l'encodage.

Les verbalisations spontanées restent trop rares pour que puissent être envisagées des analyses statistiques élaborées. On peut cependant souligner que les verbalisations dites « positives» , c'est-à-dire qui montrent que le sujet a accès à une partie de l'information sur la relation entre indice et cible, sont plus nombreuses que les verbalisations « négatives» , ou fausses intuitions, dans les deux groupes de sujets et pour chacune des trois tâches de rappel135 (annexe 5.11 et tableau V.13).

Tableau V. 13 : Répartition des verbalisations positives (accès partiel en mémoire) ou négatives (fausses intuitions) pour les deux groupes de sujets et les trois consignes d'encodage.
Encodage incident Encodage intentionnel Analyse des relations positives/
Positives Négatives Positives Négatives Positives Négatives total
Jeunes 7 4 17 8 70 35 94 / 141
Agés 16 6 21 8 83 21 120 / 155

Les personnes âgées émettent un plus grand nombre de verbalisations et le rapport positives / total est toujours plus grand que celui des jeunes (incident : .73 / .64, intentionnel : .72 / .68 et analyse : .80 / .67) ; elles accèdent donc à une partie de l'information. Ce résultat est concordant avec l'hypothèse d'un déficit de récupération - ou d'un déficit combiné d'encodage et de récupération - des informations et non pas d'un déficit « pur» d'encodage.

Il est important de différencier les commentaires des sujets en fonction du type de matériel. Si les sujets répondaient au hasard (en admettant qu'ils aient pris conscience dès la première phase de l'expérience de l'existence de trois catégories de stimuli), la proportion de verbalisations « positives» ou correctes vis-à-vis de l'indice serait de 1/3. Or, pour les deux groupes, les trois phases d'encodage, et les trois types de stimuli, cette proportion dépasse toujours 33% (proportions comprises entre .39 et 1 chez les sujets jeunes et entre .57 et .88 chez les sujets âgés, annexe 5.11). Ce raisonnement ne vaut que pour un très petit nombre de données et il est nécessaire de rester prudent. Toutefois, les verbalisations étant spontanées (au moins dans les deux premières phases), on conçoit qu'elles traduisent assez bien le sentiment des sujets, qui, s'ils n'avaient pas de conviction sur le type de relation, pouvaient choisir de ne rien dire du tout.

Là encore, la proportion correcte de verbalisations des sujets âgés est supérieure ou égale à celle des jeunes dans la plupart des cas de croisement entre condition d'encodage et type de matériel (sauf RS – incident et NR – intentionnel), ce qui confirme les données mentionnées précédemment sur les proportions globales de verbalisations.

Au cours du troisième rappel indicé, la relation entre indice et cible était systématiquement demandée au sujet. Dans cette situation, on s'aperçoit que le commentaire forcé donne lieu à une plus grande proportion de verbalisations positives chez les personnes âgées que chez les personnes jeunes, pour les trois types de paires de mots. Il est intéressant de noter que dans cette condition, les jeunes parviennent assez mal à admettre qu'une relation puisse être de nature phonétique (.39). Dans ce cas, ils tendent à considérer aussi souvent qu'indice et cible sont non-reliés que reliés phonétiquement. Cela pourrait provenir de la conscience qu'ils ont de leur bonne aptitude à reconstituer le type de paire de mots reliés phonétiquement. La stratégie adoptée est alors de dire que les deux mots n'étaient pas liés chaque fois que l'on ne parvient pas à activer une réponse adéquate. En ce sens, le fait de forcer la verbalisation n'est pas bénéfique aux personnes.

Notes
135.

On ne considère pas ici le type de stimulus.