5.8.1.2011Vieillissement et métamémoire

L'évaluation de la certitude associée (ou la confiance accordée) aux réponses fournies dans les tests de rappel procure une indication sur l'état de connaissance des sujets à propos du contenu de leur mémoire. Cette connaissance est mise en relation avec la performance grâce à deux indicateurs, qui nous permettent de juger la capacité à discriminer les bonnes réponses des mauvaises réponses (coefficient de discrimination) et la capacité à évaluer correctement la nature des réponses (indice de calibration individuelle).

Dans notre expérience, nous avons constaté que tous les sujets parviennent assez bien à juger la qualité des produits de leur processus de récupération. Cependant, nos données font état de différences provenant de l'âge des sujets, l'indice de calibration étant plus sensible à l'âge que le coefficient de discrimination.

Les personnes âgées auraient plus de difficultés que les jeunes pour déterminer si un élément rappelé a été réellement rencontré lors de l'encodage (s'il constitue une réponse juste ou fausse) et pour répartir objectivement leurs réponses dans des catégories de certitude. Leur problème pourrait se situer dans l'activation des éléments contextuels (absence de codage de ces éléments en mémoire ou difficulté d'accès) permettant de vérifier l'existence d'une trace en mémoire. La différence entre les deux groupes d'âge est observée dans toutes les conditions de l'expérience : en rappel libre et en rappel indicé, en situation d'encodage incident, d'encodage intentionnel et d'encodage avec analyse explicite de la nature du matériel. Ces différences pourraient également provenir d'une diminution de la confiance générale accordée à la mémoire par les personnes âgées. Les personnes âgées ne semblent pourtant pas systématiquement utiliser les niveaux de confiance plus faible pour les bonnes réponses. Elles ont plutôt tendance à placer leurs mauvaises réponses dans des catégories de fortes certitude (surestimation).

Concernant la discrimination et la calibration selon la nature du matériel (niveau de relation intra-paire), nous observons également des différences entre les deux groupes de sujets. Les jeunes parviennent mieux à évaluer l'authenticité de leur souvenir que les âgés pour les paires de mots peu structurées (non-reliés) et les paires de mots reliés phonétiquement. En situation d'encodage incident, les jeunes évaluent mieux leurs réponses face aux indices reliés (sémantiquement et phonétiquement) alors que chez les personnes âgées, il n'existe pas de différence entre les trois types de matériel. De plus, l'encodage intentionnel permet aux sujets jeunes d'améliorer leur discrimination entre bonnes et mauvaises réponses pour les mots non-reliés alors qu'il permet aux personnes âgées d'améliorer leur discrimination pour les mots sémantiquement reliés. La situation d'encodage avec analyse des stimuli n'apporte rien à l'évaluation des performances, et ce, pour les deux échantillons de sujets.

Nous proposons une explication à ces phénomènes en terme de distinctivité de la trace mnésique associée à un matériel « nouveau» , chez les sujets jeunes ; les éléments contextuels (contextes indépendant et interactif) encodés parallèlement au matériel permettraient aux sujets de discriminer les bonnes des mauvaises réponses. Quant aux personnes âgées, elles semblent avoir plus de difficultés à activer les éléments contextuels nécessaires à la production d'une évaluation de confiance objective. Par contre, si elles ont effectué un traitement élaboré sur le matériel, elles sont capables de procéder à cette forme d'évaluation objective de leurs réponses. Ainsi, l'orientation de l'attention vers un traitement sémantique élaboré permettrait, chez les personnes âgées, de renforcer les traces épisodiques. Dans ce cas, ce serait plutôt l'activation du contexte interactif qui servirait de base à la fois pour la performance et pour l'évaluation de certitude.

Sur l'ensemble de l'expérience (rappel indicé), nous avons trouvé des différences, entre sujets jeunes et âgés, dans la répartition de six formes de réponses pour les trois conditions d'encodage. Dans les trois cas, les sujets jeunes produisent un plus grand nombre de bonnes réponses que les sujets âgés, données déjà rapportées concernant la performance. Lorsque l'encodage est incident, les personnes âgées font plus de commentaires et produisent plus d'erreurs dites « positives» , c'est-à-dire traduisant à raison la nature du matériel. En cas d'encodage intentionnel, les personnes âgées font un plus grand nombre d'erreurs que les jeunes (positives et négatives). Lorsqu'on incite les sujets à procéder à une analyse du matériel au cours de l'encodage et qu'on force les verbalisations en rappel indicé, les personnes âgées s'abstiennent de réponse plus souvent que les jeunes (pas de risque ou ignorance réelle), qui augmentent leur taux de verbalisations négatives. Le fait de forcer les commentaires se révèle perturbateur pour les sujets jeunes.